• Aucun résultat trouvé

« ELITE DU PEUPLE »

A- L’ ENTREE DANS LA TRES HAUTE BOURGEOISIE

D’après Sylvain Turc, on peut penser qu’une certaine bourgeoisie aux intérêts communs, composée de négociants, rentiers, robins, professions libérales et intellectuels, dont sont issus Champollion et Stendhal, a su profiter des circonstances et constituer une société cohérente et permanente.

Cette bourgeoisie n’a jamais rompu complètement avec la noblesse et s’est essayée à la remplacer progressivement. Elle a l’ambition de participer, voire de diriger cette nouvelle société et pour cela l’argent et les conventions bourgeoises ne suffisent pas. Elle doit également avoir la possibilité d’imposer ses idées à l’opinion publique, et vise à une nouvelle

92D’après une formulation de Robert NYE : De l’honneur nobiliaire à l’honorabilité bourgeoise.

93 BMG O 2262 : Copie de quatre lettres adressées de Paris par le citoyen Camille Teisseire au citoyen Dumolard,

redistribution des fonctions et des honneurs. C’est pourquoi la bourgeoisie grenobloise se tourne dès 1789 vers de nouvelles fonctions sociales et de nouvelles places.

a- DE NOUVELLES RENCONTRES ET OPPORTUNITES GRACE A LA MUNICIPALITE

La municipalité apparaît comme un cercle de sociabilité important dans la ville moderne et contemporaine. Au sein du pouvoir local, noblesses, notables, bourgeoisies se mélangent et constituent pour Hyacinthe-Camille un riche carnet d’adresses dont il apprendra très vite à user durant les cinq années où il s’y investira. Le 29 janvier 1796 il dépose sa démission alors qu’il venait d’être nommé en 1795 administrateur de la commune. S’il se retire de la vie politique, les personnalités rencontrées feront pour certaines parties de son cercle d’influence durant toute sa vie.

A son entrée au conseil, il lie des liens avec le maire de la ville, Joseph-Marie de Barral. Leurs idéaux très proches du radicalisme les ont tous deux dotés d’une excellente réputation au sein des Grenoblois et les actions qu’ils mènent ensemble, notamment la participation dans la Société des amis de la Constitution ne fait que renforcer le statut de Hyacinthe-Camille Teisseire. En plus de ce noble « sans-culotte », Teisseire sait s’entourer d’individus de son rang et de sa prestance, partageant ses idées. Ce regroupement d’individus honorables crée encore une fois une émulation le portant vers le haut et participe à sa réputation déjà grande. Au vu des réformes que connaît le pouvoir local pendant la révolution, les individus qui se présentent au conseil municipal sont tous plus ou moins issus des mêmes milieux sociaux, l’artisanat, le commerce et pour certains le négoce. Pour la plupart la valeur de l’argent comme base de la reconnaissance sociale est primordiale mais non suffisante ; elle doit s’allier à une volonté de se battre avec ses moyens financiers et sa réputation, pour l’égalité de tous.

Ainsi Hyacinthe-Camille Teisseire se confronte à plusieurs grands individus de son temps, Prunelle Delière, Claude Perier ou encore Maurice Berthelon qui lui permettront de se construire et se réaliser et lui constitueront un réseau social riche. Mais, la rencontre la plus significative qu’il fera pendant ses années révolutionnaire n’a d’égal que son alliance avec Claude Perier et son entrée dans la famille la plus riche du Dauphiné alliée à la fois au négoce, à la banque et à la vie politique.

b- TEISSEIRE AU SEIN DE LA FAMILLE PERIER

Le mariage du jeune Teisseire et de la fille de Claude Perier fut célébré sous le signe des honneurs et permit à Hyacinthe-Camille, comme nous l’avons vu de rejoindre la très haute bourgeoisie.

La famille Perier, comme le démontre Pierre Barral a vu naître un nombre considérable d’hommes politiques et d’économistes qui ont quasiment tous réussi dans leur domaine. S’entraidant et s’associant les uns aux autres la famille Perier fonctionne comme un immense cercle de sociabilité dont les membres sont à la fois moteurs de la communauté et soutenus par elle. L’entrée de Teisseire dans cette famille est vue d’un œil plutôt favorable. Sa solide réputation suivie de son honorable statut de négociant est une pierre nouvelle apportée à l’édifice de la maison Perier. Les relations de confiance voient le jour très rapidement et sont réciproques. Ainsi, Hyacinthe-Camille apprend de sa belle-famille les rouages entre la banque et le négoce, liens que ces derniers maîtrisent avec panache. De plus, ce mariage lui offre l’opportunité d’agrandir son réseau d’influences et de multiplier les relations de son rang avec lesquelles il pourra potentiellement composer.

Mais si Hyacinthe-Camille apprend beaucoup de sa belle-famille, sa reconnaissance lui vient tout d’abord de son propre parcours et de celui de ses aïeux. Si le grenoblois sait s’entourer de personnages influents il est d’abord et avant tout, au sein de sa ville, une personnalité locale et un grand bourgeois

c- LA CONSIDERATION EN TANT QUE NOTABLE PROCHE DU PEUPLE

Ainsi, à la fin de la révolution, la réputation de Hyacinthe-Camille Teisseire n’est plus à faire et ce dernier a su s’inscrire dans les hautes sphères des pouvoirs économiques et politiques. Par sa double activité, homme politique et négociant, Hyacinthe-Camille Teisseire s'est imposé sur la région grenobloise. Son entreprise familiale, source initiale de revenus lui confère un statut d’artisan encore critiqué mais sa deuxième activité parvient à redorer le blason, et plus encore à donner au premier statut une qualité honorable. En effet, la conservation de la fabrique malgré d’autres activités est un choix estimable qui s’attache aux valeurs de la révolution. Hyacinthe-Camille ne délaisse pas l’héritage de son grand père qui

lui a permis cette ascension et l’enrichissement par le travail acharné qui est à la base du concept d’égalité des chances.

Ainsi, par son implication dans la vie municipale, l’homme politique et négociant peut défendre ses idéaux. Hyacinthe-Camille Teisseire apparaît donc par ses combats et ses revenus un grand notable au sein de sa ville, mais un notable proche du peuple qui n’a pas renié ses origines premières malgré son enrichissement et son action est louable.

Mais si Hyacinthe-Camille peut se vanter de cette double notoriété, l’homme aisé, et le défenseur des droits de l’homme, c’est aussi parce que son patrimoine grandit d’une façon très importante à la fin du XVIIIe siècle, ce qui lui confère reconnaissance du peuple et reconnaissance des grands de la ville.