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L’enregistrement des données

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 150-153)

La constitution du corpus : du recueil à la diffusion des données

3.2 Recueil des données

3.2.1 L’enregistrement des données

Notre collecte des données passe par l’enregistrement de situations naturelles, il s’agit d’une étape importante dans la constitution du corpus qui amène le chercheur à faire des choix mesurés.

3.2.1.1 Le dispositif d’enregistrement

L’enregistrement des données a eu lieu lors de séances de DVP filmées sans interruption. Nous (les membres du projet Corpus-Philo) avons fait le choix de constituer un corpus de DVP rassemblant des données audio-visuelles car l’enregistrement vidéo favorise le croisement des analyses et des regards, incluant notamment les analyses multimodales. Par ailleurs, selon nous, la vidéo constitue un apport important à l’analyse puisqu’elle nous renseigne sur le contexte physique de l’interaction et permet ainsi de percevoir la réalité de la situation discursive. Nous avons, cependant, remarqué que les participants adolescents étaient sensibles à ce dispositif, voire réticents ; certains préféraient ne pas s’exposer à la caméra en se cachant derrière un objet (sac, etc.). Nous verrons de quelle manière nous (les membres du projet Corpus-Philo) avons essayé de remédier à ce problème en limitant le caractère intrusif de l’enregistrement vidéo.

Au fil du recueil des données, nous (les membres du projet Corpus-Philo) avons été confrontées à des questionnements quant à l’optimisation de la qualité des enregistrements.

Or, il s’est avéré que le fait de disposer d’une seule caméra avec une prise de son intégrée aller engendrer des difficultés pour réaliser des analyses multimodales ou prosodiques fines.

En effet, cela limite, de fait, les possibilités d’amélioration des enregistrements. Ainsi, seulement deux choix s’offraient à nous (les membres du projet Corpus-Philo) : soit nous options pour une caméra mobile (caméra au poing) se déplaçant au fil des prises de parole des différents participants ; soit nous préférions une caméra fixe, c’est-à-dire une caméra avec un pied limitant ainsi les mouvements, en essayant de trouver un positionnement et un angle de vue satisfaisant. Après quelques essais, nous (les membres du projet Corpus-Philo) avons privilégié la mise en place d’une caméra fixe car la caméra au poing demande de l’entraînement afin d’acquérir une bonne maîtrise technique. En effet, se déplacer avec la

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caméra provoque des problèmes de stabilité perturbant la prise de vue, que ce soit des tremblements ou des travellings (mouvements de caméra) non maîtrisés ayant un impact sur la mise au point de la caméra. Au vu du nombre important de participants à la DVP et du changement fréquent de locuteur, cette méthode de prise de vue est particulièrement difficile à mettre en place.

Le choix d’une caméra fixe apporte aussi son lot d’inconvénients mais assure tout de même une meilleure qualité d’image. D’abord, il s’agit de choisir le placement de la caméra et de définir un cadre permettant d’avoir un plan d’ensemble satisfaisant. Ensuite, lors de chaque prise de parole, la caméra peut se centrer sur le locuteur grâce à de légers mouvements horizontaux et verticaux, qui n’altèrent pas (ou peu) la qualité de l’image, et à l’utilisation du zoom. Toutefois, la caméra limite inévitablement les angles de vue ; seul un dispositif d’enregistrement plus lourd avec plusieurs caméras permettrait d’éviter les angles morts.

Ainsi, la caméra étant placée à l’extérieur du cercle de parole, certains participants sont filmés de dos, d’autres sont en partie cachés par un camarade. Cela limite donc l’accès aux détails multimodaux, tels que les regards et les expressions du visage. Par ailleurs, le nombre important de participants oblige à en placer certains hors champ lorsque la caméra se centre sur un locuteur.

De même, le fait d’avoir un seul micro intégré à la caméra n’est pas sans poser de problème. Bien que la prise de son suive l’orientation de la caméra et se dirige donc en direction du locuteur, ce dernier peut être plus ou moins éloigné du micro et donc plus ou moins audible. De plus, les participants les plus proches de la caméra peuvent produire des interférences (bavardages, gigotements, etc.) nuisant à l’enregistrement sonore du locuteur.

Lors du choix du dispositif d’enregistrement, le chercheur doit aussi prendre en compte l’aspect intrusif de celui-ci. En effet, la multiplication des micros et des caméras alourdit le dispositif et risque d’avoir des répercussions sur le comportement des participants. Ainsi, le choix d’une seule caméra fixe de petite taille permet de limiter les intrusions grâce à un dispositif d’enregistrement discret.

« Souvent, la miniaturisation des dispositifs permet de les installer d’une manière qui, sans du tout les dissimuler, en fait rapidement des éléments intégrés dans le décor » (Baude et al., 2006 : 68).

Quoi qu’il en soit, lorsque le recueil de données est effectué en situation naturelle, le chercheur n’est pas en mesure de choisir le lieu d’enregistrement ce qui l’expose à des pertes de qualité d’images (niveau de luminosité, contre-jour, etc.) et de qualité sonore dues à des

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interférences diverses provenant de l’environnement extérieur, que le chercheur ne peut pas maîtriser.

3.2.1.2 Le rôle du chercheur-observateur

Les données ont été recueillies par les chercheurs participant aux projets.89 Le fait de recueillir lui-même les données permet au chercheur de s’immerger dans le contexte du terrain de recherche et facilite ainsi les étapes suivantes de transcription et d’analyse des données. Dans une perspective interactionniste, cette immersion nous paraît nécessaire et, même si elle n’est pas systématique, le fait de participer en partie au recueil des données permet d’avoir un champ d’observation suffisamment large (Watzlawick et al., 1967/1972 : 15) afin de prendre la mesure du terrain et de ses enjeux : « avoir vu les mouvements et les actions est le plus souvent indispensable pour la compréhension du corpus » (Traverso, 1999 : 23).

L’enregistrement et la transcription de l’interaction permettent ensuite au chercheur de prendre du recul vis-à-vis des données, d’en percevoir les différents aspects et dimensions, à travers une étude attentive. Au cours de cette étude, le chercheur peut se concentrer sur des aspects particuliers, réécouter et revoir une séquence, tout en ayant à l’esprit l’ensemble du contexte de production, afin de comprendre les soubassements de l’interaction :

« L’analyste peut se trouver dans l’incapacité de comprendre correctement ce qui se passe dans l’interaction. Il est donc injustifié [...] de se priver délibérément de ces informations à partir du moment où les participants à l’interaction, eux, en disposent et sont susceptibles de les mobiliser pour produire et interpréter les énoncés qu’ils échangent » (Kerbrat-Orecchioni, 2005 : 88).

Toutefois, le problème se pose alors de savoir comment éviter d’introduire un biais dans le recueil des données naturelles. W. Labov a introduit ce paradoxe selon lequel « To obtain the data most important for linguistic theory, we have to observe how people speak when they are not being observed » (Labov, 1973 : 113). Ainsi, le rôle du chercheur-observateur est expliqué aux participants lors de la première séance filmée. Le chercheur se positionne comme un observateur extérieur et n’entre donc pas dans une observation participante puisqu’il ne prend pas part à l’activité au même titre que les acteurs (Soulé, 2007 : 128). Le chercheur se place hors du cercle de parole dans l’optique de « minimiser les effets produits

89 Trois chercheurs des projets ont participé au recueil des données. Chaque séance a été enregistrée par un seul chercheur (parfois deux au commencement du recueil dans le cadre du projet Corpus-Philo) afin de répartir la charge de travail et afin de ne pas alourdir l’intrusion liée au dispositif d’enregistrement. Pour notre part, nous avons participé au recueil lors de la phase 3, avec la deuxième doctorante du projet Corpus-Philo, en nous rendant plusieurs fois par semaine au collège de Gerzat pendant l’année 2011/2012.

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par les dispositifs d’enregistrement » (Baude et al., 2006 : 59) et ne participe pas à l’interaction90. De plus, le chercheur est présent de façon régulière durant les séances de DVP, même si toutes les séances enregistrées ne sont pas ensuite retenues dans la constitution du corpus Philosophèmes (cf. 3.3) ; l’objectif étant que les participants s’habituent à sa présence au fil des séances et finissent par ne plus prêter attention à lui. En effet, le fait de pratiquer des enregistrements répétés « permet de résoudre le problème de la sensibilité au micro. Mais cela demande qu’on y consacre beaucoup de temps pendant la phase de recueil des données » (Baude et al., 2006 : 35). En ce qui concerne les phases 1 et 291 du recueil de données, ce protocole n’a pas pu être mis en place au vu du manque de moyens humains pour la constitution du corpus ; dans chaque classe de primaire (phase 1), les enregistrements ont eu lieu uniquement lors de trois séances de DVP (chaque enregistrement faisant partie du corpus) ; de même lors de la phase 2 où l’enregistrement a eu lieu lors d’une seule séance de DVP, dans deux classes.

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