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Chapitre 3 Deuxième article

4.6 L’effet des IVIG sur la reconstitution immunitaire

Lors des années 1990, alors que régnait un doute quant à l’efficacité réelle des IVIG pour la réduction de la GvHD, on suggérait également que les IVIG pouvaient avoir un effet indésirable sur la qualité de la reconstitution immunitaire post-HSCT (243), notamment au niveau de la restriction de la différenciation lymphocytaire B (286). Ainsi, l’absence d’efficacité démontrée pour la prévention de la GvHD, jumelée à une crainte d’atteinte à la reconstitution immunitaire, en plus de la preuve de l’augmentation du risque de développer d’autres complications (131), se sont soldées en la discontinuation de l’usage des IVIG dans le protocole clinique post-HSCT. Personne n’a toutefois déterminé si les IVIG affectaient réellement la qualité et la rapidité de la reconstitution immunitaire, ce qui a été fait dans le cadre de ce projet de recherche, en utilisant un modèle murin humanisé. Brièvement, les souris NSG irradiées de façon sub-létale reçoivent une injection de 105 cellules

souches hématopoïétiques CD34+ provenant de sang de cordon ombilical par la voie intraveineuse.

Suite à la différentiation des cellules souches injectées, ces souris développent un système immunitaire humain. On a démontré que le traitement hebdomadaire aux IVIG entraîne une réduction transitoire de la différenciation des lymphocytes B (Figure 2.9.6, p.75), sans toutefois affecter la thymopoïèse (Figure 2.9.7, p.76).

Ces résultats proviennent toutefois d’un modèle murin d’humanisation, qui n’est pas complètement fidèle à la reconstitution immunitaire humaine post-HSCT. Chez les patients greffés, les neutrophiles et les monocytes/macrophages sont les premières populations cellulaires à être reconstituées, de pair avec les cellules NK, normalement lors du premier mois post-HSCT (287). Les cellules NK atteignent leurs niveaux normaux et expriment un répertoire KIR représentatif du donneur habituellement après une période de six mois (80, 288). Les lymphocytes T dominent rapidement le répertoire immunologique post-HSCT : les lymphocytes T CD8+ sont habituellement reconstitués dans les premiers trois mois, et

retrouvent leurs niveaux normaux avant la fin de la première année post-greffe, alors que les lymphocytes T CD4+ mettent plusieurs années à se reconstituer (287). Finalement, les lymphocytes B

sont habituellement complètement absents durant les premiers mois post-greffe et atteignent leurs niveaux normaux après un an (80, 287, 288).

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Dans notre modèle murin humanisé, les monocytes et les cellules NK sont détectés dans le sang périphérique dès trois semaines post-HCST (Figure 2.9.6, p.75). Bien que le modèle utilisé dans ce projet ne soit pas optimal pour le développement des lignées cellulaires myéloïdes, notamment les granulocytes (88, 289-292), on décèle des cellules myéloïdes dès six semaines post-HSCT dans la rate et la moelle osseuse (résultats non-publiés). Les lymphocytes B sont ensuite détectés après un mois dans le sang périphérique (Figure 2.9.6, p.75), et finalement, on détecte les lymphocytes T au bout d’environ trois mois (Figure 2.9.6, p.75).

On remarque donc une différence majeure dans la reconstitution des répertoires de lymphocytes B et T entre les patients de HSCT et notre modèle murin humanisé. Alors que les lymphocytes T dominent rapidement le répertoire immunologique chez les patients et que les lymphocytes B se manifestent en dernier lieu, c’est tout le contraire qui se produit dans notre modèle murin humanisé. De plus, il faut attendre plus de 22 semaines post-HSCT avant que les lymphocytes T soient plus nombreux que les lymphocytes B dans les souris (Figure 2.9.6, p.75) et ainsi refléter les proportions attendues qui sont observées chez les patients (288).

En outre, notre étude n’a fait que regarder le développement et l’apparition des différentes populations cellulaires dans le sang périphérique des souris, sans jamais tester leur fonctionnalité. Ainsi, il est possible que les cellules puissent se différencier, mais sans toutefois être fonctionnelles. On rapportait cependant à l’époque que les lymphocytes B issus de ce modèle pouvaient produire des anticorps suite à la stimulation par antigènes (293).

Bien qu’à l’époque de ces expériences, il s’agissait du meilleur modèle disponible pour étudier le développement du système immunitaire, on sait aujourd’hui que plusieurs sous-populations humaines ne survivent pas ou ne sont pas fonctionnelles dans les modèles murins humanisés (291, 294). De plus, on sait également aujourd’hui que l’administration d’IVIG mène à l’anergie des lymphocytes B, qui est causée par l’inhibition de l’expression des CD40, CD80 et CD86 à la surface de ces cellules, et de l’expression de plusieurs gènes responsables du contrôle de la prolifération lymphoïde (myc, p53, fas, sp1, egr1) (295). Ceci suggère fortement que le mécanisme d’action des IVIG ne soit pas simplement un effet passif (295), mais qu’il puisse effectivement altérer les cellules, ce qui explique que leurs effets dépassent la durée de la demie-vie (136).

Cependant, tant qu’il n’existera pas de modèles murins humanisés robustes permettant de tester la fonctionnalité des cellules issues de la reconstitution immunitaire, il sera plutôt difficile de déterminer avec certitude si les IVIG affectent la qualité de la reconstitution immunitaire post-HSCT. Certains

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portent toutefois espoir qu’un tel modèle puisse bientôt voir le jour (296). Ainsi, bien que le modèle utilisé démontre que les lymphocytes B sont présents chez les souris traitées avec IVIG en nombre équivalent au groupe contrôle, leur fonctionnalité n’a pas été testée, si bien qu’il est possible que les IVIG causent l’anergie des lymphocytes B, les empêchant ainsi d’être fonctionnelles post-traitement. Évidemment, le silence fonctionnel de lymphocytes B se traduit par un défaut de l’immunité humorale, ce qui peut être corrigé par l’administration d’IVIG, lesquelles contiennent une multitude d’anticorps, permettant ainsi de fournir passivement une immunité humorale. L’administration d’IVIG post-HSCT ne porterait donc probablement pas directement atteinte au patient, mais il ne s’agit certainement pas d’un usage efficace des IVIG.