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L E S CORTÈGES DU TIR FÉDÉRAL DE 1934

Dans le document FRIBOURG mmmJà SOIXANTE-HUITIEME ANNEE (Page 135-147)

Dans ces journées splendides du Tir fédéral, tout devait saisir le cœur et captiver les yeux. Qu'il fût tireur ou voulût simplement retremper son patriotisme dans un grand enthousiasme collectif, le Suisse venu à Fribourg savait qu'il y verrait, dans un cadre incomparable de vieux édifices et de verdures, le drapeau acclamé par des foules vibrantes.

Nous croyons, pourtant, que c'est à l'heure où défilaient dans la ville au riche pavoisement les grands cortèges attendus, que ce salut d'un peuple unanime à sa patrie, trouvait son plus pur accent. Les cortèges ! Il y en eut chaque jour ou presque, car les tireurs de toute la Suisse tinrent, avant de gagner la place de Givisiez où crépitait la fusillade, à traverser en triomphe la ville aux accords des fanfares. Us souhaitaient prendre un premier contact avec la cité deve-nue pour un temps — on l'a si bien dit — « la capitale morale de la Suisse », et, au cœur de ce vieux Fribourg aux glorieuses annales, se recueillir sur cette place de l'Hôtel-de-Ville, où, à l'ombre du Tilleul de Morat, il fait si bon entendre la leçon du Passé. Un programme auquel, pour ainsi dire, on ne dérogea point, voulait, en effet, que les cortèges s'arrêtassent en ce lieu et que l'on y entendît des orateurs de choix disant le sens profond de la fête et la confiance du pays en son Destin. Que de discours, ici, re-muèrent les cœurs ! Discours « de Tir fédéral », c'est vrai, mais toute ironie, alors, s'émoussait et n'était plus que jeu d'esprit futile, en désaccord avec la gravité du moment.

Touchés par la magie du lieu et la pensée des dangers pos-sibles, tous les orateurs savaient, sans effets oratoires faciles, dire, et bien dire, ce que pensait la foule. Et la foule applau-dissait, moins la cadence des' phrases et leurs mots choisis, que les fortes pensées cachées sous le voile des mots.

ils mériteraient tous une mention. Mais ils furent si nom-breux ! Nous nous bornerons donc à rappeler, en peu de mots, le souvenir de trois cortèges particulièrement bril-lants et suggestifs et dont le souvenir ne se séparera jamais du souvenir inoubliable du Tir fédéral de Fribourg en 1934.

Photo. P. Macherel, Fribourg.

Défilé des Grenadiers tessinois, dans les rues de Fribourg, le jour de l'arrivée de la bannière fédérale, le 21 juillet 1934.

Le samedi 21 juillet, premier jour du Tir, Fribourg accueil-lit la bannière fédérale confiée, depuis le Tir de Bellinzone, à la garde des carabiniers du Tessin. A dire vrai, ce furent deux bannières "que Fribourg accueillit, car la nouvelle, offerte par les Dames tessinoises, allait, après la cérémonie de son baptême sur la place de l'Hôtel-de-Ville. remplacer l'ancienne datant de 1857.

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Cette arrivée de la bannière, chargée d'ans et de gloire

«ut, malgré le temps maussade, l'ampleur d'une fête inau-gurale. Le cortège qui suivit le salut solennel, face à la foule, sur la place de la gare, révéla, d'emblée, le faste

•dont seraient entourés les grands cortèges du Tir. On vit

Photo. P. Macherel, Fribourg.

Sur le perron de l'Hôtel-de-Ville, à Fribourg:

Remise de la nouvelle bannière fédérale à la Société suisse des carabiniers.

défiler les Grenadiers bleus pleins de prestige, pour qui le Tir devait être un service permanent, La Concordja, appelée, comme La Landwehr, à être à tout instant sur la brèche, de jolis enfants tessinois, les Demoiselles d'Hon-neur, elles aussi conviées, durant trois semaines, à assurer tm service de garde et dont le sourire et la grâce seraient, mieux encore que les fusils vétustés des Grenadiers, les plus invincibles des armes. A ce cortège figurait pour la première fois, faisant escorte à M. le colonel Schweigbauser, pré.sident du Comité central de la Société fédérale des Carabiniers entouré de son état-major, le groupe des comités divers

et des autorités dont les vêtements sombres et les gibus protocolaires ombraient le tableau coloré des groupes:

du folklore et de l'histoire. La bannière fédérale, portée-par M. Charles Andrey, un banneret d'une prestance toute hodlérienne, était, en effet, précédée ou suivie par la foule

Photo. P. Macherel, Fribourg.

Cérémonie officielle sur la place de l'Hôtel-de-Ville, le 26 juillet 1934 r.

autorités, invités, drapeaux des sociétés de tir, "et la (ouïe.

Au premier plan: M. Pilet-Golaz, président de la Confédération et Son Exe. Mgr Besson.

disciplinée des invités en costumes : Garde civique de Bel-linzone à l'habit vert jade liséré de rouge, cavaliers du Club hippique et Filarmonica de la même ville. Grenadiers tes-sinois, Volontaires de Lugano de 1798, gymnastes, chanteurs en costumes du doux pays des « Fratelli », groupes de la Fête des Camélias et du Pro Ticino. Et quand cette foule bigarrée, souriante, alerte, s'arrêta sur la place du Tilleul pour y entendre les discours officiels et assister, recueillie,, à la bénédiction de la nouvelle bannière, on eût dit, à l'om-bre de vieilles ramures, un parterre de fleurs.

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P h o t o . P . Macherel, F r i b o u r g . Le comité d'organisation du Tir fédéral au cortège de la journée

fribourgeoise, le 5 a o û t 1934.

De ce que nous nommerions « l'émotion du Tir fédéral », îe cortège de la Journée officielle du 26 juillet, fut un des sommets. Tout concourut à faire de ce spectacle grandiose une vision de beauté, évocation puissante de notre peuple

«t de son Histoire. Malgré le temps fort mauvais la veille, le plus éclatant soleil illumina cette féerie. Une foule évaluée à quelque cinquante mille personnes submergea, telle une marée d'équinoxe, et les rues et les places. Elle mit à l'é-preuve, sans jamais le prendre en faute, un service d'ordre parfait. Nous dirions encore que la stupeur causée par la nouvelle, survenue le matin, de l'assassinat du chancelier Dollfuss, par l'émoi grave qu'elle sema dans les esprits justement inquiets du sort de l'Europe, aida à créer cette unanimité des cœurs qui, sentant mieux le besoin de s'unir,

de Patrie.

Rendons ici un hommage bien dû à M. le professeur Lombriser, président de la Commission des cortèges. Cette

Photo. P. Macherel, Fribourg-.

Cortège otjiciel du 26 juillet 1934:

Les seigneurs de Montagny.

manifestation du 26 juillet, non seulement il rorganisamais on peut dire qu'il la « pensa » comme on « pense » une œuvre d'art. Il n'est pour le comprendre que d'avoir travaillé, en humble sous-ordre, à ses côtés, et de l'avoir vu se livrer, sans trêve, à un labeur harassant.

P h o t o . R. J a n s k y , Berne.

Le Préfet, la Préfète et les gendarmes de F a r v a g n y , au cortège du 26 juillet 1934.

P h o t o . R. J a n s k y , Berne.

G r o u p e de vendangeurs du Festival <, Mon P a y s •> au cortège de la J o u r n é e fnbourgeôise du 5 août 1934.

Ce cortège se déroula selon.un ordre réglé dans tous ses détails. Sa longueur fut de plus de trois kilomètres et il réunit quelcjue 3000 participants. M. le major Schwaar en dirigea excellemment la formation, la marche et, problème:

particulièrement ardu à cause de la topographie de Fri-bourg, la dislocation. Nous ne décrirons pas ce défilé, ce serait en évoquer, bien gauchement, l'inoubliable souvenir.

Surtout, nous nous garderons d'énumérer les groupes qui=

Photo. R. Jansky, Berne.

Cortège du '26 juillet 1934: Groupe de l'épopée fribourgeoise ; Les gardes suisses des Tuileries 1789.

y figurèrent ou de comparer les résultats de l'effort que s'imposèrent avec un élan si unanime les sept districts fribourgeois. On leur avait dit: Fribourg veut retracer en un tableau suggestif, sincère, vivant, son « Labeur et ses Traditions » et les fastes de son « Epopée » ; toute la Suisse aura les yeux sur vous... à l'œuvre ! » Alors, les vieux, les jeunes, hommes, femmes, enfants avec les instruments et les attributs de leurs métiers, le troupeau, les vieux chars, les atours si gracieux des vieilles fêtes, le décor des escortes comtales, les vénérables uniformes des anciens régiments,, tous « descendirent » à Fribourg et ce fut, pour la joie des.

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cœurs et le ravissement des regards, l'inoubliable défilé

•dont toute la Suisse chanta l'éloge.

Mais, en ce cortège de fin juillet 1934, il fallait rappeler aussi que, vingt ans plus tôt, presque jour pour jour, les tocsins des clochers suisses clamaient l'appel aux armes.

Plioto p . Macherel, Fribourg.

Cortège du 26 juillet 1934: La bênichon de Châtel-St-Denis.

Au groupe « 1914 » échut l'insigne honneur de saluer ce souvenir tragique. Ici nul apprêt, nul costume loué, nul

•détail pittoresque ou coquet créé pour la seule joie des yeux. Portés par les vétérans de 14, les uniformes, les képis

à coiffes grises de 14. La seule armée de 14 ; le seul souvenir, vieux de vingt ans. Fribourg eut ce jour-là, sa vraie commé-moration de la « Mob ». La foule le comprit et un frisson sacré la parcourut, quand les cuivres de l'admirable musique

•de la Remonte fédérale, et les vieux drapeaux des batail-lons annoncèrent l'arrivée de ces détachements de toutes armes, conscients de servir encore la Patrie, en rappelant

les heures sévères de leurs longues veilles aux créneaux du Pays. Ce groupe, le dernier, reliant V<i Epopée fribour-geoise » à l'Epopée de la commune patrie suisse, passe dans un rayonnement d'apothéose...

Pour ne laisser dans l'ombre aucun des éléments de

Photo. R. Jansky, Berns.

Cortège officiel du 26 juillet 1934: Anciens costumes staviacois.

succès de cette magnifique journée officielle, nous ajoute-rons que les autorités fédérales et cantonales, le Corps diplo-matique et les représentants des 22 cantons, figurèrent au cortège. Pendant que le défilé se poursuivait, ces « officiels », formant le premier groupe, s'arrêtèrent sur la place de l'Hôtel-de-Ville où parlèrent, avec un sens remarquable de l'importance du moment, MM. Aeby, syndic, Pilet-Golaz^

président de la Confédération, Son Excellence le comte Clauzel, ambassadeur de France, et M. von der Weid, président du Conseil d'Etat.

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-On eût déploré que ce beau jour restât, sans lendemain.

Pour des raisons techniques que l'on saisit fort bien quand on sait quel effort immense représente, pour un canton, l'organisation d'une manifestation semblable à celle du 26 juillet, il ne fut pas possible de faire défiler une seconde

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P h o t o . P . Macherel, Fribourg.

Cortège du 26 juillet 1934: Un beau spécimen de la race pie-noire fribourgeoise, conduit par M. J a q u e t , des Glanes.

fois, dans Fribourg en fête, tous les groupes du grand cor-tège officiel. Mais, grâce au concours de nouveaux dévoue-ments, on put, lors de la Journée fribourgeoise du 5 août, présenter à une foule derechef fort imposante et vibrante, comme le furent toutes les foules accourues à Fribourg, un splendide cortège. Il eut tant d'éclat que des specta-teurs qui n'avaient point vu celui de la journée officielle, estimèrent qu'il était « difficile de faire mieux ». Vrai, que pouvait-on demander de plus ?...

Une fois encore, le ciel, bien sombre la veille, se rasséréna et un beau soleil fit chanter les couleurs gaies des costtimes

et des bannières. On sut, avec beaucoup d'à-propos, rem-placer certains groupes qui ne pouvaient reparaître, par des chanteurs, gymnastes, gens de métiers et par des acteurs et figurants du Festival. Ainsi le caractère fribour-geois de cette fête fut-il bien respecté. Certains souvenirs de l'histoire avaient fait place à une évocation, fort sugges-tive aussi, de la vie actuelle de notre peuple. Les Fribour-geois accourus de tous les districts comprirent que cette fête était bien la leur, que Fribourg adressait son sourire à ses plus fidèles amis. E t cette belle journée fut un rendez-vous de la famille, une réunion de tous les enfants dans le vieux salon de l'Aïeul.

Les cortèges du Tir fédéral, dont toute la presse suisse célébra la beauté et loua la belle ordonnance, ont bien servi le renom du pays fribourgeois.

Ernest CASTELLA.

Dans le document FRIBOURG mmmJà SOIXANTE-HUITIEME ANNEE (Page 135-147)