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L E CHAMP DU MONOPOLE DES AVOCATS AUX C ONSEILS

Dans le document Avis 16-A-18 du 10 octobre 2016 (Page 14-17)

A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA PROFESSION

3. L E CHAMP DU MONOPOLE DES AVOCATS AUX C ONSEILS

36. Les avocats aux Conseils exercent plusieurs types d’activités, selon que leur ministère est (ou non) obligatoire devant le Conseil d’État et la Cour de cassation ou qu’ils interviennent en première instance ou en appel devant les juridictions administratives.

a) Les activités en monopole

37. Les avocats aux Conseils disposent d’un monopole de la représentation de clients (pour la plupart des contentieux) et de la présentation d’observations orales devant le Conseil d’État et la Cour de cassation. Si cette organisation existe dans d’autres États, elle n’est pas la plus répandue22.

38. Le ministère d’avocat aux Conseils est obligatoire pour la présentation d’un pourvoi en cassation, dans la majorité des matières, devant le Conseil d’État et la Cour de cassation.

Pour les autres affaires portées devant ces juridictions, notamment en première instance ou en appel devant le Conseil d’État, il existe en revanche de nombreuses exceptions.

Devant la Cour de cassation

39. S’agissant du contentieux judiciaire, le monopole des avocats aux Conseils concerne la majorité des affaires portées devant les chambres civiles de la Cour de cassation. Le rôle du ministère d’avocats aux Conseils devant les hautes juridictions comprend la rédaction de pourvois et de mémoire, ainsi que la plaidoirie.

40. S’agissant des pourvois en cassation en matière pénale, l’article 584 du code de procédure pénale ouvre la possibilité au demandeur, ou à un avocat à la Cour mandaté par ce dernier, de déposer un mémoire au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée dans un délai de 10 jours suivant le dépôt de la déclaration de pourvoi, sans qu’il soit nécessaire de recourir au ministère d’un avocat aux Conseils. Passé ce délai, à l’exception du demandeur condamné pénalement23 qui peut transmettre directement un mémoire au greffe de la Cour de cassation, seul un avocat aux Conseils, qui doit se constituer dans le mois suivant la

22 Certains pays prévoient un système de représentation spécifique uniquement devant la Cour de cassation.

Ainsi, l’Italie rend obligatoire la signature de la requête par un avocat admis à plaider devant la Cour de cassation. De même, l’Allemagne et la Suisse fonctionnent avec un système d’inscription sur une liste limitée pour avoir la faculté de plaider devant la Cour de cassation. En Belgique, les avocats devant la Cour de cassation constituent un ordre distinct des avocats à la Cour. Dans d’autres pays, comme les Pays-Bas, on assiste à une spécialisation de fait, sinon de droit. (Voir notamment à ce sujet : Dalloz, « Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation », Bruno ODENT, septembre 2008, actualisation octobre 2015).

23 Article 585 du code de procédure pénale.

déclaration de pourvoi, peut déposer un mémoire, dans des délais qui peuvent varier en fonction de la nature de la procédure. Toutefois, aucune dispense n’est valable pour le défendeur, qui doit toujours présenter un mémoire sous signature d’un avocat aux Conseils.

41. S’agissant des questions prioritaires de constitutionnalité (« QPC ») dont une juridiction judiciaire est saisie et transmise à la Cour de cassation, les observations des parties sont signées par un avocat aux Conseils, dans les matières où la représentation est obligatoire devant la Cour de cassation, conformément aux dispositions de l’article 126-9 du code de procédure civile et aux dispositions de l’article R. 49-30 du code de procédure pénale.

Devant le Conseil d’État

42. S’agissant du contentieux administratif, le monopole des avocats aux Conseils concerne en principe les pourvois en cassation et les recours de plein contentieux formés devant le Conseil d’État en première instance, sous réserve de certaines exceptions.

43. Le ministère d’avocat aux Conseils est également obligatoire devant le tribunal des conflits, en cas de conflit d’attribution négatif, lorsque l’autorité administrative et l’autorité judiciaire se sont respectivement déclarées incompétentes sur la même question24.

44. S’agissant des avis sur une question de droit et des QPC, si la requête dont est saisie la juridiction qui a décidé le renvoi est dispensée du ministère d’avocat devant cette juridiction, la même dispense s’applique25 à la production des observations devant le Conseil d’État. Dans le cas contraire, et sauf lorsqu’elles émanent d’un ministre, les observations doivent être présentées par un avocat aux Conseils. Les QPC ont une influence sur l’activité des avocats aux Conseils car l’une des conditions de leur transmission au Conseil constitutionnel est l’exercice d’un filtre par une haute juridiction (Conseil d’État ou Cour de cassation).

45. Outre leur activité contentieuse, les avocats aux Conseils ont également le droit exclusif de suivre certaines affaires dont sont saisies les sections administratives du Conseil d’État, notamment en matière de droits individuels, d’obtenir la communication du dossier et de présenter des observations écrites. Ils représentent également leurs clients sans avoir à justifier d’un mandat devant les commissions et services administratifs. Enfin, les requêtes en confirmation ou reconnaissance de titres de noblesse sont obligatoirement présentées au ministre de la justice par un avocat aux Conseils ; ils interviennent ensuite devant la section de l’intérieur du Conseil d’État qui en connaît pour avis26.

b) Les limites du monopole

Les activités contentieuses devant le Conseil d’État et la Cour de cassation hors champ du monopole

Devant la Cour de cassation

46. Outre les pourvois devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui sont dispensés de ministère obligatoire d’avocat aux Conseils pour le seul demandeur dans les conditions

24 Article 17 du décret du 26 octobre 1849 portant règlement d’administration publique déterminant les formes de procédure du tribunal des conflits.

25 Conformément aux dispositions de l’article R. 771-20 du code de justice administrative.

26 Dalloz, « Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation », Jean-Paul CALON, avril 2000, actualisation

rappelées au paragraphe 40 ci-dessus, sont dispensés du recours obligatoire à un avocat à la Cour de cassation :

- le pourvoi du procureur général près la Cour de cassation (article 639-1 du code de procédure civile) ;

- le contentieux des inscriptions sur les listes électorales en matière d’élections politiques (article 996 du même code) ;

- le contentieux des élections professionnelles (article 1008 du même code).

Devant le Conseil d’État

47. Certains recours contentieux devant le Conseil d’État sont dispensés du ministère obligatoire d’avocat aux Conseils. Cependant, la possibilité de recourir aux services de tels professionnels subsiste.

48. En cassation, la seule dispense concerne les recours dirigés contre les décisions de la commission centrale d’aide sociale et des juridictions de pension27.

49. Les dispenses sont en revanche nombreuses concernant les recours relevant de la compétence du Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort (notamment la contestation de certains actes réglementaires) et en tant que juge d’appel (notamment en matière d’élections et de questions préjudicielles), puisque le ministère obligatoire se limite essentiellement à certains recours en plein contentieux, soit essentiellement : en première instance, les actions en responsabilité dirigées contre l’État pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative et les décisions de sanction de certaines autorités administratives indépendantes28 ; en appel, les questions préjudicielles en interprétation d’actes relevant de la compétence des tribunaux administratifs en premier ressort.29

50. Aux termes des articles R. 432-2 et R. 432-3 du code de justice administrative (« CJA »), sont ainsi dispensés du ministère obligatoire d’avocats aux Conseils :

- les recours pour excès de pouvoir contre les actes des diverses autorités administratives, notamment en premier et dernier ressort contre les décrets, les actes réglementaires des ministres, les décisions des organismes collégiaux à compétence nationale, les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République ou ceux nés hors des territoires soumis à la juridiction d’un tribunal administratif ou concernant des décisions dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif ;

- les recours en appréciation de légalité ; - les litiges en matière électorale ;

- les litiges concernant la concession ou le refus de pension ;

- les litiges concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement et des fichiers intéressant la sûreté de l’État relevant du chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative ;

- les recours prévus par la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et ceux prévus par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française (c’est-à-dire contre les

27 Article R. 821-3 du code de justice administrative

28 L. 311-4 du CJA

29 Seules matières résiduelles après combinaison des compétences du CE en première instance et en appel et des cas de dispense du ministère obligatoire des avocats aux Conseils

décisions du Haut-commissaire portant sur des questions d’inéligibilité ou d’incompatibilités) ;

51. Sont, de même, dispensés les appels en matière de référé-liberté30, au titre de l’article R.

523-3 du CJA, et le contentieux des astreintes pour obtenir l’exécution d’une décision d’une juridiction administrative, en application de l’article R. 931-5 du même code.

52. En outre, l’État est toujours dispensé du ministère d’avocat aux Conseils, soit en demande, soit en défense, soit en intervention (article R. 432-3 du CJA).

53. En revanche, en vertu des dispositions combinées des articles R. 432-1, R. 613-5 et R. 733-1 du CJA, même dans les cas de dispense et hors le cas particulier des référés, seuls les avocats aux Conseils peuvent présenter des observations orales le jour de la séance du jugement, quelle que soit la procédure et y compris s’agissant de l’État31, ce qui constitue une incitation forte à recourir à leurs services, bien que la procédure soit essentiellement écrite.

54. Ainsi, en dehors des hypothèses où le Conseil d’État juge en premier et dernier ressort ou en appel, c’est essentiellement en matière de droit pénal et de contentieux électoral que le ministère d’avocat aux Conseils n’est pas obligatoire.

Les activités devant d’autres juridictions

55. Les avocats aux Conseils peuvent, au même titre que les avocats à la Cour, représenter les parties en première instance ou en appel devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel (article R. 431-2 et R. 431-11).

56. Les avocats aux Conseils sont également habilités à plaider devant d’autres juridictions : Cour européenne des droits de l’homme, Cour de justice de l’Union européenne.

57. Devant le Conseil Constitutionnel, la production écrite des QPC est libre et peut être assurée par tout avocat, à la Cour ou aux Conseils, ou par d’autres représentants, selon le type de contentieux dans lequel intervient la juridiction devant laquelle la requête a été introduite. Seuls les avocats (à la Cour ou aux Conseils, selon le type de contentieux dans lequel la question a été posée) peuvent en revanche présenter des observations orales devant le Conseil constitutionnel, à l’exception des représentants de l’État. Le recours à des avocats aux Conseils pour présenter les QPC est fréquent.

Dans le document Avis 16-A-18 du 10 octobre 2016 (Page 14-17)