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À l’aube de l’existence : le stress !

Dans le document Méditations autour de Socrate (Page 39-82)

« Ô que ma main se paralyse / Avant qu’on

lise / Une lettre de moi

3

! »

Anne Sylvestre

« Écrire c’est encore espérer

4

. »

Gatien Lapointe

L’épée des mots, la plume de l’esprit, l’Excalibur de l’intellect ! Formidable ! Puissante !

Extraordinaire et… terrible ! La dégainer ? La tirer hors de son fourreau protecteur et

paisible en doutant et tremblant, à ce moment précis d’existence, de lucidité acérée, d’une

peur non feinte ponctuée de magistrales angoisses ? Chétivement, présenter sa « lame

nue

5

» « à l’agrégation

6

» ? Oh ! Ah ! C’est bien là notre lamentable état, notre inavouable

destin à nous, pauvre étudiant, qui décidâmes de nous pencher, au cours des dernières

années, gorgées à souhait de nombreuses difficultés et d’espérances rédemptrices, sur une

thèse doctorale, en philosophie… « De surcroît ! », gasconneraient certains coquins de bon

aloi !

De pieds joints, embourbé en cet Avent, nous pèsent les sempiternelles remarques

d’ouverture de nos compagnons de route avec lesquels, bien évidemment, nous

compatissons au plus haut degré : « Ce n’est qu’une œuvre de verte jeunesse

7

balbutiante

n’ayant d’égal que l’“ amour ” tragique et juvénile qu’entretinrent Roméo et Juliette

8

.

Donc, c’est un exercice scolaire auquel tous les engagés doivent se soumettre

inexorablement à prendre avec des pincettes, de peu d’importance, en raison de son

insuffisance congénitale due en partie aux imparables exigences temporelles dans lesquelles

3 Anne SYLVESTRE, « Que les lettres d’amour », Partage des eaux, piste 3.

4 Gatien LAPOINTE, « Le pari de ne pas mourir Le premier mot 1967 », Ode au Saint-Laurent, p. 108. 5 Edmond ROSTAND, Cyrano de Bergerac, premier acte, scène 4, p. 35.

6 Louis-Ferdinand CÉLINE, Bagatelles pour un massacre, p. 11.

7 Notre collègue Sébastien Malette soutenait, dans l’avant-propos de sa maîtrise, quelques remarques qui

s’appliqueraient très bien à la thèse de doctorat : « Il y a peut-être lieu de se questionner sur les fondements de cette épreuve qu’est la maîtrise et au titre de “ vérité ” qu’elle confère. Enfin, l’heure est plutôt aux remerciements. Je remercie d’abord le lecteur qui a le courage de lire ce qui n’est qu’une écriture de jeunesse, l’accident d’une intelligence encore toute [tout] immature. » Sébastien MALETTE, « Avant-propos », La

« gouvernementalité » chez Michel Foucault, p. iii.

4

il fut pensé et rédigé, ce qui expliquerait son style peu remarquable, ses erreurs, ses

manquements

9

… Et pourtant ! Avec tous ses défauts, nous vous le soumettons, très

humblement, et nous espérons ardemment que… »

Voilà de quoi nous faire souffrir à pierre fendre, car ne serons-nous guère, nous aussi,

hélas, du nombre de ces honnêtes plaintifs à quémander un bienveillant pardon de nos

lecteurs et lectrices ou, mieux, un royal oubli ce qui laverait d’un coup toutes nos fautes,

toutes les lacunes de nos écrits ?

Diable ! Avons-nous le droit d’ainsi avancer, de lancer, déjà, dès les balbutiements, dès le

commencement de toute aventure, de toute tentative d’envergure (car tel devrait être le

sentiment nous habitant aux cycles soi-disant supérieurs de nos systèmes éducatifs) la

serviette avant d’avoir tenté de toucher sérieusement à ces horizons parsemés d’absolus sur

lesquels se guident notre démarche, ces cieux étoilés d’une insondable beauté qui nous

commandent, aujourd’hui, plus que jamais, d’avancer ces phrases ? Car nous sommes, vous

le discernerez clairement, dans l’état pathologiquement troublé de l’amant. Oui ! C’est une

vérité ! Nous sommes « amoureux »… De notre sujet, indiciblement ! Ce transport était

difficile à éviter, car ne serait-il point lié, d’emblée, à toute démarche philosophique

véritable

10

? Justement, nous sommes à ce point amoureux de ce qui nous obséda pendant

les dernières années que nous primes aussi plaisir à regarder et réfléchir sur les critiques

9 Jasmine Gobeil-Bourdeau, personne remarquable, résumait, lors de sa maîtrise, assez bien cette tension entre

la recherche constante et courageuse de la perfection de la part du rédacteur, ce qui exige bien du temps et des efforts, nous diraient Nicolas Boileau ou encore Horace, et, d’autre part, la pression de l’exercice même s’inscrivant généralement en une certaine limite temporelle. Tout cela s’appliquerait parfaitement bien, aussi, à la rédaction doctorale. « Au tout début de mes études de maîtrise, quelqu’un de bien sage m’a dit [:] “ N’oublie pas Jasmine, un mémoire n’est pas le projet d’une vie, c’est juste un mémoire ! ”. Pas facile de garder cela en tête lorsqu’on passe des mois à peaufiner chaque idée, chaque paragraphe et chaque phrase. » Jasmine GOBEIL-BOURDEAU, « Remerciements », Préparation à l’école et engagement scolaire : le rôle

médiateur de la relation maître-élève, p. ix. « Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, / Et ne vous

piquez point d’une folle vitesse. / […] J’aime mieux un ruisseau, qui sur la molle arène, / Dans un pré plein de fleurs lentement se promène, / Qu’un torrent débordé qui d’un cours orageux / Roule plein de gravier sur un terrain fangeux. / Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, / Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Polissez-le sans cesse, et le repolissez ; / […] » Nicolas BOILEAU, L’art poétique, chant premier, vers 163, 164 et 167-171, pp. 6 et 7. « Mais vous, noble sang de Pompilius, soyez impitoyables pour ces poëmes faits à la hâte et sans corrections, essais imprudents qu’un goût sévère n’a pas dix fois retouchés. » HORACE,

Art poétique, pp. 36 et 38.

10 « Singularité de Platon : enthousiaste de la dialectique, […] » Friedrich NIETZSCHE, « II. Le philosophe.

Considérations sur le conflit de l’art et de la connaissance », La naissance de la philosophie à l’époque de la

5

que certaines âmes fort brillantes tentèrent sur Socrate. S’arrêter à ces dernières

studieusement nous inscrirait en cette perspective plus qu’intéressante de proposer, si cela

est pertinent, un Socrate renouvelé

11

.

Nous sommes aussi « amoureux » de vous, chers Lecteurs et Lectrices, très chers

Correcteurs. C’est que nous aimerions être digne à la fois de l’objet de notre rédaction,

mais aussi de vous, que nous estimons plus que tout… Ainsi, nous présenter devant vous

avec quelque défaut que ce soit s’avérerait intolérable pour nous… En réalité, loin de

prétendre vous montrer or et diamants précieux, nous craignons plus que tout de nous

méprendre, de nous tromper, d’être tombé sur l’or des fous…

D’où notre souhait, proprement philosophique.

2. Le souhait

C’est à lui [Socrate] que ramènent les chemins des modes de vie philosophique

les plus divers, […]

12

Friedrich Nietzsche

Nous redécouvrons Socrate, le père de la philosophie occidentale

13

.

Jacques Grand’Maison

Socrate est une, sinon « la » figure emblématique du philosophe : […]

14

Cyril Morana et Éric Oudin

[…] c’est à lui [Socrate] que nous nous référons sans cesse comme à l’exemple

même de ce que doit être un philosophe. Non seulement il nous semble avoir

incarné le modèle humain du philosophe, mais c’est même à sa manière de

penser et d’argumenter que nous faisons remonter l’origine de la philosophie

15

.

Nicolas Grimaldi

[…] Socrate, le prototype du philosophe

16

.

Jacques Grand’Maison

11 Voir la section 8. Pour l’avènement d’un Socrate renouvelé aux pages 71 à 75 de la présente thèse.

12 Friedrich NIETZSCHE, « Le voyageur et son ombre », Humain, trop humain (tome III, deuxième volume),

§ 86, p. 221.

13 Jacques GRAND’MAISON, « Les racines grecques », Réenchanter la vie Du jardin secret aux appels de la

vie, tome II Réconcilier l’intériorité et l’engagement, troisième partie, p. 244.

14 Cyril MORANA et Éric OUDIN, « Qui ? Quand ? Où ? Socrate contre les sophistes », Découvrir la

philosophie antique, chapitre 2, p. 31.

15 Nicolas GRIMALDI, « L’homme aux yeux de taureau », Socrate, le sorcier, Presses Universitaires de France,

p. 10.

16 Jacques GRAND’MAISON, « La souche grecque Une première problématique de base », Pourquoi sombrons-

6

[…] Platon, qu’on peut tenir pour le créateur […] de la philosophie […]

17

Normand Baillargeon

Je montrerai d’abord en Platon le fondateur de la culture et de l’éducation à

dominante philosophique

18

.

Henri-Irénée Marrou

PLATON. – Le plus grand des socratiques, le vrai fils du philosophe, et le vrai

père de notre tradition philosophique

19

.

Francis Wolff

Platon n’est pas seulement le plus grand des socratiques : c’est un des

maîtres éternels de l’art et de la pensée. […] Son génie de penseur et

d’écrivain plonge ses racines profondément dans le sol de la Grèce. Mais la

vertu originale qui était en lui a donné une forme nouvelle aux éléments hérités

de la race ; elle a fait jaillir du sol héréditaire un arbre nouveau, le platonisme,

dont l’ombre a couvert la Grèce et le monde

20

.

Alfred Croiset

[…] et l’on pourrait dire, en un certain sens, que nous naissons tout

platoniciens

21

.

Henri Bergson

Ici, nous aimerions faire intervenir à la barre une auteure décédée depuis peu et que nous

estimons beaucoup soit Christiane Singer. Dans son ouvrage exceptionnel Où cours-tu ? Ne

sais-tu pas que le ciel est en toi ?, cette dernière remarque à juste titre que l’essentiel,

lorsque nous présentons nos écrits, propos ou idées, c’est la discussion, l’échange avec

autrui

22

. Soyons clairs ! Le but, pour ainsi dire, n’est ni la victoire rhétorique ou

sophistique, comme nous le rappelait éloquemment, entre autres, Michel de Montaigne

23

.

17 Normand BAILLARGEON, « Épistémologie et éducation », Contre la réforme La dérive idéologique du

système d’éducation québécois, chapitre 3, p. 84.

18 Henri-Irénée MARROU, « Carrière et idéal politiques de Platon », Histoire de l’éducation dans l’Antiquité

(tome I), chapitre vi, p. 106.

19 Francis WOLFF, « PLATON. L’album de famille », Socrate, p. 123.

20 Alfred CROISET, Histoire de la littérature grecque (tome quatrième), chapitre v, p. 257. NMÉ.

21 Bien que nous sortions assez effrontément les mots d’Henri Bergson de leur contexte premier, sa formule

étant si évocatrice, nous décidâmes ici de commettre ce petit crime de lèse-citation. Henri BERGSON,

L’évolution créatrice, chapitre premier, p. 49.

22 « Est juste – comme en musique – ce qui soudain résonne de l’un à l’autre, se propage comme une onde

vibratoire. Veillez donc à ne pas gaspiller d’énergie à tenter de me donner tort ou raison. Ce qui importe,

c’est ce filet d’interrogations, d’hésitations, de conjectures que nous tissons ensemble, et où un son peut-être à un certain moment, ô le temps de prêter ensemble l’oreille ! apparaît juste. » Christiane

SINGER, « Le sens de la vie », Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?, p. 43. NMÉ. « L’intention du dialogue nous paraît être d’abord celle d’une genèse réciproque. Il n’est pas seulement l’expression d’une vérité toute faite qui serait ensuite échangée comme une sorte d’avoir, une possession acquise. C’est dans le dialogue que les idées se forment plus encore qu’elles se communiquent. » Aimé FOREST, « 4. Signification du dialogue », L’homme et son prochain Actes du VIIIe Congrès des Sociétés de Philosophie de langue

française (Toulouse 6-9 septembre 1956), V, 4, p. 210.

23 « Il m’est avis qu’en Platon et en Xénophon, Socrate dispute plus en faveur des disputants qu’en

faveur de la dispute, et, pour instruire Euthydème et Protagoras de la connaissance de leur impertinence, plus

que de l’impertinence de leur art. Il empoigne la première matière comme celui qui a une fin plus utile que de l’éclaircir, à savoir éclaircir les esprits qu’il prend à manier et exercer. » Michel de MONTAIGNE, Essais

7

Ce chemin n’est pas celui de la Vérité. Comment pourrait-il jamais l’être ? Seul l’échange,

la discussion, mode même de la pensée dans l’esseulement le plus impénétrable

24

, est la

(tome III), livre troisième, chapitre viii, p. 160. NMÉ. « En cette école du commerce des hommes, j’ai souvent remarqué ce vice qu’au lieu de prendre connaissance d’autrui, nous ne travaillons qu’à nous faire connaître ; nous travaillons plus à débiter notre marchandise qu’à en acquérir une nouvelle. On lui apprendra aussi à ne pas employer dans les discussions tous les tours qui peuvent lui servir ; qu’on l’instruise à se rendre à la vérité aussitôt qu’il l’aperçoit, qu’elle naisse des mains de son adversaire ou qu’elle naisse en lui-même du fait qu’il s’est ravisé. » Id., « De l’éducation », Essais, livre premier, extraits du chapitre vingt-cinquième ou vingt- sixième dépendamment des éditions. Ce texte fut modernisé sans doute par notre maître Gérald ALLARD. « Peu nous importe par qui la vérité se fera jour, par qui viendra le salut. » Jules LAGNEAU, « Notre esprit. II. – Simples Notes pour un programme d’union et d’action “ Simples Notes ”», Écrits, p. 118. « La vie intellectuelle se parfait et s’achève dans une vertu morale qu’on nomme l’honnêteté intellectuelle et qui n’est autre, en définitive, que le respect de l’intelligence dans toutes ses manifestations. Elle consiste, par

exemple, à reconnaître la vérité partout où elle s’exprime et sous quelque forme que ce soit ; ou encore à ne pas déformer la pensée d’autrui pour la faire servir à ses fins ou pour mieux la réfuter ; ou encore à reconnaître avec courage son erreur ou les limites de son savoir. Les discussions ou les polémiques,

écrites ou parlées, ne donnent pas toujours des exemples d’une pratique rigoureuse de cette vertu. Les jeunes, cependant, avec l’intransigeance de leur âge, devraient y être plus sensibles ; et les étudiants plus encore que quiconque, à titre de travailleurs intellectuels. Mais il arrive que cette même intransigeance peut aussi les égarer : quand on défend sa vérité avec fougue et qu’on pourfend l’erreur, on risque de faire bon marché de la probité et de la justice. Il n’est pas ici question de fraude aux examens, ce qui est une grossière malhonnêteté et mérite sa sanction à ce seul titre ; mais il s’agit des fautes plus subtiles – et souvent plus graves – contre la droiture de pensée. C’est alors la connaissance elle-même dont les objectifs sont faussés : l’intelligence est détournée de la vérité vers laquelle elle doit se porter, pour servir d’autres intérêts, qui ne sont d’ailleurs pas toujours mesquins, ce qui trompe mieux encore. Jusqu’ici, l’enseignement n’a pas assez fait pour inculquer à la jeunesse un sens aigu de l’honnêteté intellectuelle : nous recommandons qu’une attention toute particulière y soit apportée, comme à la première vertu de tout travailleur intellectuel, particulièrement dans une société démocratique fondée sur la libre discussion des idées et des opinions. » COMMISSION ROYALE D’ENQUÊTE SUR L’ENSEIGNEMENT DANS LA PROVINCE DE QUÉBEC, « L’honnêteté intellectuelle », Rapport de la Commission

royale d’enquête sur l’enseignement (Rapport Parent) (tome III, deuxième partie [cinquième livre]), chapitre

xiv, première partie, § 738, p. 238. NMÉ. « Non seulement je suis sûr que ce que je vais dire est faux mais je suis sûr aussi que ce qu’on m’objectera sera faux et pourtant il n’y a pas d’autre choix que de se mettre à en parler… » Franz Carl Heimito Ritter von DODERER, tel que cité par Christiane SINGER, « Le sens de la vie »,

Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?, p. 43.

24 « – Excellent. Mais appelles-tu penser ce que j’appelle de ce nom ? – Qu’appelles-tu de ce nom ? – Un

discours que l’âme se tient tout au long à elle-même sur les objets qu’elle examine. C’est en homme qui

ne sait point que je t’expose cela. C’est ainsi, en effet, que je me figure l’âme en son acte de penser ; ce

n’est pas autre chose, pour elle, que dialoguer, s’adresser à elle-même les questions et les réponses, passant de l’affirmation à la négation. Quand elle a, soit dans un mouvement plus ou moins lent, soit même

dans un élan plus rapide, défini son arrêt ; que, dès lors, elle demeure constante en son affirmation et ne doute plus, c’est là ce que nous posons être, chez elle, opinion. Si bien que cet acte de juger s’appelle pour moi

discourir, et l’opinion, un discours exprimé, non certes devant un autre et oralement, mais silencieusement et à soi-même. Et toi ? – Moi aussi. » PLATON, Œuvres complètes tome VIII – 2e partie

Théétète, 189e et 190a, pp. 229 et 230. NMÉ. « – Pensée et discours sont, en réalité, la même chose, mais n’avons-nous pas réservé le nom de “ pensée ” à ce dialogue intérieur que l’âme entretient, en silence, avec elle-même ? – Absolument. – Et le flux sonore qui émane de l’âme et qui sort par la bouche, n’est-il pas

appelé “ discours ” ? – C’est vrai. – Et nous savons que dans le discours il y a aussi… – Quoi ? – … affirmation et négation. – Nous le savons. – Et quand cela se produit dans l’âme, en silence, et par le

moyen de la pensée, as-tu un autre nom que “ jugement ” pour le désigner ? – Comment en aurais-je un autre ? – […] nous avons montré que, dans le discours, la pensée est le dialogue de l’âme avec elle-

même, […] » Id., « Le Sophiste ou Sur l’être ; genre logique », Œuvres complètes, sous la direction de Luc

BRISSON, 263e et 264a, pp. 1869 et 1870. NMÉ. « – Ne dirais-tu pas qu’il arrive souvent que quelqu’un qui voit les choses de loin sans les voir clairement cherche à distinguer ce qu’il voit ? – Je le dirais. – Et ne se

8

Voie

25

. Mais de ces échanges, de ces discussions bienveillantes, comme les faisait naître et

les entretenait le vieil Athénien

26

, ponctués d’« interrogations

27

»… Peut-être

posera-t-il pas alors à lui-même cette question ? – Quelle question ? – “ Que peut donc bien être cette chose qui semble se tenir à côté du rocher qui est sous l’arbre ? ” N’est-ce pas là à ton avis ce qu’il se demandera à lui-même alors qu’il porte son regard sur de telles apparences ? – Exactement. – Et ensuite, alors qu’il se répondrait à lui-même en disant : “ C’est un homme ”, ne tomberait-il pas juste ? – Si, parfaitement. – Mais il pourrait encore se tromper en disant que ce qu’il voit est une statue fabriquée par des bergers. – C’est très probable. – Et s’il a quelqu’un à ses côtés auquel il dit à voix haute ce qu’il se disait à lui-même, ce que nous appelions tout à l’heure une opinion serait-elle devenue un discours ? – Absolument. – Alors que s’il est seul,

c’est à lui-même qu’il adresse ses pensées et les garde parfois longtemps à l’esprit en poursuivant sa route. – Bien sûr. » Id., « Philèbe ou Sur le plaisir ; genre éthique », Œuvres complètes, sous la direction de

Luc BRISSON, 38c-38e, p. 1332. NMÉ. « Le point de départ d’une recherche philosophique est toujours un phénomène ; […] Or le phénomène qui nous paraît fournir, et seul fournir un point de départ adéquat est le

dialogue. La première raison de ce choix est précisément le fait que le langage est l’instrument indispensable

de la vie intellectuelle et spirituelle de l’homme. Toute philosophie se constitue par l’intermédiaire du langage. Si dans l’art l’homme dispose d’un autre moyen d’expression beaucoup plus vague, aucune philosophie ne saurait s’en contenter ni se passer du langage. Il sera donc nécessaire de tenir compte de ce fait, et d’en mesurer toutes les conséquences, d’expliciter tout ce qu’il implique. En outre, le langage est un fait tellement évident que celui qui voudrait le nier, ne pourrait le faire qu’en l’employant, en s’infligeant par conséquent un démenti par son affirmation même. Quelqu’un qui, pour échapper à cette difficulté, voudrait se taire, ne pourrait nous faire aucune difficulté ; il ne pourrait même pas en formuler pour lui seul ; car ce serait encore se parler à lui-même. Cet instrument, indispensable à toute vie vraiment humaine et à toute philosophie, […] » Auguste BRUNNER, « Le point de départ de la critériologie », La connaissance humaine, première partie, chapitre premier, pp. 22 et 23. « Les objets sont séparés et exclusifs ; les consciences sont réciproques. Leur existence est dialogue et leur unité consiste à vivre les unes des autres, dans un échange et un enrichissement mutuels. Les relations entre sujets ne sont possibles que parce que ceux-ci ont une

intériorité ; par leur intériorité ils communiquent et peuvent s’aimer. Et c’est en s’orientant vers le

Dans le document Méditations autour de Socrate (Page 39-82)