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2.4.1 Les données récentes d’évolution de la mise en œuvre d’essais en France

[146] Selon l’institut IMS Health, on note actuellement "un emballement du pipeline des laboratoires". Les traitements en oncologie, ceux du diabète et les anti-inflammatoires contre l'arthrite rhumatoïde devraient enregistrer la plus forte croissance dans le monde. Pourtant l’Europe s’inquiète d’une diminution du nombre d’essais lancés sur son territoire. Les pays de l’Est qui avaient capté une partie des développements il y a quelques années, apparaissent aujourd’hui dépassés par les Etats-Unis et de plus en plus par les pays d’Asie et d’Amérique latine. La compétition ne s’exerce plus vraiment entre pays européens mais bien avec les autres continents.

[147] "Les essais cliniques sont essentiels pour le développement de nouveaux médicaments.

Cependant, entre 2007 et 2011, le nombre d'essais lancés en Europe a chuté de 25 %. La directive en vigueur s'est attirée de nombreuses critiques, notamment d'avoir augmenté la bureaucratie", a déclaré le rapporteur Glenis Willmott pour soutenir l’adoption d’un règlement européen.

[148] Même si le chiffre de -25% doit être nuancé par l’évolution vers des études multicentriques, il est clair que l’Europe, et plus singulièrement la France, subit une concurrence de plus en plus dure pour répondre aux exigences des firmes industrielles. Le LEEM a ainsi indiqué à la mission que de plus en plus, le développement des nouveaux médicaments est piloté par les maisons-mères qui, selon les objectifs et contraintes qui leur sont propres, ont recours aux filiales nationales ou à des appels d’offres pour confier à des CROs (Contract Research Organization), internationales ou nationales, la mission de piloter tout ou partie de la mise en œuvre des essais cliniques.

[149] Les CROs soumettent en France si elles sont saisies (17 % de sous-traitance globale, certaines ne siègent pas en France du tout). Le choix des pays où seront réalisés ces essais se fera selon des critères certes de compétence des équipes, mais également de facilité et de délais d’obtention des différents avis et autorisations nécessaires. Si les circuits sont trop compliqués et/ou que les délais entre l’envoi du dossier par la maison-mère à la firme française ou à la CRO et les premières inclusions sont trop longs, l’essai ne se fera pas en France.

[150] Or, comme le formule le rapport des services du Premier ministre sur le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) - Comité stratégique de filière Industries et technologies de santé (CSF) : « Les études cliniques sont nécessaires à l’évaluation de nouvelles solutions thérapeutiques. Elles participent à la formation des investigateurs, à l’amélioration de la qualité des soins, et ont un impact positif sur la notoriété de la recherche publique et privée. Leurs réalisations sont confrontées à une concurrence mondiale de plus en plus vive, en particulier pour les études précédant l’Autorisation de Mise sur le Marché ou le marquage CE ».

[151] Selon ce rapport, le nombre d’essais cliniques sur les médicaments (environ 900 demandes d’autorisation d’essais cliniques sur les médicaments en France28 par an), académiques (30 %) et industriels (70 %), a baissé de 13 % en France entre 2007 et 2011. La diminution a été plus marquée pour les essais industriels (-21 %) que pour les essais académiques (-11 %). Elle s’est accompagnée d’une augmentation du nombre de recherches biomédicales dans le domaine des dispositifs médicaux (341 en 2011 versus 214 en 2007) en raison d’un renforcement de l’évaluation clinique avant mise sur le marché.

[152] Les industries françaises du médicament, sous l’égide du LEEM, suivent de près l’évolution de l’attractivité de notre pays et participent depuis plusieurs années à une enquête permettant de mettre en évidence plusieurs paramètres importants. Il ressort de cette enquête que seules 43 % des études du plan de développement des firmes internationales sont proposées à la France, et 33 % du total du potentiel d’études sont effectivement réalisées en France.

[153] Cette enquête confirme l’excellence reconnue de la France dans certaines aires thérapeutiques, à commencer par le cancer et les maladies rares. Notre pays est en revanche peu impliqué dans les domaines cardio-vasculaire/métabolisme, la neuro/psychiatrie (malgré le plan Alzheimer) et dans le diabète.

Source : LEEM – Enquête attractivité 2012

[154] Un message important des industriels et de nombreux interlocuteurs de la mission est qu’il faut impérativement garder l’avance de la France dans le cancer et les maladies rares. De fait, notre pays apparaît très bien placé dans les domaines où la structuration soins-recherche est bonne, avec des centres visibles et reconnus à international, comme c’est le cas aujourd’hui en cancérologie. Les maladies rares bénéficient d’une structuration autour de centres référence, de centres de compétence, avec un système économique adapté. C’est plus difficile dans les domaines qui ne sont pas centrés sur l’hôpital, ou lorsque le maillage en réseaux n’est pas bon. Par exemple, réaliser des essais sur des diabétiques naïfs en médecine générale de ville s’avère complexe en raison d’un maillage de l’offre de soins peu structurée autour de cette pathologie.

28 Bilan d’activité ANSM 2012 Essais cliniques de médicaments (hors thérapie cellulaire et thérapie génique)

2.4.2 Les délais conditionnant l’attractivité ne reposent pas principalement sur les CPP

[155] L’enquête LEEM informe sur les délais moyens observés par l’ANSM et les CPP pour les protocoles d’essais cliniques interventionnels sur les médicaments :

 Pour l’ANSM, le délai médian a été de 49 jours en 2012. Il a diminué entre 2010 et 2012, mais la réorganisation de l’ANSM a généré un certain retard ;

 Pour les CPP, le délai médian se situe autour de 50 jours, en augmentation de 6 % entre 2010 et 2012 (55 jours).

Schéma 5 : Enquête LEEM sur les délais CPP (essais interventionnels médicaments)

Source : LEEM – Enquête attractivité 2012

[156] Le rapport CSIS-CSF insiste toutefois sur la place des contrats dans les délais de mise en œuvre des études cliniques à promotion industrielle à l’hôpital, qui se sont réduits de 2006 à 2010 mais ont atteint un palier depuis 2010 (délais médian entre la soumission et la signature du premier contrat hospitalier de 111 jours). « Ils constituent un handicap concurrentiel vis-à-vis d’autres pays européens comme le Royaume-Uni et de l’Amérique du Nord. La multiplicité et la diversité actuelle des contrats, les situations de blocages observées et les délais qui en découlent font de ce point le principal obstacle à la réalisation d’études cliniques industrielles en France, alors qu’il conviendrait d’augmenter la part des essais cliniques industriels pour le médicament proposés à la France de 1/3 à 2/3. »

[157] Ce paramètre extrêmement important, ainsi que les délais d’inclusion des patients ont été identifiés comme des facteurs majeurs d’allongement des délais, faisant l’objet d’une priorité dans le CSF (voir infra, chapitre 3.5).

2.4.3 Au-delà des grands enjeux énoncés, pourquoi améliorer l’attractivité de la France en matière de recherche clinique, industrielle et institutionnelle, est essentiel

[158] Pour de multiples raisons :

 C’est important pour les patients : les essais cliniques représentent le premier accès aux médicaments dans des domaines où les besoins thérapeutiques ne sont pas ou insuffisamment couverts (orphelins, maladies génétiques, oncologie, etc.) ;

 La rigueur des protocoles, dans toutes les phases du développement, participe au développement de la qualité des soins : ce qui est mis en place dans un protocole d’essai clinique participe à augmenter la qualité du soin (bénéfices de morbi-mortalité attestés par des publications29) ;

 L’impact en termes de notoriété de la recherche française, publique comme privée, à l’international est important ;

 Les nouvelles techniques, en particulier celles utilisant des dispositifs médicaux innovants, se développent et peuvent être maîtrisées grâce aux essais réalisés en France : tant l’appropriation de nouveaux cathéters que l’utilisation de la plateforme de biologie moléculaire mise en place par l’Institut national du cancer nécessitent un apprentissage dont bénéficient les équipes participant à l’étude ;

 Les données de transposabilité exigées dans les dossiers de demandes d’AMM sont plus aisées à formuler et valoriser lorsque les essais ont été conduits en France ;

 L’impact économique est également non négligeable, objectivé par des publications30 ;

 L’impact en termes d’emplois n’est pas facile à évaluer précisément mais l’activité des CROs françaises, l’emploi des TEC et des ARC (techniciens et attachés de recherche clinique) dépend étroitement de l’attractivité du pays pour les recherches cliniques.

[159] Des enjeux particuliers concernent la pédiatrie et la gériatrie : la France a été à l’origine du règlement pédiatrique européen31 et bénéficie d’une notoriété importante dans ce domaine, qu’il faut préserver. Il est également important de se positionner dans le domaine de la gériatrie, qui devrait se développer dans les prochaines années.

[160] De même, les équipes françaises sont reconnues pour la réalisation des phases 1, ainsi que dans le cancer. La qualité des soins en cancérologie, le lien de plus en plus étroit entre recherche et soins (recherche translationnelle), le plan cancer qui a notamment permis la disponibilité de plateaux techniques bien équipés, ont construit une notoriété internationale très forte des cancérologues français.

29 Par exemple : DJULBEGOVIC B. et al. « New treatments compared to established treatments in randomized trials (Review)” The Cochrane Collaboration 2012. Published by JohnWiley & Sons, Ltd. Ou DJULBEGOVIC B. et al.“New Cancer Treatment Successes Identified in Phase 3 Randomized Controlled Trials Conducted by the National Cancer Institute–Sponsored Cooperative Oncology Groups, 1955 to 2006 » Arch Intern Med. 2008;168(6):632-642

30 Par exemple : FAGNANI Francis « L’investissement industriel en recherche clinique à l’hôpital : une estimation pour la France en 2010 » Thérapie 2012 Mars-Avril; 67 (2): 89–96

31 Le Règlement n°1901/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif aux médicaments à usage pédiatrique a été initié par la France, avec pour objectifs de faciliter le développement et l’accès aux médicaments pour la population pédiatrique, d’assurer un haut degré de qualité quant à la recherche, l’évaluation et à l’autorisation de mise sur le marché des médicaments à usage pédiatrique, et d’améliorer la mise à disposition d’informations sur l’utilisation des médicaments chez l’enfant.

[161] La recherche clinique industrielle est aujourd’hui totalement mondiale : les protocoles sont conçus par les maisons-mères, qui décident de l’implantation dans les pays du monde. En France, il faut répondre à des enjeux de faisabilité, le choix des pays se faisant aussi sur les conditions administratives de mise en œuvre des essais. Tout l’enjeu est de montrer que notre pays est attractif sur les conditions de réalisation mais aussi administratives des essais.

[162] Avec le Règlement européen, les délais vont être encore plus courts. Le dépôt commun sur le portail européen risque de diminuer encore la visibilité pour les filiales nationales, qui ne verront pas forcément passer les projets.

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[163] Ainsi, les objectifs assignés à la mission recouvrent des enjeux majeurs, allant bien au-delà du simple redimensionnement des CPP après la loi Jardé, et devant concilier des injonctions paradoxales : réduction des délais alors que la charge de travail des CPP s’alourdit, gestion des conflits d’intérêts, bénévolat et maintien de la motivation des équipes, Règlement Européen en attente. La complexité croissante des organisations, l’internationalisation, la conciliation des exigences de qualité, de sécurité, de transparence, d’objectivité et de compétitivité rendent nécessaire d’envisager, comme l’avait également fait le rapport IGAS de 2005, plusieurs scénarios.

[164] Nécessairement différents de ceux de 2005 compte tenu des évolutions importantes décrites dans les deux premières parties du présent rapport, ces scénarios doivent être envisagés comme des options globales, chacun constituant un « puzzle » dont le retrait d’une pièce importante détruirait toute cohérence à l’édifice.

3 L

ES PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS DE LA MISSION

:

PLUSIEURS OPTIONS ETUDIEES

,

DEUX SCENARIOS COMPLEMENTAIRES RETENUS

,

FONDES SUR UNE EXIGENCE COMMUNE INCONTOURNABLE

3.1 Le socle commun à toute proposition : l’exigence absolue et urgente