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2.1.1 Les informations fournies par les conseillers des affaires sociales : des spécificités nationales pour des principes communs et des procédures mondialisées

[75] La mission a sollicité l’aide de la Délégation aux Affaires Européennes et Internationales (DAEI) du ministère des affaires sociales et de la santé pour disposer d’un état des lieux des comités de protection des personnes, ou entités équivalentes, dans les pays étrangers. Un questionnaire, accompagné des réponses aux questions pour ce qui est de la France, a été adressé aux conseillers sociaux des représentations françaises dans ces pays. La DAEI a recueilli et synthétisé les réponses à l’enquête proposée par la mission dans les pays disposant de conseillers des affaires sociales, c’est-à-dire dans les pays suivants : Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède, Danemark, Finlande, Etats-Unis, Canada, Chine, Inde. Le document de synthèse élaboré par la DAEI figure en annexe 1.

[76] Les réponses apportent des éclairages inédits sur la situation de plusieurs pays. Les paragraphes ci-après reprennent les principaux éléments des réponses reçues. Globalement, il apparait une forte tendance à la convergence des pratiques nationales qui correspond à (voire résulte de) la mondialisation de plus en plus importante de la recherche et des marchés dans ce domaine.

[77] Cette mondialisation laisse cependant une place non négligeable aux particularismes culturels, notamment en termes de nombre de comités rapporté à la population, de type de comités, ou de gouvernance de l’ensemble. Quelques caractéristiques des données ou spécificités recueillies peuvent ainsi être soulignées :

En Allemagne, le Conseil d’éthique fédéral et les 52 comités d’éthique locaux (CEL) sont indépendants et peuvent avoir trois origines, étant notamment liés aux facultés de médecine ou à l’ordre des médecins. Leur effectif peut varier de 4 à 32 membres avec une moyenne de 18. Beaucoup de chercheurs considèrent que le recours à un CEL constitue une contrainte excessive ainsi qu’une atteinte à leurs droits fondamentaux (liberté dans leurs recherches scientifiques).

En Espagne, le comité d’éthique national est rattaché au ministère de la santé et son rattachement au parlement est demandé. Il y a 32 comités d’éthique locaux de la recherche clinique et 52 comités locaux d’éthique et d’assistance.

En Italie, 245 comités d’éthique existent dans le pays. Un nouveau décret du 8/2/2013 prévoit une quinzaine de types de membres différents dans ces comités. Ils sont membres pour trois ans et leur mandat ne peut pas être renouvelé 2 fois de suite.

Au Royaume-Uni en 2013, il y a 99 « Research Ethics Committees » contre 200 il y 10 ans pour la seule Angleterre. Quel que soit le type de recherche, les « sponsors » (promoteurs) de la recherche peuvent choisir librement le comité auprès duquel ils déposent leur demande.

Dans la plupart des cas, ils le font soit sur une base géographique, soit en fonction de leur disponibilité pour l’examen de leur demande afin d’avoir un avis plus rapidement.

La Suède dispose d’un comité national et de six comités régionaux d’éthique sur la recherche, totalement indépendants (juridiquement et financièrement). Ils sont situés dans chacune des six grandes universités accueillant un centre hospitalier.

Les membres de ces comités (15 membres et un président qui doit avoir été juge), sont placés sous la responsabilité du ministre de l’éducation.

Si les présidents du comité national et des comités régionaux sont nommés par le gouvernement, les experts le sont eux par les universités et il revient aux partis politiques (locaux) de nommer les membres « laïcs » des comités d’éthique. Les comités régionaux sont financés par le produit de taxes affectées qu’ils prélèvent à l’occasion de propositions de modifications des protocoles (200€ par proposition) et d’avis sur des essais pharmaceutiques ou études ou essais cliniques multicentriques (1660 €). Le comité national d’éthique peut se prononcer sur les décisions controversées prises par les comités régionaux. Il est une instance d’appel, responsable de la conformité des recherches aux lois sur l’éthique. Chaque comité est autonome et souverain à l’occasion des avis qu’il peut rendre (aucun lien hiérarchique avec le comité national). Les comités, qui peuvent faire appel à des experts, collaborent entre eux et ont constitué un réseau destiné à échanger sur les enjeux juridiques des dossiers dont ils sont saisis. Une fois par an, le conseil national de la recherche organise un séminaire associant tous les membres des comités régionaux et leurs personnels, soit au total plus de 530 personnes.

Le Danemark compte 9 comités d’éthique régionaux (entités indépendantes) et un comité national sur la recherche biomédicale qui relève de la responsabilité du ministère de l’intérieur et de la santé. Le modèle danois est proche du suédois à de nombreux égards.

Le dispositif finnois relève du même modèle que le Danois.

Le dispositif des Etats-Unis présente de fortes spécificités depuis 1970, année où dut être constaté l’échec d’une étude clinique sur la syphilis, qui s’est traduit par le décès de plusieurs participants, tous Afro-américains et d’origine sociale modeste, qui n’avaient pas été informés des dangers encourus. Aujourd’hui, toute étude clinique, mais aussi toute étude sur des personnes, doit être approuvée, évaluée et contrôlée par un « Institutional Review Board ». Les IRB sont aujourd’hui régis par une loi fédérale (titre 45 du CFR -45CFR46)

 Toute institution de recherche peut se doter de son propre IRB, voire de plusieurs, chacun étant alors spécialisé dans un domaine médical particulier. Les IRB sont donc très nombreux aux Etats-Unis mais difficiles à dénombrer bien que la plupart soient habilités par la Food and Drug Administration (FDA) et rattachés à une institution de recherche. La question de savoir s’il faut payer ou non les membres des IRB est du ressort de chaque institution car il n’y a pas de règle fédérale sur ce sujet. La FDA a plusieurs exigences concernant les IRB (voir annexe 1) dont notamment celle d’être composés d’au moins 5 membres suffisamment qualifiés n’exerçant pas tous la même profession, au moins un scientifique et un non-scientifique devant être présents au moment du vote et une personne ne pouvant être issue de l’institution de recherche. Traditionnellement, les IRB étaient composés de volontaires issus des centres de recherche où ils travaillaient mais, de plus en plus souvent, les institutions de recherche sous-traitent à des organisations à but lucratif, avec le risque d’un conflit d’intérêts entre les chercheurs et l’IRB chargé d’évaluer l’aspect éthique d’un projet porté par leur client.

Au Canada, il existe un comité d’éthique de la recherche qui est partagé entre le ministère de la santé (Santé Canada) et l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). Ce comité évalue tous les travaux de recherche effectués sur des humains par Santé Canada et l’ASPC directement, en sous-traitance ou par délégation du gouvernement . Existe également une association canadienne des comités d’éthique de la recherche (ACCER). Par ailleurs un

« Enoncé de politique sur l’éthique de la recherche avec des êtres humains » de 1998 a été actualisé en 2010.

En Chine, les comités d’éthique pour la recherche biomédicale sont des entités indépendantes fondées juridiquement sur trois textes publiés en 2003, 2007 et 2010 ; le premier traite des normes de gestion de la qualité des essais cliniques de médicaments, le second des méthodes d’examen éthique de la recherche biomédicale à l’égard des êtres humains ; le troisième des principes de l’examen éthique de ces essais.

Le nombre de comités sur le territoire n’a pas été communiqué, probablement parce qu’il n’est pas certain, du fait de la gestion relativement décentralisée de la santé et de l’importance du nombre d’établissements de santé (22 000 établissements de santé dont 13 500 publics).

Il est cependant signalé une montée en charge de la mise en place des comités d’éthique au sein des établissements de santé du fait des encouragements en ce sens de la part des autorités sanitaires locales. Beaucoup de comités d’éthique sont confrontés à des difficultés financières. Au niveau national, le ministère a constitué un comité d’éthique médicale composé d’experts. Au niveau de chaque province, les autorités sanitaires ont installé une structure de conseil et de guide pour les examens à caractère éthique dans leur province. Au niveau local, les établissements qui effectuent des recherches biomédicales à l’égard des êtres humains ou chargés d’appliquer des techniques dans ces domaines, dont, outre les établissements de santé généralistes, les maternités, les instituts de recherche, les centres de contrôle des maladies, doivent installer un comité en leur sein.

En Inde, entre 2005 et 2012, les essais cliniques ont connu un âge d’or dans ce pays « mais au prix d’écarts éthiques inacceptables… ». Ces deux dernières années, ils ont été à l’origine de scandales sanitaires ayant causé le décès de patients, peu éduqués et informés. En réponse à ces écarts, des réformes ont été engagées pour mieux les recadrer. La dernière en date amende, pour la quatrième fois, la loi sur les médicaments et les cosmétiques en renforçant les comités d’éthique comme les pouvoirs du régulateur. Cette démarche a été saluée par la société civile mais ne contente pas les industriels étrangers, qui voient une insécurité grandissante qui porte atteinte à leur patrimoine intellectuel. L’agence de recherche en santé américaine vient de suspendre ses 40 essais cliniques en Inde, lesquels sont globalement en forte baisse. Alors qu’en 2005, l’Inde apportait une sécurité juridique aux brevets pharmaceutiques qui a eu pour conséquence de faire exploser le marché de l’externalisation des essais cliniques, les réformes ont détricoté, sous l’impulsion de la Cour suprême, cette sécurité juridique qui engendre, maintenant, une baisse des essais. Ces derniers développements porteront certainement atteinte à l’image et à la compétitivité de l’Inde comme nouvelle pharmacie du Monde. Ceci étant, le renforcement de la législation notamment sur les comités d’éthique apporte plus de garantie pour la protection des droits des patients.

2.1.2 Les autres données de comparaisons internationales : la France encore un modèle pour le fonctionnement des comités d’éthique, mais sa compétitivité s’érode

[78] La mission a étudié la situation de la Belgique, qui ne dispose pas actuellement de conseiller des affaires sociales : on y compte pas moins de 200 comités d’éthique. Un point commun à la majorité des pays dans le monde est que le choix du comité d’éthique est laissé au promoteur.

[79] Un groupe de travail du LEEM13 réalise depuis 10 ans (2002) tous les 2 ans une enquête sur les études réalisées par les industriels en France et comparaison avec l’international, sur différents indicateurs. Cette démarche n’a pas d’équivalent au niveau international et les autres pays l’utilisent, en font un exemple pour discuter avec leurs administrations. La création du CenGEPS14 a été fondé sur cette étude, sur la base du constat d’une perte en compétitivité, et a visé la mise en place d’actions et de ressources communes public-privé.

13 Les entreprises du médicament, principal syndicat représentant les industries du médicament en France

14 Centre National de Gestion des Essais de Produits de Santé : groupement d’intérêt public créé en 2007, issu du premier Conseil stratégique des produits de santé (CSIS). Son objectif est de renforcer l’attractivité de la France pour la recherche clinique industrielle. Il associe des partenaires publics et privés : hôpitaux, INSERM, LEEM. Sa principale mission est de

« recruter plus, plus vite et mieux dans les essais cliniques à promotion industrielle » : soutenir la professionnalisation et l’amélioration de la qualité des essais cliniques à promotion industrielle ; améliorer la gestion des aspects logistiques et

[80] Les constats issus de cette enquête sont globalement une baisse du poids de l’Europe dans la recherche internationale, avec un maintien relatif de l’Allemagne, une diminution de la France et récemment de l’Europe Est.

[81] La place des pays de cette région du monde augmentait pourtant jusqu’à il y a 5 ans, car la recherche constitue une façon d’accéder aux soins, mais le coût de revient a crû avec les années et des problèmes de qualité se sont posés de façon de plus en plus importante. Il apparaît de fait que les structures sociales du nord et du sud de l’Europe et de la France n’ont pas la même vision de l’éthique. Les Pays de l’Est et les USA peuvent apparaître plus compétitifs car l’accès aux soins est rendu possible pour des personnes en difficulté financière par l’inclusion dans des essais cliniques, alors qu’en France, la participation aux recherches relève d’un quasi-bénévolat.

[82] La part des USA augmente aujourd’hui, alors qu’elle diminuait dans la dernière décennie : beaucoup de moyens ont été dégagés (organisation des centres, spécialisation d’établissements et de centres de recherche clinique très intégrés, pour disposer de la recherche au sein de centres). En Allemagne également, les parcours de soins des patients sont bien définis entre soins et recherche (un peu comme dans les CLCC en France)

[83] Toutefois, il semble que le fonctionnement en France soit envié sur certains aspects par d’autres pays, en particulier sur le principe d’un avis unique de CPP valable pour toutes les recherches réalisées sur le territoire : tous les promoteurs, industriels et institutionnels sont apparus d’accord sur ce point.