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I.2. Le contexte de l’assurance des risques naturels en France

I.2.1. L’assurance des catastrophes naturelles en France

I.2.1.i. L’assurance dans le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles

L’indemnisation des sinistres repose sur la définition de catastrophe dans la loi 82-600 de juillet 1982 qui désigne « l’intensité anormale d’un agent naturel » [Loi 82-600, 1982]. Il est important de souligner que le terme « intensité anormale » renvoi à un risque non probabilisable c'est-à-dire dont la fréquence d’occurrence est trop faible pour que ces événements soient rendus probabilisables. Cela sous entend qu’il ne s’agit pas d’un risque classiquement assurable sur le marché français.

Le mécanisme mis en place par l’Etat est centré sur les préjudices économiques c'est-à-dire sur les contrats d’assurance dommages aux biens, aux véhicules terrestres à moteur et de couverture de pertes d’exploitation. Les assurances de personne ne sont pas concernées. Suite à la survenance d’un événement catastrophique naturel, une commission interministérielle déclare les communes concernées par l’événement par le biais d’un arrêté préfectoral par commune (désigné sous le terme d’ « arrêté catnat »). Les assureurs sont en charge dès la publication de ces arrêtés de réaliser les expertises sur les dommages directs mais aussi sur certains dommages indirects comme les pertes d’exploitation, puis sous un délai de 3 mois d’indemniser les assurés.

Comme expliqué précédemment, le régime repose sur un principe de solidarité et de mutualisation au travers d’un taux de surprime unique applicable à tous les contrats d’assurance de dommages aux biens (dommages multirisques habitation, dommages entreprises, dommages auto). Cela concerne :

« Les contrats d’assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l’État et garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France (dommages aux biens professionnels et non professionnels), ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur ».

Le taux de surprime est actuellement de 12% pour les contrats de dommages aux biens (multirisques habitation, multirisques professionnels, multirisques entreprises, etc.) et de 6% sur les contrats d’assurance de dommages automobile. Les assurés particulièrement exposés disposent d’une couverture d’assurance strictement identique à celle des assurés peu ou pas du tout exposés. Il s’agit du principe de solidarité géographique permettant d’éviter qu’il y ait des refus d’assurance sur les risques élevés : aucune modulation du montant des primes n’est envisageable afin d’inciter à réduire le risque.

Quelques leviers d’incitations financières à la prévention via l’assurance existent tout de même. Le premier levier consiste à limiter le montant de l’indemnisation dans les cas où « les mesures habituelles à prendre pour prévenir (les) dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises ». En théorie il est donc possible pour une société d’assurance de refuser un contrat si les prescriptions d’un PPR n’ont pas été respectées. Le deuxième levier repose sur le montant de la franchise en cas d'indemnisation suite à une catastrophe naturelle. Le montant est augmenté dans les communes plusieurs fois sinistrées et non couvertes par un PPR; l'augmentation de la franchise est cependant suspendue pendant quatre ans en cas de prescription d'un PPR. Au-delà des quatre ans, on estime que la commune présente un retard dans l’avancement administratif et l’augmentation de la franchise est applicable. Ce mécanisme est désigné sous l’expression « modulation de franchise ». Par le biais de ce mécanisme, l’incitation à la prévention en France n’est pas évidente car la contrainte de réalisation du PPR est sous la responsabilité de l’Etat et non pas du citoyen. Comme cela est souligné dans le rapport de synthèse de la mission d’enquête, la politique publique de prévention et le régime d’indemnisation sont deux dispositifs « juxtaposés et non convergents » car d’une part le constat est que le mécanisme d'indemnisation des catastrophes naturelles n'incite pas réellement à la prévention et d’autre part la politique de prévention des

risques naturels n'est pas parvenue à contenir significativement la croissance de l'indemnisation des catastrophes naturelles. Les outils à disposition des assureurs pour diversifier et sélectionner leurs risques sont pour ainsi dire inexistants. Mais un suivi attentif de l’avancement de ces processus administratifs est nécessaire pour les sociétés d’assurance afin de s’assurer que les outils de la prévention sont utilisés avec pertinence et efficacité par l’Etat sur l’ensemble des communes à risque. Dans ce couplage de responsabilité entre les sociétés d’assurance et l’Etat intervient une troisième composante à savoir la réassurance.

I.2.1.ii. La réassurance des catastrophes naturelles en France La réassurance est un arrangement au terme duquel une société «le réassureur» s’engage à indemniser une société d’assurance «la cédante» contre tout ou partie du risque qu’elle a souscrit aux termes d’une ou plusieurs polices d’assurance. Cela permet d’apporter à l’assureur direct une plus grande stabilité de résultats lorsque des sinistres inhabituels et importants se produisent en le couvrant au-delà de certains plafonds ou contre l’accumulation d’engagements individuels. Cela augmente aussi la capacité disponible des assureurs pour être en mesure d’assurer des risques plus nombreux et plus importants. Concernant les catastrophes naturelles en France, la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), société anonyme détenue par l’État, est habilitée à opérer la réassurance des risques relevant du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, avec la garantie de l’État. La CCR n’est pas l’unique réassureur à pouvoir potentiellement opérer dans le cadre du régime d’indemnisation mais elle est en revanche la seule à disposer de la garantie de l’Etat en dernier recours ce qui lui confère une position de quasi-monopole.

La couverture des traités de réassurance s’articule autour de deux formules combinées pour offrir une garantie à « double détente ». Dans la première formule, dénommée « quote-part », l’assureur cède au réassureur une certaine proportion des primes qu’il encaisse, ce dernier s’engageant en contrepartie à prendre en charge la même proportion de sinistres, appelée cession. La partie de prime non cédée par l’assureur est dénommée « conservation » ou « rétention ». La réassurance en quote-part permet un véritable partage du risque : l’assureur est tenu de céder au réassureur un pourcentage de chacune des affaires de son portefeuille. La seconde formule, appelée garantie « en excédent de perte » annuelle (ou stop-loss), porte sur la conservation de l’assureur, c’est-à-dire la partie non cédée en quote-part. Cette formule est dite « non proportionnelle », dans la mesure où le réassureur intervient seulement lorsque la sinistralité totale annuelle dépasse une franchise fixée contractuellement et exprimée généralement en pourcentage des primes conservées. Ce type de réassurance permet notamment à l’assureur de se prémunir contre la survenance d’une multiplicité de sinistres. La franchise du traité CCR représente donc le montant maximum qu’un assureur sera amené à supporter au cours d’un même exercice, et ce, quel que soit le niveau de sinistralité.

Dans le cadre du régime catnat, chaque société d’assurance de dommages doit négocier chaque année avec la CCR son contrat de réassurance, c'est-à-dire déterminer à partir du portefeuille d’assurés la proportion de rétention et la proportion de cession. Pour cela il faut que chacune des sociétés puisse s’appuyer sur des scénarios d’événements naturels permettant d’évaluer au mieux la réalité de l’exposition des portefeuilles d’assurés et ainsi d’identifier clairement les montants financiers en jeu.

L’équilibre financier du régime repose donc sur trois acteurs incontournables que sont l’Etat, les sociétés d’assurance et la CCR. Des réformes sont envisagées pour les années à venir à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne pour tenter d’améliorer les mécanismes de prévention et d’assurance des risques de catastrophes naturelles. Celles-ci pourraient redéfinir les contours des responsabilités et des rôles des acteurs du système.

I.2.1.iii. Les réformes à moyen terme Au niveau national

Au niveau national, il est question de réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles en donnant plus de liberté aux sociétés d’assurance et en déchargeant l’Etat d’un certain nombre de prérogatives dont celle de fixer elle-même le montant de la prime. Il ne s’agit pas de remettre en cause le régime en lui-même mais plutôt d’y apporter des évolutions permettant de renforcer son équilibre et responsabiliser les acteurs. Même si cette réforme nationale n’est pas encore clairement définie, les lignes directrices ont tout de même été déterminées pour constituer un avant projet de loi. Malgré la solidité financière du régime (jusqu’à présent tous les citoyens assurés et sinistrés ont globalement été correctement indemnisés et le régime n’est pas en faillite) il y a nécessité de réformer le régime. Cette nécessité résulte d’une analyse critique partagée par l’ensemble des acteurs de la société civile (au travers de la mission interministérielle [IGF IGE CGPC, 2006]) dont les deux limites principales sont les suivantes :

- la première limite est liée à l’imprécision du cadre juridique du dispositif et au recours insuffisant aux experts scientifiques pour permettre de déterminer ce qu’est une catastrophe naturelle. La question est posée avec acuité pour les risques de subsidence dus à la sécheresse ;

- la deuxième limite est liée à l’absence de "mécanismes de rappel" permettant de garantir l'équilibre du régime CatNat à long terme. La mission note que "les rares mécanismes existants de rationalisation des comportements sont soit inéquitables (comme l'augmentation des franchises en cas de multiplication des catnat dans une même commune et en l'absence de PPR prescrit), soit très peu appliqués (comme la possibilité d'exclusion de l'assurance CatNat pour les biens construits en violation des règles administratives). Face à l'augmentation de la vulnérabilité, les pouvoirs publics se sont contentés jusqu'ici d'augmenter graduellement les primes et les franchises, quitte à accroître les inégalités entre les assurés".

La mission interministérielle en charge de faire les propositions de réforme a fait les propositions suivantes :

- préciser la définition des risques couverts et recourir à un organisme collégial doté d’une autorité scientifique incontestable ;

- supprimer les arrêtés catastrophes naturelles ; ils seraient remplacés par des décisions dont le périmètre pourrait être infracommunal et la nature des dommages couverts par l’indemnisation devrait être mieux précisée ;

- redéfinir le périmètre des responsabilités sur la politique de prévention :

o améliorer le cadre réglementaire des prescriptions générales au niveau national et compléter par des prescriptions particulières dans les PPR ;

o développer des outils d’information sur les prescriptions de prévention ;

o moduler la tarification de l’assurance catnat et mieux adapter l’indemnisation des dommages en fonction de la mise en œuvre de mesures de prévention ;

o améliorer la prise en compte des enjeux économiques des risques naturels par les différents acteurs.

Les lignes directrices de ce projet montrent que les assureurs vont être amenés dans le futur à évaluer de manière fine l’exposition aux risques naturels mais aussi l’état de la prévention des constructions de leurs assurés afin d’être en mesure de pouvoir moduler la prime et de participer au renforcement des mécanismes de prévention. La modulation de la prime aura un impact sur la politique de souscription de chaque entreprise d’assurance afin d’optimiser les portefeuilles de contrats concernant la concentration et la diversification des risques.

Au niveau Européen

Au niveau Européen des réformes profondes du fonctionnement interne des sociétés d’assurance sont en marche. C’est l’objet de la directive Solvabilité II [Solvabilité II, 2007]. La Commission européenne a adopté le projet de directive-cadre, connu sous le nom de « Solvabilité II », qui arrête le nouveau système prudentiel des assurances. Celui-ci sera voté par le parlement Européen en 2009. Cette réforme a trois objectifs affichés :

- garantir un bon niveau de protection pour les assurés - harmoniser les règles prudentielles européennes

- inciter les compagnies d'assurances à améliorer la connaissance et la gestion de leur risque.

Au regard de ces objectifs une des nouveautés réside dans l'autorisation donnée aux assureurs d'utiliser des modèles internes pour le calcul de leurs besoins prudentiels en capital. A défaut, une formule standard s'appliquera à toutes les entreprises, quelques soient leur taille et leur statut juridique - société d'assurances, mutuelle, institution de prévoyance. Sur un plan technique et opérationnel, les outils financiers de contrôle à mettre en place s’inspirent de la directive Bale II pour les banques européennes. Concernant les catastrophes naturelles, cette directive va pousser les sociétés d’assurance à faire des études d’impact sur leurs processus afin de garantir une marge de solvabilité suffisante leur permettant de faire face à des scénarios catastrophe. Il s’agit d’évaluer le Scénario Maximum Possible (SMP) c'est-à-dire l’estimation de la plus grosse perte pouvant être anticipée pour un événement assuré. Elle correspond au scénario catastrophe après des études approfondies sur les événements ou les combinaisons d’événements critiques [Scor, 2005].

Les catastrophes naturelles sont directement concernées par ces évaluations. Il s’agit pour ce faire de modéliser les catastrophes à partir de données géographiques sur les aléas et sur les enjeux dans un ensemble homogène. Ces scénarios participent pour les sociétés à mettre en place un programme de contrôle des risques depuis l’identification et l’évaluation jusqu’à la mise en place d’un programme de financement.

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