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CHAPITRE II. PRESENTATION DES FONDEMENTS CONCEPTUELS ET

II.2. Le géodécisionnel au croisement du spatial et du décisionnel

II.2.1. Les besoins couverts par le géodécisionnel i La maturité technologique de la géomatique

La géomatique est un domaine qui fait appel aux sciences, aux technologies de mesure de la terre ainsi qu’aux technologies de l'information pour faciliter l'acquisition, le traitement et la diffusion des données sur le territoire (aussi appelées "données spatiales ", "données géospatiales" ou " données géographiques"). Ce terme a pris tout son sens à l’Université Laval dans les années 80 pour en faire une discipline à part entière [ULaval, 2008]. La définition officielle de la géomatique selon l'Office de la Langue française :

"Discipline ayant pour objet la gestion des données à référence spatiale et qui fait appel aux sciences et aux technologies reliées à leur acquisition, leur stockage, leur traitement et leur diffusion. La géomatique fait appel principalement à des disciplines comme la topométrie, la cartographie, la géodésie, la photogrammétrie, la télédétection et l'informatique".

D’après une étude menée par Franklin, près de 80% des données dans les entreprises disposent d’une référence spatiale [Franklin, 1992] soit par le biais d’une adresse, soit par le biais d’une référence à une entité administrative. Ces informations sont dites géocodables ou géoréférençables, c'est-à-dire qu’il est possible d’y associer des coordonnées géographiques ou bien d’associer un relevé de position GPS (latitude et longitude).

Des innovations technologiques en géomatique permettent de géolocaliser (ou géoréférencer) un grand nombre d’éléments propres aux entreprises et donnent ainsi la possibilité de les positionner sur une carte géographique. Les méthodes de géolocalisation se démocratisent de plus en plus à l’aide de nouvelles solutions technologiques accessibles au plus grand nombre (antennes GPS intégrées, logiciels de cartes routières grand public, services géolocalisés sur téléphone cellulaire, etc.). Les récentes avancées des technologies sans fil (ex.: WiFi), les technologies portables ou nomades (ex.: ordinateurs de poche (PDA) ou tablettes PC), ainsi que les nouvelles technologies microgéomatiques de positionnement (ex.: RFID ou RTLS) conditionnent directement l'évolution de la géomatique : combinaison à la fois des configurations technologiques novatrices et des solutions et stratégies d'affaires inédites. Une chaire de recherche a été créée à l’Université de Sherbrooke au Canada dont l’objectif consiste précisément à mieux comprendre l’utilisation des technologies géomatiques dans le

monde des affaires afin d’en arriver à des solutions technologiques et organisationnelles qui permettent d’en maximiser les bénéfices [Sherbrooke, 2008]. Cela témoigne d’une certaine dynamique d’appropriation des technologies géomatiques par les entreprises pour exploiter le potentiel des contenus géographiques des données stockées dans les systèmes d’information des entreprises.

II.2.1.ii. L’information géographique

Une information géographique est une donnée spatiale généralement composée de trois parties : une partie géométrique, une partie descriptive et une partie métrique [Rigaux et al, 2002]. La partie géométrique fournit des informations sur la position et la forme des objets étudiés et est représentée sous une forme vectorielle (point, ligne, polygone) ou raster (image). A cette partie est associée un ensemble de coordonnées terrestres permettant de représenter sur un plan cartographique l’information concernée. Les données descriptives ou données attributaires fournissent des informations qualitatives ou quantitatives sur les caractéristiques des objets. Les données métriques résultent d’un calcul effectué sur la partie géométrique (superficie, distance, surface).

Les informations géographiques sont représentées dans une carte. Chaque thème géographique y est représenté par une « Couche » d’information géographique, ensemble d’objets élémentaires de même nature. Une « Couche » associe la représentation géométrique d’objets spatiaux et la table d’informations statistiques qui leur est associée. L’information y est stockée et représentée au niveau du pixel (représentation raster) ou au niveau des objets spatiaux élémentaires (représentation vectorielle).

Le rôle d’un Système d’Information Géographique (SIG) est de proposer un environnement informatique permettant de représenter et d’analyser un phénomène au travers de sa représentation spatiale. Il permet de gérer et d’exploiter les données géographiques. La représentation de la donnée géographique fait appel à des éléments graphiques ou sémiologiques permettant de paramétrer l’affichage de chaque objet géométrique (trame de fonds, couleur, bordure, etc.) de la façon la plus compréhensible pour l’utilisateur (aussi bien analyste que décideur ou opérationnel). Par ailleurs la donnée géographique doit nécessairement être accompagnée de métadonnées, c'est-à-dire les données sur les données, permettant de contextualiser l’information qui est affichée (date d’acquisition, date de publication, nom du propriétaire).

Les données géographiques sont généralement stockées sous forme d’un ensemble de fichiers regroupant les données géométriques, graphiques, descriptives dont les formats sont généralement propre au logiciel permettant de les exploiter (Shape file pour ArcView d’ESRI, Mid-mif pour Mapinfo). Les données géographiques peuvent aussi être stockées dans des bases de données géographiques. Celles-ci sont gérées dans un environnement transactionnel (processus OLTP). Que ce soit sous forme de fichier ou bien de bases de données, le mode d’interrogation répond aux mêmes exigences que les bases de données relationnelles classiques.

II.2.1.iii. L’appropriation de la géomatique dans le secteur de l’assurance

L’exploitation de la composante spatiale des entreprises a fait émerger depuis une vingtaine d’années des domaines d’applications dont l’objectif est la prise en compte de la réalité spatiale des activités économiques des entreprises. Une activité n’a pas le même impact selon le lieu géographique de sa matérialisation : le lieu d’implantation d’une boutique, d’une agence, le secteur géographique de prospection commerciale, la situation et la capillarité d’un réseau de distribution, ont un impact certain sur l’activité économique. L’analyse de la distribution spatiale prend en compte les lieux d’échange ou de consommation de biens, de services ou d’information.

Le géomarketing fait partie de ces champs d’applications dans les entreprises. Le géomarketing exploite l’analyse géographique pour l’ensemble des problématiques de marketing aussi bien au niveau stratégique qu’à un niveau plus opérationnel [Latour et al., 2001]. Dans la plupart des sociétés d’assurance une cellule géomarketing existe afin de répondre à des problématiques d’implémentation des points de vente de leur réseau de distribution de produits d’assurance. Les sociétés d’assurance disposent d’un réseau d’agences et d’antennes commerciales qui constitue un facteur clé de développement. Le géomarketing est utilisé pour aider à délimiter les zones de chalandises et de garantir la rentabilité par rapport aux coûts d’implantations. Dans le cadre des fusions entre sociétés d’assurance, le géomarketing sert à décider la fusion ou la suppression d’agences mais aussi à cibler les produits d’assurance à vendre à des segments de clients. Cela représente un des rares domaines opérationnels dans l’assurance exploitant l’information géographique.

Ces services exploitent des combinaisons de données socio-économiques provenant de l’Insee pour l’essentiel avec des données relatives aux agences et à leur géolocalisation. Les principaux éditeurs de solutions géomarketing sont Asterop, Esri, Mapinfo, Experian, Geoconcept. Ces logiciels disposent de fonctions classiques SIG (traitement et diffusion) avec en complément des modules utilisés notamment par le géomarketing permettant de faire de l’analyse spatiale à partir de modèles mathématiques comme la méthode de krigeage pour l’interpolation spatiale, la modélisation gravitaire pour identifier des zones d’attraction, la méthode d’analyse de grille qui permet d’intégrer du calcul matriciel à l’aide d’opérateurs arithmétiques ou encore des algorithmes de calculs d’itinéraires.

En outre des nouveaux services utilisant le GPS sont en train d’émerger dans le secteur de l’assurance, en particulier pour ce qui concerne l’assistance et la prévention sur la branche assurance automobile. La MAIF et la MACIF déploient un service de « géo-sécurisation » dont l’objectif est de pouvoir alerter les services d’assistance en cas de panne ou d’accident à partir d’un boîtier électronique embarqué dans le véhicule (balise Argos) [Echos, 2008]. Des accords sont en cours de négociation avec des sociétés d’assurance françaises pour transposer en France le « pay as you drive » pour l’assurance automobile actuellement utilisée dans les pays anglosaxons et en Europe, dont l’objectif est de payer uniquement à hauteur du nombre de kilomètres parcourus dans l’année [Echos, 2007]. Des questions juridiques sont soulevées concernant le suivi permanent des conducteurs.

Ces exemples révèlent que des applications géomatiques sont en cours de maturation dans les sociétés d’assurance à des fins de développement de nouvelles affaires.

II.2.1.iv. Les systèmes d’information géodécisionnel (SIGD) : au croisement de la géomatique et du décisionnel

Comme pour les SID, les Systèmes d’Information GéoDécisionnels (SIGD) visent à proposer aux décideurs des éléments tangibles permettant de supporter la prise de décision.

Concernant les SIG, ceux-ci permettent d’analyser de manière fine les phénomènes ayant une composante géographique mais ils restent des outils opérationnels destinés à traiter l’information en mode transactionnel en s’appuyant sur des systèmes de requêtages complexes (processus OLTP). Les SIG souffrent de temps de réponse lents sans fonctionnalités de synthèse et de regroupement d’information.

Concernant les SID la manipulation et l’interrogation des entrepôts de données ne permettent pas d’exploiter le potentiel des données géographiques stockées dans les entrepôts de données et structures multidimensionnelles. [Caron, 1998] au cours de son travail de master a démontré que les SID et les processus OLAP sans visualisation et navigation cartographiques présentent d'importantes limitations pour l'analyse de phénomènes géographiques et spatio- temporels.

Les SIGD ont pour objectif de coupler les avantages fonctionnels et technologiques des SIG avec ceux des processus OLAP spécifiques au décisionnel. Ce mariage a pour objectif d’offrir aux décideurs la capacité de tirer pleinement profit de la composante spatiale des données stockées dans le système d’information soit dans des bases de données relationnelles, soit dans des entrepôts de données, et de pouvoir explorer des indicateurs liés à une problématique dans l’espace et dans le temps. On distingue deux approches : d’une part simplement représenter sous forme de cartes le contenu des entrepôts de données existants, et d’autre part construire de nouveaux entrepôts (Datawarehouse) et magasins de données (Datamart) intégrant des résultats de traitements géographiques et non géographiques afin de répondre à des problématiques qui n’avaient pas pu être abordées par le passé.

Le géodécisionnel constitue une nouvelle famille d’outils s’appuyant sur un enrichissement de la modélisation multidimensionnelle de manière à prendre en compte non seulement le caractère spatial ou géographique mais aussi le caractère multidimensionnelle des données. Ainsi le SIGD est vu comme l’ensemble des technologies capables de combiner les composantes multidimensionnelles et les composantes géographiques. Le terme Spatial OLAP désigne aussi les outils d’analyse de type SIGD. Il s’agit d’un concept technologique mis au point par l’équipe du Pr. Yvan Bédard au Centre de Recherche en Géomatique (CRG) de l’Université Laval [Bédard et al., 1997], [Bédard et al., 2001]. Le Spatial OLAP est dédié à l’analyse et à l’exploration d’indicateurs résultant de modèle spatiaux multidimensionnel (illustration d’un exemple d’interface Spatial OLAP figure 19).

Il est possible aussi de construire des Tableaux De Bord Spatiaux (TDBS) [Proult et al., 2007] répondant au même type de besoin que le TDB explicité dans le sous-chapitre précédent avec en plus l’intégration de la visualisation cartographique ; le tableau de bord vise à présenter les indicateurs d’une manière synthétique afin d’aider au pilotage plus qu’à l’analyse. Comme pour le décisionnel, ce sont les outils d’analyse de type SOLAP et les tableaux de bords spatiaux qui permettent de restituer de façon interactive aux analystes et aux décideurs le contenu des structures multidimensionnelle intégrant la composante géographique (modèles spatiaux multidimensionnels) (illustration d’un TDBS figure 20).

Figure 18 – Illustration d’un exemple d’interface d’analyse Spatial OLAP (combinaison de graphiques, tableaux et cartes thématiques) [Proult et al., 2007].

Figure 19 – Illustration d’un Tableau de Bord Spatial appliqué à la production forestière au Canada [Proult et al., 2007]

Comme présentée dans [Bédard, 2006], on distingue différentes familles d’outils ayant des caractéristiques se rapprochant du Spatial OLAP :

- Les solutions intégrées : capables de gérer des « Cubes »4 de données spatiales et comportent des fonctionnalités à la fois multidimensionnelles et géographiques pour explorer ce type de « Cube ». Les deux solutions les plus connues sont :

o SAS Web OLAP [Dijoux, 2005] : il s’agit de l’outil ArcGIS d’ESRI couplé au serveur SAS OLAP.

o JMAP-SOLAP [Kheops, 2008] : il s’agit de l’outil Web Jmap server pour la publication d’applications cartographiques couplées avec des accès R-OLAP ; c'est-à-dire des « Cubes » stockés dans des environnements relationnels

- Les solutions à dominante SIG : présentent des fonctionnalités essentiellement SIG avec très peu d’opérateurs OLAP. Ces solutions sont souvent des SIG dotés d’un module pour intégrer une extraction d’un « Cube » OLAP :

o OLAP Extension for ArcGIS : solution [ESRI OLAP, 2008] pour laquelle les opérateurs OLAP ne servent que pour les données OLAP descriptives mais pas spatial

o OLAP Module for MapPoint : solution s’appuyant sur les cubes Microsoft avec un assistant permettant de créer des cartes à condition que le cube

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Le « Cube » est entendu comme la structure de données spatiale multidimensionnelle stockant les indicateurs géodécisionnels ou simplement des entrepôts de données spatiales (selon le type d’outil)

contient des données géographiques. Il n’y a pas d’opérateurs OLAP sur la carte

o Location Intelligence Component de [Pitney Bowes Mapinfo, 2008] : une configuration XML permet de faire le lien entre les objets géométriques et les données du cube

- Les solutions à dominante OLAP : présentent des opérateurs OLAP mais très peu voir pas d’opérateurs cartographiques. Il s’agit bien souvent d’un simple visualisateur associé au « Cube » OLAP :

o TargIT BI suite

o Tableau Software

o JRubik

Au cours des travaux de thèse le choix s’est porté sur l’utilisation de la solution intégrée JMAP-SOLAP pour réaliser les prototypes de part la complétude de l’outil au regard de ce qu’on peut attendre en termes de maturité d’un outil géodécisionnel. Il s’agit d’une des solutions les plus abouties grâce à l’expertise de pointe du CRG. Cependant tous les aspects de la modélisation spatiale multidimensionnelle ne sont pas encore intégrés.

Comme la modélisation multidimensionnelle pour les SID, la modélisation spatiale multidimensionnelle est le socle sur lequel repose les SIGD. Le terme modélisation spatiale multidimensionnelle correspond au multidimensionnel enrichit d’une extension spatiale.

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