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L’association Itsasuarrak, « ceux d’Itxassou »

LA CERISE A ITXASSOU : ENTRE BIEN COMMUN ET PATRIMOINE

II- L’association Itsasuarrak, « ceux d’Itxassou »

A- Les liens avec le catholicisme social

Genèse de l’association Itsasuarrak

M. Signarbieux, président-fondateur a déposé les statuts de l’association en 1952. M. Jean Aguerre236, président d’Isasuarrak de 1983 à 1996 nous a expliqué que la création de l’association Itsasuarrak avait eu lieu lorsque la Fête de la Terre a pris le nom de Fête de la Cerise.

Il s’agit d’une association sportive et culturelle : dans les débuts, elle ne comportait que deux sections : la clique et la danse. Elle avait aussi repris l’organisation de la kermesse paroissiale puis de la Fête de la Terre, les fêtes patronales continuant d’être portées par le comité des fêtes Menditarrak, créé vers 1944.

Itsasuarrak était liée à la paroisse depuis sa création, actuellement il reste quelques fragments de ces liens.

233

Interview de Mme Marie-Françoise Regerat, op. cit.

234

Entretien avec M. Xan Estevecorena, 1/06/2013.

235

KPMG FIDORGA Sud-Ouest, op. cit., p.57.

236

86 M. Paul-Antoine Olaizola a relaté des liens entre la JAC (Jeunesse Agricole Catholique) et l’organisation de la fête de la cerise par l’association Itsasuarrak237. A cette

époque, le mouvement de la JAC a impulsé des fêtes ainsi que des activités sportives et culturelles, entre autres.

Xabier Itçaina explique :

« A partir de 1950, un nouveau genre de fête, cette fois davantage paroissiale que religieuse fait son apparition pour bientôt s’imposer comme l’une des célébrations majeures de l’année : la kermesse, célébrée d’abord par les jeunes de la JAC, puis par l’ensemble des groupes paroissiaux »238

.

Quelques éléments de l’histoire du catholicisme social

L’Encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII marque, en 1891, le véritable tournant social de l’Eglise catholique239. Ce texte condamne le socialisme et le libéralisme économique, le Père Roger Baudoin explique :

« La révolution industrielle a fait émerger une nouvelle classe sociale qui vit de son travail salarié. La législation sociale embryonnaire, l’interdiction des associations et un libéralisme théorique qui pense l’économie comme régie par ses lois propres, se traduisent par une situation de misère ouvrière dramatique. Par ailleurs, les idées socialistes se développent rapidement et mettent en question la propriété privée240 ». Ce texte servira de document de base à l’Action Catholique de la Jeunesse Française

(ACJF). Dans l’entre-deux guerre, divers mouvements se créent à partir de l’ACJF : la JOC en 1924 en Belgique et en 1926 en France, puis, la JEC et la JAC (Jeunesse Agricole Catholique), entre autres. Ces derniers se sont engagés à la fois pour la justice sociale et dans la rechristianisation.

La JAC a été créée en 1929 et développée sous l’impulsion du Père Foreau, sur deux constats : « la terre se meurt » et la France se déchristianise. Selon Claire Bailly Alemu, « ces deux phénomènes seraient liés : la « civilisation paysanne » déclinerait physiquement parce que les valeurs et la morale catholique seraient en perte de vitesse 241». Annie Dufour, docteur en sciences de l’éducation, ajoute : « La création de la JAC est en quelque sorte une réponse éducative de l’Eglise à une situation jugée par elle « de décadence sociale,

237

Interview de M. Paul-Antoine Olaizola, op. cit.

238

Xabier ITCAINA, « Temporalités rituelles et changement social. La circulation du sens dans le calendrier festif d’un village basque », op. cit., p.325.

239

Serge LAFITTE, « Le christianisme social », Le Monde des Religions, 1/09/2004, http://www.lemondedesreligions.fr.

240 Père Roger BAUDOIN, collège des Bernardins, « Panorama historique, doctrine sociale de l’Eglise

catholique », CERAS, http://www.doctrine-sociale-catholique.fr.

241

Claire BAILLY ALEMU, « La Jeunesse agricole catholique dans le milieu rural jurassien des années 1930 aux années 1960. Prosopographie des militants et aumôniers du mouvement JAC », thèse pour le doctorat d’histoire, http://www.ler-serec.org.

87 économique et religieuse d’un groupe, les agriculteurs, considéré traditionnellement comme un élément régulateur et stabilisateur d’une société qui semble minée par une subversion urbaine 242 ». C’est un mouvement de masse regroupant toutes les catégories sociales du monde rural, l’objectif étant d’être présent dans les différentes dimensions de la vie des jeunes agriculteurs au niveau professionnel, des loisirs, de l’éducation morale et religieuse : « entre 1930 et 1960, le mouvement s’oriente peu à peu vers la formation professionnelle et culturelle des jeunes, vers l’animation du milieu rural et développe une philosophie et une pédagogie qui lui sont propres243 ». Il s’agissait de former une élite paysanne. Après la guerre, la JAC est confrontée au problème de la modernisation du monde rural. René Colson, agriculteur en Haute-Marne et secrétaire général de la JAC va oeuvrer pour l’amélioration des conditions de travail par la motorisation, il convainc l’abbé Foreau de donner beaucoup plus d’autonomie aux jeunes agriculteurs, il affirmait que « les prêtres qui avaient un contrôle sur l’organisation devaient apprendre à penser comme les paysans au lieu de s’efforcer de faire raisonner les jeunes ruraux comme des prêtres… 244 ». René

Colson proposa aux agriculteurs de se regrouper dès 1946 : de 1950 à 1970, ces structures (G.V.A, C.E.T.A, C.U.M.A. G.A.E.C, entre autres) ont joué un rôle primordial dans la modernisation des exploitations et ont été des médiateurs entre les paysans et la société.

La JAC était présente à divers niveaux, elle donnait aussi des moyens d’expression aux jeunes agriculteurs : des rencontres culturelles et sportives (Fêtes de la Terre, Coupes de la joie…) étaient organisées et étaient l’occasion de nombreux débats.

Le MRJC (Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne) a pris la suite de la JAC en 1963. Actuellement, 15000 jeunes de 15 à 25 ans en font partie245.

La présence catholique à Itxassou

Les religieux participaient voire impulsaient des créations dans divers domaines de la vie itsasuar. Sœur Andrée, sœur de l’abbé Antchordoki, originaires d’Itxassou nous a évoqué cette présence246. Jaciste fédérale, elle souhaitait que son engagement personnel au sein de la JACF rejaillisse sur les jeunes d’Itxassou : « je voulais l’épanouissement des jeunes, il y avait peu d’activités, on a fondé un groupe de danses ». Cette religieuse allait apprendre les danses basques à St Jean de Luz puis les transmettait aux jeunes filles. Le vicaire

242 Annie DUFOUR, « Les enjeux de l’enseignement de la sociologie dans une école d’ingénieurs,

analyse du curriculum de l’Institut supérieur en Agriculture, Rhône-Alpes, de 1968 à 1994 », Université Lyon 2, 19/05/1998.

243

Claire BAILLY ALEMU, op. cit.

244

René COLSON, cité par Annie Dufour, op.cit.

245

http://www.agriculture.gouv.fr.

88 Gosterrazu avait été, quant à lui, trésorier du comité des fêtes. M. Michel Cachenaut247 a relaté que le vicaire était aussi secrétaire de l’association Itsasuarrak, les réunions de l’association avaient lieu chez ce dernier. Les prêtres avaient organisé la construction du mur à gauche.

La mouvance JAC et l’association Itsasuarruak étaient intimement liées, sœur Andrée nous a évoqué une expression de ce lien : le 2 juin dernier, d’anciens danseurs d’Ataitze avaient souhaité célébrer leurs retrouvailles au cœur même de la fête de la cerise248, ils se

sont retrouvés autour de la religieuse et lui ont offert un cadre avec plusieurs photos de groupes de danseurs et de groupes de la JAC.249Ce groupe Ataitze est l’une des sections de l’association Itsasuarrak.

B- Quelques éléments de l’histoire de vie d’Itsasuarrak

Nous avons rencontré un des présidents de l’association, M. Jean Aguerre ainsi que Mme Marie-Françoise Regerat, membre du bureau de 1999 à novembre dernier ; beaucoup d’autres itasuars interviewés ont participé d’une façon ou d’une autre aux activités de l’association.

Les activités

Si dans les débuts, l’association ne comportait que les sections danse et clique, par la suite, elle s’est enrichie de plusieurs sections et aujourd’hui, il existe des groupes de pelote masculine et féminine, de cyclotourisme et de gymnastique. Nous réaliserons dans la suite de ce mémoire un focus sur la fête de la cerise, moment primordial pour l’association.

Les membres de l’association

Aux côtés de la dizaine de membres du bureau, de nombreux adhérents participent aux diverses sections et de très nombreux bénévoles portent la fête de la cerise. Selon M. Cachenaut, au sein de l’association se côtoient des gens originaires d’Itxassou ainsi que des gens venus y habiter, des producteurs de cerises et d’autres corps de métiers250. Mme Regerat a livré son témoignage quant aux membres de l’association : « certains disent, mais ce n’est pas vrai, il faut être la fille ou le fils de pour entrer à Itsasuarrak, on accueille toutes

247

Entretien avec M. Michel Cachenaut, op. cit.

248

Interview de Mme Marie-Françoise Regerat, op. cit.

249 Entretien avec sœur Andrée, op. cit. 250

89 les bonnes volontés »251. M. Gilbert Etcheverry nous a communiqué la liste des présidents depuis la création : plusieurs n’étaient pas originaires du village, dont le fondateur, M. Signarbieux, venu de Paris prendre sa retraite.

Itsasuarrak et la cerise

L’association a porté plusieurs mouvements de valorisation de la cerise d’Itxassou et à Itxassou depuis sa création :

- enquête auprès de producteurs et recensement des cerisiers en 1982, - dons de plants aux particuliers,

- impulsion d’une « relance » : d’après Mme Regerat, « peut-être au sein de l’association Itsasuarrak, au départ de la relance, je sais qu’il y avait des membres qui avaient essayé de faire des choses par rapport à cette cerise »252,

- organisation de la fête de la cerise depuis 1952

- port et transmission de ce bien commun dans les sections de l’association par la représentation de petites cerises sur les bérets du groupe de danse et de la clique. Il y a 8 ans environ, l’association a fait évolué le motif des foulards portés par les bénévoles, le motif cerises est venu remplacer celui des personnages basques253.