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L'articulation des IRP et l'avenir du syndicalisme d'adhérents

L'image de la CFDT chez les nouveaux syndiqués

LES STRATEGIES DE SYNDICALISATION

B. L'articulation des IRP et l'avenir du syndicalisme d'adhérents

L'articulation des institutions représentatives du personnel est l'une des clefs de notre typologie1. En définitive, dans le secteur public

comme dans le secteur privé, la première question à se poser concerne la représentation du personnel. Sur quels critères la section sélectionne-t-on les candidats ? Quelle hiérarchie — implicite ou explicite — a-t-on établie entre les IRP ? Comment leur action est-elle ou n'est-elle pas coordonnée ?

S'il fallait résumer d'un mot la principale conclusion de notre étude, nous dirions que l'existence de DP vivants et actifs est la condition première d'un haut niveau de syndicalisation. Et il en est de même dans le secteur public avec les représentants dans les commissions paritaires et autres CTP. Ce sont eux qui assurent la présence de l'équipe syndicale sur le terrain, la plus grande visibilité auprès des syndiqués. Tant dans le syndicalisme de réseau que dans le syndicalisme de masse, l'institution des DP est à la base du plus grand nombre des adhésions et tous les témoignages concordent sur ce point : la syndicalisation décline dès que l'on délaisse les DP — ou les tâches habituellement prises en charge par eux : tournées auprès des salariés, contacts réguliers avec les syndiqués, écoute des préoccupations de la «base» que les élus doivent ensuite savoir faire remonter auprès de l'équipe syndicale.

A l'inverse, certaines configurations sont peu favorables à la syndicalisation. Tel est le cas de celles qui assurent la prédominance du CE. La moins favorable réside, semble-t-il, dans le cumul des mandats aux mains des gestionnaires du comité. Les temps de délégation sont engloutis dans la gestion et l'effectif des syndiqués ne tarde pas à diminuer. Comme nous l'avons vu lorsque nous avons discuté du "syndicalisme gestionnaire", une série de causes se conjuguent pour expliquer le déclin de la syndicalisation dans un tel cas de figure. Nous y ajouterons deux éléments qui apparaissent clairement à l'issue de notre enquête :

— même chez les nouveaux adhérents, une majorité n'a jamais utilisé les services offerts par le CE. Il est vrai qu'ils ignorent assez souvent que celui-ci gère aussi la cantine ou tel ou tel service auquel

1 Nous rejoignons sur ce point les conclusions d'autres travaux des recherches. En

particulier Pierre-Eric TIXIER, Mutation ou déclin du syndicalisme. Le cas de la CFDT, Paris, PUF, 1992 et : Annick LE MAITRE, Robert TCHOBANIAN, Les institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, Paris, La Documentation Française, 1992.

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ils s'adressent régulièrement. Dans l'esprit de beaucoup d'entre eux, l'établissement forme un tout et les oeuvres sociales appartiennent à ce tout. Dès lors, le CE n'assure pas toujours la visibilité qu'en attendent les syndicalistes qui se consacrent à sa gestion ;

— la majorité des adhésions sont sollicitées et elles le sont souvent après que le salarié ait fait appel à un délégué pour une demande de renseignements le concernant ou une demande d'aide face à un problème professionnel. Le salarié ne sait pas toujours clairement distinguer le DP de l'élu CE et du DS mais il s'adresse par priorité aux personnes qu'il côtoie dans son travail — ce que ne peuvent pas être les "cumulards" devenus permanents — ou que lui conseille ses camarades. Car la renommée des militants se transmet essentiellement par le bouche à oreille et, quand un DP est efficace, la chose se sait plus rapidement que la bonne gestion du CE. Ainsi peuvent s'expliquer les différences considérables de syndicalisation observées dans des établissements par ailleurs assez comparables.

Naturellement, les combinaisons possibles entre IRP sont nombreuses de telle sorte que des pratiques assez différentes peuvent coexister au sein même d'un établissement. Mais la tendance générale ne fait pas de doute. Si l'on songe que quatre nouveaux adhérents sur dix assument une responsabilité dans la section ou un mandat, on voit qu'il n'y a pas d'alternative au syndicalisme d'adhérents : sans adhérents pas de renouvellement des militants. Les sections qui ne parviennent pas à générer un nombre suffisant d'adhésions nouvelles sont tout simplement condamnées à un déclin et à une disparition assez rapide1.

Il faut cependant évoquer ici un point délicat dont les responsables des sections ne parlent pas toujours de gaieté de coeur : la question des moyens. Leurs déclarations convergent vers un même constat : le partage de la cotisation est léonin et les sections ne peuvent pas vivre avec les maigres ristournes qui leur sont consenties (ce qui n'est même pas toujours le cas). Dès lors, il faut bien que la section aille chercher ailleurs les moyens nécessaires à son activité. Deux sources existent : le CE, quand les élections sont favorables, et les moyens que le patron — privé ou public — concède aux sections. Dans un cas comme dans l'autre, les contreparties existent même si elles ne sont pas toujours clairement édictées ni facilement reconnues. Mais tous les militants de section en conviennent : il est difficile de se désintéresser de la gestion du CE si on risque de disparaître en le perdant ; il est impossible de refuser de négocier avec un patron qui met à votre

1 Ce processus a été décrit par Dominique ANDOLFATTO, Enquête sur la

désyndicalisation : l'évolution d'une section CFDT dans une grande entreprise métallurgique de Grenoble, Paris, IRES-CFDT, 1989.

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disposition un local, un téléphone, du papier, une photocopieuse… Si, de plus, tout cela valorise les militants, il est peu probable qu'ils accepteront d'en distraire quelques heures pour s'occuper de la syndicalisation, activité qui, à leurs yeux, est "gratuite" puisque la section n'en tire guère d'avantage financier. Les conquêtes de ces 25 dernières années apparaissent alors comme autant de "cadeaux empoisonnés". Et il paraît difficile d'envisager une action de longue haleine en faveur de la resyndicalisation qui ne poserait pas clairement la question des moyens nécessaires pour assurer l'indépendance des sections et des équipes syndicales tant vis-à-vis de la gestion des oeuvres sociales que des facilités offertes par le patronat. Parmi ces moyens d'une indépendance nécessaire, il faut naturellement compter l'aide des organes professionnels et interprofessionnels.