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L’articulation de l’action de l’État et des régions

A. LE DANEMARK

2. L’articulation de l’action de l’État et des régions

Le système de santé danois est fortement décentralisé. Les régions danoises sont responsables du système hospitalier : elles possèdent et gèrent des hôpitaux, elles sont donc directement responsables des prestations de soins hospitaliers et en déterminent elles-mêmes la dimension, la nature et le coût dans leur ressort. Étant donné l’étroitesse et l’homogénéité du pays dont la population est très mobile, les différentes politiques hospitalières divergent peu entre régions. En outre, les médecins de ville, tant généralistes que spécialistes, ainsi que les dentistes et kinésithérapeutes, entrent aussi dans la compétence des régions danoises : les praticiens demeurent des indépendants en exercice libéral mais ils passent des conventions avec les régions qui remboursent les soins et consultations des seuls conventionnés.

Comme les médicaments sont également remboursés par les régions, il peut en être déduit que l’essentiel du domaine de la santé et de l’assurance-maladie appartient au domaine des régions.

En matière de santé, les responsabilités des communes demeurent subsidiaires en dehors du domaine médico-social. Les communes sont responsables d’activités de prévention, de rééducation en dehors de l’hôpital, du traitement des addictions, des établissements d’accueil pour personnes dépendantes.

Le rôle central des régions dans la gestion du système de santé explique la mise en place d’une Covid-19 Intensiv Task Force associant étroitement les instances nationales et les cinq régions danoises pour évaluer les besoins et répartir les ressources, notamment en soins intensifs, pendant la pandémie.

Plus largement, des contacts très réguliers ont été maintenus entre le gouvernement, l’association des régions, l’association des communes et l’association des médecins danois (Praktiserende Lægers Organisation – PLO).

Plusieurs accords multipartites ont été signés pour coordonner et ajuster pas à pas l’action de chaque acteur sur des points concrets et bien circonscrits.

Un accord a été ainsi trouvé entre l’État danois, les collectivités territoriales et les médecins lors d’une table ronde le 13 avril 2020 pour accroître les soins non liés à la Covid-19 et planifiés pour réduire les listes d’attente. En général, la pression sur les services hospitaliers a été maintenue à des niveaux acceptables pendant toute la crise sanitaire si bien qu’il n’y a pas eu véritablement de politique de rationnement des soins, seules les opérations chirurgicales non essentielles étant reportées dans les premières semaines de la crise.

En outre, les régions ont conclu le 16 mars 2020 un accord avec l’association des médecins pour faciliter les consultations des généralistes à distance en vidéo ou par téléphone1. Le recours à ce type de consultations qui existait déjà a été largement amplifié à l’occasion de la pandémie. Il fallait ajuster leurs modalités, notamment de remboursement.

Le gouvernement a souhaité également faciliter l’action des régions et des communes en faisant adopter une loi d’urgence dispensant temporairement leurs achats pendant la crise sanitaire du respect de certaines obligations légales2. En particulier, jusqu’au 1er juillet 2020 dans un premier temps, puis jusqu’au 1er novembre et enfin jusqu’au 1er mars 2021, les régions et communes peuvent à titre dérogatoire payer d’avance leurs fournisseurs pour des achats allant jusqu’à 1 million de couronnes (135 000 euros) et ne pas appliquer volontairement de pénalités pour des retards liés à l’épidémie. Le ministre de l’intérieur et des affaires sociales et le ministre des finances ont pris également les arrêtés nécessaires pour donner aux collectivités territoriales les mêmes obligations et les mêmes compétences que l’État en matière d’autorisation de crédits et de compatibilité pour la bonne gestion de l’épidémie de Covid-19.

1 www.laeger.dk/sites/default/files/aftale_om_midlertidig_honorering_af_telefonkonsultation_i_alme n_praksis_16.marts_.pdf

2 Lov om kommuners og regioners indkøb i forbindelse med håndtering af covid-19, n°325 du 31 mars 2020.

b) L’Autorité nationale de santé comme pivot

L’État par l’intermédiaire du ministère de la santé et des différentes agences qui en dépendent joue dans le système de santé un rôle de pilotage stratégique global, de régulation, de supervision, de coordination et de financement partiel des dépenses de santé des collectivités sur base contractuelle. La réglementation du secteur pharmaceutique dépend également de l’État.

L’autorité nationale de santé (Sundhedsstyrelsen)1 occupe une place centrale au sein du ministère de la santé et a joué un rôle essentiel dans la supervision et la coordination opérationnelle de la réponse à la crise, en s’appuyant sur les capacités scientifiques de l’institut épidémiologique national, le Statens Serum Institut, qui sert également de laboratoire national de référence. C’est elle qui a été chargée de la définition de la stratégie et de l’établissement de lignes directrices et de recommandations en matière de prévention, de tests, de triage, d’orientation et de prise en charge à destination tant du système hospitalier que des praticiens de ville.

En se fondant sur les prévisions et estimations de l’institut épidémiologique d’État, l’autorité nationale de santé a élaboré un plan capacitaire2. L’évaluation des ressources révèle au niveau national qu’en mars 2020, le Danemark pourrait disposer de 1 242 lits en soins intensifs avec respirateurs dont 925 qui pourraient être libérés et consacrés aux malades de la Covid-19 dans les hôpitaux publics gérés par les régions. En outre, 116 autres respirateurs pourraient être mobilisés dans les hôpitaux privés (87) et militaires (29), dans les universités (20) et d’autres établissements (4), tandis que 80 respirateurs supplémentaires avaient été déjà commandés par les régions, avant l’acquisition par l’État de 160 autres respirateurs dans le cadre d’un appel d’offres européen. Au total, l’autorité nationale de santé estimait que 1 060 respirateurs pouvaient être mobilisés3.

Parallèlement, l’évaluation des besoins potentiels a reposé sur un scénario de contamination de 10 % de la population soit 580 000 personnes et les données disponibles sur le déroulement de l’épidémie en Chine et en Italie. Au pic de l’épidémie, le besoin de lits en soins intensifs avec

1 Le terme de styrelsen pose une difficulté de traduction car la notion recouvre selon les domaines ce qui s’apparente tantôt à une direction d’un ministère (traduction littérale) tantôt à une agence ou une autorité administrative indépendante sous tutelle du ministre. Tout en faisant partie d’un ministère, une styrelsen est censée remplir une fonction de régulation à partir de personnels recrutés spécialement pour leurs compétences techniques et présente une certaine indépendance et neutralité politique tout en répondant aux instructions générales du ministre. C’est une caractéristique de la gouvernance administrative des États nordiques. Est retenue dans la présente étude la traduction d’autorité nationale de santé en s’inspirant de la traduction officielle en anglais Danish National Health Authority de Sundhedsstyrelsen.

2 Sundhedsstyrelsen, Håndtering af COVID-19 : Progonse og Kapacitet i Danmark for intensiv terapi, 22 mars 2020.

3 Sundhedsstyrelsen, Status på COVID-19 ved indgangen til den tredje uge af epidemiens første bølge i Danmark, med særligt fokus på intensiv kapacitet, Rapport – 3e semaine, 23 mars 2020, p. 3.

respirateur était estimé à une fourchette de 827 à 991 lits. Malgré un risque réel de saturation et l’incertitude des prévisions, la situation du système hospitalier danois n’était pas défavorable étant donné les capacités existantes, éventuellement étendues par les acteurs privés et l’armée, les commandes en cours et l’effet des mesures strictes de distanciation sociale.

De fait, à l’été, l’épidémie n’avait pas eu l’ampleur envisagée et le système hospitalier public n’avait pas été mis en difficulté malgré la pression accrue en avril. Il n’a pas non plus été fait appel aux ressources des hôpitaux privés et militaires.

Sundhedsstyrelsen a également géré la communication pendant la crise. Son site internet www.sst.dk publie toute l’information disponible quotidiennement actualisée et les recommandations d’hygiène et de distanciation. Les citoyens et résidents au Danemark ont reçu des messages de prévention par courrier et par SMS. Des brochures ont été éditées pour des publics plus ciblés (personnes âgées, femmes enceintes notamment).

L’autorité de santé a également installé une ligne téléphonique permanente pour soulager les centres téléphoniques des urgences et les cabinets des généralistes. Chaque semaine est publié un rapport d’état des lieux de l’épidémie au Danemark présentant l’évolution de la situation sanitaire, la stratégie suivie et les mesures mises en œuvre, ainsi que des prévisions d’évolution de l’épidémie et des focus thématiques.