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Chapitre II Les cadres théoriques

II. 3 L’approche anthropologique du didactique

Les différentes notions fondamentales de la théorie anthropologique du didactique, la TAD, proviennent en grande partie de la présentation de Chevallard dans le cadre de la relation entre le rapport au savoir et la didactique (2003 b).

II.3.1 -

Les personnes, les objets, les institutions

a - Définitions

i - Individu

Un individu : « Tout corps considéré comme un tout distinct par rapport à l'espèce à laquelle il appartient. Le genre, l'espèce et l'individu. » (Le Littré). Nous nous intéressons ici à l’espèce humaine et un individu est un être humain.

ii - Objet o

Tout est objet, toute entité, matérielle ou immatérielle, qui existe au moins pour un individu.

iii - Œuvre

Une œuvre est le produit intentionnel de l’activité humaine. Toute œuvre est un objet.

iv - Rapport personnel

Le rapport personnel d’un individu x à un objet o est noté R(x, o).

C’est l’expression par laquelle on désigne le système de toutes les interactions qu’un individu x peut avoir avec l’objet o ; un objet o existe pour x si le rapport personnel de x à o est non vide.

v - Personne

C’est le couple formé par un individu x et le système de ses rapports personnels R(x, o), à un moment donné de l’histoire de x. La personne est donc représentée par le couple : (x, R(x, o)).

Tout être humain peut être considéré comme un individu, quel que soit son âge. Mais l’individu existe dans ses rapports personnels aux objets, existe grâce aux rapports personnels qu’il construit avec les objets31. Les rapports personnels aux objets d’un individu x ne sont pas figés et, donc, la personne évolue. Dans la TAD, l’individu est l’invariant et, ce qui change, est la personne. L’individu est l’entité invariante qui existe par rapport à l’espèce humaine ; la personne est en continuelle évolution dans ses rapports aux objets.

Dans la suite, la notation « x » est également utilisée pour désigner une personne. Cette confusion, apparente, entre personne et individu, est amplifiée par la notation suivante qui découle des définitions précédentes :

   ,   ,

où ∑  , est la somme de tous les rapports aux objets présents dans les multiples institutions I auxquels l’individu x à accès.

31 Nous renvoyons à ce sujet à la cinquième partie du livre de Marcel Mauss (1950), Sociologie et anthropologie,

vi - Univers cognitif

Dire qu’une personne x connaît o signifie que le rapport R(x, o) est non vide et que l’objet o existe pour la personne x. L’univers cognitif de la personne x correspond à l’ensemble de tous les objets connus par x, c'est-à-dire qu’il est constitué de tous les couples (o, R(x, o)) où le rapport personnel à l’objet est non vide. Il est noté : U(x).

U(x) = {(o, R(x, o)) / R(x, o) est non vide}.

Le terme de cognitif est ici utilisé pour désigner tout objet connu, quel qu’il soit.

vii - Institution

Nous renvoyons le lecteur au paragraphe II.2 de ce chapitre.

viii - Position

Chaque objet, particulièrement un objet social comme le professeur ou l’élève, doit posséder une position p dans une institution pour exister pour des individus.

ix - Sujet

Un sujet d’une institution I est un individu x qui vient occuper une position p parmi les différentes positions p offertes dans I. Il est considéré comme un objet de l’institution qui possède une position p. La classe de l’environnement scolaire classique propose aux individus deux positions : celle de professeur et celle d’élève.

L’expérience ACOT a montré, par exemple, que, dans un environnement d’apprentissage informatisé, la classe ACOT peut proposer d’autres positions aux individus : l’élève expert ou l’élève collègue ( Haymore, 1997, p. 82 et 125).

x - Rapport institutionnel

Étant donné un objet o, une institution I et une position p dans I, on appelle rapport institutionnel à o en position p, le rapport à l’objet o qui devrait être, idéalement, celui des sujets de I en position p. On le note : RI(p, o).

xi - Univers cognitif de I

L’univers cognitif de la position p de l’institution I est l’ensemble de tous les objets connus potentiellement dans la position p de I ; c'est-à-dire, qu’il est constitué de tous les couples formés par les objets o et les rapports institutionnels RI(p, o) non vide. Il est noté : UI(p).

UI(p) = {(o, RI(p, o)) / RI(p, o) soit non vide}

Par extension, l’univers cognitif de l’institution I est la réunion des univers cognitifs de toutes les positions p de I. Il est noté U(I).

U(I) = ∑p UI(p)

b - La personne dans l’institution

C’est par ses assujettissements, par le fait qu’il est sujet d’une multitude d’institutions, que l’individu x se constitue en une personne.

Son univers cognitif, U(x), se crée, change, évolue quand x vient occuper une certaine position p dans une institution I ou vivent des objets o. U(x) est constitué des couples (o,R(x,o)) où R(x, o) est non vide. Étant donné un objet o, ce couple va évoluer si R(x, o) change. Il ne peut changer que si l’individu x vient prendre une position p dans l’institution I où existe un rapport institutionnel à l’objet o, RI(p, o), vers lequel va tendre R(x, o). L’idéal, du point de vue de l’institution, étant que : R(x, o) ≈ RI(p, o). Dans ce cas, x en position p dans I, est un bon sujet de I. Il y a dans ce cas conformité du rapport personnel de x au rapport institutionnel en position p.

En devenant sujet de l’institution I dans une certaine position p, l’individu x s’assujettit au rapport institutionnel RI(p, o) qui va modeler ses rapports personnels. Un même objet o peut exister dans de multiples institutions. Il suffit pour cela qu’il existe pour au moins un sujet dans chacune d’elle : le même individu x peut devenir sujet de certaines des institutions I où existe l’objet o. Dans chacune d’elles, il prend une position p pour s’assujettir au rapport institutionnel RI(p, o). Son rapport personnel à l’objet o, qui existe dans I, va se rapprocher du rapport institutionnel à l’objet o. Il serait peut-être plus juste de noter R(x, oI) pour parler du rapport personnel de x à l’objet o dans I. Dans ce cas, le rapport personnel à l’objet o, R(x, o) est la somme de tous les R(x, oI) pour toutes les institutions I où l’objet o existe, Io, dont x a pu devenir sujet.

 ,    , 

Réciproquement, une institution existe grâce à ces objets qui ne vivent que s’ils existent pour des individus. Quand un individu se place en sujet dans une institution, dans une position p, il la fait alors vivre.

Un individu ne saurait vivre avec un univers cognitif vide car il doit au moins savoir se nourrir. Cet univers ne peut se construire sans institution car il est constitué des rapports personnels aux objets qui dépendent des institutions où existent ces objets.

Les individus vivent grâce aux institutions qu’ils font eux-mêmes exister.

Une institution vit par ses acteurs, c’est-à-dire par les personnes qui lui sont assujetties – qui en sont les sujets – et la servent (ou la desservent), consciemment ou non. Réciproquement, une personne émerge de l’assujettissement d’un individu à une foule d’institutions, dont cette personne est un plus ou moins bon sujet (et dont elle peut être un mauvais sujet). La liberté des personnes résulte de la puissance que leur confèrent leurs assujettissements institutionnels, jointe à la capacité de faire jouer contre tel ou tel joug institutionnel tel autre assujettissement – auquel, du reste, on aura peut-

être voulu se soumettre dans une pure visée de libération. (Chevallard Y., 2003 a, p. 3).

Le cadre anthropologique est maintenant posé et il est nécessaire de s’intéresser à présent aux outils qui vont nous permettre d’analyser la position des objets de savoir dans les LTF et comprendre comment ceux-ci peuvent être utilisés comme des institutions pour l’apprentissage des mathématiques.

II.3.2 -

Les outils d’analyse de la TAD

a - Les organisations mathématiques

Nous commençons notre présentation par une citation d’Yves Chevallard pour introduire le concept de praxéologie :

La théorie anthropologique du didactique considère que, en dernière instance, toute activité humaine consiste à accomplir une tâche t d’un certain type T, au moyen d’une certaine technique τ, justifiée par une technologie q qui permet en même temps de la penser, voire de la produire, et qui a son tour est justifiable par une théorie Q. En bref, toute activité humaine met en œuvre une organisation qu’on peut noter [T/τ/θ/Θ] et qu’on nomme praxéologie, ou organisation praxéologique. Le mot de praxéologie souligne la structure de l’organisation [T/τ/θ/Θ] : le grec praxis, qui signifie « pratique », renvoie au bloc pratico-technique (ou praxique) [T/τ], et le grec logos, qui signifie «raison», «discours raisonné», renvoie au bloc technologico-théorique [θ/Θ]. Ces notions permettent de redéfinir de manière assez réaliste certaines notions

courantes : ainsi peut-on considérer que, par savoir-faire, on désigne usuellement un bloc [T/τ], et, par savoir, en un sens restreint, un bloc [θ/Θ] – ou même, mais en un sens large cette fois, une praxéologie [T/τ/θ/Θ] tout entière. Pour cette dernière raison, on pourra désigner aussi une organisation praxéologique comme étant une organisation de savoir – en se résignant alors à ne rencontrer qu’aléatoirement les points de vue institutionnels spontanés, qui font d’ordinaire un usage élitaire et parcimonieux du mot savoir. L’emploi du mot praxéologie a pour mérite de donner à entendre un fait anthropologique banal autant que fondamental : il n’est pas de praxis sans logos ; il n’est pas de logos à jamais innocent d’implications "praxiques». (Chevallard, 2002 a, p. 2) Une organisation mathématique est une praxéologie où le bloc pratico-technique ainsi que celui technologico-théorique sont du type mathématique, c'est-à-dire où les objets de savoir en jeu proviennent du champ des mathématiques.

i - Les types de tâches

Toute activité revient à réaliser une certaine tâche t d’un type T. Chacun des logiciels tuteurs fermés propose toute une série de tâches à réaliser par les élèves. Ces tâches sont en général des « construits institutionnels dont la reconstruction en telle institution (…) est l’objet même de la didactique » (Chevallard, 1999, p. 224). L’étude des particularités de cette reconstruction dans les LTF est l’objet de notre travail.

Ces praxéologies peuvent être de trois formes distinctes, ponctuelles, locales ou régionales, qui correspondent aux différents niveaux des organisations mathématiques (voir infra).

ii - La technique

Toute tâche est réalisée grâce à une technique particulière, « une manière de faire » (Ibid.), notée τ. Sans technique, aucune tâche ne peut être réalisée.

Trois remarques permettent de cerner les particularités des techniques propres à un type de tâches T :

1. une technique peut être supérieure à une autre, sinon sur le type de tâches T tout entier, du moins sur une partie de T ;

2. une technique n’est pas nécessairement de type algorithmique ;

3. en une institution I donnée, à propos d’un type de tâches T donné, il existe en général une seule technique ou du moins un petit nombre de techniques institutionnellement reconnues (Ibid. p. 226).

La description du bloc pratico-technique [T/τ] permet de mettre à jour les savoir-faire utilisés par les élèves.

iii - La technologie

Une technique est produite et justifiée, rationnellement, grâce à une technologie θ. Trois remarques précisent le sens de θ :

1. la technique τ est toujours accompagnée au moins d’un embryon, ou plus souvent, d’un vestige de technologie θ (c’est la bonne manière de faire dans telle institution I) ; 2. une fonction de la technologie est de rendre intelligible, d’éclairer la technique τ,

d’exposer pourquoi il en est bien ainsi ;

3. une autre fonction est celle de production de techniques (Ibid. p. 226).

iv - La théorie

Toute technologie est, elle-même, justifiée par une théorie. La théorie a aussi deux autres fonctions qui sont celles d’explication de la technologie et de production de technologie ; c'est-à-dire que la théorie a le rôle vis-à-vis de la technologie que cette dernière possède vis-à- vis de la technique.

Le groupe [θ/Θ] correspond au bloc technologico-théorique, le savoir en jeu dans la réalisation de la tâche. Mais le savoir est aussi considéré comme l’ensemble [T/τ/θ/Θ], c'est-à- dire la réunion des groupes pratico-technique [T/τ] et technologico-théorique [θ/Θ]. D’où l’emploi du mot praxéologie qui permet de décrire tout objet de savoir comme la réunion d’une partie pratique et d’une partie théorique.

v - Les différents niveaux des OM

Les organisations mathématiques ne sont pas toutes du même niveau c'est-à-dire que toute tâche n’est pas réalisée grâce à une seule technique qui est, elle-même, justifiée par un seul bloc technologico-théorique.

Il est, par exemple, difficile de décrire de la même façon la tâche « Résoudre une équation du second degré » de la tâche « Trouver une valeur de x pour que x² - 1 = 0 ».

Il est donc nécessaire de mettre en place plusieurs niveaux qui sont décrits par le schéma suivant de Bosch et Gascόn (2003) :

Figure 21 : Organisations mathématiques, Bosch et Gascon (2003).

Reprenons la description que Chevallard nous propose sur ces différents niveaux d’organisations mathématiques :

Ces contraintes tiennent globalement au fait que la mise en place d’une organisation mathématique ne se fait pas dans un vide d’œuvres. La mise en place d’une organisation mathématique ponctuelle [T/τ/θ/Θ] ne se rencontre par exemple qu’exceptionnellement dans les cours d’études réels : il n’existe guère de thèmes d’étude θ qui ne renvoient qu’à un type de tâches T. Cette abstraction existe sans doute un peu plus pour l’élève parce que, dans l’état actuel des choses, celui-ci est évalué en priorité à propos de types de tâches T dont chacun définit pour lui un sujet d’études à part entière, quasi indépendants des autres.

Par exemple, un élève peut considérer que, si le type de tâches suivant lui est proposé :

T : trouver la valeur de x pour laquelle : x + 3 = 7 (*)

alors, il peut utiliser la technique associée à ce type d’équation :

θ : effectuer le calcul (7 – 3) qui correspond à effectuer la soustraction entre le nombre qui se trouve à droite du signe égal et le nombre qui se situe à gauche du signe égal.

Mais pour le professeur, déjà, l’unité de compte – non bien sûr l’unité minimale – est plus vaste : c’est autour d’une technologie θ, qui prend alors le

statut de thème d’études, que se regroupe pour lui un ensemble de types de tâches Ti (i  I) à chacun desquels, selon la tradition en vigueur dans le cours

d’études, la technologie θ permettra d’associer une technique ti. (Chevallard,

2001, p. 2)

Dans le même temps, le professeur qui propose à ses élèves cette équation (*) à résoudre ne se place pas dans l’association de cette unique technique θ à une équation de ce type. Il considère déjà le thème d’études « résolution d’équation du premier de degré à une opération, l’addition » qu’il associe à un ensemble de types de tâches Ti(i  I). Le professeur est alors en

présence d’une organisation mathématique locale et non plus ponctuelle comme pour l’élève.

L’organisation mathématique que le professeur vise à mettre en place dans la classe n’a plus alors la structure atomique qu’exhibe la formule [T/τ/θ/Θ] : c’est un amalgame de telles organisations ponctuelles, que l’on notera [Ti

i/θ/Θ](i  I) et qu’on appelle organisation (mathématique) locale.

Et c’est d’une telle organisation locale que l’élève devra alors extraire, en les reconstruisant avec ses camarades d’étude sous la direction du professeur (ou, faute de mieux, pour son propre compte), les organisations ponctuelles sur lesquelles sa maîtrise sera préférentiellement évaluée.

Le professeur, quant à lui, doit gérer un phénomène analogue, mais à un niveau supérieur : l’organisation locale [Tii/θ/Θ](i  I) correspondant au thème d’études doit être extraite d’une organisation plus vaste, qu’on dira régionale, et qu’on peut regarder formellement comme le fruit de l’amalgamation d’organisations locales admettant la même théorie Θ, [Tijijj/Θ](i  I), (j  J). (Ibid.)

Le secteur d’études que le professeur va devoir gérer correspond à l’ensemble des praxéologies qui concerne la résolution des équations du premier degré à une inconnue.

Ce niveau, celui du secteur d’études, n’est au reste nullement terminal. On constate en effet, en général, l’existence de niveaux supérieurs de détermination (d’une organisation) mathématique : l’amalgamation de plusieurs organisations région [Tijijjk](i  I),(j  J),(k  K), conduit ainsi à une organisation globale, identifiable à un domaine d’études ; et l’ensemble de ces domaines est amalgamé en une commune discipline – pour nous, « les mathématiques ». (Ibid.)

Pour illustrer les niveaux des organisations mathématiques, voici un objet de savoir que nous allons rencontrer à l’occasion de l‘expertise des LTF. Les élèves doivent résoudre cet exercice de proportionnalité de la partie Arithmétique dans le LTF Les Maths, C’est facile de chez Génération 5, niveau sixième.

Figure 22 : exercice de proportionnalité dans Les Maths, C’est facile

Comme le présente Chevallard, « l’élève doit extraire (…) les organisations ponctuelles » d’une organisation locale, puis en choisir une pour résoudre ce problème. Dans le cadre du travail avec ce LTF, l’élève n’a pas la possibilité d’aller dans le cours disponible pour retrouver des organisations ponctuelles car rien n’est écrit sur la proportionnalité. Il doit donc retrouver par lui-même des organisations ponctuelles adaptées à ce problème et à sa résolution et choisir celle qui a sa préférence. Selon ce qu’il a vu avec son professeur, ou pendant les années précédentes, il peut choisir une OM dont la technique est justifiée par la notion de coefficient de proportionnalité ou une OM dont la technique est le produit en croix.

Il faut rappeler que :

On ne rencontre en fait que rarement des praxéologies ponctuelles. Généralement, en une institution I donnée, une théorie Θ répond de plusieurs technologies θj, dont chacune à son tour justifie et rend intelligible plusieurs

techniques τij correspondant à autant de types de tâches Tij. (Bosch et Gascόn, 2003, p. 229)

Notre travail d’étude des LTF consiste à décrire et analyser les organisations mathématiques qui vont se situer, comme nous allons le présenter dans la suite, dans le domaine du calcul, qu’il soit arithmétique, numérique ou algébrique. Mais il est aussi nécessaire d’analyser la façon dont ces organisations mathématiques sont proposées ou présentées dans les LTF et ainsi la manière dont peuvent se construire les réalités mathématiques propres aux thèmes qui nous intéressent, ce que Chevallard appelle, les organisations didactiques. (Ibid. p. 232)

b - Les organisations didactiques

Laissons, à nouveau, Yves Chevallard nous présenter ce concept d’organisation didactique :

Revenons au problème du professeur : en dernière instance, le type de tâches T auquel celui-ci doit faire face peut être énoncé ainsi : « enseigner un thème mathématique donné ». Ce qu’il faut entendre par « thème mathématique » peut désormais être précisé : il s’agit d’une organisation praxéologique de nature mathématique, soit ce qu’on nommera, pour faire court, une organisation mathématique. Bien entendu, on rencontre avec l’étiquette «mathématique» le même problème qu’avec l’appellation « savoir » : telle institution verra une entité mathématique (ou en très grande partie

mathématique) là ou telle autre se refusera absolument à un tel aveu ; et cette ligne de fracture pourra, à tel moment de son histoire, traverser une même institution. Cela noté, on doit un peu retoucher la formulation retenue : « enseigner une organisation mathématique donnée ». Car, sous son allure figée, le verbe enseigner est fortement polysémique. Or cette polysémie institutionnelle est partie intégrante du problème du professeur. On adoptera donc une troisième formulation, qui rende sensible la relative indétermination, ou plutôt la sous-détermination, du type de tâches qui est la raison d’être du professeur de mathématiques : mettre en place, dans une classe de collège ou de lycée, une certaine organisation de savoir « mathématique ». Notant Tπ ce

type de tâches, on dira alors que le problème praxéologique du professeur de mathématiques est de construire une praxéologie [Tπ/τπ/θπ/Θπ], c’est-à-dire

d’apporter une réponse Rπ = [Tπ/τπ/θπ/Θπ] à la question Qπ : comment accomplir

une tâche tπ du type Tπ ? De même qu’on a parlé d’organisation mathématique,

on nomme ici organisation didactique une praxéologie de la forme [Tπ/τπ/θπ/Θπ]. (Chevallard, 2002 a, p. 4)

Dans le cadre de notre recherche sur les LTF, ce n’est pas la place du professeur qui nous occupe, pour l’instant. Nous nous intéressons aux types de tâches propres à chaque logiciel qui décrivent les organisations du savoir mathématique en jeu. Le problème du professeur, décrit précédemment, qui est de proposer des organisations didactiques du type [Tπ/τπ/θπ/Θπ],

est transposable aux créateurs du LTF qui vont imaginer, puis programmer un certain type d’organisations didactiques pour organiser l’apprentissage des futurs élèves qui vont travailler dans le logiciel. Chaque logiciel propose une certaine organisation didactique pour l’apprentissage d’un savoir particulier. Nous allons déterminer ces organisations didactiques pour chaque logiciel en nous inspirant des différents moments de l’étude qui sont caractéristiques d’une organisation didactique en relation avec une organisation mathématique. Étant donné un type de tâches T, les six moments de l’étude sont organisés en quatre groupes :

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