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L’apprentissage social et le développement professionnel

Chapitre 4 Développement professionnel

3. L’apprentissage social et le développement professionnel

L’apprentissage d’une grande partie des savoirs professionnels peut se concevoir en situation professionnelle si un accompagnement est prévu, permettant de participer à leur construction. L’apprentissage social ou apprentissage entre pairs désigne l’interdépendance sociale qui lie les participants de manière positive car elle vise, avec la coopération, la réussite et de meilleures performances, et pas la compétition. Ce type d’apprentissage est souvent utilisé dans le domaine scolaire et résulte ou s’appuie sur les dispositifs de tutorat et sur des dispositifs d’apprentissage coopératif. Selon Johnson et Johnson (1989, 1998), la notion d’interdépendance sociale a été proposée dans le cadre de l’école gestaltiste de psychologie et a été développée par Lewin (1935) puis Deutsch (1949, 1962). Cet apprentissage serait bénéfique pour toutes les parties, ainsi par exemple « les dispositifs de tutorat auraient également des effets bénéfiques pour les tuteurs en ce qui concerne leur attitude et leur compréhension de la matière sur laquelle ils ont travaillé » (Buch, 2002). L’interdépendance positive correspond à une situation sociale coopérative (promotively interdependent goals selon Deutsch, 1949). Lorsque la situation est structurée de manière coopérative, les individus travaillent ensemble vers un but commun. Les réalisations des buts individuels sont positivement corrélées : « it follows that when any individual behaves in such a way as to increase his chances of goal attainment, he increases the chance that the others (with whom he is promotively interdependent) will also attain their goal » (Deutsch, 1962). Les individus perçoivent qu’ils ne peuvent atteindre leur but que si les autres membres du groupe atteignent également leur but. Par conséquent, les individus tenteraient d’atteindre des résultats qui sont bénéfiques pour tous ceux avec qui ils sont liés de manière coopérative.

Cette définition correspond à celle des buts communs qui ne peuvent être atteints que par la collaboration des individus ou groupes tels que proposés par Sherif, Harvey, White, Hood et Sherif (1961) dans un contexte intergroupes.

Plusieurs chercheurs ont étudié les dispositifs d’apprentissage entre pairs au niveau universitaire. Les recherches sur le tutorat (Hill, 2007), le tutorat réciproque (Dansereau, 1988, O’Donnell et Dansereau, 1995) et sur l’apprentissage coopératif (Johnson et Johnson, 1998, Nevin, Smith, Udvari-Soldner, 1994) ont confirmé que les dispositifs d’apprentissage entre pairs s’avéraient bénéfiques pour les étudiants. Le principe sur lequel se base la théorie de l’interdépendance sociale est que la manière dont l’interdépendance est structurée détermine comment les individus agissent les uns avec les autres, ce qui affecte ensuite les résultats issus de cette interaction (Johnson et Johnson, 1989). L’interdépendance sociale représente alors une situation dans laquelle les individus partagent un but commun, et le résultat de chacun est affecté par les actions des autres (Deutsch, 1949, 1962, Johnson, Johnson, 1989, 1998). L’interdépendance positive entraînerait des interactions constructives (promotive interaction, Johnson, Johnson, 1989, 1998). Les interactions constructives prennent place lorsque les individus encouragent et facilitent les efforts de chacun pour atteindre le but du groupe (Johnson, Johnson, 1989). Ces interactions constructives affecteraient alors le résultat du groupe et notamment la qualité de l’apprentissage.

Au travers de l’apprentissage social, c’est l’efficacité des stratégies coopératives sur l’apprentissage qui est en jeu et qui s’appuie, entre autres, sur les renforcements socioaffectifs ou motivationnels.

Les recherches en psychologie cognitive ont mis l’accent sur le rôle de la restructuration cognitive dans la mémorisation et l’intégration de nouvelles informations. Ces recherches ont été exploitées par les chercheurs en psychologie sociale pour apporter un éclairage sur les mécanismes qui peuvent se mettre en place dans les dispositifs d’apprentissage entre pairs (Johnson et Johnson, 1989, O’Donnell et King, 2014). Dans les dispositifs d’apprentissage entre pairs, les échanges d’informations sont favorisés et bénéfiques pour l’apprentissage, notamment en permettant une conceptualisation et une facilitation du stockage de l’information par les échanges sociaux. Partager des informations nécessiterait plus de rigueur et de clarté que la pensée intérieure (Topping et Ehly, 1998), mais de plus, celui qui reçoit les explications joue un rôle actif dans l’élaboration de ces explications : « An explanation is not a message simply delivered by one peer to the other, but the result of joint attempts to understand each other » (Dillenbourg et al., 1996).

Ces interactions augmenteraient le traitement profond des informations pour l’ensemble des participants (O’Donnell, King, 2014). Dans la lignée de Vygotsky, des chercheurs tels que Hogan et Tudge et Resnick, Levine et Teasley ont souligné l’importance de la verbalisation du raisonnement par les étudiants et de la participation active des pairs pour les progrès cognitifs (Hogan et Tudge, 1999, Resnick, Levine et Teasley, 1991). D’autre part, en ce qui concerne les tâches scolaires, les travaux de Webb (1985, 1989, 1991) soulignent la nécessité d’examiner des catégories spécifiques d’interactions. Webb propose de différencier le fait de donner, demander et recevoir de l’aide, mais également les types d’aides spécifiques (réponse terminale et explication) et si l’aide demandée reçoit une réponse. L’approche sociocognitive s’est particulièrement intéressée aux conflits et à la gestion de ces conflits lors d’un travail coopératif. Dans la lignée des travaux de Piaget, les interactions entre pairs favoriseraient des déséquilibres dans les structures cognitives des étudiants. Ces déséquilibres entraîneraient des réorganisations à un niveau plus élevé. Trois directions peuvent être identifiées dans les travaux sur les effets des conflits sur l’apprentissage ou le développement cognitif. Les premiers travaux s’intéressent aux effets des confrontations de points de vue sur la construction des structures opératoires (la perspective structuraliste de Doise et Mugny, 1997). Cette perspective a été enrichie par une perspective procédurale qui s’intéresse à la construction socio-psychologique des compétences cognitives dans des tâches scolaires. Enfin, une autre perspective s’intéresse aux confrontations de positions dans l’échange d’informations.