• Aucun résultat trouvé

l’application des normes juridiques 569 — La Cour de cassation censure les erreurs de

droit commises par les juges du fond, à savoir les erreurs qui affectent le raisonnement juridique opéré à partir des «faits de la cause» considérés comme établis. Ces erreurs s’apprécient au regard des dispositions légales ou des principes généraux du droit applicables.

L’erreur censurée peut, en premier lieu, porter sur la qualification juridique des «faits de la cause», soit que ceux-ci aient été l’objet d’une qualification inexacte, soit que la qualification correcte n’ait pas été retenue. Ayant mal qualifié la situation de fait, le juge du fond est conduit à lui appliquer une norme qui ne la régit pas et, partant, à violer celle-ci (et aussi, par extension, la norme qui régissait la situation de fait correctement qualifiée).

L’erreur peut, en second lieu, affecter l’énoncé même de la règle mise en œuvre par le juge du fond. Celui-ci fonde sa décision sur une interprétation de la règle que celle-ci ne comporte pas, selon le juge de cassation.

Avant d’examiner plus en détail le contrôle exercé par la Cour de cassation sur la qualification et sur l’interpré- tation de la loi, il convient de s’arrêter au contrôle que, dans certaines limites, elle exerce sur les «faits de la cause» et les appréciations en fait du juge du fond.

§1. — Faits de la cause et contrôle des appréciations en fait du juge du fond 570. — Les faits de la cause sont les événements, expo- sés au juge par les parties, qui forment la trame des contestations qui les opposent : les uns sont invoqués en pleine lumière, les autres laissés dans l’ombre où le juge pourra (mais ne devra pas) les débusquer. Ils sont com-

plétés par les faits dits «notoires», mais ceux-ci ne jouent dans la détermination par le juge des faits utiles à la solu- tion du litige qu’un rôle secondaire. L’établissement de la matérialité des faits est, comme on l’a écrit, «l’apanage des juges du fond» (M.-N. Jobard-Bachelier et X. Bachelier, La technique de cassation. Pourvois et arrêts en matière civile, 6e éd., Paris, Dalloz, 2006, p. 83) :

ceux-ci ont l’obligation d’examiner les faits allégués par les parties, de les établir en respectant les règles qui gou- vernent la charge de la preuve et l’admission des preuves, de prendre en considération ceux qui sont dans le débat et de les apprécier. Ces opérations sont hors de la portée du juge de cassation; elles relèvent de l’appréciation sou- veraine du juge du fond. Celui-ci ne peut se dispenser d’exercer ce pouvoir (C. Atias, «La fonction d’apprécia- tion souveraine des faits», D., 2009, p. 745). C’est seule- ment après avoir établi les faits que le juge du fond peut passer à la seconde étape qui consiste à appliquer aux faits qu’il prend en considération la norme juridique qu’il estime appropriée pour donner au litige une solution conforme au droit (voy. J. Oosterbosch, «Les faits de la cause ou les mal-aimés de la procédure», Rev. Dr. ULg, 2009, pp. 159 et s.).

571. — Si elle n’a aucun pouvoir sur les faits de la cause qu’elle ne peut ni rechercher ni apprécier, la Cour de cassation doit nécessairement, pour remplir convena- blement sa fonction de contrôle de la conformité au droit de la solution donnée au litige par le juge du fond, avoir connaissance des faits «car il n’est normalement… ni pos- sible, ni utile d’isoler l’interprétation d’une règle ou d’une norme des faits ou circonstances qui la rendent nécessaire» (F. Dumon, «De l’État de droit», op. cit., p. 495, n° 17). Mais elle ne peut acquérir cette connais- sance nécessaire qu’à travers les constatations de la déci- sion attaquée et, le cas échéant, de ce qui peut être déduit des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard et être considéré comme constant (supra, nos 309 à 313 et

318 à 323).

La Cour de cassation ne peut, en conséquence, s’immis- cer dans le domaine du fait. De très nombreux arrêts rejettent, chaque année, des moyens en relevant que leur examen contraindrait la Cour à rechercher, vérifier ou apprécier des faits, ce qui est hors de son pouvoir (voy., p. ex. : Cass., 3 mars 2005, Pas., 2005, n° 132; 13 février 2004, Pas., 2004, n° 82; 6 mars 2003, Pas., 2003, n° 153). Cela dit, la Cour de cassation met en œuvre différents procédés pour, de manière indirecte, exercer un contrôle sur l’appréhension des faits par le juge du fond.

Ainsi, la Cour contrôle-t-elle si le juge du fond a léga- lement — c’est-à-dire sans renverser le fardeau de la preuve, ni méconnaître la hiérarchie des preuves, ni violer le principe de la liberté des preuves là où il existe — admis comme prouvée l’existence d’un fait (voy. : M. Grégoire, «Géométrie de l’instance», op. cit., pp. 41 à 55 et les réf. citées; P.A. Foriers, «La preuve du fait devant la Cour de cassation», op. cit., pp. 128-129).

De même, la Cour censure-t-elle les décisions de fond qui n’ont pu considérer un fait comme établi qu’au prix d’une violation de la foi due à l’acte invoqué comme élé- ment de preuve (supra, n° 536), ou encore celles qui sont en défaut de relever un élément de fait sans lequel la Cour est mise dans l’impossibilité d’exercer son contrôle de légalité (supra, nos 554 et 555).

Enfin, et c’est probablement de cette façon qu’elle contrôle le plus directement les appréciations en fait du juge du fond, la Cour de cassation a, dans tous les domaines, restreint le champ d’application de l’apprécia- tion souveraine aux constatations en fait du juge du fond et étendu à elle-même la vérification de la légalité de la déduction que la décision attaquée a tirée de ces consta- tations (voy. A. De Bruyn, «La Cour de cassation et le fait ou … quand et comment la Cour de cassation contrôle-t-elle une appréciation en fait du juge du fond?», in Liber amicorum Michel Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 43 et s. Pour une critique de ce phénomène, également vivace dans la jurisprudence de la Cour de cas- sation de France, voy. C. Atias, «La fonction d’apprécia- tion souveraine des faits», D., 2009, pp. 744 et s.).

572. — Contrôler la conformité au droit des déductions juridiques que le juge du fond a tirées des faits qu’il a souverainement constatés représente, quantitativement, une part importante du travail de la Cour de cassation. On a déjà eu l’occasion d’en proposer quelques exemples (supra, n° 494). Nous en proposons ici d’autres illustra- tions, puisées dans la jurisprudence récente.

a) Droit privé

— Le juge du fond apprécie souverainement le caractère significatif de la dégradation de la situation écono- mique du bénéficiaire d’une pension alimentaire après divorce dès lors qu’il «interprète exactement la notion de dégradation significative de la situation écono- mique du bénéficiaire au sens de l’article 301, §3, nou- veau du Code civil» (Cass., 12 octobre 2009, R.C.J.B., 2009, p. 470, note N. Dandoy).

— Le juge du fond apprécie souverainement, en tenant compte de toutes les circonstances propres à la cause, le caractère offensant d’un adultère pour autant qu’il ne donne pas à la notion légale d’adultère offensant un sens qu’elle n’a pas (Cass., 10 octobre 2008, Pas., 2008, n° 554, précédé concl. av. gén. A. Henkes. Voy. aussi Cass., 25 avril 2008, Pas., 2008, n° 256).

— Le juge du fond constate souverainement les faits d’où il déduit l’existence ou l’inexistence d’un lien de causalité entre la faute et le dommage; la Cour de cas- sation contrôle si, de ses constatations, le juge a pu légalement déduire cette décision. Viole l’article 1382 du Code civil l’arrêt qui «exclut (…) la responsabilité des défenderesses sur la base d’énonciations dont il se déduit que le demandeur a commis une faute en rela- tion causale avec son dommage mais qui n’impliquent pas que, sans les fautes qu’il reproche aux défende- resses, ce dommage se serait néanmoins produit tel qu’il s’est réalisé» (Cass., 18 juin 2010, R.G. n° C.08.0211.F).

— Lorsque la responsabilité des parents prévue par l’article 1384, alinéa 2, du Code civil a été recherchée, «il incombe à la Cour (de cassation) de vérifier si les faits souverainement constatés par le juge justifient les conséquences qu’il en déduit en droit, notamment si ces déductions ne violent pas la notion d’acte objec- tivement illicite» (Cass., 11 décembre 2009, Pas., 2009, n° 739).

— Le juge du fond apprécie en fait l’existence d’un vice de la chose au sens de l’article 1384, alinéa 1er, du

Code civil; il appartient à la Cour de cassation de vérifier si, des faits qu’il a constatés, le juge à légale- ment déduit cette existence (Cass., 30 octobre 2009,

Pas., 2009, n° 630; 11 mai 2009, Pas., 2009, n° 305; 12 mars 2009, Pas., 2009, n° 196).

— Le juge du fond décide souverainement en fait qui est le gardien de la chose au sens de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil pour autant qu’il ne viole pas la

notion légale de gardien de la chose (Cass., 21 janvier 2009, Pas., 2009, n° 55; 18 décembre 2008, Pas., 2008, n° 745; 22 mars 2004, Pas., 2004, n° 161).

— Le juge du fond statue souverainement, dans les limites de la demande, sur l’existence et l’étendue du dommage moral résultant d’un acte illicite et sur la réparation de ce dommage; il incombe néanmoins à la Cour de cassation de contrôler si le juge ne méconnaît pas la notion de «dommage» (Cass., 20 février 2006, Pas., 2006, n° 100).

— Le juge du fond constate souverainement les circons- tances sur lesquelles il fonde sa décision que l’autorité administrative a versé dans une erreur invincible; la Cour de cassation vérifie si le juge a pu légalement déduire de ces circonstances l’existence d’une cause de justification (Cass., 8 février 2008, Pas., 2008, n° 96). — Il appartient au juge du fond de constater en fait

l’existence de l’intention de tromper et de manœuvres constitutives du dol, ainsi que l’influence de ces manœuvres sur les conditions dans lesquelles a été souscrit un acte juridique — en l’espèce, un acte uni- latéral —, mais il incombe à la Cour de cassation de contrôler si, des faits qu’il relève, le juge a pu légale- ment déduire l’existence d’un dol ayant pour effet d’amener l’auteur de cet acte à l’accomplir (Cass., 10 avril 2008, Pas., 2008, n° 626, précédé concl. proc. gén. J.-Fr. Leclercq; 1eravril 1993, Pas., 1993, I,

n° 173).

— Le juge du fond apprécie souverainement si l’acte qui lui est soumis rend vraisemblable le fait allégué et constitue, dès lors, un commencement de preuve par écrit; la Cour de cassation vérifie toutefois si le juge n’a pas méconnu cette notion légale (Cass., 2 novembre 2007, Pas., 2007, n° 524).

— Le juge du fond apprécie en fait les éléments de la cause d’où il déduit qu’il existe entre les créances réci- proques des parties un lien de connexité étroit de nature à justifier une compensation. La Cour de cas- sation vérifie si le juge n’a pas méconnu la notion de connexité (Cass., 26 juin 2006, Pas., 2006, n° 211, pré- cédé concl. av. gén. Th. Werquin. Adde, en matière de droit de rétention, à propos de l’existence du lien entre le bien retenu et la créance dont le paiement est réclamé : Cass., 27 avril 2006, Pas., 2006, n° 245 et arrêts cités note 1, p. 969).

— Le juge du fond apprécie en fait si le concessionnaire peut obtenir, en vertu de l’article 3, alinéa 1er, 3°, de

la loi du 27 juillet 1961, l’indemnisation équitable des dédits qu’il doit au personnel qu’il est dans l’obliga- tion de licencier par suite de la résiliation de la concession de vente. La Cour de cassation se borne à contrôler si, à l’occasion de son appréciation, le juge n’a pas méconnu la notion légale d’indemnité de dédit au sens de l’article 3 précité. En l’espèce, l’arrêt atta- qué, approuvé par la Cour de cassation, avait condamné le concédant à payer au concessionnaire une indemnité de dédit représentant les frais qu’il avait exposés pour financer les départs à la prépen- sion de son personnel et les primes de fermeture

d’entreprise (Cass., 26 avril 2010, Pas., 2010, n° 281, concl. av. gén. J.-M. Genicot).

b) Droit social

— En matière d’accident du travail, il appartient au juge du fond de décider si la durée d’un événement excède la limite de ce qui peut être considéré comme un événement soudain. La Cour de cassation vérifie si, des faits qu’il a relevés, le juge a pu légalement consi- dérer que la victime établissait un événement soudain (Cass., 28 avril 2008, Pas., 2008, n° 257).

— La Cour de cassation vérifie de même si, des faits qu’il a constatés, le juge du fond a pu légalement déduire que le travailleur, se prétendant victime d’un accident sur le chemin du travail, avait effectué un trajet nor- mal (Cass., 13 novembre 1995, Pas., 1995, I, n° 490 et notes signées J.F.L., p. 1032).

— La Cour de cassation vérifie si, des faits constatés par lui, le juge du fond a légalement déduit l’existence d’un motif grave de licenciement immédiat (Cass., 12 janvier 1981, Pas., 1981, I, p. 506).

c) Droit administratif

— Aux termes des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes admi- nistratifs, l’acte administratif individuel doit faire l’objet d’une motivation formelle consistant en l’indi- cation, dans l’acte, des considérations de droit et de fait servant de fondement à la décision; la motivation doit être «adéquate» (art. 3, al. 2). Le juge du fond apprécie en fait si la motivation de l’acte est adéquate; ce faisant, il ne peut toutefois violer la notion légale d’obligation de motivation incombant aux autorités administratives (Cass., 22 mai 2008, n° 312, précédé concl. av. gén. D. Thijs in Arr. Cass., 2008, n° 312; 3 février 2000, Pas., 2000, n° 89). d) Droit disciplinaire

— Dans les limites fixées par la loi et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fon- damentales, le juge disciplinaire détermine souverai- nement en fait la sanction qu’il considère être propor- tionnée à la gravité des infractions déclarées établies. La Cour de cassation contrôle s’il ne ressort pas des constatations et des considérations de la décision atta- quée que le juge disciplinaire a infligé une sanction manifestement disproportionnée et a ainsi violé l’article 3 de la Convention (Cass., 17 décembre 2009, Pas., 2009, n° 761; 5 juin 2009, Pas., 2009, n° 377; 5 septembre 2008, Pas., 2008, n° 453; 13 mars 2008, Pas., 2008, n° 179; 28 septembre 2007, Pas., 2007, n° 442 — jurisprudence constante).

e) Droit judiciaire

— Un défendeur en cassation soutient qu’un moyen est irrecevable parce qu’il critique l’appréciation en fait des juges d’appel suivant laquelle la demande nou- velle formulée dans des conclusions n’est «virtuellement» pas comprise dans la demande formu- lée à l’origine dans la citation. La Cour de cassation rejette la fin de non-recevoir au motif qu’elle peut examiner, sur la base des éléments de fait qu’ils énon- cent, si les juges d’appel ont pu légalement déduire que la demande nouvelle n’était pas comprise dans la demande initiale (Cass., 27 octobre 2006, Pas., 2006, n° 522).

— Lorsque les juges d’appel ont rejeté l’exception «le pénal tient le civil en état» au motif qu’il n’existe pas de risque de contradiction entre les décisions des juges pénal et civil et que le moyen critique cette décision, il appartient à la Cour de cassation «de vérifier si les juges d’appel pouvaient déduire des faits qu’ils ont constatés que le risque de contradiction entre la déci- sion du juge pénal et celle du juge civil est inexistant» (Cass., 3 avril 2009, Pas., 2009, n° 240).

— En vertu de l’article 882 du Code judiciaire, le juge du fond apprécie en fait si la personne qui ne dépose pas des documents dont la production a été ordonnée s’est ou non comportée comme l’aurait fait tout justiciable normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Saisie d’un moyen qui critique la décision du juge du fond de retenir la responsabilité de la demanderesse et de la condamner à des dom- mages-intérêts, la Cour de cassation vérifie si, sur la base des considérations qu’il énonce, l’arrêt attaqué a pu légalement décider que c’est sans motif légitime que la demanderesse n’avait pas déposé les documents dont la production avait été ordonnée (Cass., 13 novembre 2009, Pas., 2009, n° 661).

573. — Lorsque le juge du fond est investi d’un pou- voir d’appréciation souverain, il ne peut se dispenser de l’exercer. Ainsi, en cas de fautes concurrentes de l’auteur du dommage et de la victime, il appartient au juge d’apprécier dans quelle mesure la faute de chacun a contribué à causer le dommage et de déterminer, sur ce fondement, la part de dommages-intérêts due par l’auteur à la victime. Il s’ensuit que le juge, qui s’abstient de déterminer dans quelle mesure les fautes de l’auteur et celles de la victime ont contribué à causer le dommage subi par celle-ci, ne justifie pas légalement sa décision de condamner l’auteur à réparer l’intégralité du dommage de la victime (Cass., 9 octobre 2009, Pas., 2009, n° 567).

§2. — Le contrôle des qualifications

574. — La Cour de cassation exerce un contrôle très étendu sur la qualification juridique des faits et des actes, c’est-à-dire sur l’opération par laquelle le juge du fond attribue une dénomination juridique aux faits qu’il a sou- verainement constatés et aux actes litigieux, tel un contrat, la renonciation à un droit ou un acquiescement. La qualification ainsi définie a pour but et pour effet de déterminer la règle de droit applicable. L’erreur de qua- lification commise par le juge du fond est assimilée par la Cour à une violation de la loi (Cl. Parmentier, Com- prendre la technique de cassation, op. cit., n° 102, pp. 99- 101).

Chaque fois que la Cour vérifie si, des faits qu’il a constatés souverainement, le juge du fond a pu légale- ment déduire telle conséquence juridique, il y a contrôle de qualification. On a déjà relevé (supra, nos 494 et 572)

que ce contrôle s’exerçait sur les notions les plus diverses contenues dans un texte légal, définies ou non définies : la faute civile et le lien de causalité entre la faute et le dom- mage, le vice de la chose et la notion de gardien, la force majeure, l’erreur invincible, le déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, caractéristique de la clause abusive, la notion de dégradation significa- tive de la situation économique du bénéficiaire d’une pen- sion alimentaire après divorce, la notion de dol, la notion de connexité entre des créances réciproques, la notion de

trajet normal en matière d’accident sur le chemin du tra- vail et celle d’événement soudain, la notion de motif grave justifiant un congé immédiat, la notion de délai rai- sonnable au sens de la Convention européenne de sauve- garde des droits de l’homme et des libertés fondamen- tales, etc. La liste de ces notions dont la Cour vérifie la «juste perception» et «l’exacte application aux faits qu’il a constatés» par le juge du fond (A. Henkes, concl. avant Cass., 16 octobre 2008, Pas., 2008, n° 554, p. 2254) est quasi illimitée ou, du moins, ne cesse de s’allonger.

Il reste à envisager le contrôle que la Cour de cassation exerce sur la qualification des contrats et de quelques autres actes juridiques.

A. — Qualification des contrats

575. — Même s’il existe entre elles des recoupements (J.-Fr. van Drooghenbroeck, «Le juge et le contrat», R.G.D.C., 2007, p. 598, n° 6), la qualification et l’interpré- tation du contrat sont deux opérations distinctes (P. Wéry, Droit des obligations, t. I, Théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, n° 412) : autant la pre- mière est soumise au contrôle de la Cour de cassation, autant la seconde est abandonnée à l’appréciation souve- raine des juges du fond (Cass., 20 novembre 2009, Pas., 2009, n° 681; 19 septembre 2005, Pas., 2005, n° 440; 7 mai 1998, Pas., 1998, I, n° 227), sous la réserve cependant de certaines contraintes dont la Cour de cassation vérifie l’observation : respect du caractère obligatoire des règles d’interprétation inscrites aux articles 1156 et suivants du Code civil (P. Wéry, Droit des obligations, t. I, Théorie générale du contrat, op. cit., nos 414 et 418); respect de la

force obligatoire du contrat (Cass., 23 octobre 2009, Pas., 2009, n° 611; 29 mai 2008, Pas., 2008, n° 332; 14 mai 2007, Pas., 2007, n° 241); respect des règles qui gouver- nent la preuve des actes juridiques, en particulier le prin- cipe de la primauté de l’écrit (C. civ., art. 1341) (Cass.,