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Section i. — Généralités

§1. — La notion d’«ouverture à cassation» 490. — Dans son acception la plus simple, le moyen de cassation renferme la critique que le demandeur adresse à la décision judiciaire attaquée par le pourvoi (sur la dis- tinction entre le pourvoi et les moyens qu’il contient, voy. note 1 sous Cass., 18 décembre 1986, Pas., 1987, I, n° 240). Encore faut-il, pour que la Cour de cassation puisse examiner le fondement du moyen, pour l’accueillir ou le rejeter, que la critique soit présentée de telle manière qu’elle satisfasse à des conditions de recevabilité (supra, nos 324 et s.) et aussi, et peut-être surtout, qu’elle

entre dans le champ des «ouvertures à cassation», c’est- à-dire des griefs que le demandeur est admis à formuler ou, pour le dire autrement, que la Cour a le pouvoir de redresser (F. Rigaux, La nature du contrôle de la Cour de cassation, op. cit., n° 11). L’article 608 du Code judiciaire en détermine deux : la «contravention à la loi» et la «violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité». Les articles 612 et 1089 du même Code répètent la règle, à propos des pourvois dans l’intérêt de la loi, avec d’autres mots : la Cour connaît des pourvois contre les décisions en dernier ressort «contraires aux lois ou aux formes de procéder». Et l’article 612 comporte la précision intéressante que la Cour est saisie par son pro- cureur général «spécialement lorsque (ces décisions) révè-

lent des divergences d’interprétation persistantes sur un point de droit».

491. — Les mots «interprétation» et «point de droit» mettent en relief le rôle spécifique de la Cour de cassa- tion. Comme juge de cassation, celle-ci ne connaît pas des faits de la cause en tant que tels (le «fond des affaires», selon la formule de l’art. 147 de la Const.) (Rapport annuel de la Cour de cassation 1997-1998, p. 28), qu’elle ne peut ni rechercher, ni vérifier, ni apprécier. Elle ne peut connaître que des «points», des questions de droit. Le juge du fond a-t-il appliqué ou interprété correcte- ment les règles de droit, compte tenu des faits qu’il a constatés? A-t-il exactement qualifié les faits? A-t-il rendu sa décision dans le respect des règles de procédure qui s’imposaient à lui et, plus généralement, des règles de forme et de fond qui gouvernent l’instance? Comme l’a écrit jadis le conseiller H. Rolin : «Contre la décision dénoncée ne peut être formulée aucune critique par laquelle serait relevée une erreur de fait. Le demandeur ne peut soumettre à la Cour que des points de droit : se plaindre de l’inobservation de certaines formes de procé- dure ou de la violation des lois établissant les règles de droit applicables aux faits de la cause» (H. Rolin, «De la nature et de la fonction de la Cour de cassation», Centre d’études pour la réforme de l’État, Réforme de la procé- dure, vol. III, p. 267, cité par P. Marchal, «La jurispru- dence de la Cour européenne des droits de l’homme et le système des cours de cassation», in Mélanges John Kirk- patrick, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 598; voy. aussi Cl. Parmentier, Comprendre la technique de cassation, op. cit., nos 1 à 4).

Ainsi se dévoilent les principaux cas d’ouverture à cas- sation (Rapport annuel de la Cour de cassation 2007, pp. 19-20) :

— la violation de la loi (en ce compris les principes généraux du droit) : application ou interprétation erro- née, qualification inexacte;

— l’incompétence et l’excès de pouvoir;

— les vices de la motivation : absence de motifs, défaut de réponse aux conclusions;

— la violation de la foi due aux actes : interprétation des actes écrits — conventions, actes de procédure, pièces probantes — dans un sens qui est inconciliable avec les termes de l’écrit.

§2. — Un contrôle de légalité

492. — Le contrôle que la Cour de cassation est, consti- tutionnellement, appelée à exercer sur les décisions qui lui sont déférées par un pourvoi est toujours et nécessai- rement un contrôle de légalité : cela découle du rappro- chement des articles 147 de la Constitution, 608 et 612 du Code judiciaire. Les questions, ci-dessus énoncées, que doit se poser le juge de cassation en fonction des griefs invoqués par le demandeur expriment les deux aspects du contrôle de légalité qu’il est d’usage de distinguer : le contrôle dit «disciplinaire» et le contrôle dit «normatif» (ou «juridique») (A. Perdriau, «Le rôle disciplinaire du juge de cassation», J.C.P., 2002, I, 150, n° 3; M.-N. Jobard-Bachelier et X. Bachelier, La technique de cassation. Pourvois et arrêts en matière civile, 6e éd.,

Paris, Dalloz, 2006, p. 48; J.-Fr. van Drooghenbroeck, Cassation et juridiction. Iura dicit Curia, op. cit., pp. 93 et s.).

Le contrôle disciplinaire est celui que la Cour de cassa- tion exerce sur le respect par le juge du fond des exi- gences du formalisme et de la procédure : respect du caractère contradictoire des débats et du droit de défense, respect de l’obligation de motivation imposée par l’article 149 de la Constitution, respect de la foi due aux actes écrits (A. Perdriau, «Le rôle disciplinaire du juge de cassation», loc. cit.). Dans un sens plus large, qui le rapproche du contrôle normatif, le contrôle disciplinaire s’exerce aussi sur l’interprétation et l’application des règles fondamentales qui régissent la conduite du procès (l’instance), telles que celles qui régissent l’office du juge ou le «procès équitable» au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (A. Per- driau, «Le rôle disciplinaire du juge de cassation», loc. cit.).

Quelle que soit son étendue, le contrôle disciplinaire ne touche pas au fond du droit.

Le contrôle normatif (ou juridique) s’exerce, lui, sur le fond des décisions que le pourvoi soumet à la censure de la Cour, «sur le fond du droit qui a été tranché par la décision attaquée» (A. Perdriau, «Le rôle disciplinaire du juge de cassation», loc. cit.). La Cour dit si la solution que le juge du fond a donnée à la contestation est, ou non, conforme à la loi (plus largement : aux règles de droit), si sa décision est, ou non, légalement justifiée.

Ce contrôle constitue la tâche primordiale du juge de cassation (H. Lenaerts, «Dire le droit en cassation aujourd’hui», Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée du 2 septembre 1991, tiré à part, p. 9, n° 11). Il s’exerce principalement sur l’interprétation et l’appli- cation par le juge du fond des règles de droit matériel (ou substantiel), ainsi que sur la qualification juridique des faits et des actes par ce juge. Il s’exerce aussi sur l’appli- cation de la loi étrangère et, dans d’étroites limites, sur l’application des coutumes et des usages.

493. — Les dernières décennies ont été marquées par un recul sensible de la sphère du pouvoir d’appréciation souverain reconnu au juge du fond et, corrélativement, par un élargissement du champ d’application du contrôle de légalité qui revient à la Cour de cassation (voy. A. De Bruyn, «La Cour de cassation et le fait ou… quand et comment la Cour de cassation contrôle-t-elle une appré- ciation en fait du juge du fond?», in Liber amicorum Michel Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 45 à 51).

Pendant longtemps, l’on a souvent considéré que le juge du fond appréciait souverainement, c’est-à-dire à l’abri de toute censure du juge de cassation, l’existence d’une faute consistant dans la violation d’une règle de conduite et, surtout, l’existence d’une relation de cause à effet entre la faute et le dommage (Cass., 24 février 1969, Pas., 1969, I, p. 570; 20 décembre 1965, Pas., 1966, I, p. 543; 16 janvier 1939, Pas., 1939, I, p. 25 et note signée R. H.) : autant, disait-on, de questions de fait. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Dans tous les domaines, la Cour de cassation limite le champ d’application de l’appréciation souveraine aux constatations et appréciations en fait du juge du fond mais vérifie ensuite si les conséquences que ce juge en a déduites en droit sont ou non conformes à la loi, sont légales (note signée E. L. sous Cass., 20 mai 1992, Pas., 1992, I, n° 495, p. 830). La règle a une portée tout à fait générale : «s’il appartient au juge du fond de constater les faits sur lesquels il fonde sa décision, il appartient à la Cour de contrôler s’il ne s’est pas inspiré

d’une notion inexacte de la disposition légale qu’il entend appliquer» (Cass., 18 septembre 1962, Pas., 1962, I, p. 80 et la note 3).

La Cour de cassation se réserve ainsi le contrôle de toute qualification, «c’est-à-dire de toute attribution par le juge du fond d’un caractère légal à des faits qu’il a sou- verainement constatés» (concl. av. gén. A. Henkes avant Cass., 16 octobre 2008, Pas., 2008, n° 554, p. 2254). Ce contrôle a un double objet : «d’une part, il porte sur la juste perception que le juge du fond a de la notion légale en cause et, d’autre part, il porte sur l’exacte application de celle-ci aux faits souverainement constatés par lui» (ibid.).

494. — Les applications de ces règles sont multiples. On n’en relève ici que quelques-unes parmi les plus carac- téristiques de l’extension du contrôle de légalité (pour d’autres applications, voy. infra, n° 572).

a) S’agissant de la relation causale entre la faute et le dommage, la Cour de cassation rappelle avec constance que si le juge du fond constate souverainement les faits dont il déduit l’existence ou l’inexistence du lien de cause à effet, elle contrôle cependant si, de ces constatations, le juge a pu légalement déduire cette décision (Cass., 10 mai 2007, Pas., 2007, n° 241; 30 novembre 2003, Pas., 2003, n° 271). Selon une autre formule, sans doute plus précise mais plus complexe, la Cour souligne que l’existence d’une faute, d’un dommage ou d’un lien de causalité entre les deux «est une appréciation en fait» et qu’elle- même «vérifie uniquement si le juge, des faits et des cir- constances constatés par lui, ne déduit pas des consé- quences qui seraient sans lien avec eux ou qui ne peuvent être justifiées sur leur fondement, et s’il ne viole pas les notions de faute, de dommage et de lien de causalité» (Cass., 19 juin 2007, Pas., 2007, n° 337).

b) L’article 31 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pra- tiques du commerce disposait en bref que, pour l’applica- tion de la loi, il fallait entendre par clause abusive toute clause qui créait un «déséquilibre manifeste» entre les droits et obligations des parties. Un arrêt du 12 octobre 2007 (Pas., 2007, n° 477; R.C.J.B., 2008, p. 527 et note J. Kirkpatrick) pose le principe qu’«il incombe à la Cour de vérifier si, dans le cadre de son appréciation, le juge du fond n’a pas méconnu la notion légale de déséquilibre manifeste entre les droits et les obligations des parties» et considère que, sur le fondement des appréciations qu’il énonce, le jugement attaqué a pu légalement décider que la clause litigieuse créait un tel déséquilibre (dans le même sens : Cass., 21 décembre 2009, Pas., 2009, n° 771). c) L’appréciation par le juge du fond du point de savoir si le juge-commissaire de la faillite a correctement exercé son devoir de contrôle est souveraine mais pour autant seulement que les faits qu’il constate puissent «servir de fondement à sa décision». En l’espèce, les juges du fond avaient considéré que le juge-commissaire n’avait pas méconnu son devoir de contrôle mais ils s’étaient ainsi déterminés sur le fondement de faits d’où il résultait que le juge-commissaire n’avait pas surveillé le curateur… Leur décision est censurée par un arrêt du 21 avril 2006 (Pas., 2006, n° 230).

d) En matière de droits d’auteur, le juge du fond apprécie souverainement en fait si une modification matérielle apportée à une œuvre littéraire ou artistique porte atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Le droit de l’auteur au respect de son œuvre étant à distinguer de

son droit de revendiquer la paternité de l’œuvre, le juge ne peut légalement déduire «qu’il n’a pas été porté atteinte à l’intégrité de l’œuvre de la simple constatation qu’il n’a pas été nui au droit de revendiquer la paternité de l’œuvre» (Cass., 8 mai 2008, Pas., 2008, n° 280). En d’autres mots, une appréciation en fait n’est souveraine, échappant alors à la censure de la Cour de cassation, que si elle repose sur la constatation de faits pertinents, c’est- à-dire compatibles avec la déduction juridique que le juge du fond en tire.

e) Le juge du fond constate souverainement les faits d’où il déduit que le délai raisonnable dans lequel la cause doit être examinée est ou n’est pas dépassé. La Cour de cassation contrôle cependant «si, de ses consta- tations, il a pu légalement déduire cette décision». En l’espèce, les juges du fond avaient considéré que l’attente, pendant plus de quatre ans, d’un arrêt de la Cour d’arbi- trage avait justifié l’écoulement du temps. La Cour de cassation décide que, par cette considération, les juges du fond «n’ont pu légalement décider que le délai raison- nable n’avait pas été dépassé» (Cass., 28 février 2007, Pas., 2007, n° 115. Sur cet arrêt, voy. A. De Bruyn, «La Cour de cassation et le fait ou… quand et comment la Cour de cassation contrôle-t-elle une appréciation en fait du juge du fond?», op. cit., pp. 48-49).

495. — Le rôle de la Cour de cassation est de juger, non les parties, mais la décision judiciaire que le pourvoi soumet à sa censure et ce, en considération de la législa- tion en vigueur au jour où la décision a été rendue. On ne peut faire grief à cette décision d’avoir violé ou de ne pas avoir eu égard à une loi qui n’était pas encore en vigueur à ce moment et la Cour de cassation ne peut ni ne doit, en principe, la prendre en compte dans le cadre du contrôle de légalité exercé sur cette décision. En règle, la Cour de cassation ne peut exercer le contrôle de la légalité d’une décision judiciaire soumise à son apprécia- tion qu’à partir du jour où la décision a été rendue (Cass., 1erdécembre 2008, Pas., 2008, n° 684; Arr. Cass., 2008,

n° 684, précéd. concl. av. gén. R. Mortier; Cass., 8 septembre 1986, Pas., 1987, I, n° 14 — Voy. égal. Cass., 2 avril 2009, Pas., 2009, n° 232 et concl. av. gén. Ph. de Koster).

Ce principe n’est toutefois pas applicable lorsque la loi entrée en vigueur après que la décision attaquée a été rendue est une loi interprétative.

La loi interprétative étant censée s’incorporer à la loi interprétée en vigueur au jour où la décision attaquée a été rendue, la Cour de cassation doit nécessairement y avoir égard dans l’examen de la légalité de cette décision (Cass., 20 juin 2005, Pas., 2005, n° 357; 20 février 2000, Pas., 2000, n° 145; 4 novembre 1996, aud. plén. (2 arrêts), Pas., 1996, I, nos 411 et 412 et concl. proc. gén.

J.-Fr. Leclercq, alors av. gén.), ainsi que l’exige l’article 7 du Code judiciaire.

Le principe n’est pas non plus applicable lorsque, ayant pris acte, à la suite d’un arrêt de la Cour constitu- tionnelle, de la violation par une loi des principes d’éga- lité et de non-discrimination, le législateur a modifié la loi en application de laquelle la décision attaquée a été ren- due et que la loi nouvelle est entrée en vigueur après l’introduction du pourvoi : la Cour de cassation prend la loi nouvelle en considération pour accueillir le moyen pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution

(Cass., 29 septembre 2000, Pas., 2000, n° 502 et note 1 renvoyant à Cass., 19 mai 1994, Pas., 1994, I, n° 250).

Le principe n’est, enfin, pas applicable lorsque, posté- rieurement à la décision attaquée, le législateur confère par la voie d’une ratification un effet rétroactif à un arrêté royal que les juges du fond avaient considéré illé- gal, en application de l’article 159 de la Constitution (Cass., 1erdécembre 2008 et 8 septembre 1986, précités;

voy. le commentaire de l’arrêt du 1erdécembre 2008 in

Rapport annuel de la Cour de cassation 2008, pp. 106 à 108).

§3. — Un langage codé

496. — Quand elle rejette un moyen, la Cour de cassa- tion use d’expressions qui lui sont propres et dont il est utile de connaître la signification pour éviter des erreurs d’interprétation des arrêts.

497. — Pour rejeter un moyen, la Cour utilise trois formules : soit le moyen «manque en droit», soit il «manque en fait», soit il «ne peut être accueilli» (voy. J.T., 2007, n° consacré aux 175 ans de la Cour de cassa- tion, p. 692; R.P.D.B., v° Pourvoi en cassation en matière répressive, Compl. t. IX, nos 856 et s., et les très nom-

breux exemples cités).

a) Le moyen manque en droit lorsque la thèse qu’il soutient est fondée sur une conception juridique erronée aux yeux de la Cour ou lorsqu’il repose sur un soutène- ment contraire à l’interprétation de la disposition légale ou du principe général du droit dont la violation est invo- quée, consacrée par l’arrêt qui le rejette. Innombrables sont, aujourd’hui, les arrêts qui, après avoir défini la por- tée de la règle de droit, concluent que «le moyen qui, sou- tient le contraire, manque en droit». Un arrêt du 20 avril 2009 (Pas., 2009, n° 258) décide que manque en droit le moyen fondé sur une thèse contraire à celle consacrée par un arrêt antérieur de la Cour, auquel est ainsi reconnu, d’une certaine façon, la valeur d’un précédent.

b) Le moyen manque en fait lorsque la thèse qu’il sou- tient repose sur une prémisse ou des éléments de fait qui ne correspondent pas à la réalité. Ainsi, manque en fait : — le moyen qui repose sur une lecture ou une interpré- tation inexacte de la décision attaquée (Cass., 3 septembre 2009, Pas., 2009, n° 476, motifs : moyen soutenant à tort que l’arrêt attaqué ajoute une condi- tion de nouveauté à la protection du droit d’auteur; Cass., 8 octobre 2007, Pas., 2007, n° 459 : moyen sup- posant que le jugement attaqué a interprété un acte juridique dans un sens qui n’est pas celui retenu par le jugement);

— le moyen qui invoque un défaut de réponse à des conclusions alors que l’arrêt attaqué a répondu à ces conclusions (Cass., 8 mars 2010, R.D.C., 2010, p. 792, motifs) ou le moyen qui impute à la décision entre- prise une contradiction dans les motifs inexistante (Cass., 20 juin 1997, Pas., 1997, I, n° 289), ou encore le moyen qui soutient à tort que, tel qu’il est motivé, le jugement attaqué ne permet pas à la Cour de contrôler la légalité de sa décision (Cass., 23 octobre 2009, Pas., 2009, n° 610, motifs);

— et, de manière plus générale, le moyen qui repose sur des allégations de fait qui ne trouvent appui ni dans la décision attaquée, ni dans les pièces auxquelles la

Cour peut avoir égard (Cass., 17 février 1976, Pas., 1976, I, p. 675).

c) Le moyen «ne peut être accueilli» : la Cour fait usage de cette formule plus vague lorsqu’elle considère que le moyen n’est pas fondé mais qu’il ne peut être rejeté comme manquant en droit ni comme manquant en fait. Le plus souvent, le demandeur en cassation a correcte- ment énoncé la règle de droit qu’il reproche au juge du fond d’avoir violée mais lui impute à tort une application inexacte de cette règle (voy., p. ex., les motifs de Cass., 8 mars 2010, R.D.C., 2010, p. 792, de Cass., 23 octobre 2009, Pas., 2009, n° 610 et de Cass., 18 avril 2008, Pas., 2008, n° 233).

498. — Le rejet d’un moyen est fréquemment justifié par la considération que l’arrêt attaqué a «régulièrement motivé» sa décision ou «légalement justifié» celle-ci. Il importe de ne pas confondre les deux formules, la pre- mière signifiant que le juge du fond a respecté l’obliga- tion de forme que lui impose l’article 149 de la Constitu- tion de motiver sa décision, la seconde qu’il a exactement interprété et appliqué la règle de droit substantiel dont le moyen invoquait la méconnaissance.

Cette distinction est notamment illustrée par la juris- prudence selon laquelle la fin de non-recevoir qui soutient que la décision attaquée est légalement justifiée par un motif non critiqué par le demandeur, est sans incidence sur la recevabilité du moyen qui dénonce un défaut de réponse aux conclusions du demandeur, c’est-à-dire une motivation irrégulière en la forme (Cass., 24 novembre