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L’apaisement de la circulation (« Traffic Calming »)

4.2 Résultats de la recension des écrits

4.2.3 Les grandes approches pour l’amélioration de la sécurité routière

4.2.3.2 L’apaisement de la circulation (« Traffic Calming »)

Le concept d’apaisement de la circulation fait référence à la combinaison de mesures principalement physiques visant à réduire les effets négatifs de l’utilisation des véhicules motorisés, à modifier le comportement du conducteur et à améliorer les conditions de circulation des usagers non motorisés (Lockwood, 1997). Il s’agit de l’un des moyens les plus efficaces pour améliorer la sécurité des piétons (Ernst et Shoup, 2009). Loin de se restreindre à la réduction de la vitesse ou du trafic, le concept d’apaisement de la circulation poursuit cinq principaux objectifs (Pharaoh et Russel, 1991) :

• L’amélioration de la sécurité routière et de l’attractivité des routes ;

• Le dégagement de l’espace pour les piétons, cyclistes et pour les activités non liées à la circulation routière ;

• L’amélioration de la mobilité des piétons et la réduction de l’effet de barrière engendré par la circulation routière ;

• La promotion d’un plus grand sentiment de sécurité, en particulier chez les riverains, les piétons, les cyclistes, mais aussi chez les autres usagers de la route (clients, enfants, etc.) ;

• L’amélioration et la mise en valeur de l’environnement des routes pour promouvoir, entre autres, l’économie locale et l’amélioration de la qualité des cadres de vie.

Ces objectifs peuvent être atteints en redessinant le parcours routier, pour contribuer à diminuer la vitesse et encourager un style de conduite plus calme. Les nouveaux espaces libérés peuvent ainsi être affectés à d’autres activités. Les mesures spécifiques à prendre sont les suivantes (Lockwood, 1997) :

• Effectuer des changements verticaux sur la route (ajout de ralentisseurs ou d’intersections surélevées) ;

• Effectuer des changements latéraux de la route (chicanes, intersections décalées, mouvements latéraux) ;

• Effectuer des constrictions (rétrécissements, points de pincements, îlots) ;

• Revoir la largeur de la chaussée et les rayons de courbes au virage ;

• Traiter les caractéristiques des entrées ;

• Privilégier la présence de carrefours giratoires lorsque l’environnement le permet ;

• Privilégier les coins de trottoirs et l’aménagement paysager des routes (traitement des textures et couleurs, aménagement paysager, mobilier et végétation de la rue).

Le concept d’apaisement de la circulation se distingue de la gestion classique de la circulation quant aux objectifs de réduction de la vitesse et de la fonction attribuée aux voies. Les mesures d’apaisement de la circulation intègrent davantage les besoins de tous les utilisateurs et donnent la priorité aux besoins des plus vulnérables. Les mesures les plus développées cherchent également à valoriser les qualités paysagères et environnementales des milieux.

S’appuyant sur l’expérience de plusieurs pays européens, l’étude de Pharaoh et Russel (1991) propose des types d’aménagements en fonction du type de voie et du milieu. D’abord, la classification des voies en deux catégories : celles où la circulation détient la priorité et celles où les fonctions sociales prédominent. Des aménagements spécifiques sont attachés à cette classification en fonction de zones sensibles. Des zones de basse vitesse sont créées à l’arrivée de zones résidentielles, commerciales, villageoises et scolaires, en redessinant l’espace pour changer l’ambiance et l’apparence de la route. Ces zones de 30 km/h sont le résultat de la volonté de partager l’espace. Elles présentent l’avantage d’être peu coûteuses et flexibles en étant aussi bien implantées aux carrefours de voies urbaines complexes que de voies rurales, à l’emplacement de sites accidentogènes. Enfin, dans les voies traversant les villages, les banlieues ou encore les centres urbains, la redistribution de l’espace est favorisée plutôt que l’utilisation de mesures verticales comme les dos d’âne.

Il s’agit de sécuriser et de faciliter la traversée de la route tout en préservant l’identité du village. L’entrée de village est également souvent soignée, en utilisant la division de l’espace et la végétation pour signaler au conducteur qu’il va entrer dans une zone où la réduction de la vitesse est appropriée. L’étude remarque toutefois que la réticence à utiliser des mesures verticales a pu freiner l’efficience des mesures.

Il est difficile d’évaluer l’efficacité des mesures prises individuellement, car c’est la combinaison de mesures qui produit les résultats escomptés. Il s’agit plutôt d’observer les résultats en fonction de certains thèmes et de certaines recommandations (Pharaoh et Russel, 1991) :

• La vitesse : Elle représente un critère clé d’évaluation puisque sa maîtrise est un des objectifs majeurs de sécurité la routière. L’étude énumère sommairement les différentes mesures permettant

d’agir sur la vitesse et leurs caractéristiques d’implantation.

• Les accidents : Une étude danoise présentée par ces mêmes auteurs a démontré, suite à l’implantation de mesures d’apaisement, une réduction de 45 % du nombre de victimes. Il faut distinguer toutefois l’efficacité en fonction des zones. La plupart des mesures ont été implantées dans les zones résidentielles qui ne concentrent que 20 % des accidents et 30 % du trafic. Sur les voies urbaines principales, les résultats sont moins frappants, mais cela s’explique aussi par le fait que les conflits entre usagers sont beaucoup plus nombreux. Dans tous les cas, le document constate que d’autres études seraient nécessaires afin de déterminer l’efficacité de ces mesures sur la réduction du nombre d’accidents. Elle rappelle toutefois que la sécurité ne se limite pas aux nombres d’accidents, mais aussi à la perception de cette sécurité.

• Le débit routier : Plutôt qu’une fin en soi, la réduction du débit de la circulation joue sur la sécurité routière et les objectifs environnementaux. D’une part, elle ouvre plus de perspectives aux mesures d’apaisement, permet de réduire la vitesse, mais d’autre part elle peut avoir un impact négatif en autorisant des vitesses plus élevées. Il faut accompagner la réduction du trafic routier par des réductions de capacité ou des mesures d’apaisement.

• Le bruit : Les études montrent que la réduction de la vitesse entraîne la réduction du bruit. Par exemple, passer de 50 à 30km/h permet de diminuer le bruit de 4 à 5 dB. Les matériaux de surface utilisés et la largeur des voies ont également une influence importante.

• La pollution de l’air : La diminution de la vitesse permet de réduire la pollution.

• Le stationnement : La place dégagée par une réduction de la voie de circulation permet aussi d’accroitre le nombre d’emplacements.

• Les activités piétonnes et celles liées à la route : Des routes plus plaisantes et plus sûres engendrent davantage d’activités. Il s’agit parfois de recréer des espaces de rencontres propices aux activités de chacun.

• Les effets économiques : Il faut s’attendre à ce que des routes plus attractives et sûres entrainent une hausse des prix des immeubles adjacents. Les commerçants, généralement opposés à ces mesures avant leur mise en place, s’avèrent souvent favorables après leur implantation.

• La perception de la sécurité : Il s’agit d’un aspect très important pour évaluer la réussite des mesures d’apaisement qui devrait être considéré comme un objectif valide à atteindre. Il faut que le niveau de risques réels soit en corrélation avec la perception de ce risque par les utilisateurs. Par exemple, une route considérée comme sûre alors qu’elle ne l’est pas sur un plan objectif peut pousser les usagers à des comportements dangereux.

• La popularité auprès des résidents et utilisateurs : La popularité de cette approche se démontre à travers la volonté de payer des résidents pour maintenir les mesures d’apaisement. Elle est aussi perceptible dans l’implication observée des citoyens dans l’instauration de ces mesures dans une communauté. L’étude danoise soulevée par les auteurs précisait que la satisfaction des résidents et des autres groupes comme les cyclistes s’explique par le fait que les aménagements réalisés considèrent davantage leurs besoins. Même parmi les utilisateurs auprès desquels on aurait pu supposer une forte résistance comme les automobilistes, leur réticence est moins forte que prévu. Par ailleurs, une autre étude démontre les modifications du comportement du conducteur. Ayant le sentiment d’entrer dans une zone résidentielle, il se montre plus prudent (il ralentit plus tôt à la vue de personnes sur la route), plus calme, tolérant et compréhensif (ne klaxonne pas par exemple).

• L’apparence visuelle et l’écologie : Les mesures d’apaisement réussissent généralement à combiner le génie routier et le design urbain – d’ailleurs, la popularité des mesures dépend largement de

la qualité et du design de l’ensemble, des composants et de leur valorisation de l’identité du lieu. Le verdissement, fréquemment utilisé, permet à la fois d’embellir l’espace et d’augmenter l’acceptabilité sociale des mesures.

Au final, l’efficacité des mesures d’apaisement de la circulation a été démontrée dans de nombreux domaines.

Toutefois, elle dépend des volontés politiques, de leur aptitude à coordonner les différentes disciplines professionnelles et à impliquer la population dans la planification d’une telle approche.