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4.1 Méthodologie de la recension des écrits

4.1.3 Domaines d’étude

4.1.3.2 Aspect « sécurité routière »

Pour la présente section, l’aspect « sécurité routière » de la revue des écrits est présenté sous les thématiques générales suivantes : l’ingénierie routière et les normes de conception, les acteurs institutionnels de la conception, la vitesse et la sécurité routière, le comportement, la lisibilité et la perception des usagers et enfin la mobilité et la vie locale dans les entrées et traversées d’agglomération (cohabitation des usages, fonctions de la voie, cohérence urbaine).

• Ingénierie routière et normes de conception

La sécurité routière est d’abord prise en compte par les ingénieurs-concepteurs ; elle constitue même leur priorité. L’ingénierie routière regroupe les composantes techniques de la voirie et de ses abords (largeur de chaussée, emprise, carrefour, etc.). Le MTQ a élaboré un corpus de règles et de principes destinés à encadrer les projets routiers. Les sources principales des normes sont les ouvrages suivants :

• La collection Normes – Ouvrages routiers – Tome 1 : Conception routière, Tome IV : Abords de la route, Tome V : Signalisation routière (MTQ, 2010) ;

• Le Guide de réalisation des études d’opportunité – Volumes 1 et 2 (MTQ, 2003) ;

• Le Guide de gestion des projets routiers (MTQ, 2009) ;

• Aménagements routiers dans la traversée des agglomérations – Document d’information et de sensibilisation (Poulin et autres, 1997)3 ;

• Le Guide de préparation des projets routiers (MTQ, 2007b).

• Acteurs institutionnels et professionnels de la conception des infrastructures routières

La sécurité routière est traditionnellement considérée comme une responsabilité de l’État. Les autorités locales se sentent souvent peu concernées. Pourtant elles ont un rôle complémentaire très important à jouer, afin de mener des politiques d’actions intégrées et cohérentes. C’est par un aménagement cohérent entre le territoire et les divers réseaux de déplacement que la sécurité routière sera renforcée, d’où l’importance de l’implication locale (Fleury, 2004). Pour Fleury (2004), la manière dont est prise en charge la sécurité routière est différente aux niveaux local et national. Au niveau national, la sécurité routière est une question de comportement qu’il convient de modifier par la formation, l’information, le contrôle et la répression.

Au niveau local, le privilège est donné aux interventions préventives sur le système, ce qui implique des modifications de conception de l’environnement routier. Ainsi, il semblerait que pour l’auteur, le traitement de l’environnement routier soit mieux pris en charge par les municipalités que par l’État, du moins en ce qui concerne le cas de la France.

• Vitesse et sécurité routière

La vitesse est souvent désignée comme source principale d’insécurité routière (Sergerie et autres, 2005)4. La vitesse légale permise est celle que la loi autorise et qui correspond aux limites de vitesse affichées sur les routes. La vitesse pratiquée est celle qu’un conducteur décide d’adopter en conformité ou non avec la limite légale. La vitesse tolérée est celle au-dessous de laquelle les policiers ne donnent pas de constat d’infraction.

On parle aussi de vitesse de conception, c’est-à-dire celle qui est déterminée par les ingénieurs et qui sert de référence pour appliquer les normes lors de la construction de la route. Celle-ci tient habituellement compte de l’équilibre entre la mobilité et la sécurité routière. Ainsi, lorsqu’il sera question de vitesse d’infraction, on parle généralement de dépassement de la limite légale, tandis que dans la littérature on fera référence à la notion « d’excès de vitesse » ou de « vitesse excessive » pour les écarts par rapport à la vitesse légale ou à la vitesse moyenne observée. Selon Sergerie et autres (2005), à partir des données statistiques de vitesse de la SAAQ de 2004, le non-respect de la vitesse légale serait un phénomène généralisé chez plus de 50 % des conducteurs québécois. La vitesse excessive est la plus élevée et est pratiquée par un plus petit nombre de conducteurs.

« Le non-respect de la vitesse est un phénomène généralisé et non seulement réservé à un petit groupe de délinquants de la route. Au Québec, les données d’enquête concernant les vitesses pratiquées montrent qu’en milieu urbain, un conducteur sur deux ne respecte pas les limites affichées de 50 km/h alors

3 Considérant l’objectif du présent mandat de recherche et la spécificité du document Aménagements routiers dans la traversée des agglomérations, seul ce document a fait l’objet d’une recension de lecture (voir fiche de lecture 1) parmi l’ensemble des ouvrages touchant le cadre normatif du ministère.

4 Cf. fiche de lecture 22

qu’en zone de 90 km/h, deux sur trois, comparativement à quatre sur cinq sur les autoroutes, ne respectent pas la limite de vitesse (SAAQ, 2004). Donc entre 50 % et 80 % des conducteurs québécois enfreignent les limites légales. Le problème sévit autant en ville que sur les routes rurales et sur les autoroutes.

La vitesse excessive ne se résume pas aux grands excès de vitesse. En effet, la majorité des décès et blessures sont dus à des dépassements de vitesse moins grands, mais beaucoup plus fréquents » (Blais et autres, 2007 : 5).

La vitesse a avant tout un impact sur la santé, puisqu’il existe une relation causale entre la vitesse et la sévérité des blessures. La SAAQ a estimé, sur la base des rapports d’accidents remplis par les policiers, que la vitesse serait la cause principale des collisions ayant entraîné 22 % des décès, 17 % des blessés graves et 1 % des blessés légers entre 1999-2003, soit l’équivalent de 150 décès, 900 blessés graves et 5000 blessés légers en moyenne par année (Sergerie et autres, 2005). Si la vitesse n’est pas toujours identifiée comme cause principale, elle est néanmoins un facteur contributif pour un pourcentage d’autres collisions et un facteur aggravant de la sévérité des blessures.

Notons enfin qu’il apparait que de nombreuses études, notamment celle de Bellalite et autres (2005)5 démontrent que le changement de la vitesse affichée est peu efficace pour réduire les vitesses effectivement pratiquées. Ainsi, au final, agir sur la vitesse est fondamental pour améliorer la sécurité routière. La vitesse s’explique par des facteurs liés au comportement humain, à la conception routière et son environnement. La recension de Sergerie et autres (2005) touche largement ces questions. Il ne saurait être plus recommandé d’y référer pour mieux saisir le rôle de la vitesse dans la sécurité routière. Enfin, ces auteurs ajoutent que les comportements liés à la vitesse peuvent être encadrés par des mesures visant directement leur modification (campagnes de promotion et de sensibilisation, mesures de renforcement du respect de la vitesse, et des approches de renforcements autres que le contrôle et des programmes d’éducation et de cours de conduite), des interventions sur l’environnement physique (mesures d’apaisement de la circulation, gestion globale de l’aménagement), des moyens technologiques relatifs au véhicule et des mesures visant la modification de l’environnement socio-économique. Les interventions sur l’environnement physique sont plus contraignantes parce que ce sont les composantes de l’environnement qui « obligent à ralentir ». Les auteurs soulignent que le concept d’apaisement de la circulation est au cœur de ces mesures de même que des approches globales qui interfèrent dans les juridictions locales, régionales et nationales. Ces dernières réfèrent à la gestion d’ensemble de l’aménagement du territoire afin de tenir compte des déplacements et de la conception des routes, des schémas d’aménagement, des plans d’urbanisme, des politiques de transport et des plans de transports urbains (Sergerie et autres, 2005 : 62-63). Au final, agir sur la vitesse est fondamental pour améliorer la sécurité routière. L’approche de gestion de la vitesse développée entre autres par l’Organisation mondiale de la santé préconise des mesures centrées principalement sur le comportement et l’ingénierie de la route (Partenariat mondial pour la sécurité routière, 2008). Ces mesures sont décrites plus loin (section 4.2.3.1).

• Comportement, lisibilité et perception des usagers

L’association de compétences d’ingénierie (techniques) à des compétences paysagères, aménagistes, de design et urbanistiques (ex. : sensibilité de l’expérience ressentie, esthétique, visuelle) concourt à créer un environnement routier qui permet d’influer sur le comportement du conducteur (AIPCR, 2003a ; Fleury,

5 Cf. fiche de lecture 21

2004 ; Poulin et autres, 1997). Lorsqu’il est question de comportement, il s’agit de celui du conducteur en état de conduite. Ce comportement varie en fonction de l’environnement routier traversé (Badr, 1991 ; Poulin et autres 1997 ; Nelson, 1997 ; SETRA, 2003 ; SETRA & CETUR, 1992). Notons que la vitesse est souvent utilisée comme un indicateur du comportement.

Le conducteur s’adapte à son environnement, à ce qu’il en perçoit. Apparaît alors la notion de lisibilité, qui est un concept clé en matière de sécurité (AIPCR, 2003a ; Badr, 1991 ; CAUE, 2002 ; CERTU, 2010 ; Fleury, 1998 ; Poulin et autres, 1997 ; RTA, 2008 ; SETRA, 2003 ; SETRA & CETUR, 1992 ; Williams et autres, 2001). Une route est dite lisible lorsqu’elle transmet au conducteur les signaux lui permettant d’appréhender adéquatement l’espace traversé et ainsi d’y adapter son comportement. La lisibilité s’obtient par un traitement global de l’environnement routier : action sur la voirie, les abords, l’éclairage, la signalisation, le mobilier, etc.

La notion de lisibilité renvoie donc au paysage et à ses composantes. Par exemple, un traitement paysager adéquat contribue en effet à améliorer la sécurité routière à travers divers mécanismes (CAUE, 2002, 2003 ; Lessard et autres, 2003 ; Nelson, 1997 ; RTA, 2008 ; SETRA, 2003 ; Williams et autres, 2001 ; Ye et autres, 2011). Ainsi, une étude d’observation de Bellalite (2003) citée dans Sergerie et autres (2005) soutient que la réduction du dégagement latéral des abords de route tend à réduire la vitesse dans le contexte des routes régionales à deux voies en zone de 50 km/h et en traversée de petites agglomérations (Sergerie et autres, 2005). Il semble donc acquis que les éléments du paysage influent sur le comportement des conducteurs, soit en les interpellant et en maintenant leur attention, soit en créant un environnement qui les incite directement à ralentir (ex. : création de rétrécissements visuels). Par ailleurs, les éléments du paysage peuvent aussi contribuer directement à l’amélioration de la sécurité routière, notamment lorsque l’on retire des composantes accidentogènes (végétation qui bloque la signalisation ou une vue importante, arbres à proximité d’une route, etc.). Ainsi, il convient de toujours s’assurer que les éléments ne nuisent pas à la lisibilité des indications routières.

• Mobilité et vie locale dans les traversées d’agglomération

Les traversées d’agglomération connaissent des enjeux spécifiques au regard de la sécurité routière, dont le problème des fonctions différentes supportées par la voie. En l’occurrence, les circulations locale et de transit sont difficilement conciliables. Il en résulte souvent un sentiment d’insécurité pour les habitants et une dégradation au niveau de la fluidité de la circulation (CAUE, 2002 ; Fleury, 1998, 2004 ; Lessard et autres, 2003 ; Poulin et autres, 1997 ; SETRA & CETUR, 1992 ; Williams et autres, 2001). Certains organismes comme le Project for Public Spaces aux États-Unis (pps.org) soulignent, face à ces conflits, qu’il est de plus en plus important de considérer des approches qui conjuguent habilement les besoins de transit aux besoins de développement des communautés. Ainsi, il propose une planification à l’échelle du corridor permettant de considérer les multiples formes de transport dans un territoire, les usages des espaces et de l’utilisation du territoire, les différentes modalités de connexion entre les fonctions des voies et l’amélioration de l’environnement humain et naturel (Michaelson, Toth et Espiau, 2008).

« It is now clear that all of the above problems are the inevitable result of approaching transportation planning and community planning as two separate processes. This practice has made it too easy to overlook the value of creating strong communities and public places, which happens most frequently when transportation professionals focus on an isolated project rather than on solutions for an entire transportation corridor » (Michaelson et autres, 2008 : 3).

Dans leur document « Great Corridors, Great Communities », plusieurs études de cas aux États-Unis dans des contextes de petites et moyennes agglomérations sont répertoriées. Nous y reviendrons dans la section sur les grandes approches d’amélioration de la sécurité routière.

De manière spécifique, le problème de la cohabitation des usages est souvent signalé comme une lacune majeure des aménagements routiers (Badr, 1991 ; Ernst & Shoup, 2009 ; Fleury, 1998, 2004 ; Lessard et autres, 2003 ; Poulin et autres, 1997 ; SETRA & CETUR, 1992 ; Williams et autres, 2001). En effet, ces derniers privilégient la circulation automobile, au détriment des modes de transports actifs et des autres activités du territoire. Il en résulte des zones particulièrement dangereuses pour les piétons et les cyclistes. Des modes de résolution de conflits qui ne nécessitent pas forcément d’action majeure sur la voirie existent. Ils réfèrent aux outils d’apaisement de la circulation (« traffic calming »). Ils font l’objet d’une présentation détaillée ci-après (section 4.2.3.2).

Finalement se pose la problématique plus large de l’incohérence entre l’urbanisme et la voirie (AIPCR, 2003a ; CAUE, 2002, 2003 ; Fleury, 1998, 2004 ; SETRA & CETUR, 1992). Souvent, le manque d’anticipation de l’évolution de l’urbanisation et des usages des espaces conduit à la création d’un système routier inadapté et potentiellement accidentogène. Par ailleurs, il est primordial que la voirie induise des comportements adaptés à l’occupation de l’espace (concept de la lisibilité) — par exemple, une route large, rectiligne et dégagée est à proscrire dans les espaces de cohabitation des usages et notamment dans les entrées et des traversées d’agglomération.