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L’anglais : simplicité, rapidité et universalité

L’usage du terme anglais est presque systématique : il est possible d'émettre plusieurs hypothèses quant à l’utilisation privilégiée de l’anglais dans la communication entre les joueurs. Tout d’abord, la plupart des jeux vidéo massivement multijoueurs sont développés en anglais et ne sont pas toujours localisés lors de leur mise sur le marché. Les joueurs s’adaptent donc à un fonctionnement en anglais et le conservent souvent même si le jeu est localisé par la suite. D’autre part, ces jeux ont une portée mondiale et l’anglais reste l’une des langues les plus parlées dans le monde. Elle semble avoir été adoptée comme langue pivot dans le monde des jeux vidéo de la même façon que dans le monde scientifique par exemple. Cette option est d’autant plus favorisée par les joueurs européens car de nombreux joueurs de nationalités différentes jouent ensemble sur les mêmes serveurs.

Nous décelons par ailleurs une forte tendance à raccourcir davantage les termes en sigles et abréviations. En effet, nous retrouvons neuf sigles et quatre abréviations. Leur utilisation facilite une communication plus rapide et efficace.

Lors de phases de jeu intenses, la communication doit se faire dans les plus brefs délais tout en restant compréhensible. Certains termes ne sont pas forcément utilisés pendant

49 la partie et sont tout de même sous forme réduite, cela montre une volonté des joueurs d’aller vite.

Ainsi, on peut prendre l’exemple du terme « GG »27, sigle de « good game » en anglais, qui est utilisé en fin de partie pour signifier que l’on a apprécié le moment de jeu. C’est un terme dont l’utilisation correspond davantage à un rituel social en jeu qu’à une véritable volonté de communiquer. Il peut également être utilisé pendant le jeu lorsqu’un coéquipier réalise une belle action (d’où, ici, l’importance de la brièveté).

Le terme « AFK »28 n’est pas non plus utilisé en jeu mais on peut remarquer qu’il y a tout de même une notion de rapidité. Il est utilisé pour signifier que l’on s’éloigne de son ordinateur ou que l’on fait autre chose. Si l’on doit partir précipitamment, il faut évidemment que le terme soit court et facile à écrire ou à formuler. Les joueurs peuvent ainsi indiquer rapidement qu’ils doivent s’éloigner de l’ordinateur.

Le terme « cooldown » transformé en sigle « CD29 » permet d’indiquer plus vite à ses coéquipiers d’utiliser leurs attaques qui ont un temps de recharge important. Ces abréviations et sigles se forment donc de manière assez classique, par l’usage de la première lettre de chaque mot. Cela peut d’ailleurs s’appliquer à « cooldown », même s’il s’agit d’un mot unique, puisqu’il peut se décomposer en « cool » et « down » en anglais. Notons que cela ne s’applique pas à « xp » mais qu’il est très probable qu’il s’agisse d’une contraction empruntée à l’anglais qui se serait formée par similitude phonétique. En effet, la prononciation anglaise du terme « experience » [ɪ kˈ spɪ ə riə ns], et notamment les deux premières syllabes, ressemble à celle des deux lettres « x » et « p » permettant de contracter le terme en « xp » [ɪ kˈ spɪ ə ]. Nous pouvons également noter que certains termes sont en fait des contractions en anglais qui sont ensuite reprises en français. C’est le cas par exemple de « buff », dont la définition dans le contexte des jeux vidéo correspond partiellement à celle que « buffer » a dans le langage

27 Voir fiche terminologique no 12 28 Voir fiche terminologique no 1 29 Voir fiche terminologique no 5

50 courant, à savoir quelque chose qui protège ou atténue un choc. En l'occurrence, il s’agit de protéger entièrement ou d’atténuer les dégâts infligés par un ennemi.

Concernant le foisonnement des termes, on remarque dans nos fiches que de nombreux termes sont utilisés en tant que nom et verbe : cela évite une certaine prolifération de termes techniques qui pourraient compliquer les communications entre les joueurs. Le panel de termes est simplifié par ces mots à double usage. L’apprentissage de ces termes et de leur signification est aussi plus rapide puisque l’on peut souvent déduire le sens nominal à partir du verbe et inversement. On peut prendre l’exemple du terme « xp » qui désigne à la fois l'expérience en jeu gagnée par le joueur mais aussi le fait d’en gagner. De même, le terme « tank » désigne à la fois le joueur qui encaisse des dégâts mais aussi le fait d’encaisser et le verbe encaisser. Il en va de même pour le terme « heal » qui a cette fois un usage triple. Il signifie à la fois le fait de soigner un personnage mais aussi le rôle de soigneur et le soin lui-même.

De plus, la traduction de certains termes n’aide pas forcément à en comprendre le sens et certains n’ont même pas d’équivalent. Ce genre de terme oblige à faire des périphrases en français. En effet, pour le terme « tank » par exemple, même si on peut comprendre un certain lien avec la machine de guerre du même nom, il reste très difficile d’en déduire le sens si on ne voit pas le personnage en action. L’anglais reste une langue très imagée et les joueurs reprennent donc l’image en français.

Le terme « gameplay » est lui aussi très conceptuel et recouvre de nombreuses idées, difficiles à résumer en un seul mot puisqu’il s’agit de toutes les interactions actives qu’un joueur peut avoir avec un jeu. L’anglais a pu le faire en utilisant littéralement les mots « jeu » et « jouer », ce qui constitue presque un non-sens et complique largement la compréhension de ce terme et de sa signification. On peut également penser que le mot « game » sème le doute en raison de sa signification trop générale. En français, nous nous retrouvons donc à utiliser ce terme, faute d’avoir trouvé un terme aussi concis auquel attribuer le même panel de sens. Le sens complet du terme gameplay n’est effectivement pas transposable en français en un seul mot. Cependant, la traduction « jouabilité » est utilisé pour désigner une part de ce concept. Cela désigne particulièrement la sensation de jeu, les caractéristiques de la manière de jouer d’un jeu.

51 Ce terme est un peu utilisé par les joueurs, mais surtout par les éditeurs de jeu. En effet ces derniers utilisent parfois ce terme dans les traductions françaises des paramètres de jeu, pour remplacer gameplay, justement. Pour donner un exemple du fait que cette traduction n’est pas utilisable partout, nous pouvons entendre « c’est du beau gameplay » (qui signifie que l’on regarde une belle partie), là où « c’est une belle jouabilité » n’a aucun sens. Ce problème n’est pas nouveau, Jean Feller l’avait déjà abordé en 1975, à propos du terme « shopping » : « Mais on dépasse ici le problème du langage pour atteindre un fait de civilisation : autrement dit, on s’empare d’un mot d’une langue étrangère, non seulement parce que ce mot est plus commode, mais surtout parce qu’il désigne une technique, une notion ou des mœurs nouvelles, résultant d’une différence d’évolution d’un pays à l’autre. C’est pourquoi ils sont proprement intraduisibles ; il faut les prendre tels quels, avec tout leur poids et leur charge de signification nouvelle. » Nous comprenons ainsi que ces termes difficilement traduisibles le sont en partie parce qu’il s’agit de néologismes.