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La sphère de l’emploi   :   entre   élargissement   et   déstabilisations

Encadré   3.2.   Instabilité   et   flexibilité

2. L’emploi n’est pas fondamentalement plus instable aujourd’hui qu’hier

2.1. L’ancienneté dans l’emploi se maintient

les variables d’intérêt telles que la situation d’activité au sens du BIT avant 1982 ou la nature du contrat de travail (voir les annexes 1.4 page 407 et 3.3 page 429).  

2. L’emploi n’est pas fondamentalement plus instable aujourd’hui qu’hier 

   

Comment l’instabilité professionnelle a­t­elle  évolué  depuis  les  années  1970­1980  ?  Observe­t­on réellement une montée de l’instabilité qui pourrait traduire l’avènement d’un nouveau modèle d’emploi remettant en question le modèle de carrière issu des « trente  glorieuses » ? L’observation successive des évolutions de l’instabilité de l’emploi (mesurée  par l’ancienneté dans l’entreprise), de l’instabilité dans l’emploi (c’est­à­dire le risque de  perte d’emploi) et de l’instabilité par l’emploi (la part des emplois à durée limitée) permettra  de répondre à ces questions. On verra que le diagnostic dépend en grande partie des  indicateurs retenus mais aussi de la période observée et de la façon d’appréhender les données (en termes de flux ou de stocks). 

 

2.1. L’ancienneté dans l’emploi se maintient 

 

Une première façon d’interroger la stabilité du lien d’emploi est d’observer l’ancienneté moyenne dans l’emploi, c’est­à­dire la durée pendant laquelle un·e salarié·e a été employé·e  de façon continue dans une entreprise ; pour les travailleur·euse·s indépendant·e·s il s’agit de leur ancienneté dans leur activité au moment de l’enquête. L’accroissement de l’instabilité professionnelle devrait se traduire par une baisse de l’ancienneté moyenne dans  l’entreprise. Or ce n’est pas le cas, au moins depuis les années 1980. Selon plusieurs travaux de comparaison internationale se basant sur les enquêtes européennes sur les forces de  travail (Auer, 2005 ; Auer et Cazes, 2000), l’ancienneté moyenne française tend même à  progresser puisqu’elle atteignait 9,5 ans en 1982, 10,7 ans en 1995, 10,9 ans en 2000, 11,2 ans en 2005 et 11,4 ans en 201576. A partir des enquêtes Emploi, l’étude de Damien Sauze

       

76  Sources :  OCDE.  Pour  1982  et  1995,  voir  Ramaux  (2006,  p.  26).  Pour  les  années  suivantes :  voir 

http://stats.oecd.org/index.aspx?queryid=36324&lang=fr#. Ces résultats sont proches de ceux exposés dans 

Dirn et al. (1996, p. 134) : dans cette étude, l’ancienneté moyenne est estimée à 9 ans et 8 mois en 1982 et à

Chapitre 3. L’emploi est­il plus instable ? 

 

(2006) conclut également dans le sens d’une légère augmentation de l’ancienneté dans  l’emploi au niveau agrégé : 8,6 ans en 1982 contre 9,3 ans en 2000. 

 

Source : enquêtes Emploi de 1982 à 2015, Insee (producteur), réseau Quételet (diffuseur). 

Champ : individus ayant exercé une activité professionnelle au cours de la semaine de référence, résidant en 

France métropolitaine et Corse et âgés de 15 à 65 ans. 

Notes : données pondérées. Les pointillés marquent les ruptures de série dans l’enquête Emploi. 

Lecture : en 1982, 12 % des hommes avaient une ancienneté dans l’entreprise inférieure à un an ; 45 % avaient  10 ans ou plus d’ancienneté. 

 

Mais cette hausse de l’ancienneté pourrait dissimuler une polarisation des situations entre des emplois stables et  des emplois de faible durée  qui peuvent  augmenter de  façon  concomitante. Ce n’est manifestement pas le cas. Si l’on observe l’évolution de la répartition des travailleur·euse·s selon leur ancienneté (voir le graphique 3.1), on constate en effet que  la part de personnes ayant moins d’un an d’ancienneté dans leur entreprise est restée  globalement  stable,  tout  comme  celle  des  travailleur·euse·s  ayant  plus  de  dix  ans  d’ancienneté… excepté entre 1990 et 2000. Au regard des décennies précédentes et suivantes,  les années 1990 sont marquées par une  réelle baisse de l’ancienneté dans l’entreprise, formant ainsi une exception sur la tendance à l’œuvre depuis 35 ans. Or, c’est sur cette décennie que s’achève l’observation de la majorité des études. Une vision à plus long terme permet donc de relativiser le constat d’une augmentation de l’instabilité dans l’emploi :  au­delà des évolutions conjoncturelles, et en dépit d’une réelle baisse de

 

l’ancienneté dans les années 1990, la tendance générale est à la stagnation de la répartition par ancienneté depuis le début des années 1980. La réalité de l’instabilité dans l’emploi de la  population en emploi dans son ensemble, mesurée par l’ancienneté moyenne dans l’entreprise, apparaît donc très loin des croyances alarmistes en un nouveau modèle d’emploi intrinsèquement instable77

 

Comment expliquer cette stabilité de la durée du lien d’emploi ? Tout d’abord, celle­ci est  fortement corrélée à l’âge : les travailleur·euse·s les plus âgé·e·s ont mécaniquement une  ancienneté plus importante que les jeunes qui viennent d’achever leurs études. Il est donc  possible que la stagnation de l’ancienneté moyenne tienne davantage au vieillissement de la population en emploi qu’à une moindre instabilité de l’emploi. Toutefois, la correction de ce biais  ne  modifie  pas  fondamentalement  les  conclusions  puisque,  à  structure  par  âge  identique à la population de 1982, l’ancienneté moyenne serait égale à 11,3 ans en 201578.  Un autre élément d’explication est de nature économique : l’ancienneté tend à augmenter dans les phases de stagnation ou de récession et à baisser dans les phases de reprise. Dans  les périodes dynamiques du point de vue de l’emploi, l’augmentation des recrutements et des démissions fait chuter l’ancienneté moyenne ;  la  baisse  des  licenciements  et  la  prolongation des contrats à durée limitée ne permettent pas de contrer cet effet. A l’inverse, dans les phases de récession ou de dépression du cycle économique, les individus sont  moins mobiles. Ainsi, l’étude de T. Amossé et M­A. Ben Halima (2010) montre qu’au début des années 1990, les mobilités augmentent sous l’effet de la croissance du chômage  la  récession de 1993 a eu des répercussions importantes en matière d’emplois  alors que la  fin de la décennie est au contraire caractérisée par une augmentation des mobilités d’emploi à emploi,  dans un contexte économique favorable. Le fait que l’ancienneté moyenne s’accroisse légèrement depuis une trentaine d’années ne signifie donc pas nécessairement que la situation des travailleur·euse·s s’améliore. Car, comme on va le voir, cette évolution

       

77 On sait toutefois que cette ancienneté moyenne varie fortement selon le secteur d’activité. Elle est

particulièrement faible dans l’hôtellerie et la restauration et élevée dans l’industrie (Mansuy et Nouël de la

Buzonnière, 2011).  78

 Pour en savoir plus sur le calcul standardisé mis en œuvre ici, voir l’annexe 3.4, page 430. Ce résultat est cohérent avec l’étude de Auer P., Cazes S. et Spiezia V. (2001) mais il s’oppose à celui de T. Amossé et M­A. Ben  Halima (2010) qui attribuent l’essentiel de l’accroissement des emplois « stables » au le vieillissement de la 

Chapitre 3. L’emploi est­il plus instable ? 

 

s’accompagne d’une augmentation du risque de sortie de l’emploi pour une partie de la population : les hommes.