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Les   Contrats   à   Durée   Limitée   : une nouvelle modalité d’entrée dans   la   vie   active

La sphère de l’emploi   :   entre   élargissement   et   déstabilisations

Encadré   3.2.   Instabilité   et   flexibilité

1. L’émergence d’un nouveau modèle d’inser tion   dans   la   vie   active

1.3.   Les   Contrats   à   Durée   Limitée   : une nouvelle modalité d’entrée dans   la   vie   active

1.3. Les Contrats à Durée Limitée : une nouvelle modalité d’entrée dans la vie active 

 

L’augmentation du risque de sortie de l’emploi s’explique en partie par le développement  des contrats à durée limitée qui constituent une nouvelle modalité d’entrée dans la vie active. En 2014, la moitié des CDL est occupée par des salarié·e·s âgé·e·s de moins de 29 ans  alors qu’elles et ils ne représentent qu’un cinquième de l’ensemble des salarié·e·s91. Et selon  une étude de la Dares, en 2010, 92 % des embauches des moins de 30 ans se réalisent par le  biais de contrats à durée limitée (Ettouati, 2011) : le phénomène est donc  massif. Le  graphique 4.2 illustre les variations du taux de salarié·e·s en contrat à durée limitée selon  l’âge dans les trois cohortes. Il montre que, si la part de salarié·e·s en emploi à durée limitée a augmenté au fil des cohortes, cette hausse  comme celle des sorties de l’emploi  s’est essentiellement concentrée sur les salarié·e·s les plus jeunes.  

 

 

 

Source : enquêtes Emploi de 1970 à 2015, Insee (producteur), réseau Quételet (diffuseur). 

Notes : données pondérées. 

Champ : individus ayant exercé une activité professionnelle salariée au cours de la semaine de référence, 

résidant en France métropolitaine et Corse et âgés de 21 à 65 ans. 

Lecture : à 21 ans, 15 % des hommes salariés de la cohorte 1975 sont en CDL. 

 

Dans la première cohorte, l’emploi à durée limitée est plutôt une affaire de salarié·e·s âgé·e·s, le taux d’emploi à durée limitée restant marginal jusqu’à l’âge de 62 ans. Ceci est logique puisque, pour rappel, les contrats à durée limitée n’ont été reconnus par la loi qu’au        

Chapitre 4. L’instabilité de l’entrée dans la vie active 

 

cours des années 1970. Leur développement s’affirme dans la cohorte 1960 pour les salarié·e·s de moins de 40 ans tout en restant à un niveau relativement bas (moins de 10 %).  Au sein de la cohorte 1975 par contre, les CDL sont devenus une quasi­norme avant l’âge de 25 ans : à 21 ans, 44 % des hommes et la moitié des femmes salarié·e·s occupent un contrat  à durée limitée. Mais cette proportion baisse très rapidement jusqu’à l’âge de 30 ans, ce qui est nettement corrélé avec l’évolution du risque de perte d’emploi. Au fil des années, les  écarts avec les autres cohortes s’amenuisent donc considérablement, remettant en question l’idée d’une généralisation de l’emploi instable : le développement des emplois à durée  limitée concerne en premier lieu les jeunes actif·ve·s qui se stabilisent ensuite dans l’emploi à durée indéterminée. 

 

Derrière cet effet d’âge, l’augmentation des CDL peut­être en réalité concentrée sur les  jeunes les moins qualifié·e·s de la cohorte 1975. On a en effet déjà dit que l’âge d’entrée dans la vie active a considérablement augmenté entre les trois cohortes. En conséquence,  dans la dernière cohorte, les salarié·e·s les plus jeunes sont aussi les moins diplômé·e·s. Dans  ce cadre, une forte augmentation de la part des salarié·e·s en CDL chez les plus jeunes  pourrait  traduire  in  fine  une  hausse  qui  serait  en  réalité  concentrée  sur  les  moins  diplômé·e·s. Pour évacuer ce biais, il est possible de raisonner en termes d’ancienneté dans la vie active. Comme dans de nombreux travaux, celle­ci sera estimée à partir de la durée  écoulée depuis la fin des études initiales.  

 

Le graphique 4.3 (voir page suivante) montre une très nette poussée de l’emploi en CDL parmi les débutant·e·s de la cohorte 1975. Dans cette cohorte, plus de 40 % des salarié·e·s  ayant un an d’expérience ou moins sont en emploi à durée limitée. Sans constituer un passage obligé  car, bien que ce taux soit très important, les contrats à durée limitée ne  concernent pas la majorité des emplois quels que soient l’âge et la cohorte  le contrat à  durée  limité  se  révèle être  une modalité d’entrée dans la vie active nettement plus fréquente  dans  la  cohorte  1975  que  dans  les  cohortes  précédentes.  Mais  dès  que  l’ancienneté dans la vie active augmente, la part de salarié·e·s en CDL est en nette baisse (on  rejoint en cela le résultat de l’étude de D. Fougère, 2003, pp. 107­108) : après 10 ans  d’ancienneté, le taux de salarié·e·s en CDL se stabilise à environ 10 % dans la cohorte 1975 et

 

rejoint celui des femmes de la cohorte 1960. Comme l’expliquent Yannick Fondeur et Claude  Minni : 

« Dès lors, on peut considérer que les caractéristiques particulières que revêtent les actifs 

récents en sont pour partie temporaires (liées au processus d’insertion ou à un contexte

conjoncturel particulier92) et pour partie persistantes (liées aux transformations du rapport 

salarial, dont les jeunes sont, en quelque sorte, les vecteurs). » (Fondeur et Minni, 2004, 

p. 101).  

Cette tendance est effective pour tous les groupes socioprofessionnels (voir l’annexe 4.1  page 437). 

 

Source : enquêtes Emploi de 1970 à 2015, Insee (producteur), réseau Quételet (diffuseur). 

Notes : données pondérées. 

Champ : individus âgés de 15 à 65 ans ayant exercé une activité professionnelle salariée au cours de la semaine 

de référence, résidant en France métro. et Corse ayant terminé leurs études initiales depuis 45 ans ou moins. 

Lecture : 47 % des hommes salariés de la cohorte 1975 ayant achevé leurs études initiales depuis moins d’un an

occupent un emploi à durée limitée. 

   

 

 

       

92 Comme on l’a déjà souligné, le taux d’emploi des jeunes surréagit aux évolutions de la conjoncture  économique. C’est également le cas en ce qui concerne les types de contrats de travail : « les actifs récents sont  également ceux pour lesquels la proportion d’emplois stables est la plus cyclique » (Fondeur et Minni, 2004, 

Chapitre 4. L’instabilité de l’entrée dans la vie active 

 

1.4. L’instabilité professionnelle, constitutive d’un « nouvel âge de la vie » ? 

 

Pour Olivier Galland (2010, 1996, 1995, 1990)  dont les travaux sociologiques portent sur la  « jeunesse »  l’essor de la scolarité constitue, avec le report de la mise en couple et de  l’indépendance résidentielle, une transformation majeure qui a conduit à l’émergence d’un « nouvel âge de la vie », intermédiaire entre l'adolescence et l'âge adulte. Ce nouvel âge  forme plus qu’un simple report mécanique des calendriers : alors que dans la première  cohorte, le modèle consistait à entrer dans l’emploi après une courte période d’apprentissage, celui­ci serait maintenant marqué par une « période exploratoire » qui  constitue une phase « normale » du cycle de vie. Les seuils sont à la fois reportés et  désynchronisés : en particulier, la sortie de l’adolescence ne correspond plus à l’entrée dans la vie adulte. L’instabilité professionnelle ne relèverait plus de l’accident de parcours mais constituerait aujourd’hui un nouveau mode de socialisation pour les entrant·e·s dans la vie  active. La déstabilisation des débuts de parcours professionnels participe­t­elle pour autant à  l’émergence d’un « nouvel âge de la vie » parmi les cohortes les plus récentes ?  

 

L’instabilité, une nouvelle caractéristique de l’insertion professionnelle des jeunes ? 

 

Les jeunes sont en première ligne face au développement de l’instabilité professionnelle.  Elles et ils sont en particulier fortement exposé·e·s au risque d’occuper un contrat à durée limitée.  Or  les études sur l’insertion des jeunes montrent que l’essor de l’instabilité professionnelle jouerait un rôle majeur dans leur expérience vécue des parcours. Plus  fréquemment au chômage que les actif·ve·s les plus âgé·e·s, elles et ils sont aussi plus  exposé·e·s aux fluctuations conjoncturelles de l’emploi (Danzin et al., 2011 ; Fondeur et  Minni,  2006  et  2004).  Cela  tient  à  leur  sur­représentation  parmi  les  candidat·e·s  à  l’embauche : une partie des jeunes alimente le flux de sortant·e·s du système éducatif et est  à la recherche d’un premier emploi. Le fait qu’elles et ils occupent souvent des emplois à  durée limitée participe à leur sur­représentation parmi les débutant·e·s dans l’entreprise et il est bien établi que l’ancienneté protège du chômage (L’Horty, 2004 ; Behaghel, 2003 ;  Fougère, 2003).