• Aucun résultat trouvé

La sphère de l’emploi   :   entre   élargissement   et   déstabilisations

Encadré   3.2.   Instabilité   et   flexibilité

1. L’émergence d’un nouveau modèle d’inser tion   dans   la   vie   active

1.2.   Des   débuts   de   parcours   plus   heurtés

 

déstabilisation  des  parcours  professionnels  masculins  et  par  une  tendance  à  la  « normalisation » des parcours féminins sur le « modèle » masculin. Comme on le détaillera  plus loin, l’augmentation du risque de perte d’emploi est en outre très liée à la croissance  des emplois à durée limitée. Les jeunes générations de salarié·e·s sont en effet nettement  plus exposées à ce type de contrat que les cohortes plus anciennes88.  

 

1.2. Des débuts de parcours plus heurtés  

 

Le fait que les parcours professionnels des jeunes actif·ve·s soient de moins en moins stables  est un résultat qui fait consensus au sein des travaux qui portent sur l’évolution de l’instabilité professionnelle. Comme le note Pierre­Yves  Cabannes,  « depuis  1982,  les  contrats de travail temporaire se développent fortement, tout particulièrement chez les  jeunes. *…+ Chez les plus de 25 ans, le travail en CDD et en intérim s’est aussi accru mais dans des proportions moindres » (Cabannes, 2014, p. 59). De même, l’étude de Raphaël Cancé et Hélène Féchou met en avant le fait que « les contrats temporaires s'adressent surtout aux  jeunes qui ont du mal à obtenir directement des emplois stables » (Cancé et Fréchou, 2003,  p. 1). L’étude de Christian Cordelier montre quant à elle qu’ « au cours de la période 1977­ 2002, les interruptions d’emploi sont devenues plus fréquentes chez les jeunes salariés, surtout les jeunes femmes » (Cordelier, 2006, p. 1). De façon plus générale, le Conseil  d’Orientation pour l’Emploi pointe que « l’instabilité et l’insécurité de l’emploi touchent en particulier les jeunes » (COE, 2007, p. 1) alors que pour P. Auer et S. Cazes « il semble que la  mobilité et la flexibilité soient largement concentrées sur ce segment du marché du travail, –  tout particulièrement pour les jeunes où l’on assiste à d’incessants aller et retour entre le travail temporaire et le chômage » (Auer et Cazes, 2000, p. 446). Florence Lefresne résume  bien ce propos :  

« La difficulté à acquérir une première expérience professionnelle, le passage parfois récurrent 

par le chômage et le développement de parcours instables décrivent désormais la nouvelle 

       

88 Si l’on compare la situation des trois cohortes entre 25 et 40 ans, on constate qu’en moyenne chaque année

1 % des salarié·e·s de la cohorte 1945 sont en CDL contre 8 % pour la cohorte 1960 et 12 % pour la cohorte 

1975 : sans devenir une norme sur le cœur de carrière, l’ampleur des CDL s’est donc considérablement

 

donne de l’accès à l’emploi pour un grand nombre d’entre eux *les jeunes+ et en premier lieu

pour les moins qualifiés. » (Lefresne, 2003, p. 3).   

Dans leur majorité ces travaux analysent des données transversales (de date à date). Or,  comme on va le voir, l’intérêt d’une démarche pseudo­longitudinale est encore une fois  évident.  Les  analyses  transversales  ne  sont pas  en  effet en  mesure  de  montrer  que  l’instabilité professionnelle des jeunes s’efface progressivement au fil de leur parcours. On a vu dans le point précédent que les hommes de la génération 1975 sont nettement plus  exposés au risque de perte d’emploi89 que ceux des cohortes 1945 et 1960. Une analyse  pseudo­cohortale permet d’appuyer mais aussi de préciser ce constat. Car aux trois cohortes correspondent des modèles différents d’évolution du risque de perte d’emploi selon le cycle de vie (voir le graphique 4.1). Les différences entre parcours masculins et féminins sont  également particulièrement importantes.  

 

Source : enquêtes Emploi de 1970 à 2015, Insee (producteur), réseau Quételet (diffuseur). 

Champ : individus ayant exercé une activité professionnelle au cours de la semaine de référence, résidant en 

France métropolitaine et Corse et âgés de 25 à 65 ans. Note : données pondérées. 

Lecture : à 25 ans, 9 % des hommes actifs occupés une année N, âgés de 25 à 40 ans et appartenant à la 

cohorte 1975 étaient sans emploi l’année suivante. 

 

       

89 Pour rappel, le risque de sortie de l’emploi (l’instabilité de l’emploi) est mesuré de la façon suivante : il s’agit de la part d’actif·ve·s en emploi une année donnée qui est sans emploi (chômeur·euse·s ou « inactif·ve·s»)  l’année suivante. 

Chapitre 4. L’instabilité de l’entrée dans la vie active 

 

Chez les hommes de la cohorte 1945, le taux de sortie de l’emploi est faible, en particulier avant 40 ans. Mais il augmente régulièrement avec l’avancée en âge. Chez les femmes au contraire l’instabilité de l’emploi  très forte vers 25 ans (10 % contre moins de 2 % chez les  hommes)   tend à diminuer avec l’avancée dans le parcours professionnel. Pour les deux sexes il existe par ailleurs un pic en matière de sorties de l’emploi entre 55 et 60 ans : il  traduit une plus forte sensibilité des travailleur·euse·s âgée·e·s à cette forme d’instabilité professionnelle, vulnérabilité qui s’efface après 60 ans car les travailleur·euse·s les plus fragiles de ce point de vue ont déjà quitté l’emploi90.  

 

Dans la cohorte masculine de 1960, le risque de perte d’emploi se situe à un niveau plus élevé que dans la cohorte 1945 jusqu’à l’âge de 45 ans. Il est en outre assez constant quel  que soit l’âge, autour de 4 %. La courbe féminine de la cohorte 1960 ressemble quant à elle fortement  à  celle  de  la  cohorte  1945  (voir  le  graphique  4.1  page  précédente).  Le  développement du chômage a donc surtout fait sentir ses effets  encore modestes  sur les  parcours des hommes jeunes. Toutefois, pendant toute la première partie de carrière, les  femmes restent largement plus exposées au risque de sortie de l’emploi que les hommes.   

La situation a nettement changé dans la cohorte 1975. Dans cette cohorte, le niveau de  sorties de l’emploi vers le chômage ou l’ « inactivité » est surtout important pour les jeunes  mais il chute avec l’âge pour rejoindre celui de la cohorte 1960 à partir de 30 ans pour les femmes et 40 ans pour les hommes. Au final, la courbe des hommes de la cohorte 1975 tend  à s’accorder sur celle des femmes alors que celles­ci étaient très différentes dans les  cohortes  précédentes (voir  le  graphique  4.1  page  précédente)  :  la  déstabilisation  des  parcours mesurée par l’évolution des sorties de l’emploi selon l’âge a donc surtout concerné les hommes jeunes. Les courbes relatives à la cohorte 1975 sont également beaucoup moins  linéaires  que  celles  des  cohortes  précédentes  ce  qui  traduit  une  accentuation  de  la  sensibilité à la conjoncture des jeunes sur laquelle nous reviendrons plus loin. 

 

 

       

90 On ne détaillera pas le cas des travailleur·euse·s en fin de carrière ; ce sujet mériterait pourtant à lui seul une  investigation spécifique car les parcours professionnels des plus âgé·e·s apparaissent, à l’instar de ceux des plus

 

1.3. Les Contrats à Durée Limitée : une nouvelle modalité d’entrée dans la vie active 

 

L’augmentation du risque de sortie de l’emploi s’explique en partie par le développement  des contrats à durée limitée qui constituent une nouvelle modalité d’entrée dans la vie active. En 2014, la moitié des CDL est occupée par des salarié·e·s âgé·e·s de moins de 29 ans  alors qu’elles et ils ne représentent qu’un cinquième de l’ensemble des salarié·e·s91. Et selon  une étude de la Dares, en 2010, 92 % des embauches des moins de 30 ans se réalisent par le  biais de contrats à durée limitée (Ettouati, 2011) : le phénomène est donc  massif. Le  graphique 4.2 illustre les variations du taux de salarié·e·s en contrat à durée limitée selon  l’âge dans les trois cohortes. Il montre que, si la part de salarié·e·s en emploi à durée limitée a augmenté au fil des cohortes, cette hausse  comme celle des sorties de l’emploi  s’est essentiellement concentrée sur les salarié·e·s les plus jeunes.  

 

 

 

Source : enquêtes Emploi de 1970 à 2015, Insee (producteur), réseau Quételet (diffuseur). 

Notes : données pondérées. 

Champ : individus ayant exercé une activité professionnelle salariée au cours de la semaine de référence, 

résidant en France métropolitaine et Corse et âgés de 21 à 65 ans. 

Lecture : à 21 ans, 15 % des hommes salariés de la cohorte 1975 sont en CDL. 

 

Dans la première cohorte, l’emploi à durée limitée est plutôt une affaire de salarié·e·s âgé·e·s, le taux d’emploi à durée limitée restant marginal jusqu’à l’âge de 62 ans. Ceci est logique puisque, pour rappel, les contrats à durée limitée n’ont été reconnus par la loi qu’au