• Aucun résultat trouvé

L'analyse des collisions d'ions lourds (ultra-)relativistes

1.4 Exploration expérimentale des points extrêmes du diagramme de phase 20

1.4.2 L'analyse des collisions d'ions lourds (ultra-)relativistes

La stratégie

La stratégie pour étudier le déconnement peut être exposée en quatre étapes : 1. Mesure d'une observable. On cherche à mesurer une quantité qui, d'après la

théorie, serait sensible à la création d'une phase déconnée. On eectue donc cette mesure dans les collisions noyau-noyau où il est le plus probable d'observer le déconnement ;

2. Validation de la mesure. Une fois l'observable mesurée, il faut déterminer si elle indique la création d'une phase déconnée au début de la collision. Pour cela on peut :

 Comparer les résultats de la mesure avec la théorie. En général, la théorie fait des prédictions sur la valeur de l'observable quand il y a eu ou non déconnement ;

 Comparer les résultats de la mesure avec la mesure de la même observable eectuée sur un système où l'on ne s'attend pas à la création d'une phase déconnée. En général, on compare les résultats obtenus en mode noyau-noyau avec les résultats obtenus en mode proton-proton et/ou proton-noyau-noyau. Cette méthode dépend moins des modèles théoriques ;

3. Validation du résultat de la mesure. Pour valider les résultats de la mesure d'une observable, il faut que ces résultats soient confortés par la mesure d'autres observables. Plus le nombre d'observables dont la mesure aboutie au mêmes conclusions est important, plus le résultat est able. Il faut donc répéter les deux premières étapes pour le plus d'observables possibles ;

4. Déduction des propriétés du déconnement. Si la présence d'une phase décon-née au début de la collision a été mise en évidence, il faut mesurer ses proprié-tés. Pour cela il faut ajuster les paramètres libres des modèles théoriques pour reproduire les données expérimentales. La valeur nale des paramètres libres reète les propriétés de la phase déconnée.

Les signatures du déconnement

Une signature est le comportement particulier d'une observable. Par dénition, ce comportement donne une indication sur la création d'une phase déconnée. Dans ce qui suit, les principales signatures étudiées à ce jour sont présentées succinctement (la liste n'est pas exhaustive).

Les sondes dures. Elles s'appuient sur les propriétés des processus très énergé-tiques se déroulant aux tous premiers instants de la collision. Les particules créées dans ces processus participent à toutes les étapes du scénario de Bjor-ken. Elles peuvent donc servir de sonde pour retracer l'évolution de la matière nucléaire au cours de la collision. Les trois signatures principales liées aux pro-cessus durs sont :

 La suppression des quarkonia [39]. Un milieu déconné n'est pas neutre de couleur. Dans un tel milieu, il est possible que le potentiel liant le quark et l'antiquark lourd dans un quarkonium soit écranté. Si les quarkonia sont formés aux premiers instants de la collision immédiatement après la création des saveurs lourdes, ils devraient traverser la phase déconnée. On s'attend alors à une "fonte" des quarkonia. La création d'un milieu déconné lors de la collision pourrait être mis en évidence par la mesure d'un nombre anorma-lement faible de quarkonia. Ce point est traité en détail dans le chapitre 2 ;  L'hadronisation statistique des quarkonia [40]. Dans le modèle de suppression

présenté dans l'item précédent, on suppose que les quarkonia sont formés aux tous premiers instants de la collision. Il se pourrait malgré tout qu'ils soient formés de façon statistique juste avant la transition de la phase déconnée vers le gaz de hadrons. Dans ce cas, la production des quarkonia pourrait être décrite par un modèle d'hadronisation statistique. Si ce modèle échoue dans la description de la production des quarkonia dans les collisions simples31

(proton-proton, proton-noyau, par exemple) mais qu'il est bien adapté pour l'étude des collisions noyau-noyau32, ceci constituerait la preuve que la phase produite dans les collisions d'ions lourds est à l'équilibre thermique. Comme on s'attend à ce que la phase déconnée soit à l'équilibre thermique, cette observation indiquerait que le déconnement s'est produit pendant la col-lision. Pour les énergies importantes, l'hadronisation statistique pourrait se traduire par une augmentation de la production de quarkonia. Ce point est 31. Dans ce cas, comme le volume du système est limité, l'ensemble canonique est utilisé pour la description statistique.

32. Dans ce cas, comme le volume du système est grand, l'ensemble grand-canonique est utilisé pour la description statistique.

abordé dans le chapitre 2. Notons également qu'il se pourrait que l'hadro-nisation ait lieu tout au long de l'expansion de la phase déconnée du fait des propriétés cinématiques des quarks lourds. On parle alors d'hadronisa-tion cinétique [41]. L'hadronisad'hadronisa-tion cinétique devrait également entraîner une augmentation du nombre de quarkonia créés dans les phases déconnées de plus grande densité d'énergie ;

 La suppression des "jets" [42]. Dans un milieu déconné les partons sont supposés perdre de l'énergie par radiation de gluons. Ces radiations sont in-duites par le milieu car il est coloré. Par ailleurs, les partons susamment énergétiques donnent naissance à des gerbes de hadrons. C'est la fragmenta-tion. Ces gerbes de hadrons sont appelées "jets". Si les partons perdent trop d'énergie dans le milieu déconné, les "jets" créés seront composés de parti-cules de faible impulsion transverse. On dit que ces "jets" ont une impulsion transverse faible. La mesure d'un nombre anormalement faible de "jets" de grande impulsion transverse pourrait donc être la preuve de la présence d'une phase déconnée à un instant donné de la collision ;

 Les radiations thermiques [43, 44]. Dans un milieu déconné, les lois de la mécanique statistique s'appliquent. Un milieu déconné est donc à l'équi-libre thermique. Ainsi, un volume donné de matière nucléaire déconnée devrait se comporter comme un corps noir et émettre des particules (pho-tons par exemple) dont la distribution en impulsion transverse peut être ajustée avec une loi de Stefan-Boltzmann. Ces particules constituent les ra-diations thermiques. L'ajustement des distributions de particules constituant les radiations thermiques avec une loi de Stefan-Boltzmann doit permettre de remonter à la température de la phase déconnée.

Les sondes douces. Elles font intervenir des processus peu énergétiques. Les trois signatures de ce type sont :

 La modication des propriétés des mésons vecteurs de basse masse [44]. Dans un milieu déconné, on s'attend à ce que les propriétés des mésons vecteurs de basse masse (ρ, ϕ et ω) soient modiées par la restauration de la symétrie chirale. La masse ou la largeur des mésons vecteurs devraient varier ;

 L'augmentation de l'étrangeté [45, 46]. Dans un milieu déconné à l'équi-libre thermique, on s'attend à ce que la production d'étrangeté soit favorisée (par la fusion de gluons thermiques par exemple). Ainsi, si une phase de ce type est créée, on devrait observer un nombre anormalement élevé de par-ticules étranges (contenant un quark étrange) ou multi-étranges (contenant plusieurs quarks étranges) ;

 Les ots de matière [47]. Dans un volume donné de matière déconnée soumis à un gradient de pression relativement fort comme dans une collision d'ions lourds périphériques, on s'attend à des mouvements collectifs. L'étude de ces mouvements collectifs devrait permettre de mesurer les grandeurs thermody-namiques intervenant habituellement dans les équations d'état (viscosité, vi-tesse du son dans le milieu...). En pratique, les mouvements collectifs peuvent être mis en évidence par l'observation d'harmoniques dans la transformée de

Fourier des spectres angulaires.

La section suivante présente les principaux résultats expérimentaux obtenus de-puis vingt ans.