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L’ampleur mondiale de la contrefaçon en ligne

Chapitre I : L’adaptation des sanctions pénales à la cybercriminalité en droit d’auteur

B. Le développement international des atteintes au droit d’auteur

1. L’ampleur mondiale de la contrefaçon en ligne

Les œuvres de l’esprit, en raison de leur nature, ont toujours eu vocation à voyager à travers le monde. La culture transitait, dans un premier temps, par voie terrestre, puis l’arrivée des ondes des radios et des télévisions a donné lieu à une diffusion ignorant les frontières terrestres. Enfin, c’est le numérique, qui, en dématérialisant totalement les œuvres de l’esprit, a permis une nouvelle diffusion des œuvres se passant des frontières terrestres. En effet, désormais, la culture transite par internet. Ce dernier est un espace international qui transcende les frontières112. Cependant, si ce dernier est un formidable vecteur de communication et de diffusion des œuvres de l’esprit, il est également un vecteur d’atteinte au droit d’auteur.

La contrefaçon en ligne a une ampleur considérable puisqu’elle touche tous les secteurs de la création : tant les œuvres musicales, littéraires, photographiques, audiovisuelles, multimédias comme les jeux vidéo que les logiciels ou les bases de données. L’ampleur de cette contrefaçon est également notable car il s’agit d’un phénomène mondial. En effet, la contrefaçon ayant lieu sur internet, elle ignore les frontières et il devient aisé de contrefaire des œuvres d’un pays tout en se situant sur un autre.

110 Laure Marino, « Piratage », dans Christophe Geiger et Caroline Roada, dir, Le droit de la propriété

intellectuelle dans un monde globalisé, LexisNexis - CEIPI, 2014.

111 Ibid

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Afin de démontrer l’ampleur de ce phénomène mondial, plusieurs études ont été réalisées dans différents pays ou à l’échelle internationale. Par exemple, selon une étude IPSOS de 2009, « 78% des internautes chinois reconnaissent télécharger illégalement de la musique sur internet ». L’étude affirme que cela les place « en tête du classement devant la Russie (68%) et l’Inde (48%) », pour reconnaitre que téléchargement est « Une pratique qui semble moins répandue en France (15%) ou encore aux États-Unis (18%) qui affichent des chiffres bien au-dessous de la moyenne (44%). »113 Ainsi, concernant les œuvres musicales, l’IFPI (International Federation of the Phonographic Industry) estime que 40 milliards de pièces musicales ont été téléchargées dans le monde en 2008 de manière illégale (ce qui représente 95% de l’ensemble des téléchargements de musique)114

. Plus spécialement, au Québec, en 2009, 56% des internautes ayant téléchargé de la musique gratuitement depuis le début de l’année ont avoué qu’au moins un de ces téléchargements était illégal115

. En France, en 2013, le baromètre d’usage de l’Hadopi (la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet) relevait que 39% des usages des internautes concernant la musique en ligne étaient illicites116.

La contrefaçon en ligne d’œuvre audiovisuelle n’est pas en reste puisqu’en France, selon l’ALPA (l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle), 30% des utilisateurs français accèdent à un site dédié à de la piraterie audiovisuelle. Elle estime également que « 35 millions de vidéos illégales sont visionnées par mois sur les sites de streaming »117. Plus récemment, une étude du cabinet EY affirme que 27% des internautes français ont piraté du contenu audiovisuel en 2015118, que ce soit par le téléchargement direct ou en streaming. Enfin, il convient de noter que les logiciels ne sont pas ignorés par les cybercontrefacteurs : une étude commandée par la Business Software Alliance conclut que le piratage de logiciel est en pleine croissance : 41% des logiciels seraient contrefaits en 2008119. La France serait au-dessus de la moyenne pour la contrefaçon en ligne de logiciel en se situant à 35% tandis

113 Etude IPSOS, directmatin, 25 septembre 2009, p. 26, cité par E. Derieux et A. Granchet, supra note 79. 114 Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), « Revue des activités 2009-2010 », p. 5. 115 Source : www.branchez-vous.com/inc/communiques/2009/05/telechargement_illegal_un.html 116 Source : www.snepmusique.com/actualites-du-snep/le-snep-sinquiete-de-la-reprise-de-la- consommation-illicite-de-musique-en-ligne 117 Source : www.zdnet.fr/actualites/telechargement-illegal-le-fleau-du-piratage-reste-tres-eleve-en- france-39836478.htm

118 « Le coût du piratage en 2016 ? 1,35 milliard d’euros et 2000 emplois directs », L’express, en ligne :

www.lexpansion.lexpress.fr/high-tech/le-cout-du-piratage-en-2016-1-35-milliard-d-euros-et-2000- emplois-directs_1882428.html

119 En ligne : http://www.bsa.org/country/ News%20and%20Events/News%20Archives/fr/2009/fr-

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que le taux est de 27% pour l’Allemagne ou la Grande-Bretagne. Aux États-Unis, au Japon ou en Nouvelle-Zélande, les taux se situeraient aux alentours de 20%. Au Canada, en 2008, seuls 28% des logiciels auraient été contrefaits120.

Par conséquent, les atteintes au droit d’auteur sur internet, que ce soit par téléchargement ou par le streaming, ont une ampleur internationale. La majorité des pays sont touchés par le fléau de la contrefaçon en ligne, et cela concerne toutes les œuvres de l’esprit. Il s’agit d’un phénomène ayant de lourdes répercussions économiques. En France, une étude révèle que le « piratage » d’œuvres sur internet – sans toutefois prendre en compte les logiciels ou les jeux vidéo – représente une perte de revenus de 1,2 milliard d’euros. Cela correspondrait à 5000 emplois directs supprimés sur le marché français. Le secteur du cinéma serait le plus touché, vient ensuite le secteur de la musique et enfin le secteur de l’édition121

. En janvier 2009, le Syndicat national de l’édition phonographique évoquait une baisse de 15% du marché français de la musique enregistrée en 2008.

L’ampleur de la contrefaçon en ligne est d’autant plus importante qu’il est difficile de lutter contre celle-ci. En effet, puisque la contrefaçon en ligne, du fait d’internet, a pour caractéristique d’être transfrontière, elle pose des questions de droit international privé. On le sait, le droit d’auteur est un droit territorial, chaque pays ayant son propre système. Toutefois, avec Internet, l’exploitation des œuvres ne dépend plus d’un seul pays et la question de la loi applicable est difficile à résoudre ainsi que le note M. Vivant : « Cette œuvre a été reproduite sur un site internet. La reproduction est-elle licite ? Mais licite par référence à quel droit ? Au droit français ? Au droit allemand ? »122. Le droit international privé vient alors déterminer quelle sera la loi applicable. Par ailleurs, la contrefaçon en ligne pourra être érigée en infraction pénale pour certains systèmes de droit d’auteur alors qu’elle ne sera pas réprimée pénalement dans d’autres pays. De ce fait, des réponses harmonisées ont vu le jour pour lutter au niveau international.

120 Source : www.directioninformatique.com/le-piratage-de-logiciels-au-canada-baisse-en-pourcentage-

mais-grimpe-en-valeur/11541

121 P. Guerrier., « Piratage : une perte de 1,2 milliard d’euros pour l’industrie de la musique et du cinéma », 13 novembre 2008, en ligne : www.itespresso.fr/piratage-une-perte-de-12-milliard-deuros-pour- lindustrie-de-lamusique-et-du-cinema-23552.html

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