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CHAPITRE 3 : Cadres de la recherche

1) L’Amarrage

L’Amarrage est une association sans but lucratif de droit belge qui accueille chaque année une centaine de jeunes en situation sociofamiliale difficile et les aide à (re)créer des liens avec leur environnement. Le personnel est composé d’une soixantaine de membres qui ont pris en charge 163 jeunes pour l’ensemble de ses projets pédagogiques en 2016.

Sa mission est décrite comme suit :

« Ces jeunes nous ont été confiés sur base d’une décision administrative ou judiciaire, le plus souvent dans une perspective de prévention, pour éviter la dégradation de la situation familiale existante. En effet celle-ci pourrait

mener, chez certains enfants, à plus de souffrance encore que celles qu’ils connaissent actuellement. Le but de notre accompagnement est, outre de protéger le jeune, également de remobiliser le fonctionnement familial, tisser du lien et du dialogue entre les parties.

Au fil des années, les missions de l’Amarrage évoluent, les projets se multiplient et les fonctions se diversifient.

Au niveau des enfants et des jeunes, il s’agit de favoriser leur épanouissement personnel afin qu’ils développent la confiance en eux et envers les autres.

Au niveau du système familial, l’objectif est de restaurer, d’améliorer et de maintenir des liens au sein de l’environnement du jeune.

Enfin, tant que possible, l’objectif est d’induire un changement au niveau du fonctionnement familial en vue de permettre le retour de l’enfant ou du jeune dans son milieu de vie. »

De par sa mission, il semble évident que l’ensemble de la population de jeunes pris en charge par l’Amarrage a un parcours de vie fait de fracas. Nous évaluerons plus en détail le polymorphisme des fracas qui les ont marqués, mais il est important de noter à ce stade qu’en s’adressant à ces jeunes, nous nous adressons à des êtres dont le parcours de vie est, malgré leur jeune âge, semé de grandes difficultés.

La population de jeunes que nous rencontrerons sera issue de l’ensemble des projets d’Amarrage que nous détaillerons ci-après. Notre travail de recherche doit beaucoup à l’excellente collaboration qui a caractérisé notre relation avec l’ensemble des intervenants d’Amarrage, tous projets confondus, durant ces trois dernières années. Que ce soit avec la direction générale, avec celle des différents projets ou avec l’ensemble du personnel éducatif et administratif, nous avons pu, successivement, mettre en œuvre et faire évoluer les outils de recherche et la méthodologie, dans un esprit permanent d’amélioration des conditions de vie des jeunes et de leurs perspectives d’avenir. L’expérience individuelle des intervenants et la somme collective de ces expériences, tant humaines que professionnelles, nous ont permis d’appréhender des réalités professionnelles, sociales, psychologiques ou pédagogiques qui nous auraient

cruellement fait défaut pour progresser dans notre projet de recherche, notre questionnement, la confrontation des idées à la réalité du terrain, le partage fécond d’un doute méthodique.

Les activités et la mission de l’association sont encadrées par des normes légales spécifiques. Les décisions des instances administratives ou judiciaires de l’Aide à la Jeunesse de nous confier ces jeunes pour un hébergement et/ou un projet pédagogique particulier, sont également cadrées par des textes législatifs.

Le Décret relatif à l’Aide à la Jeunesse du 04 mars 1991 du Conseil de la Communauté française de Belgique, définit le champ d’application en son Article 2 en ces termes : « Le présent décret s’applique : 1° aux jeunes en difficulté, ainsi qu'aux personnes qui éprouvent de graves difficultés dans l'exécution de leurs obligations parentales ; 2° à tout enfant dont la santé ou la sécurité est en danger ou dont les conditions d'éducation sont compromises par son comportement, celui de sa famille ou de ses familiers. Il s'applique également aux personnes physiques et morales qui apportent leur concours à l'exécution de décisions individuelles émanant des autorités communautaires ou des autorités judiciaires en matière d'aide à la jeunesse et de protection de la jeunesse ».

L’association sans but lucratif l’Amarrage est reconnue, selon les termes de la loi, comme un service agréé qui collabore à l’application de ce décret et qui contribue à l’encadrement de mesures de protection de la jeunesse. Sous la houlette de son directeur général, le projet pédagogique global est dirigé par une directrice pédagogique qui garantit la cohérence et l’adéquation des divers projets. Elle encadre, d’une part, une équipe de psychosociaux qui veillent à répondre aux objectifs du mandat de l’autorité judiciaire ou administrative de l’Aide à la Jeunesse en intervenant avec l’ensemble des acteurs concernés et, d’autre part, des éducateurs qui mettent tous les moyens en œuvre pour contribuer à l’éducation de l’enfant dans l’intérêt général de celui-ci. Plus particulièrement, l’intervenant psychosocial a un regard, qualifié dans le projet pédagogique de « méta », sur les relations entre le jeune, sa famille et l’éducateur.

Le projet pédagogique est décrit dans un document où sont présentés « les objectifs de travail et les fondements pratiques et théoriques qui sous-tendent le travail réalisé par les équipes éducatives et psychosociales avec les enfants et leur environnement. On y retrouve la méthodologie suivie, les outils utilisés et les moyens mis en œuvre pour une prise en charge optimale des enfants accueillis » 4. La finalité y est décrite en ces termes :

« Accompagner les jeunes et les familles en activant leurs compétences et leurs ressources ;

Permettre une réinsertion du jeune en famille dans les meilleures conditions ;

Permettre aux intéressés de restaurer, améliorer et maintenir les liens avec son environnement ;

Consolider, affiner et travailler la capacité d'être responsable du jeune. » Toujours selon ce même document, les missions des services, outre celles plus générales du cadre légal, sont :

« D’organiser l’accueil collectif et l’éducation des jeunes qui nécessitent une aide spécialisée en dehors de leur milieu familial de vie ;

De mettre en œuvre des programmes d’aide en vue de la réinsertion dans leur milieu de vie des jeunes suite à une période d’hébergement ;

D’assurer la supervision ainsi que l’encadrement pédagogique et social de jeunes qui vivent en logement autonome suite à l’hébergement. »

L’Amarrage regroupe ses outils pédagogiques sous cinq projets principaux :

a) Les structures d’hébergement

Des jeunes, enfants et adolescents, sont accueillis dans des maisons de type familial et, dans la mesure du possible, pour une durée limitée. Les enfants sont encadrés sur chaque site par un responsable qui veille à leur épanouissement général, et qui encadre une équipe de trois éducateurs, un

4 Ce document et d’autres, comme le rapport annuel, sont consultables sur :

garant psychosocial et une aide-ménagère. Les familles et les proches restent impliqués dans la vie de l’enfant. En 2016, la durée moyenne de l’hébergement était de 21 mois. Les enfants qui le peuvent et qui en ont la possibilité, passent les weekends et les vacances scolaires en famille ou en famille d’accueil. Quatre maisons sont réparties sur des sites différents répartis dans la province du Brabant Wallon :

 Le Colombier : Offre un accueil à quinze enfants de 3 à 18 ans par trois projets différents : 1. la maison d’hébergement de type familial qui accueille et accompagne des enfants de 3 à 18 ans ; 2. la Maison des Ados de type communautaire pour 5 jeunes entre 15 et 18 ans, qui constitue un outil de prise en charge intermédiaire entre le placement et la mise en autonomie. L’objectif est ici d’apprendre à se responsabiliser ; 3. le projet d’autonomisation qui propose une phase de transition dans un lieu de vie individuel (kot, studio) avec un suivi d’éducateurs qui accompagnent des jeunes dès 17 ans.

Le Cabestan et L’Estacade : accueille et accompagne chacun durant une période plus ou moins longue de leurs vies une dizaine d’enfants de 3 à 18 ans.

 Le Gréement : a pour mission d’accueillir et d’accompagner durant une période plus ou moins longue de leurs vies dix jeunes filles adolescentes de 13 à 18 ans qui vivent également d’importantes difficultés.

b) Les séjours de rupture

Que ce soit au Bénin, en Europe ou même en Belgique, le projet est présenté comme une possibilité pour le jeune de quitter le contexte de vie problématique pour se reconstruire. Il s’adresse à des jeunes adolescents en grande difficulté et qui connaissent différentes formes de décrochage : familiale, scolaire ou social.

L’expérience d’éloignement et de rupture n’est pas vue comme une fin en soi, mais constitue un moyen pour le jeune de se reconstruire, de s’interroger sur ce qu’il est, sur ses valeurs et sur la relation qu’il entretient avec les autres. Elle

lui permet de créer du lien et de se remobiliser sur son projet individuel qui reste l’objectif central de l’action.

Selon ses responsables, le séjour de rupture poursuit différents objectifs : objectifs de socialisation, objectif individuel visant l’estime de soi, et objectif culturel renforçant l’ouverture d’esprit.

c) Le Service Mobile d’Intervention

C’est, comme son nom l’indique, un service mobile qui intervient dans le milieu de vie de l’adolescent. Le but premier est d’éviter le recours au placement ou à des mesures plus lourdes et d’éviter l’enkystement trop profond d’une situation problématique.

Pour ce faire, l’équipe propose un accompagnement réactif, mobile et flexible. C’est un service généraliste et de terrain, travaillant en réseau et proposant des réponses diversifiées aux problématiques que présentent les jeunes de 13 à 18 ans qui lui sont confiés. Ils sont en situation de crise dans une situation de tension aigue, momentanée ou chronique, dans leur milieu de vie (crises récurrentes, épuisement de la famille/institution, risque ou danger imminent pour le jeune ou pour autrui).

L’équipe intervient dans les 48 heures de manière inconditionnelle et sur mandat d’une autorité judiciaire. L’aide est apportée directement dans le milieu de vie du jeune : famille, proche(s), accueillant(s) ou institution.

En cas de tension aiguë ou de grande difficulté de retissage direct d’un lien avec la famille, l’environnement ou l’école, un moment de Time Out peut être proposé au jeune par différents outils pédagogiques : le Stage Action d’une ou deux semaines dans une entreprise partenaire ; une activité culturelle ou sportive dans le Centre de jour ; une mini-expédition individuelle avec un éducateur (24 à 72 h) ou encore l’hébergement temporaire (24 à 72 heures) dans une structure de l’Amarrage ou dans une structure accueillante partenaire (ferme belge).

d) Le Centre Bonvena (pour étrangers isolés)

Le centre Bonvena accueille quinze Mineurs Etrangers Non Accompagnés

(MENA), relevant de la Loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers. Ce sont des jeunes qui arrivent en Belgique sans parents ni famille.

Sensible à la crise des migrants et, plus particulièrement, à la situation de ces jeunes arrivés sans représentant légal en Belgique après un voyage et un parcours de vie traumatisant, l’Amarrage participe au « Plan MENA », mis en œuvre par une convention qui lie l’Agence Fédérale pour l’Accueil des Demandeurs d’Asile (Fedasil) à l’Administration Générale de l’Aide à la Jeunesse.

Le Centre Bonvena assure le suivi psychosocial et la scolarisation des adolescents en réponse aux exigences et objectifs des conventions et lois relatives à l’accueil de ces jeunes en situation particulière où la problématique administrative de leur statut de migrant se combine avec d’autres difficultés d’existence que nous aborderons.