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L’adulte acteur lors de la socialisation langagière dans le pays d’accueil

2. L A SOCIALISATION LANGAGIÈRE

2.3 L’adulte acteur lors de la socialisation langagière dans le pays d’accueil

immigration, le processus de socialisation langagière se manifeste à deux endroits complémentaires. D’abord, ils sont socialisés, le cas échéant par la langue française à travers les cours de français qui se déroulent soit dans les universités, soit dans les cégeps, soit dans les centres communautaires. En parallèle, ils sont socialisés par la

langue française à travers les relations qu’ils tissent avec les autres membres de la classe, avec les collègues de travail et avec d’autres membres de la société et à travers les actions qu’ils posent (les pratiques sociales) pour appartenir à la société d’accueil (vote, travail, syndicat, etc.). En effet,

L’apprentissage du langage est foncièrement ancré dans le processus de socialisation de l'individu, car les moyens langagiers qu'il développe sont fonction des comportements normatifs, des valeurs et des identités en jeu dans la communauté à laquelle il appartient (ou dont l'appartenance est en devenir) (Pochon-Berger, 2010, p. 31).

2.3.1 La socialisation langagière en classe et le sens de l’apprentissage

Dans l’apprentissage d’une nouvelle langue en contexte d’immigration, l’adulte immigrant va apprendre les codes sociaux de la société d’accueil en observant les activités des pairs et des enseignants (Rogoff, 1990). De ce fait, en observant les pairs, l’interaction en classe joue un rôle primordial pour la socialisation langagière d’un adulte. En effet, l’interaction avec le locuteur de la langue cible joue un rôle essentiel dans l’appropriation d’une nouvelle langue. En d’autres termes, le locuteur de la langue cible joue le rôle de médiateur entre l’adulte et la société d’accueil (Bange, Rita et Griggs, 2005; Giacomi, 2006). Dans la plupart des cas, pour l’apprentissage d’une nouvelle langue en contexte d’immigration, c’est l’enseignant qui, le premier, joue le rôle de médiateur. Pourtant, Giacomi (2006), dans son analyse, souligne que l’adulte immigrant, dans certains cas, possède une connaissance préalable de la langue à apprendre.

La problématique majeure tourne autour du processus de négociation entre ce que l’enseignant offre à l’apprenant adulte et ce que celui-ci apprend par rapport à son aspiration personnelle et à ses attentes (Griggs, 2007). En effet, le savoir qu’on donne à la personne qui apprend n’est efficace que si celle-ci lui donne du sens et s’approprie le savoir enseigné (De Léonardi, Laterrasse et Hermet, 2002). Autrement

dit, le savoir à enseigner, le lieu où se donne l’apprentissage, le sens que la personne donne à ce qu’on lui offre comme savoir, les personnes qui dispensent le savoir jouent un grand rôle. Ce sens a un lien avec le rapport au savoir. En conséquence, l’interaction devient une co-construction de sens et de réaménagement réciproque entre l’enseignant et l'apprenant.

En effet, lors des interactions en classe, l’enseignant transmet les aspects linguistiques et grammaticaux et «une culture donnée». À ce titre, pour les interactions en classe, «les pratiques routinisées» comme le fait de lever la main pour solliciter la parole (Bouchard et Parpette, 2008) ainsi que l’exposé en tant que pratique d’évaluation et d’apprentissage (Duff, 1995, 1996) peuvent varier d’un enseignant à l’autre, d’une culture à une autre. La classe devient donc une communauté de pratique. Il s’agit d’un partage d’expertise, de résolution de problèmes pour des personnes ayant des intérêts communs.

2.3.2 La socialisation langagière en classe et l’apprentissage des pratiques sociales

Outre la transmission des savoirs par l’enseignant et l’observation des autres apprenants, lors de la socialisation langagière en classe, l’adulte immigrant doit acquérir des savoirs de nature pratique lui permettant de «participer concrètement à des activités sociales» (Pochon-Berger, 2010, p. 34). Pour d’autres auteurs, il s’agit d’acquérir une compétence plurilangagière qui associe le savoir-faire et le savoir (De Pietro, 2002). Les interactionnistes considèrent que les pratiques sociales permettent le développement cognitif et le développement langagier (Pekarek Doehler, 2000). Les pratiques sociales sont les activités sociales qui favorisent l’usage de la langue du pays d’accueil tout en tissant des liens avec les autres membres de la communauté. Ces activités favorisent le sentiment d’appartenance à la société d’accueil (le bénévolat, le travail en équipe au travail, l’élection, les réunions sociales, etc.). Précisons que «l’individu n’acquiert pas «la culture»; il acquiert plutôt un ensemble de pratiques qui lui permet de vivre en société» (Schieffelin, 2007,

p. 18). D’autres auteurs désignent cette situation comme «une intégration fonctionnelle» (Archambault et Corbeil, 1982). Ce stade peut être arrimé au temps de l’étrangeté développée par Coulon (2005), concernant les différentes étapes d’intégration d’un étudiant à l’université. En outre, d’après Schieffelin (2007) et Pekarek Doehler (2000), cette socialisation et cette interaction donneront lieu à des échanges interpersonnels qui touchent l’identité de l’apprenant et l’aident à connaître et à maîtriser davantage les normes de la société d’accueil (rôle de l’espace dans l’échange, la gestuelle, etc.). Cette communauté de pratique ne s’arrête pas dans le cadre scolaire. À titre d’exemple, Baroni et Jeanneret (2008) citent le cas d’une jeune femme indienne qui est venue apprendre le français en Suisse et qui habite en colocation avec deux Européens. Les trois personnes s’échangent des recettes de cuisine. Leur appartement est devenu un lieu de communauté de pratique dans la mesure où deux personnes provenant de pays différents cohabitent avec leur différence de genres (les deux Européens sont des hommes) et de pratiques culturelles (pratique culinaire, etc.).

C’est pour cette raison que l’apprentissage d’une nouvelle langue par l’apprentissage des pratiques sociales constitue la socialisation langagière. Cette socialisation continue dans les sphères familiale et sociale.

2.3.3 La socialisation langagière à long terme

Roberts et al. (1999) précisent que la socialisation langagière vise non seulement l’apprentissage au plan linguistique et des pratiques sociales (travail, vote, etc.), mais aussi l’intégration de l’apprenant à la société d’accueil.

Pour Schieffelin (2007), la socialisation langagière «comprend non seulement l’acquisition des pratiques linguistiques, mais aussi leur transformation et leur perte» (p. 17). En effet, lors de la socialisation langagière à long terme, l’adulte maîtrise au

fur et à mesure la nouvelle langue, mais en même temps, il risquerait de perdre sa langue maternelle au profit de la nouvelle langue qu’est la langue du pays d’accueil.

En outre, la socialisation langagière à long terme est à la fois un processus d’acquisition, d’apprentissage de la langue du pays d’accueil et un ensemble de comportements conscients ou inconscients. Elle varie selon le lieu où se déroulent le discours et l’identité de la personne. Ainsi, par les interactions sociales et les pratiques sociales, l’individu va intégrer progressivement les valeurs et les normes de la société d’accueil (Camilleri, 1989; Camilleri et Vinsonneau, 1996; Claes, 1991; Schieffelin, 2007). Dans cette démarche, les échanges verbaux ne sont jamais neutres. En effet, d’après Schieffelin (2007), la parole, le discours, les interactions et les pratiques discursives sont le centre de la socialisation langagière. Cette socialisation langagière s’inscrit dans le temps et dans l’espace à travers le parcours particulier et comme nous l’avons souligné au départ. Elle est une forme de positionnement de l’adulte par rapport aux interactions sociales du fait que l’usage de la langue du pays d’accueil et de la langue maternelle est tributaire des enjeux de la communication. Ceci nous amène à aborder brièvement le rapport à la langue et le plurilinguisme.

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