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L’ADHESION AUX CODES, UNE SOURCE DE GAINS POUR LES ENTREPRISES

Quelle effectivité des codes de gouvernance ?

Partie 2 : Quelle effectivité des codes de gouvernance ?

3. Coûts et avantages des codes en matière de mise en œuvre des recommandations de gouvernance – quelle effectivité des codes ?

3.1.1. L’ADHESION AUX CODES, UNE SOURCE DE GAINS POUR LES ENTREPRISES

Les motifs d’adhésion volontaire des firmes aux dispositions contenues dans les codes sont multiples.

- Premièrement, l’adhésion volontaire au code peut engendrer pour la firme des gains d’efficience. En effet, via la mise en œuvre de « principes de bonne gouvernance » recommandés par le code, elle anticipe une augmentation de ses gains, résultant par exemple d’une distribution du pouvoir plus efficace à l’intérieur de l’entreprise, d’un contrôle accru des actionnaires sur les dirigeants, ou encore d’une compositi on plus adaptée du conseil d’administration. Les gains organisationnels et économiques espérés de la mise en œuvre de principes de gouvernance efficaces peuvent en ce sens constituer une première incitation pour les firmes à se conformer au code.

- Deuxièmement, l’adhésion d’une firme à un code peut résulter de son souhait d’entrer à la cotation sur une place particulière imposant le respect explicite d’un code donné. Hopt (2011, p. 11) souligne notamment cette importance du respect des critères de bonnes pratiques comme conditions de cotation, dans le contexte actuel de concurrence internationale des places boursières.

- Troisièmement, les gains espérés par les firmes de leur adhésion volontaire au code peuvent également résulter de leur quête d’une bonne réputation, également

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porteuse de gains économiques et financiers. Ainsi, adopter les dispositions d’un code peut permettre aux firmes de se différencier de leurs concurrentes et, par exemple, d’attirer les investisseurs les plus sensibles à une qualité élevée de gouvernance. La firme possède en effet une information privée sur la qualité réelle de sa gouvernance, difficilement observable directement par les investisseurs (ou uniquement à un coût élevé), on est alors dans une situation dite de sélection advers e. Dans une telle situation, l’adhésion au code est utilisée par la firme comme un moyen pour envoyer aux investisseurs sous-informés un signal de sa qualité réelle (élevée, car suivant les recommandations en vigueur dans les codes de bonne pratique) (Spence, 1974). A nouveau, l’adhésion au code résulte ici de la poursuite par la firme de son intérêt privé et de sa recherche de capitaux supplémentaires.

- Quatrièmement, cette analyse de l’adhésion aux codes en termes de signal, de réputation et de gains monétaires et financiers associés est plus largement à rapprocher du souci que peut avoir une firme de son image auprès de publics divers (non pas seulement les investisseurs, mais par exemple également les consommateurs). Cette motivation en termes d’image peut en particulier l’amener à adhérer à certains principes de gouvernance touchant les dimensions environnementale et sociale de l’activité de l’entreprise, auxquelles le grand public peut se montrer attentif. Dans certains cas, il peut ainsi être rentable pour la firme d’adopter certains dispositifs de gouvernance lui ouvrant l’accès à certains marchés ou à des donneurs d’ordre imposant des exigences particulières en matière de gouvernance (Arora et Gangopadhya 1995 ; Segerson et Miceli 1998 ; Grolleau et al., 2004). Plus particulièrement, la pression exercée par des consommateurs ou des associations et des ONG (à travers des actions de boycott ou des dénonciations de « mauvaises pratiques », notamment dans le domaine social et environnemental) et les pertes éventuelles en découlant pour les entreprises peuvent constituer une motivation suffisante pour inciter ces dernières à adhérer à certaines dispositions de gouvernance particulières.141 Les procédés de « name and shame », consistant à

dénoncer publiquement des entreprises en cas de mauvaises pratiques de gouvernance, reposent à l’évidence sur un mécanisme réputationnel de ce type (Kahan

141 Cette importance de la réputation est rapprochée de « la honte » comme émotion suscitant l’obéissance à la

soft law (Fluckinger, 2006, p. 89). Donnant explicitement exemple de la gouvernance d’entreprise et du Swiss Code of Best Practice for Corporate Governance, cet auteur souligne que « [L]’atteinte à la réputation d’une

entreprise peut en effet coûter très cher à celle-ci ; d’où la nécessité de maintenir l’image, de préserver une réputation irréprochable afin de prévenir la honte, l’embarras ou l’humiliation. L’économie privée peut y parvenir par le biais d’instruments de soft law, à l’instar du Swiss Code of Best Practice for Corporate Governance ou de nombreux codes de déontologie, de bonne conduite ou d’éthique dont certaines professions se dotent (avocats, médecins, journalistes, etc.), y compris l’administration publique ».

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et Posner, 1999) – même si, pour la France, ils sont à ce jour utilisés de façon prudente par l’AMF et simplement évoqués comme une « arme » possible par le HCGE .

- Cinquièmement, l’adhésion des agents privés au code peut résulter d’une menace législative et réglementaire exercée par les autorités publiques dans les domaines concernés par le code. En adoptant volontairement les dispositions de ce dernier, les firmes peuvent souhaiter démontrer leur conformité à des principes de bonne gouvernance identifiés comme tels par les milieux d’affaires et, de la sorte, dissuader une intervention publique, notamment de type législatif, qui risquerait d’être moins favorable à leurs intérêts ou plus coûteuse à mettre en œuvre que les recommandations du code. Destinée à éviter la production d’une règle de droit plus formelle par l’Etat, l’adhésion au code s’opère donc sous la menace d’une « loi Damoclès », pour reprendre les termes de Flückiger (2005), qui a pu également, à ce même sujet, évoquer des « accords de ‘liberté conditionnelle accordée aux entreprises » (Flückiger, 2006, p. 88, citant Matthey, 1996, p. 588).

- Sixièmement, l’adhésion au code peut par ailleurs résulter de motivations citoyennes de l’entreprise. En se conformant aux principes de bonne gouvernance, les firmes peuvent chercher à contribuer au bon fonctionnement des marchés, en augmentant par exemple l’information des investisseurs, et participer ainsi au renforcement de la stabilité systémique en matière financière.

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