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L’activation des intentions comme technique d’intervention

CHAPITRE 1: PROBLÉMATIQUE

1.4 Le développement d’interventions

1.4.5 L’activation des intentions comme technique d’intervention

L’activation des intentions (implementation intentions) est une technique de changement du comportement post-motivationnelle, c’est-à-dire qu’elle est indiquée pour des gens qui ont une intention élevée d’adopter un comportement, mais qui ne passent pas à l’acte (Sheeran, Webb, & Gollwitzer, 2005). Cette stratégie provient du Modèle des phases de l’action (Heckhausen & Gollwitzer, 1987). Comme son nom l’indique, ce modèle prévoit plusieurs

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phases avant la prise d’action, soit l’adoption d’un comportement lié à la santé (voir Figure 4). Les auteurs de cette théorie sont d’ailleurs parmi les premiers auteurs à avoir établi une distinction entre une phase motivationnelle et une phase volitive. Il y a quatre phases: 1) une phase motivationnelle ou prédécisionnelle, 2) une phase de pré-action ou de planification, 3) une phase d’action et 4) une phase post-action ou d’évaluation. Lors de la première phase, la personne délibère si elle devrait ou non prendre action. Lors de la deuxième phase, l’individu planifie la mise en place de l’action. C’est lors de cette étape, que l’activation des intentions peut intervenir comme stratégie de planification. Selon Gollwitzer (1999), l’activation des intentions implique de formuler un plan de si-alors (p. ex.: Si la situation X survient alors je vais adopter le comportement Y). Lors de la troisième phase, la personne prend action et lors de la quatrième phase, elle évalue les résultats obtenus suite à l’adoption du comportement.

Figure 4. Modèle des phases de l’action (Adapté de Achtziger & Gollwitzer, 2008)

Le Modèle du processus d’action en santé (Schwarzer, 1992) est une théorie similaire au Modèle des phases de l’action puisqu’il conçoit aussi que l’adoption d’un comportement implique une phase motivationnelle et une phase volitive. Selon le Modèle du processus d’action en santé, il y aurait trois phases lors de l’adoption d’un comportement lié à la santé: 1) une phase pré-intentionnelle, 2) une phase intentionnelle et 3) une phase d’action (voir Figure 5). Les deux premières phases constituent la phase motivationnelle alors que la troisième représente la phase volitive. Lors de la phase motivationnelle, l’individu formerait une intention d’adopter un comportement tandis que lors de la phase volitive, il prendrait action. Deux processus d’autorégulation seraient des médiateurs de l’intention et de l’action, c’est-à-dire qu’ils permettraient de passer d’une intention positive à la prise d’action, le plan

Délibération Planification Action Évaluation

Motivation Pré-décisionnelle

Volition

Pré-action Volition Action

Motivation Post-action Formation

de l’intention

Initiation

de l’intention de l’intention Réalisation

Désactivation de l’intention

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d’action et le plan d’adaptation. Le plan d’action implique de préciser les conditions d’adoption d’un comportement (quoi, où, quand). Le plan d’adaptation permet de lier des éléments qui pourraient nuire à l’adoption et au maintien du comportement, soit des barrières, à des solutions pour surmonter celles-ci. Ceci implique la complétion d’un questionnaire qui comporte une liste de situations problématiques de type si (p. ex.: Si je manque de temps…) et de solutions de type alors (…alors je vais utiliser des légumes surgelés) (Hagger & Luszczynska, 2014; Kwasnicka, Presseau, White, & Sniehotta, 2013). Cet outil permet de surmonter les barrières pouvant nuire à l’adoption ou au maintien du comportement en permettant aux individus d’anticiper les situations nuisibles et de prévoir à l’avance une réponse appropriée (Sniehotta, Schwarzer, Scholz, & Schüz, 2005).

Figure 5. Modèle du processus d’action en santé (Adapté de Schwarzer, 1992)

L’activation des intentions permettrait de surmonter quatre situations qui font que les gens ne réussissent pas à traduire leurs bonnes intentions en actions concrètes (Gollwitzer & Sheeran, 2006). La première situation est l’inhibition de l’initiation du comportement. Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi la personne n’initie pas l’adoption du comportement. Elle peut tout simplement avoir oublié, en particulier lorsque l’opportunité

Efficacité personnelle pour la tâche Attentes concernant les résultats de l’action Perception du risque Intention Plan d’action Plan d’adaptation Contrôle de l’action Action Efficacité personnelle de maintien Efficacité personnelle de récupération Barrières et ressources Phase pré-intentionnelle Phase intentionnelle Phase d’action Désengagement

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d’adopter un comportement est rare (p. ex.: pour un comportement peu fréquent) ou pour un comportement nouveau avec lequel elle est peu familière (Gollwitzer & Sheeran, 2006). L’activation des intentions permettrait de lier un comportement (le Alors) à son contexte d’adoption (le Si), ce qui faciliterait l’adoption du comportement lorsque l’opportunité se présente. Le contexte d’adoption du comportement servirait de rappel (cue) à la personne qu’elle doit adopter le comportement (p. ex.: Si la situation X survient alors je vais adopter le comportement Y) (Parks-Stamm, Gollwitzer, & Oettingen, 2007; Webb & Sheeran, 2007). L’individu peut aussi ne pas saisir l’opportunité d’adopter le comportement lorsqu’elle se présente, en particulier si celle-ci est de courte durée (Gollwitzer & Sheeran, 2006). Enfin, la personne peut ne pas initier l’adoption du comportement, car elle est initialement réticente à le faire (Gollwitzer & Sheeran, 2006). La réticence peut venir du fait que l’individu ne perçoit pas les bénéfices à court terme. Par exemple, un individu peut être motivé à adopter une saine alimentation, mais ne pas le faire initialement, car ce type d’alimentation est perçu comme étant moins bonne au goût.

La deuxième situation qui peut expliquer pourquoi une personne motivée n’adopte pas un comportement lié à la santé est la déviation de l’objectif comportemental. Dans ce cas-ci, l’individu dévie de son objectif comportemental, car son attention est dirigée vers l’adoption d’un autre comportement (un type de distraction) (Gollwitzer & Sheeran, 2006). La tentation d’adopter un autre comportement que celui initialement prévu ou de ne pas adopter le comportement voulu peut être particulièrement forte lorsque le comportement à changer est devenu un automatisme tel que dans le cas du tabagisme (Gollwitzer & Sheeran, 2006). L’activation des intentions pourrait permettre de bloquer un comportement de longue date (habitude) en proposant un comportement alternatif (Adriaanse, Gollwitzer, De Ridder, de Wit, & Kroese, 2011). Par exemple, si j’ai envie de manger des croustilles en regardant la télévision alors je vais plutôt prendre une collation santé telle qu’une pomme ou des crudités. Bref, les trois obstacles qui peuvent faire dévier une personne de son objectif comportemental sont les distractions, les tentations et certaines barrières contextuelles. Il est bien documenté que l’activation des intentions permettrait d’ignorer les situations qui feraient dévier un individu de son objectif comportemental (Achtziger, Gollwitzer, & Sheeran, 2008;

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Gollwitzer & Schaal, 1998; Gollwitzer, Sheeran, Trotschel, & Webb, 2011; Schweiger Gallo & Gollwitzer, 2007; van Koningbruggen, Stroebe, Papies, & Aarts, 2011).

La troisième situation pouvant inhiber l’adoption du comportement est le désengagement. Une personne peut arrêter l’adoption d’un comportement, car il ne répond plus à ses besoins et à ses attentes (Gollwitzer & Sheeran, 2006). Par exemple, une personne peut arrêter de manger sainement, car elle ne perd plus de poids. L’activation des intentions permettrait aux personnes de se désengager d’une voie menant à l’échec (Henderson, Gollwitzer, & Oettingen, 2007). Cette stratégie permettrait aussi aux personnes de persévérer dans l’atteinte de l’objectif comportemental lors d’une première tentative infructueuse (Martijn et al., 2008). Enfin, l’individu peut se désengager de l’adoption d’un comportement parce qu’il juge que son objectif comportemental est atteint (Gollwitzer & Sheeran, 2006).

La quatrième situation qui peut survenir et nuire à l’adoption de l’objectif comportemental est la poursuite d’objectifs multiples (Gollwitzer & Sheeran, 2006). Ainsi, une personne peut être motivée à pratiquer régulièrement de l’activité physique et à adopter une saine alimentation dans le but de perdre du poids ou pour sa santé cardiovasculaire. Toutefois, il est possible que la poursuite de ces deux objectifs comportementaux entre en conflit. Par exemple, après avoir pratiqué de l’activité physique, l’individu peut avoir une envie irrésistible de manger de la malbouffe. La poursuite d’un objectif comportemental exige des ressources cognitives, soit la capacité d’autorégulation d’une personne. Lorsqu’il y a poursuite d’objectifs multiples, cela peut surcharger leur capacité d’autorégulation, ce qui peut nuire à l’adoption et au maintien du comportement (Gollwitzer & Sheeran, 2006). En fait, la formulation de plusieurs plans d’action serait une manière inefficace de changer un comportement indésirable tel que la consommation de collations malsaines (Verhoeven, Adriaanse, De Ridder, De Vet, & Fennis, 2013) ou de favoriser l’adoption de plusieurs comportements liés à la santé tels que la pratique d’activité physique et la saine alimentation (Dalton & Spiller, 2012).

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Deux principaux mécanismes physiologiques ou cognitifs ont été proposés pour expliquer comment l’activation des intentions permet aux individus motivés de passer à l’action. Certaines études ont utilisé l’imagerie du cerveau par résonance magnétique pour vérifier l’effet de l’activation des intentions lors de situations suscitant diverses émotions telles que le dégoût ou la peur. Les résultats de ces études indiquent que l’activation des intentions permettrait une meilleure régulation des émotions négatives (Gallo, Keil, McCulloch, Rockstroh, & Gollwitzer, 2009). L’activation des intentions permettrait aussi d’améliorer la mémoire prospective, soit le type de mémoire qui permet aux personnes de ne pas oublier d’adopter un comportement prémédité (Chasteen, Park, & Schwarz, 2001; Smith, McConnell Rogers, McVay, Lopez, & Loft, 2014) et ce, chez les individus de tout âge (Zimmermann & Meier, 2010). Une méta-analyse récente a permis de quantifier l’effet de l’activation des intentions sur la mémoire prospective. L’activation des intentions permettrait d’améliorer la performance de la mémoire prospective chez de jeunes adultes en santé et ceci représente une taille d’effet moyenne (d de Cohen = 0,45) (Chen et al., 2015). Chez les personnes âgées, l’activation des intentions permettrait aussi d’améliorer la performance de la mémoire prospective, ce qui représente une taille d’effet moyenne à grande (d de Cohen = 0,68) (Chen et al., 2015). Il est à noter que d’autres explications physiologiques et cognitives ont été proposées pour expliquer l’effet de l’activation des intentions sur le comportement humain (Wieber, Thurmer, & Gollwitzer, 2015).

Pour conclure, il existe plusieurs formes d’activation des intentions dont le plan d’action et le plan d’adaptation. Le Modèle des phases de l’action et le Modèle du processus d’action en santé conçoivent tous les deux l’activation des intentions comme une stratégie post- motivationnelle qui est donc indiquée lorsque des individus ont une intention élevée d’adopter un comportement. L’activation des intentions permettrait de surmonter quatre situations qui font que les gens ne réussissent pas à adopter un comportement malgré une motivation élevée, soit l’inhibition de l’initiation du comportement, la déviation de l’objectif comportemental, le désengagement et la poursuite d’objectifs multiples. L’amélioration de la régulation des émotions et de la mémoire prospective seraient les deux principales explications physiologiques ou cognitives de l’impact de l’activation des intentions sur le comportement.

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Pour résumer les différentes sections de la problématique, le diabète de type 2 et le diabète gestationnel peuvent avoir de graves conséquences sur la santé de la mère et de l’enfant et leur prévalence est en hausse. La consommation de fruits et légumes pourrait diminuer le risque de développer ces deux types de diabète. Cependant, uniquement un faible pourcentage de la population à l’échelle planétaire consommerait suffisamment de fruits et légumes. Il y a donc nécessité d’identifier des moyens novateurs afin de promouvoir la consommation de fruits et légumes chez des femmes à risque de développer du diabète gestationnel. Deux techniques simples et peu coûteuses qui semblent prometteuses pour changer ce comportement sont l’activation des intentions et l’effet question-comportement. Toutefois, à notre connaissance, l’activation des intentions et l’effet question-comportement n’ont jamais été utilisés pour promouvoir la consommation de fruits et légumes chez des femmes à risque de développer du diabète gestationnel. De plus, avant de développer une telle intervention, il importe d’avoir un outil valide pour mesurer la consommation de fruits et légumes. Il semble qu’il y ait peu d’instruments courts mesurant spécifiquement la consommation de fruits et légumes et qui aient fait l’objet d’études de validation chez des populations spécifiques, telles que les femmes enceintes.

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