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L’action scientifique des Cassini en dehors du cadre formel de

Dans le document Science, académisme et sociabilité savante (Page 103-125)

l’Acad´emie.

Avec deux s´eances d’environ deux heures par semaine, y compris du temps o`u son activit´e ne faisait pas encore l’objet d’un r`eglement, l’Acad´emie des sciences ne peut couvrir l’ensemble de la vie scientifique de ses membres.

Au contraire de certains membres comme l’abb´e Gallois ou Malebranche, Cassini n’a pas d’obligations religieuses `a satisfaire, qui marqueraient ses journ´ees. Ajoutons `a cela que sa sant´e lui permet une activit´e assez d´ebordante : il est inenvisageable d’esp´e- rer rendre compte de l’ensemble des activit´es scientifiques extra-acad´emiques de notre astronome. N´eanmoins, quelques exemples choisis permettent d’´evaluer l’influence qu’il a pu avoir sur la vie savante de sa patrie d’adoption, mais bien aussi de l’Europe.

Jean-Dominique Cassini et les correspondants de l’Acad´emie des sciences. Le r´eseau Cassinien. Parmi l’´echantillon qui nous reste des ´echanges ´epistolaires auxquels a particip´e le savant, on compte un nombre assez important de correspon-

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dants1, d’origines et d’horizons fort diff´erents2. Un certain nombre d’entre eux sont italiens, et en particulier bolonais, signe de l’attachement au moins intellectuel qui unit l’expatri´e `a son pays d’origine. Mais on compte ´egalement d’autres astronomes ´etran- gers, parmi les plus c´el`ebres d’Europe (comme l’allemand Hevelius, qui ne tarit pas d’´eloges sur son confr`ere3 ou l’anglais Halley, qu’il a accueilli chez lui lors de son s´ejour en France4), ainsi que des savants moins connus, comme le p`ere franciscain Rouch´e5,

astronome amateur `a Poitiers.

Cassini compte parmi les acad´emiciens poss´edant le plus de correspondants attitr´es, du moins apr`es 1699, p´eriode pour laquelle on poss`ede des listes pr´ecises. En effet, lors de la s´eance du 4 mars 1699,

comme il est avantageux `a l’Acad´emie d’avoir plusieurs correspondances, soit dans les provinces soit dans les pays ´etrangers, afin qu’elle puisse estre promptement et fidellement instruite des nouvelles qui auront rapport aux sciences6,

Fontenelle consigne dans les registres de l’Acad´emie les noms aux orthographes le plus souvent assez fantaisistes de quatre-vingt un savants, dont certains sont cit´es par plu- sieurs personnes, avec qui les acad´emiciens sont en commerce ´epistolaire depuis la fon- dation de la Compagnie. Si la plupart n’ont pas laiss´e un souvenir imp´erissable dans l’histoire des sciences, certains d’entre eux comme Flamsteed et Sloane, correspondants de Cassini le fils, Papin, correspondant de l’abb´e Gallois, ou Leeuwenhoek, « connu par les d´ecouvertes qu’il a faites par l’usage du microscope7

» et correspondant de Burlet, sont encore c´el`ebres aujourd’hui. Par la suite, et avant le r`eglement de 1716, cinq autres savants recevront le titre de correspondant de l’Acad´emie des sciences, dont trois qui « entreront » dans la Compagnie `a la suite d’un nouveau membre, Antoine de Jussieu8. La majorit´e de ces savants, amateurs ou professionnels, vit en France m´etropolitaine, et plus pr´ecis´ement dans des villes du sud (sept correspondants sont ´etablis `a Montpellier, d’autres viennent d’Avignon, Arles, Lyon ou Aix).

Mais la liste des correspondants fournie par les acad´emiciens t´emoigne aussi du rayonnement international du r´eseau scientifique parisien. Les trois pays ´etrangers qui

1. Une ´etude syst´ematique et quantitative de ces divers interlocuteurs reste `a faire, afin de d´eterminer de mani`ere plus pr´ecise selon quel mod`ele Cassini se trouve ˆetre au cœur de la Respublica literaria de son temps. Voir Ren´e Sigrist, « Correspondances scientifiques du 18esi`ecle, pr´esentation d’une m´ethode

de comparaison », dans Revue suisse d’histoire, vol. 58, n˚ 2, 2008, p. 147-177.

2. Voir Simone Dumont, « Sur quelques correspondances re¸cues par les Cassini et les Maraldi (1670- 1793) », dans Sur les traces des Cassini..., op. cit., p. 185-196.

3. Pise, Bib. univ., ms. 423, fasc. 20, pi`ece n˚ 1, Hevelius `a Cassini, de Dantzig le 7 novembre 1669. 4. « Apr`es toute la reconnaissance et tous les remerciements auxquels je me trouve oblig´e par cette infinit´e de bienfaits et de faveurs dont vous m’avez combl´e pendant mon s´ejour `a Paris, j’ay cru devoir faire tout mon possible pour tˆacher de me maintenir dans l’estime et dans les bons sentiments que vous avez toujours t´emoign´e d’avoir pour moy, bien au-dessus de la petitesse de mon m´erite... », Pise, Bib. univ., ms. 423n fasc. 20, pi`ece n˚ 3, Halley `a Cassini, de Saumur le 9 juillet 1681.

5. « Je fis r´eponce au P. Rouch´e sur ses demandes astronomiques », JVP, 24 juillet 1710. 6. PV 1699, fol. 148v-150

7. PV 1699, fol. 150

8. Notons que l’empressement des correspondants `a communiquer les r´esultats de leurs observations ou de leurs travaux est explicitement assimil´e par l’article XXVII du r`eglement de 1699 `a une plus grande chance d’ˆetre ´elu `a l’Acad´emie : « Dans les ´elections pour remplir des places d’acad´emiciens, elle donnera beaucoup de pr´ef´erence aux s¸cavans qui auront ´et´e les plus exacts `a cette esp`ece de commerce », art. XXVII, dans HARS 1699, p. 7. Mˆeme si leur correspondance avec l’Acad´emie n’est pas express´ement rappel´ee dans les registres au moment de leur ´election, on peut penser que Vieussens et Deslandes ont ´et´e int´egr´es `a la Compagnie grˆace aux relations ´epistolaires pr´ealablement ´etablies (quoique dans le cas de Deslandes, l’interlocuteur de l’Acad´emie soit le p`ere du futur acad´emicien).

comptent le plus de correspondants de l’Acad´emie sont l’Angleterre, les Provinces- Unies et l’Empire, mais l’Italie (o`u la plupart des correspondants sont en relation avec les Cassini) et la Chine (qui abrite plusieurs missions j´esuites) fournissent ´egalement un important contingent1.

Les astronomes sont les acad´emiciens qui profitent le plus de ce syst`eme de cor- respondance. En effet, les travaux de l’Acad´emie ´etant consacr´es en grande partie `a la d´etermination de la position g´eographique des grandes villes d’Europe et du monde, des donn´ees venues de la comparaison des observations des ph´enom`enes c´elestes en diff´erents lieux leur ´etaient indispensables2.

Mˆeme si d’autres acad´emiciens sont en relations suivies avec des savants ext´erieurs, l’´etude d´etaill´ee des proc`es-verbaux montre que les plus assidus aux ´echanges ´episto- laires sont bel et bien les astronomes, en particulier les membres du r´eseau italien des Cassini-Maraldi (Manfredi et Stancari, Bianchini, Marsigli etc.). Les anatomistes re- ¸

coivent ´egalement beaucoup de relations de prodiges anatomiques, surtout de nature t´eratologique, mais ces ´ecrits sont majoritairement le fait de correspondants ponctuels, n’ayant aucun titre au sein de l’Acad´emie. `A ces deux cat´egories d’intervenants, on peut en ajouter une troisi`eme, en quelque sorte interm´ediaire, compos´ee des relais du pouvoir royal dans les pays ´etrangers et les colonies, mais aussi sur le territoire fran¸cais. Ces hommes, agents install´es sur place ou envoy´es pour une courte dur´ee, relaient aussi bien les demandes de l’Acad´emie que les r´ecits des r´esidents de leur province.

Ces correspondants servent les vis´ees de l’Acad´emie en fournissant une multitude de donn´ees. Mais certains, en particulier parmi ceux qui n’en ont pas le titre officiel, s’adressent ´egalement aux savants parisiens sur un ton moins formel. La correspondance de Cassini avec Jean-Charles Gallet (1637-1713), pr´evˆot de l’´eglise Saint-Symphorien d’Avignon, « collaborateur efficace et personnage `a l’esprit plein de curiosit´e3 », en est un bon exemple. Cassini ne fait pas que recevoir passivement les donn´ees qui lui parviennent tous azimuts. Il prodigue volontiers ses conseils `a ceux qui lui en font la demande (comme le P. Rouch´e, vu plus haut), et n’h´esite pas parfois `a s’expliquer longuement et patiemment, comme lors du l´eger diff´erend qui l’oppose `a Gallet entre mai et juillet 1680 `a propos d’un probl`eme sur les r´efractions4. La discussion, quoique gˆen´ee par le fait que les lettres se croisent du fait des probl`emes postaux5, reste tout- `

a-fait courtoise, comme en t´emoigne la derni`ere lettre de Cassini :

`

A vous dire le vray, je commence `a m’estonner qu’apr`es une si longue conf´erence que nous avons sur ce sujet, vous soiez si fortement attach´e `a vos premi`eres pens´ees, que vous jugez encore votre hypoth`ese soutenable et persistez dans la r´esolution de la publier. Je prends la libert´e de vous parler librement en bon amy, vous assurant que j’aurois est´e fort aise de n’avoir point sujet de trouver rien `a redire `a

1. Voir en annexe, tabl. 12, p. 479, les lieux de r´esidence des correspondants de l’Acad´emie en 1699. 2. Voir en annexe, tabl. 13, p. 479, le nombre de correspondants par acad´emicien.

3. S. Dumont, « Sur quelques correspondances... », art. cit., p. 187.

4. Pise, Bib. univ., ms. 423, fasc. 24 : pi`ece n˚4, Cassini `a Gallet, de Paris le 1ermai 1680 ; n˚5, du

mˆeme au mˆeme, de Paris le 30 mai 1680 ; n˚ 2, du mˆeme au mˆeme, de Paris le 28 juin 1680 ; n˚ 1, du mˆeme au mˆeme, de Paris le 8 juillet 1680 ; et n˚ 6, du mˆeme au mˆeme, de Paris le 29 juillet 1680.

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vos productions, et que j’aurois plus volontiers emplo¨ı´e le temps `a les soutenir et perfectionner si elles en avoient ´et´e capables qu’`a les combattre. Car j’aurois eu le plaisir de vous rendre un service agr´eable au lieu que ce que je vous rends me donne beaucoup de peine, parce que vous ne pourrez manquer de recevoir du d´eplaisir, ou en revoiant des pens´ees que vous estimiez si justes et si belles, ou en voyant le jugement que j’en fait, et me trouvant peut estre incapable de les comprendre. Soiez, Monsieur, fortement persuad´e que je n’en use de la sorte que par z`ele de vostre gloire, `a laquelle si vous croy´es que la publication de vostre hypoth`ese ne puisse point d´eroger, vous n’aurez qu’`a me le signifier et m’ordonner ce qu’il vous plaira que j’ex´ecute pour vostre service. Je suis toujours, Monsieur, etc.1.

Ce ton `a la fois professoral et respectueux marque que Cassini a ´et´e impliqu´e dans un v´eritable ´echange avec ses correspondants, et non uniquement une sorte de catalyseur pour les observations astronomiques de France et de Navarre. Le fait qu’il pr´ecise dans presque toutes ses lettres qu’il ne lui propose ses corrections qu’`a titre indicatif et non comme des obligations, qu’il le recommande tout de mˆeme Gallet `a Colbert et l’abb´e Gallois, et qu’il lui laisse le choix final quant `a la publication de ses œuvres2, prouve bien que si Cassini a bel et bien jou´e un rˆole central et important dans l’astronomie fran¸caise, il ne semble pas en avoir profit´e pour rabaisser ses confr`eres.

Cassini et les exp´editions scientifiques de 1681-1683. On trouve un autre exemple de cette conduite dans la peine qu’il se donne pour soutenir certaines de ses connaissances dans leurs projets d’exp´editions scientifiques. L’Acad´emie des sciences ne s’est pas content´ee de collecter passivement les observations maritimes et scientifiques des marins partis explorer les lointaines contr´ees du globe. Elle n’a pas non plus attendu que soient officialis´es ses rapports avec le pouvoir royal par le biais d’un r`eglement pour envoyer certains de ses membres en exp´edition, comme Jean Richer, astronome parti en 1672 effectuer des relev´es `a Cayenne, pour permettre la d´etermination de la parallaxe de Mars grˆace `a sa confrontation avec les observations de Cassini ; ou l’abb´e Picard, parti vers la mˆeme ´epoque au Danemark pour un s´ejour `a l’observatoire de Tycho-Brahe `

a Uraniborg. Il est vrai qu’au XVIIe si`ecle, ces voyages scientifiques ont surtout pour

objet l’astronomie3, contrairement au XVIIIe si`ecle, davantage centr´e sur les sciences

naturelles (botanique et zoologie en particulier).

La Compagnie savante ne se contente pas de commissionner ses propres membres, qui ont d´ej`a fort `a faire sur le territoire. En outre, les conditions de voyage sont `a l’´epoque assez d´eplorables, et il n’est pas donn´e `a tout le monde d’avoir la forme phy-

1. Ibid., pi`ece n˚ 6. Voir ´egalement Pise, Bib. univ., ms. 423, fasc. 23, trois pi`eces de 1675 sur un autre l´eger diff´erend, `a propos de la r´etrogradation de Saturne.

2. « Vous ne trouverez pas mauvais que par mes difficult´es je n’aye pas second´e la presse extraor- dinaire que vous avez d’imprimer vostre traitt´e par d’autre mani`ere qu’en r´epondant promptement `a vos lettres parmy d’autres occupations fort pressantes. Je n’ay pas manqu´e de parler avantageusement `

a monseigneur Colbert, en pr´esence de M. Gallois, de vos pens´ees ing´enieuses, et je luy ay dit que nous estions en dispute pour nous ´eclaircir sur ce point. Vous trouverez enfin que je n’ay agi de cette sorte que par le z`ele de vostre gloire, `a laquelle je crois que l’impression d’un ´ecrit de cette sorte, et conceu en cette forme, ne seroit pas avantageuse, mais comme je vous ay expliqu´e librement mes pens´ees, je suivray aveugl´ement vos ordres si vous demeur´es dans la r´esolution de le faire imprimer », Pise, Bib. univ., ms. 423, fasc. 24, pi`ece n˚ 2, Cassini `a Gallet, de Paris le 28 juin 1680.

3. Voir Monique Gros et Simone Dumont, « Les premiers astronomes-cartographes fran¸cais dans les ˆıles », dans Les ˆıles : du mythe `a la r´ealit´e, dir. Monique Pelletier, Paris : ´ed. du CTHS, 2002, p. 131-145.

sique n´ecessaire `a une longue exp´edition. Aussi les savants font-ils appel `a de jeunes amateurs, qu’ils forment `a leurs m´ethodes selon les ordres du gouvernement. Cassini ´

ecrit ainsi `a La Hire qu’apr`es avoir fait le rapport des observations effectu´ees par son coll`egue `a Calais :

Monseigneur [Colbert] y avoit prit tant de plaisir qu’il est dans la r´esolution de les pousser aussi loin qu’il est possible, m’ayant `a cet effet ordonn´e d’exercer de jeunes gens habiles pour estre appell´e dans les pays ´eloignez. Il y a `a Honfleur un jeune homme appell´e M. de Glos qui a beaucoup d’inclination aux observations astronomiques, et g´eographiques. Je luy ay ´ecrit qu’il ne manque pas de vous voir lorsque vous serez au Havre pour s’exercer dans la m´ethode que nous pratiquons. Je vous prie que quand il se pr´esentera vous luy fassiez voir ce qui est n´ecessaire pour son instruction afin de l’avoir prˆet quand il plaira `a Mgrde l’employer. J’ay

dit `a MM. Sauveur1et de La Montre2que s’ils s’exercent dans les observations, ils

pourront estre employez, et pour ce qui est de M. S´edileau3, qui depuis longtemps

s’exerce `a l’Observatoire, Mgrl’a mis dans l’Acad´emie4.

Les astronomes de l’Observatoire jouent un rˆole tr`es important dans la formation scientifique des futurs explorateurs du globe. Ils suivent ´egalement de tr`es pr`es leurs pr´eparatifs mat´eriels, comme on peut le voir `a travers les multiples mentions des jeunes Varin, Des Hayes, De Glos, Coubart et Agarat dans les journaux d’observation de l’astronome, en particulier entre janvier et mars 16825.

En effet, ces scientifiques amateurs, sur lesquels on n’a pratiquement aucun rensei- gnement biographique si ce n’est que Varin, Des Hayes, Coubart et Agarat au moins sont Ing´enieurs du roi pour l’hydrographie, sont choisis vers la fin de 1681 pour aller explorer l’ˆıle de Gor´ee, nouvelle colonie fran¸caise au large du S´en´egal, et y mener des observations afin de « corriger toute la g´eographie et faire des cartes justes6. Varin

et Des Hayes quittent Paris `a l’automne 1681, mais sont rapidement bloqu´es `a Rouen puis `a Dieppe par l’absence de vaisseau. Quant `a De Glos, Agarat et Coubart, on voit dans les registres de Cassini qu’ils sont appel´es plus tard, grˆace `a son entremise (11- 13 janvier 1682). C’est lui qui les pousse aupr`es de Colbert et de l’abb´e Gallois, ainsi qu’`a l’Acad´emie des sciences en leur faisant obtenir des places de correspondants de la Compagnie7. Mais il ne se contente pas de les recommander aux grands.

En effet, la correspondance nourrie qu’entretient Jean-Dominique Cassini avec ces « jeunes gens habiles » montre que l’astronome se d´em`ene pour leur fournir les meilleures conditions de travail possibles. En plus de se charger de « leur faire avoir des instru- ments pour observer dans leur navigation » (14 mars 1682), il s’implique dans tous

1. Joseph Sauveur, l’acad´emicien.

2. L’abb´e de La Montre, ´el`eve de Cassini, enseignera l’astronomie `a J.-N. Delisle.

3. Membre de l’Acad´emie des sciences, il assiste r´eguli`erement Cassini dans ses observations. On ignore les d´etails de sa vie.

4. Pise, Bib. univ., ms. 423, fasc. 24, n˚ 3, Cassini `a La Hire, de Paris le 21 novembre 1681. 5. Voir en annexe, p. 480, les passages des journaux d’observations de Cassini t´emoignant de son rˆole dans ces exp´editions scientifiques.

6. Jean-Dominique Cassini, « Voyages au Cap Verd en Afrique et aux isles de l’Am´erique », dans M´emoires de l’Acad´emie royale des sciences, t. VII, partie II, 1729, p. 431-446.

7. Voir BnF, ms. NAF 6197, fol. 170, Varin `a Cassini, Dieppe, le 11 d´ecembre 1681 : « Monsieur, j’ay receu votre lettre du 8e qui m’apprend une tr`es agreable nouvelle. Je crois que M. Deshayes y

peut prendre part puis que les raisons que vous alleguez de ma reception dans l’Academie luy peuvent convenir comme `a moy. Je ne luy en ay pourtant point encore parl´e, estant bien aise de ne rien faire sur cela ni sur autre chose que par vostre advis. »

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les autres aspects, th´eoriques (envoi de recueils d’observations, conseils de m´ethode1 mais aussi pratiques (argent...), mˆeme dans des domaines assez incongrus comme le r´eglage de la route de certains navires. La lettre que lui adresse Varin est `a cet ´egard fort repr´esentative des espoirs plac´es par les explorateurs dans le soutien que peut leur apporter l’astronome :

Puisque vous souhaitez que l’on aille au Cap Vert, je seray bien aise de faire ce voyage et il me suffit de s¸cavoir que vous le souhaittez pour me faire trouver du plaisir `a l’entreprendre, et je puis vous protester que si je n’estois point en famille j’irois jusqu’au Japon si vous me l’ordonniez, pour avoir la gloire d’estre du nombre de ceux qui ex´ecuteront vos illustres projets dans toutes les parties du monde. Vous nous mandez par une de vos derni`eres que les observations des hauteurs m´eridiennes de Markab2 et de l’´etoile polaire sont bien observ´ees, et que celle d’Algenib3 ne l’est pas, ce qui m’estonne puis que l’´el´evation du pˆole que je tire en cons´equence des hauteurs de Markab et d’Algenib s’accordent fort bien ensemble, et celle que trouve par l’estoile polaire diff`ere des premi`eres `a peu pr`es d’une minute et demi.

[...] Nous venons pr´esentement de chez Madame Baudri, ou nous avons appris que M. Sobret est parti aujourd’huy pour Paris. Nous avons parl´e `a M. le capitaine Layolle4 qui nous a tesmoign´e qu’il avoit ordre de M. Sobret de nous d´ebarquer

au Cap Vert. Mais nous ayant t´emoign´e que ce pays estant tr`es d´esert des choses n´ecessaires `a la vie, et que nous ne pouvions vivre qu’avec des n`egres qui vivent tr`es mal, nous avons offert `a luy payer pension pour subsister par ce moyen et ses provisions, il nous a respondu qu’il ne le pouvoit faire `a cause qu’estant arriv´e au Senega5, il feroit tout fort de partir au plus tost pour aller aux isles de l’Am´erique6, o`u il ne pouvoit nous mener sans un ordre expr`es de la Compagnie7, de sorte qu’il faut se r´esoudre d’aller aux Isles si nous voulons faire le voyage du Cap Vert.

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