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De « ceux qui se r´eunissent dans la Biblioth`eque royale » `a l’Aca-

d´emie royale des sciences de Paris : la Compagnie du Grand

si`ecle.

Les premi`eres d´ecennies de l’Acad´emie des sciences.

Une fondation discr`ete. Le r´ecit par Jean-Dominique Cassini de son arriv´ee `a Paris et de son int´egration `a l’Acad´emie des sciences ne comporte aucune mention d’une position particuli`ere qui lui serait attribu´ee au sein de la compagnie. En effet, le statut des savants n’est pas encore clairement ´etabli, mˆeme si une distinction existe entre d’un cˆot´e les « acad´emiciens » officiels1, et de l’autre, des savants « d’une classe inf´erieure, et qui n’y ´etoient que pour ´ecouter2 », sorte d’´el`eves des premiers3.

Peut-ˆetre `a cause de la discr´etion qui accompagne la fondation du nouvel ´etablis- sement, les cercles savants qui lui ont en partie fourni ses bases ne disparaissent pas. Ainsi l’« acad´emie put´eane » se maintient-elle jusqu’en 1685 grˆace `a l’activit´e de l’astro- nome Isma¨el Boulliau (1605-1691), puis `a celle de l’abb´e de La Rivi`ere. Subsiste aussi le cercle de Th´evenot grˆace `a l’action de Bourdelot, m´edecin du Grand Cond´e, qui attire `a ses cˆot´es tous les libres penseurs et sectateurs de Descartes jusque vers 1685 ´

egalement4. D’autres cercles savants se cr´eent mˆeme apr`es 1666, tels les conf´erences

donn´ees par le chimiste Nicolas L´emery5 ou le math´ematicien Pierre-Fran¸cois R´egis6, tous deux futurs acad´emiciens, ou encore celles de Mathieu-Fran¸cois Geoffroy, p`ere du chimiste ´Etienne-Fran¸cois et du botaniste Claude-Joseph, auxquelles participent Du Verney l’aˆın´e avec ses dissections, Homberg avec ses d´emonstrations chimiques, Cassini avec ses planisph`eres ou le P. Truchet avec ses machines, le tout dans un esprit de par-

1. L’acad´emie compte parmi ses premiers membres les g´eom`etres Pierre de Carcavi, Christian Huy- gens, Gilles Personne de Roberval, Nicolas Fr´enicle de Bessy et Jacques Buot ; les astronomes Adrien Auzout, Jean Picard et Jean-Baptiste Du Hamel ; les physiciens Marin Cureau de La Chambre et Claude Perrault ; les chimistes Samuel Cottereau du Clos et Claude IerBourdelin ; les anatomistes Jean

Pecquet et Louis Gayant ; et le botaniste Nicolas Marchant. 2. C. Perrault, M´emoires..., op. cit., p. 140.

3. Ces ´el`eves sont Antoine Niquet (g´eom`etre), Jean Richer (astronome), Pivert de La Noye (g´eo- m`etre) et Claude-Antoine Couplet (m´ecanicien).

4. « M. de Monmor avoit establi une assembl´ee de physique ch´es luy `a grands concours de s¸cavans hommes. Elle a dur´e quatre ou cinq ans avec une grande r´eputation. Celle d’Angleterre avoit commenc´e `

a luy escrire pour avoir commerce avec elle. Mais enfin elle se dissipa et la doctrine de M. Descartes, que l’on essayoit d’y establir, en fust affoiblie de plus de moiti´e. M. Th´evenot recueillit en sa maison le d´ebris de cette assembl´ee et, durant plus d’un an, il s’y fit d’admirables dissections par un danois nomm´e St´enon. Les affaires de M. Th´evenot luy ayant fait quiter Paris pour la campagne, le m´edecin Bourdelot la releva, et il la maintient encore aujourd’huy. » Lettre de Jean Chapelain `a M. Bernier, m´edecin du Grand Mogol, de Paris le 16 f´evrier 1669, dans Jean Chapelain, Lettres, ´ed. Philippe Tamizey de Larroque, Paris : Impr. nat., 1890, t. II, p. 622. Voir infra.

5. « Il y avoit encore alors des conf´erences chez divers particuliers, ceux qui avoient le goˆut des v´eritables sciences s’assembloient par petites troupes comme des esp`eces de rebelles qui conspiroient contre l’ignorance, & les pr´ejug´es dominants. Telles ´etoient les assembl´ees de M. l’abb´e Bourdelot m´edecin de M. le Prince, le Grand Cond´e & celles de M. Justel », Fontenelle, « ´Eloge de M. L´emery », dans HARS 1715, p. 74.

6. C’est d’abord `a Toulouse, puis `a Paris que R´egis donne ses conf´erences, auxquelles la foule se presse tant que l’archevˆeque de Paris finit par les interdire, au nom de la d´efense de l’ancienne philo- sophie. Voir Fontenelle, « ´Eloge de M. R´egis », dans HARS 1707, p. 159.

tage scientifique. Cette poursuite de la pratique priv´ee des sciences montre que, mˆeme si la fondation de l’Acad´emie marque un grand changement dans le paysage intellectuel fran¸cais, elle ne devient pas la forme exclusive de la culture scientifique du pays.

Le patronage de Colbert (1666-1683).

Pendant cette p´eriode [de formation primitive de l’Acad´emie des sciences], au- cun R`eglement n’est donn´e `a la compagnie, le Roi est, il est vrai, son Protecteur, il approuve les ´elections, peut-ˆetre manifeste-t-il ouvertement ses sympathies, peut- ˆ

etre mˆeme impose-t-il quelquefois ses choix. Mais, officiellement du moins, l’Aca- d´emie se recrute comme elle le juge favorable `a la marche de ses travaux et agit, au milieu d’une ind´ependance relative, suivant ses propres aspirations, au mieux des int´erˆets de la science.

D´ej`a en 1895, Ernest Maindron soulignait l’autonomie de l’institution par rapport `a la Couronne1. Malgr´e ce manque de structures, la vie scientifique s’organise rapidement et sans heurts. Les g´en´ereuses gratifications accord´ees (`a titre exceptionnel) par le pouvoir royal permettent aux savants des r´ealisations auparavant hors de leur port´ee, telle l’exp´edition scientifique `a Cayenne de l’astronome Jean Richer. C’est d’ailleurs aux astronomes que profite en priorit´e le patronage royal, puisqu’ils ont besoin de larges subventions pour acqu´erir des instruments toujours plus perfectionn´es et coˆuteux.

Peu de directives pr´ecises sont impos´ees par le pouvoir aux acad´emiciens, mais toutes vont dans le mˆeme sens utilitaire. Alice Stroup a ainsi montr´e que le gouver- nement puise dans l’Acad´emie comme dans un r´eservoir de talents pour satisfaire ses besoins en expertise technique2. Quatre grands projets sont lanc´es par Colbert, pour servir `a une r´eforme de l’industrie et de l’agriculture, mais aussi au progr`es militaire. L’´etude de la m´ecanique th´eorique et appliqu´ee vise `a commencer des recherches sur les diff´erents arts et m´etiers du royaume, et les moyens de les am´eliorer, ainsi qu’`a collec- ter des mod`eles de machines. Celle de l’architecture (men´ee en particulier par Claude Perrault puis Fran¸cois Blondel, int´egr´e `a l’Acad´emie des sciences) glorifie le monarque par les monuments. Mais c’est surtout dans les domaines de l’hydraulique, avec les tra- vaux de Picard pour l’alimentation en eau de Versailles, et de la cartographie, avec le dressage d’une carte du monde et d’une carte de France, que les acad´emiciens exercent leurs talents. C’est ´egalement sous le minist`ere de Colbert que d´ebute une des plus grandes entreprises scientifiques du r`egne de Louis XIV, le trac´e d’une m´eridienne par les astronomes de l’Acad´emie.

Le patronage de Louvois (1683-1691). Fran¸cois-Michel Le Tellier de Louvois (1641-1691) est le fils du chancelier Michel Le Tellier, ancien protecteur de Colbert. Malgr´e ces liens familiaux, les deux hommes s’entendent mal, du fait principalement

1. Ernest Maindron, L’Ancienne Acad´emie des sciences. Les acad´emiciens (1666-1793), Paris, 1895, p. 1.

2. Alice Stroup, A Company of Scientists, Botany, Patronage, and Community at the Seventeenth- Century Parisian Royal Academy of Sciences, Berkeley/Los Angeles/Oxford : University of California Press, 1990, p. 49-51.

LA COMPAGNIE DU GRAND SIECLE 41

de la divergence de leurs vues politiques. Tandis que Colbert est hostile aux entreprises guerri`eres, qui d´esorganisent les finances et nuisent au d´eveloppement du commerce et de l’industrie, Louvois, d’un temp´erament plus vindicatif, organise l’arm´ee fran¸caise grˆace `a l’obtention du secr´etariat d’ ´Etat de la guerre1. Quand leur rivalit´e prend fin avec la mort de Colbert en 1683, Louvois obtient sa place de Surintendant des Bˆatiments et Manufactures, et est d´ecid´e `a rompre avec sa politique. Peu int´eress´e par les sciences, il d´elaisse l’Acad´emie, trop marqu´ee par l’empreinte de son pr´ed´ecesseur. Les subventions accord´ees `a l’institution se font de plus en plus maigres, for¸cant les savants `a annuler des exp´editions. Les missionnaires j´esuites d´ej`a install´es dans des contr´ees lointaines comme la Chine deviennent alors les relais des savants parisiens2.

Alors que Colbert favorisait particuli`erement les astronomes de la compagnie, ainsi que ses m´ecaniciens, Louvois accorde son soutien aux physiciens. C’est sous son minis- t`ere que s’amorce l’´elaboration d’une Histoire des animaux et de M´emoires pour servir `

a l’histoire des plantes, mˆeme si les travaux de la premi`ere sont brutalement interrom- pus `a la fin des ann´ees 1680 `a cause de r´eductions budg´etaires impos´ees par la guerre3. De mˆeme, il met fin aux travaux de la m´eridienne, d´ecourage l’examen de machines et refuse de r´ealiser une exposition publique des collections de l’Acad´emie4. En revanche, l’approvisionnement en eau de Versailles est pour lui un projet vital, aussi accapare-t-il l’attention de l’Acad´emie pour lui soumettre ses projets `a ce sujet.

Cette restriction `a la fois des domaines de recherche, mais aussi du financement de la vie acad´emique, ajout´ee au manque de tact dont Louvois fait parfois preuve en ce qui concerne les r´esultats qu’il attend, conduisent rapidement `a une baisse d’enthousiasme au sein de l’Acad´emie. C’est dans une v´eritable « langueur » que tombe cette compa- gnie de savants, qui accueillaient de mani`ere si enthousiaste la r´eponse de la Couronne `

a leurs demandes, vingt ans plus tˆot5.

Le patronat de Louis de Pontchartrain (1691-1699). Louis Ph´elypeaux de Pontchartrain, ancien premier pr´esident du Parlement de Bretagne, re¸coit en 1689 le titre de Contrˆoleur g´en´eral des finances, puis en 1690 les secr´etariats d’ ´Etat de la Ma- rine et de la Maison du roi. `A la mort de Louvois en 1691, il obtient, `a la faveur de la dislocation des pr´erogatives du Surintendant des bˆatiments, la tutelle de l’Acad´emie des sciences, o`u r`egne une ambiance morose : les projets `a long terme sont abandonn´es, les savants souvent absents peinent `a remplir les s´eances. Mˆeme si le r´eseau entretenu par Louis de Pontchartrain s’entremˆele d’assez pr`es `a celui des Le Tellier6, il compte

1. Christian Petitfils, Louis XIV, Paris : Perrin, 2008, 775 p. Voir en particulier le chapitre « La puissance et la gloire », p. 319-345.

2. Voir par ex. PV 1681, s´eance du 29 novembre, fol. 124-127. 3. Voir E. S. Saunders, Decline and Reform..., op. cit., p. 66-77. 4. Ibid., p. 91-99.

5. « Lorsque sous le minist`ere de M. de Pontchartrain, aujourd’hui chancelier de France, l’Acad´emie des sciences commen¸ca par les soins de l’abb´e Bignon `a sortir d’une esp`ece de langueur o`u elle ´etait tomb´ee... », Fontenelle, « ´Eloge de M. l’abb´e Gallois », dans HARS 1707, p. 150.

6. Charles Frostin, Les Pontchartrain, ministres de Louis XIV : alliances et r´eseaux d’influence sous l’Ancien R´egime, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 125.

aussi un certain nombre d’´el´ements nouveaux, dont certains sont fort vers´es dans les sciences, tels Eus`ebe Renaudot ou Jean-Fran¸cois Le Haguais, ancien premier avocat g´en´eral `a la Cour des aides et ami intime de Fontenelle1. Son arriv´ee `a la tˆete de la

Compagnie marque un regain d’optimisme. Il nomme parmi ses membres des savants ´

energiques, tels le chimiste Guillaume Homberg qui redonne vie aux s´eances par ses multiples exp´eriences2. Sa position de Contrˆoleur g´en´eral des finances lui offre ´egale-

ment toute latitude pour augmenter les fonds destin´es `a l’Acad´emie : il paie une partie des sommes promises et jamais accord´ees aux savants, et accepte le financement de nouvelles publications comme le troisi`eme tome de l’Histoire des animaux. C’est vers cet effort de « publicisation » des recherches acad´emiques que tendent la plupart de ses attentions. Une des premi`eres mesures de Pontchartrain est en effet de demander `

a la Compagnie, le 19 d´ecembre 1691, de « donner tous les mois un m´emoire de ce qu’elle aura fait3. » Tout en nommant plus de math´ematiciens que de « physiciens », c’est davantage aux sciences naturelles qu’il accorde des subventions, en particulier aux chimistes `a qui il fournit des sommes consid´erables pour le laboratoire. De nouveaux domaines de recherches apparaissent, avec l’arriv´ee en France du calcul infinit´esimal, l’´etude des min´eraux (notamment par Morin de Toulon) et des plantes, ainsi que des milieux aquatiques, en particulier oc´eaniques. Quelques travaux de longue haleine re- prennent ´egalement, notamment sur la pluviom´etrie, les satellites de Jupiter ou l’´elas- ticit´e de l’air.

Mais dans tous ces domaines, Louis de Pontchartrain favorise moins les nouvelles recherches, l’´elaboration de th´eories et la r´ealisation de nouvelles exp´eriences que la publication d’ouvrages d´ej`a presque au point, puisque le travail pr´eparatoire a ´et´e ef- fectu´e avant ou en dehors de l’Acad´emie4. Les travaux de la m´eridienne ne reprennent pas avant la fin du si`ecle, et si les bˆatiments et instruments de la Compagnie sont bien entretenus, aucune construction majeure comme celle de l’Observatoire sous Colbert n’a lieu. En fait, Pontchartrain s’efforce de redonner vie `a l’Acad´emie en d´epensant le moins d’argent possible, par exemple en accueillant au sein de l’institution des savants `

a la situation financi`ere d´ej`a ´etablie, qui n’ont donc pas besoin de l’ ´Etat pour pratiquer leur art, comme le marquis de L’Hˆopital. On assiste ´egalement, du fait du manque d’en- couragement adress´e aux nouvelles entreprises, `a une individualisation des recherches acad´emiques, celles-ci ´etant plus faciles `a mener sans en r´ef´erer directement au pou- voir. Cette accumulation de facteurs conduit les acad´emiciens, apr`es avoir accueilli leur nouveau protecteur avec enthousiasme, `a ´eprouver `a nouveau une l´eg`ere baisse de moti- vation `a partir de 16955. C’est en effet moins d’un protecteur bienveillant mais distant car trop occup´e par les affaires de l’ ´Etat, que d’une v´eritable organisation interne et

1. Ce personnage est ´egalement proche des Cassini, voir JVP.

2. A. Stroup, Royal Funding of the Parisian Acad´emie Royale des Sciences during the 1690s, Tran- sactions of the American Philosophical Society, t. 77, part 4, Philadelphie : American Philosophical Society, 1987, p. 33-34. Selon E. S. Saunders, c’est moins `a partir du d´ebut du minist`ere de Louvois que s’amorce le d´eclin de l’Acad´emie qu’`a partir de 1686, suite `a la d´egradation g´en´erale de la situation sociale et politique en France.

3. PV 1691, s´eance du 19 d´ecembre, fol. 71v.

4. A. Stroup, A Company of scientists..., op. cit., p. 59-60. 5. A. Stroup, Royal funding..., op. cit., p. 39.

LA R ´EFORME DE 1699 43

de la d´efinition de ses pr´erogatives et devoirs, qu’a besoin l’Acad´emie des sciences de Paris.

C’est donc `a une institution qui se cherche et qui agit plutˆot dans l’improvisation et sans perspective `a long terme que le r`eglement de 1699 va apporter un nouvel ´elan, grˆace au statut accord´e `a ses membres et `a une codification rigoureuse de leurs activit´es.

B.2 La r´eforme de 1699.

Le R`eglement de 1699.

Entre bouleversement radical et r´egularisation d’un ´etat de fait : gen`ese et esprit du r`eglement de 1699. « Faire sentir le ridicule du r`eglement donn´e par cet abb´e Bignon, p´edant sans esprit, qui aurait d´etruit, s’il avait pu, tout ce que Colbert avait fait de grand pour les sciences », telle est la consigne que se donne Condorcet dans l’Avertissement qui accompagne ses ´Eloges des Acad´emiciens de l’Acad´emie royale des sciences, morts depuis l’an 1666, jusqu’en 16991. Si aucune preuve absolue n’a pu, jusqu’`a pr´esent, ˆetre fournie quant `a l’identit´e du ou des r´edacteur(s) du R`eglement ordonn´e par le Roy pour l’Acad´emie royale des sciences, donn´e `a Versailles le 26 janvier 1699, il est loisible de penser, avec Condorcet, mais aussi avec Fran¸coise Bl´echet2 et David J. Sturdy3, que l’abb´e Bignon est en grand partie `a l’origine de ce texte et de la

r´eforme qui s’ensuit.

Jean-Paul Bignon (1662-1743) si`ege `a l’Acad´emie des sciences depuis la fin de l’ann´ee 1691. Les registres de l’Acad´emie mentionnent pour la premi`ere fois sa pr´esence lors de la s´eance du 21 novembre, et ce comme porte-parole du chancelier Pontchartrain4. Toutefois, aucune pr´ecision n’est donn´ee sur ses fonctions au sein de la Compagnie, et il ne porte aucun titre officiel. Il participe ensuite r´eguli`erement aux s´eances, s’y trouvant tr`es `a l’aise grˆace `a sa brillante intelligence et `a son goˆut pour les sciences. Pendant huit ans de « pr´esidence qui ne dit pas son nom5», il observe et analyse le d´eroulement des assembl´ees, r´efl´echit aux moyens de l’am´eliorer. Il consulte pour cela son cousin J´erˆome de Pontchartrain et Fontenelle, secr´etaire de l’Acad´emie6, ainsi, probablement, que son oncle Ph´elypeaux, pour le remercier de l’avoir introduit dans ces hautes sph`eres

1. Cette indication pour un d´eveloppement futur est reproduite dans les Oeuvres compl`etes de Condorcet, t. I, Brunswick/Paris : F. Vieweg et Fuchs, 1799, p. 7.

2. F. Bl´echet, L’Abb´e Jean-Paul Bignon..., op. cit. 3. D. J. Sturdy, Science and Social status..., op. cit.

4. « Monsieur l’abb´e Bignon a dit `a la Compagnie que Monseigneur de Pontchartrain a nomm´e M. de Tournefort pour ˆetre doresnavant de la Compagnie, et il l’a fait entrer dans l’assembl´ee », PV 1691, fol. 69. Lors de la s´eance suivante, une phrase presque identique relate l’introduction par Bignon du chimiste Homberg au sein de la Compagnie (fol. 69v).

5. Fran¸coise Bl´echet, op. cit., p. 93.

6. C’est en effet Bignon qui introduit le jeune Fontenelle au sein de l’Acad´emie, et le pr´esente dis- cr`etement comme nouveau secr´etaire le 9 janvier 1697. Voir Pierre Costabel, « Fontenelle et l’Acad´emie des sciences `a la fin du XVIIe si`ecle », dans Fontenelle, actes du colloque tenu `a Rouen du 6 au 10

intellectuelles1.

Si le pr´eambule du r`eglement n’indique pas clairement les raisons qui ont pouss´e `

a la r´eforme de l’Acad´emie, il insiste sur la protection accord´ee par le roi `a l’´etablis- sement, qui s’illustre en particulier dans l’attribution `a la Compagnie de ses propres appartements au palais du Louvre2. Le seul motif invoqu´e est l’int´erˆet du souverain, qui veut « continuer `a donner des marques de son affection `a l’Acad´emie Royale des Sciences. » Au fil des cinquante articles composant le r`eglement, on trouve vingt et une occurrences du mot « Roy » ou « Sa Majest´e3. Cette pr´esence marqu´ee du pouvoir royal au sein d’un texte qui n’avait au d´epart pour but que de sauver un ´etablissement culturel de l’essoufflement dont il ´etait victime est pour Roger Hahn4 le miroir de l’es- prit directif, centralisateur et rigide typique de l’ ´Etat absolutiste de Louis XIV. Selon lui, le r`eglement de 1699 est davantage la cons´ecration officielle de pratiques officieuses d´ej`a en place au sein de l’Acad´emie depuis un certain temps qu’un bouleversement total mis en place ex nihilo par Bignon et Pontchartrain, sans lesquels la r´eforme de l’Acad´emie aurait tout de mˆeme eu lieu, du seul fait de ses remous internes. Si l’on ne peut douter que les Acad´emiciens ont modifi´e leurs fa¸cons de travailler au sein de l’Acad´emie avant mˆeme de voir ces changements ent´erin´es par le gouvernement, le fait mˆeme que ces changements aient ´et´e port´es `a la connaissance du roi et aient fait l’objet d’un r`eglement `a la fois strict et injonctif et conforme aux attentes des Acad´emiciens prouve le rˆole jou´e par Bignon dans son processus d’´elaboration.

1699 n’est pas une date charni`ere dans l’histoire du r`egne de Louis XIV. Le royaume