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PARTIE 1 REVUE DE LA LITTERATURE

2. L’accompagnement distanciel

2.1. L’émergence d’un nouvel accompagnement

Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, en raison de l’augmentation croissante du nombre de personnes malades, les recherches de traitements curatifs infructueuses et l’investissement des proches-aidants auprès de la personne qu’ils accompagnent, le besoin d’interventions efficaces pour les soutenir est primordial. De nombreux programmes d’accompagnement ont d’ores et déjà été développés pour offrir du soutien et ont démontré du potentiel pour améliorer la santé mentale, les connaissances et la qualité de vie des proches-aidants, mais également pour retarder l’entrée coûteuse en institution de la personne malade (Brodaty et al., 2003; Cheng et al., 2019; Elvish et al., 2013; Martin Pinquart & Sörensen, 2006; Philippe Thomas, 2007). La plupart des interventions disponibles ont lieu en « face à face » : soit le proche-aidant se rend sur le lieu de l’intervention, soit un professionnel se déplace au domicile du proche-aidant pour accompagner. Toutefois, cette formule ne correspond pas toujours aux contraintes des proches-aidants encore en activité professionnelle ou aux emplois du temps chargés et aux déplacements limités. Même si les interventions à domicile sont privilégiées car elles sont plus accessibles, elles n’en demeurent pas moins coûteuses et montrent quelques limites pour les proches-aidants en raison des horaires, des perturbations dans les routines quotidiennes du proche-aidant ou de la personne malade, ou avec le fait de multiplier les intervenants à l’intérieur du domicile (Godwin, Mills, Anderson, & Kunik, 2013).

Les adultes actifs sont familiers des nouvelles technologies et souvent connectés et les personnes âgées de plus de 65 ans utilisent de plus en plus Internet (Zickuhr & Madden, 2012). Les interventions proposées à distance à l’aide d’outils technologiques semblent être une alternative pratique et peu coûteuse de plus en plus exploitée dans les études plus récentes consacrées à l’accompagnement des

puis au travers d’Internet, les proches-aidants peuvent ainsi bénéficier de l’aide chez eux. En plus des personnes ayant des contraintes de temps ou de déplacement, l’accompagnement à distance permettrait également d’atteindre les personnes plus isolées ou ayant des difficultés pour accéder aux services proposés (Serafini, Damianakis, & Marziali, 2007). Selon leur format, ces programmes d’accompagnement peuvent pour certains être utilisés à toute heure, ce qui est jugé comme étant pratique par les proches-aidants (Murray, Burns, See, Lai, & Nazareth, 2005). De plus, la variété des supports de diffusion (texte, graphique, chats, vidéos et audios) favorisent le relai de l’information, la promotion des comportements de santé et le soutien émotionnel entre pairs (Murray et al., 2005). L’accompagnement à distance au travers d’outils technologiques est une solution envisagée pour aider les proches-aidants à faire face aux défis qu’ils rencontrent (Louise Robinson, Brittain, Lindsay, Jackson, & Olivier, 2009).

2.2. Evaluations et préconisations des programmes existants

Plusieurs études ont mis en évidence les caractéristiques et les effets des programmes d’accompagnement pour les proches-aidants en distanciel. Nombre d’entre elles font partie du programme international REACH (Ressources pour l’amélioration de la santé des proches-aidants de personnes avec une maladie d’Alzheimer) qui propose différentes modalités d’accompagnement pour les proches-aidants, en face à face ou à distance, en s’appuyant principalement sur le counseling et la psychoéducation (Belle et al., 2006; Finkel et al., 2007; Nichols, Martindale-Adams, Burns, Graney, & Zuber, 2011). Le programme REACH a également permis de nombreuses études sur le vécu des proches-aidants, l’impact positif de l’aidance et les interventions qui leur sont proposées (Belle et al., 2006; Gitlin et al., 2003; Tarlow et al., 2004).

Concernant spécifiquement les interventions à distance via des outils technologiques (téléphone, Internet, etc…), les programmes contiennent le plus souvent une combinaison d’approches qui sont communément utilisées dans les formats en présence, comme c’est le cas des interventions combinées (Elvish et al., 2013; Godwin et al., 2013; McKechnie, Barker, & Stott, 2014). Souvent, les thèmes suivants sont inclus : auto-efficacité, stress, sentiment de charge, symptômes de la dépression, stratégies, soutien social, connaissances, utilisation des services de santé (Boots et al., 2014). Les interventions varient en termes de durée, d’approches et de modalités de présentation (Boots et al., 2014). Dans certaines conditions les programmes sont personnalisés en fonction des besoins individuels des proches-aidants (Ducharme, Dube, Lévesque, Saulnier, & Giroux, 2011; van der Roest, Meiland, Jonker, & Dröes, 2010) ; et parfois le proche-aidant participant est guidé par un professionnel (Ducharme et al., 2011; Glueckauf, Ketterson, Loomis, & Dages, 2004).

Les interventions en ligne facilitent l’accès et diminuent le coût (McKechnie et al., 2014). D’un point de vue méthodologique, elles ont l’avantage d’être très structurées : le thérapeute ne dispose que de peu de place pour les adapter, et la structure des interventions demeure ainsi intacte, sans modification (Blom, Bosmans, Cuijpers, Zarit, & Pot, 2013). Ce format permet également de limiter les valeurs manquantes et les erreurs de saisie, et de fournir au participant une flexibilité dans le temps (Blom et al., 2013). Néanmoins, de nombreux participants abandonnent le programme en cours de passation - le taux d’attrition dans ces études n’est pas négligeable et avoisine les 31% (Melville, Casey, & Kavanagh, 2010). L’ensemble des variables qui peuvent contribuer à l’abandon des participants est encore difficilement identifiable (Melville et al., 2010). Les raisons les plus évidentes sont en lien avec la maladie - hospitalisation ou décès du proche malade (Blom et al., 2013).

Si l’efficacité de ces interventions est mitigée sur certaines variables, les effets significatifs sont globalement positifs (McKechnie et al., 2014). La méta-analyse de Boots et ses collaborateurs (2014) fait l’état de résultats quantitatifs et qualitatifs sur douze études évaluant des interventions en ligne centrées sur le bien-être des proches-aidants. Sur le versant quantitatif, le bien-être est légèrement amélioré au travers de mesures telles que la dépression, le sentiment de compétences, le sentiment de confiance et l’auto-efficacité. Le sentiment de charge, quant à lui, ne diminue pas dans tous les travaux étudiés. D’autres variables sont également améliorées comme l’augmentation de l’impact positif de l’aide ou du self-control et la diminution du stress et des tensions. Toutefois, les résultats quantitatifs n’indiquent aucun effet sur la qualité de vie, les stratégies de coping, l’isolement ou la santé physique du proche-aidant. En revanche, les résultats qualitatifs montrent une amélioration des connaissances sur la maladie et l’accompagnement, une meilleure capacité à faire face à la situation d’aide, une meilleure confiance en ses compétences en tant que proche-aidant et un moins grand sentiment d’isolement (Boots et al., 2014). L’approche qualitative donne des informations complémentaires aux résultats quantitatifs, notamment sur le fait de se sentir soutenu ou moins seul, qui sont d’une grande importance pour les aidants (McKechnie et al., 2014). Les proches-aidants soulignent l’intérêt d’un contact avec d’autres aussi afin de normaliser leurs ressentis face à la situation et à leurs vécus (Boots et al., 2014).

Ainsi, les programmes d’accompagnement en ligne ont des effets positifs sur le bien-être des proches-aidants, d’autant plus lorsqu’ils sont composés d’approches combinées avec une partie d’informations, la proposition de stratégies adaptées et un contact avec d’autres proches-aidants (Boots et al., 2014). Les interventions basées uniquement sur la diffusion d’informations sont moins susceptibles d’améliorer le bien-être des proches-aidants (van der Roest et al., 2010). L’accompagnement par un professionnel durant l’intervention permet de renforcer l’engagement des proches-aidants dans le

programme et leur confiance pour mettre en œuvre les stratégies apprises (Ducharme et al., 2011). Les travaux de Godwin et al. (2013) mettent en évidence un écart entre les études de faisabilité et les effets réels obtenus dans les interventions. Plusieurs études ont fait état de la faisabilité et de l'acceptabilité des interventions technologiques, mais peu d'entre elles rapportent des résultats issus d’essais contrôlés et randomisés.

En définitive, il reste difficile de déterminer une intensité, une fréquence, une durée et un nombre de sessions idéaux pour définir une intervention efficiente compte tenu du peu de détail fourni dans les études (Boots et al., 2014). Néanmoins, Beauchamp et ses collaborateurs (2005) observent des résultats dès 32 minutes d’exposition à leur programme. Leur explication étant que les proches-aidants ont pu visiter d’autres sites ou rechercher d’autres ressources grâce au programme, ce qui peut être considéré comme une conséquence positive de l’intervention (Beauchamp, Irvine, Seeley, & Johnson, 2005).

Finalement, la littérature recommande de :

• Améliorer la qualité méthodologique des études en proposant des essais contrôlés et randomisés (Boots et al., 2014; Godwin et al., 2013) ;

• Concevoir des études permettant de comparer directement une intervention en face à face à une intervention en ligne (Elvish et al., 2013) ;

• Favoriser les approches combinées en incluant la diffusion d’informations personnalisées et l’interaction avec d’autres proches-aidants (Boots et al., 2014).