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L’ABBE BENEDICTIN ET L’AUTORITE DANS UNE ABBAYE BENEDICTINE

LES ABBES DE SAINT-MICHEL DE SAINT-MIHIEL DE 1689 A 1790

2.1. L’ABBE BENEDICTIN ET L’AUTORITE DANS UNE ABBAYE BENEDICTINE

La Règle de saint Benoît 169, datant du VIème siècle, dit :

« L’abbé digne de gouverner un monastère doit toujours se souvenir du nom qu’il porte et réaliser par ses actes ce titre donné au supérieur. Il est en effet considéré comme tenant dans le monastère la place du Christ, puisqu’il est appelé du même nom, selon la parole de l’Apôtre : « Vous avez reçu l’esprit d’adoption des fils, en qui nous crions : Abba, Père ».

« L’abbé ne doit rien enseigner, rien établir ni prescrire qui ne soit conforme aux principes du Seigneur ; mais ses ordres et son enseignement répandront un ferment de sainteté dans l’esprit des disciples.

« Chaque fois que des affaires importantes devront se traiter au monastère, l’abbé convoquera toute la communauté et dira lui-même de quoi il s’agit. Après avoir entendu l’avis des frères, il réfléchira et fera ce qu’il juge le plus utile.

« […].

« Dans le cas d’affaires de moindre importance pour les besoins du monastère, il prendra seulement conseil des anciens, selon ce qui est écrit : « Fais tout avec conseil et, après l’avoir fait, tu ne le regretteras pas. »

L’abbé a donc un rôle spirituel et temporel à perpétuité et son pouvoir n’a qu’une seule limite : les comptes qu’il devra un jour rendre à Dieu. Au cours des siècles 170, les abbés deviennent de plus en plus souvent responsables devant les chapitres généraux, composés des autres supérieurs de leur ordre ou de leur congrégation, et ces chapitres nomment des visiteurs qui viennent inspecter les maisons religieuses. C’est, en particulier, ce qui se passe dans les congrégations créées à l’intérieur de l’ordre bénédictin au début du XVIIème siècle (Saint-Vanne, en Lorraine, et Saint-Maur en France). L’abbé « régulier », bénédictin élu par les religieux, commence à disparaitre à partir de cette époque, car le système de la commende - employé depuis les origines par le pape et les souverains et qui consiste à attribuer une abbaye à un clerc ou laïc, qui en perçoit les revenus sans diriger l’abbaye - se développe au point de remplacer l’élection presque partout au XVIIIème siècle.

Dom Calmet 171, en 1734, explique que les conciles ont interdit « à ces sortes d’abbez de se mêler du gouvernement des maisons religieuses et que c’est à cause de l’extension de la pratique de la commende qu’on a nommé des prieurs « de manière qu’il faut expliquer des Prieurs ce que la règle dit des abbés ». En effet l’abbé bénédictin est assisté par un prieur, un cellérier (économe qu’au XVIIème et au XVIIIème siècle on appelle « procureur » ou « comptable ») et éventuellement d’un maitre des novices ou autre. Dom Calmet écrit qu’avant la création de la congrégation de Saint-Vanne le prieur - appelé grand-doyen « en

169 La Règle de saint Benoît, traduction nouvelle par un moine de Solesmes, 2ème édition revue, Solesmes, 2008, 123 p., ici chap. 2 : « L’abbé tel qu’il doit être », p. 14-18, et chap. 3 : Le recours au conseil des frères », p.°19-20

170 GERHARDS (Agnès), Dictionnaire historique des ordres religieux, Paris, Fayard, 1998, 623 p., ici article « Abbé », p. 27-30, et « Commende », p. 171-172

171 CALMET (Dom Augustin), Commentaire littéral, historique et moral sur la Régle de Saint Benoît. Avec des Remarques sur les différens Ordres Religieux, qui suivent la Régle de S. Benoît, Paris, Emery, Saugrain, Pierre Martin, 1734, 2 vol., 598 + 576 p. in-4°, ici t. I, p. 134-135 et 427, t. II, p. 415

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Allemagne - était « établi » par l’abbé, c’est-à-dire qu’il le choisissait parmi les religieux de l’abbaye. Après la création de la congrégation, ce fut par le chapitre général ou la diète - réunion des supérieurs majeurs entre les chapitres généraux - qu’ils furent nommés. Ce sont les prieurs qui ont toute l’autorité spirituelle et temporelle sur les religieux, mais la charge est à durée déterminée (cinq, puis trois ans) et ils peuvent être démis par le chapitre général ou la diète.

Ajoutons que dans le cas, de plus en plus rare au cours des deux siècles, où l’abbaye est « en règle », c’est-à-dire qu’elle a réussi à obtenir du pape et du souverain de pouvoir continuer à élire son abbé parmi les religieux bénédictins, l’abbé peut être aussi nommé prieur, par le chapitre général, pour la durée déterminée réglementaire. Nous avons vu et verrons que c’est le cas à l’abbaye de Saint-Mihiel au début du XVIIIème siècle et, tout au long du siècle, dans les abbayes concernées par ce système, y compris Saint-Pierre de Senones. Leurs abbés alternent à la charge de prieur avec des religieux de confiance, par exemple des parents destinés à leur succéder un jour, après avoir été élus coadjuteurs avec droit de succession, tel dom Fangé, neveu de dom Calmet… Quand l’abbé est prieur, le prieur précédent est nommé sous-prieur, puis redevient prieur quand l’abbé n’est plus qu’abbé ! Les sous-prieurs (appelés doyens avant 1631), explique dom Calmet, sont très rares jusque vers 1700, époque à partir de laquelle les chapitres généraux ou les diètes en nomment pour une durée réglementaire de cinq ans, dans tous les monastères où il y a plus de 12 à 15 religieux. Mais il y a toujours des doyens dans les abbayes les plus peuplées, « en règle » ou pas. Ils sont les troisièmes ou quatrièmes religieux en dignité et surveillent l’observance de la règle de leurs confrères, en l’absence des autres supérieurs, par exemple pour la régularité des offices.

Le gros inconvénient matériel de la possibilité d’être à la fois abbé et prieur est que les revenus des abbayes étant clairement partagés en deux « menses » - une abbatiale et une conventuelle -, il y a des confusions dans la prise en charge des dépenses incombant à « Monsieur l’abbé » ou à « Messieurs les religieux » - dont le prieur -, quand un abbé est régulièrement prieur. Les religieux de Saint-Michel de Saint-Mihiel auront de gros soucis financiers à cause de ce problème, car un de leurs abbés commendataires leur réclamera ce que l’abbé régulier qui l’a précédé a dépensé à leur profit (bâtiments) en puisant dans la mense abbatiale.

2.2. DOM GABRIEL MAILLET (1689 à 1719)

2.2.1. La famille et l’élection de dom Maillet.

Le 24 novembre 1689, les religieux élisent abbé dom Gabriel Maillet. Celui-ci est issu d’une dynastie administrative de receveurs généraux puis magistrats de la Chambre des comptes du duché de Bar 172. C’est en la personne de Jean, sommelier d’Antoine 1er, duc de Lorraine et de Bar de 1508 à 1544, que la famille est anoblie en 1511. Ses armes sont : D’azur au chevron d’or, accompagné en pointe d’un flacon d’argent, au chef de gueules, emanché d’or 173. Des membres de la famille sont religieux à l’abbaye de Saint-Mihiel, tel Etienne Maillet, prieur claustral en 1571, 1587 et 1588 et dont le nom est inscrit sur la seconde cloche de l’abbaye en 1585 174. D’après dom de Lisle, celui-ci aurait été « Vicaire de l’Abbé et mourut sur la fin de 1591.

172 SCHMITT (Alphonse), « Le Barrois mouvant au XVIIème siècle (1624-1697) », Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc et du Musée de Géographie, t. 47 (V° Série, tome VII), 1928-1929, 481 p., ici p. 229

173 DUMONT (Charles-Emmanuel), Nobiliaire de Saint-Mihiel, Nancy, N. Collin, Paris, Derache, t. I, 1864, 496 p. in-4°, t. II, 1865, 468-XV p. in-4°, ici p. 68

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Il s’étoit rendu recommendable par son bonté, aimoit le bon Ordre, & faisoit ce qui étoit en lui afin qu’on le gardât. Il avoit souvent prédit à ses Religieux, qu’on seroit enfin obligé de rétablir parmi eux la discipline régulière & de les réformer, s’ils ne prévenoient ce tems par le changement de leur conduite. Il s’étoit fait préparer un tombeau ; mais peu de tems avant sa mort, il témoigna souhaiter d’être enterré comme un simple Religieux, & l’on se conforma à son intention. 175 » Au XVIIème siècle, quatre membres de la famille Maillet sont bénédictins de l’abbaye de Saint-Mihiel et cités comme prieurs du prieuré bénédictin de Bar, qui sont nommés par les religieux de Saint-Mihiel : l’un d’eux, Philippe, aurait favorisé la création d’un couvent de la congrégation Notre-Dame à Bar 176.

Par contre, parmi les laïques de la famille Maillet, alors que la guerre de Trente Ans vient d’atteindre le Barrois et la Lorraine, avec quinze ans de retard, et qu’après une promenade militaire dans le Barrois, la France a annexé le Clermontois par le traité de Liverdun (26 juin 1632) 177, l’un est dénoncé pour « n’être pas trop bon serviteur du roi » et la Gazette de France extraordinaire du 16 août proclame « la trahison de quelques habitants de Bar ». Un espion français a découvert que cinq magistrats de la Chambre des comptes du Barrois, dont un Maillet, « débauchoient les esprits du service du Roy » 178. Ces magistrats sont exilés à Saint-Mihiel, donc dans le Barrois non-mouvant de la couronne de France. L’un d’eux est Alexandre Maillet, mort en 1662, mais dont on ne sait s’il est le père ou l’oncle de dom Gabriel Maillet, qui a reçu au baptême le prénom de Jean, ce qui indiquerait qu’il est le fils aîné de l’aîné de la famille. L’épitaphe du tombeau de dom Gabriel Maillet, dans l’église abbatiale de Saint-Mihiel, mentionne simplement qu’il est « d’une très noble famille, féconde en personnages illustres » 179.

Dom Gabriel Maillet est dit être né à Bar-le-Duc 180, probablement en 1637, puisqu’il est indiqué, quand il meurt en 1727, qu’il a 90 ans. Il fait profession, à l’abbaye de Saint-Mihiel, le 16 février 1656. On ne sait où il a pu faire des études antérieurement, mais il devient très rapidement professeur des jeunes profès, puis, après ses études de théologie, prédicateur. A l’âge de 32 ans, il accède aux charges : prieur de l’abbaye Saint-Evre de Toul de 1669 à 1674, puis sous-prieur de l’abbaye de Saint-Mihiel de 1674 à 1676. Ce serait donc lui qui serait allé à Paris chercher les livres de la bibliothèque du cardinal de Retz que celui-ci, qui venait de se retirer à l’abbaye de Saint-Mihiel - dans le but d’y finir ses jours -, avait souhaité lui donner en reconnaissance de ce que dom Hennezon avait fait pour lui 181. Nous avons déjà expliqué que dom Hennezon, janséniste très rigoriste, refusa le don et n’accepta que l’achat, car le cardinal avait beaucoup de dettes à rembourser ! Dom Maillet est ensuite prieur de Sainte-Croix de Nancy de 1676 à 1682, sous-prieur de Saint-Michel de Saint-Mihiel de 1682 à 1684, prieur de Sainte-Croix de 1684 à 1689 182. Et enfin élu abbé de Saint-Mihiel en 1689. « Il était naturellement doux & d’un esprit aisé, il se fit aimer & considérer ; [...] tous les Confrères étoient prévenus en sa faveur », écrit dom de Lisle 183.

175 LISLE, op. cit., p. 229

176 Pouillé, op. cit., t. II, p. 16 ; SCHMITT, op. cit., p. 299-300

177 MARTIN, Une guerre de Trente Ans en Lorraine, 1631-1661, op. cit.

178 SCHMITT, op. cit., p. 99

179 GERMAIN (Léon), « Monuments funéraires de l’église Saint-Michel à Saint-Mihiel (Meuse) », Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, 2ème série, t. V, 1886, p. 1-121, ici : « VIII. Dom Maillet, abbé de Saint-Mihiel, 1727. (Dim. : 2 m, 49 ; 1 m, 25.) », p. 21-26

180 LISLE, op. cit., p. 335 ; DUMONT, Histoire de Saint-Mihiel, op. cit., t. IV, p. 315 ; Pouillé, op. cit., t. III, p. 313

181 DUMONT, op. cit., t. II, p. 116

182 Catalogue des religieux en charge, op. cit.

62 2.2.2. Les malheurs de dom Maillet.

Cependant Louis XIV nomme abbé commendataire Pierre-Henry-Thiébaut de Montmorency-Luxembourg, fils de François-Henri de Montmorency-Bouteville (1628-1695), duc de Luxembourg, maréchal de France en 1675, qui prit tant de drapeaux à la bataille de Neerwinden (1693) qu’on le surnomma « le tapissier de Notre-Dame ». La famille de Luxembourg a des possessions dans le Barrois jusqu’en 1719, date à laquelle le duc Léopold 1er leur achète la ville, le château, la châtellenie et la prévôté de Ligny-en-Barrois 184. Cette petite ville, située sur la vallée de l’Ornain, à 17 kilomètres au sud-est de Bar-le-Duc, dans le Barrois mouvant de la couronne de France, compte 4 945 habitants en 1708 185. Pierre de Montmorency-Luxembourg demeure abbé de Saint-Mihiel jusqu’au traité de Ryswick (30 octobre 1697), qui rend ses états au descendant des ducs de Lorraine et de Bar, Léopold 1er, et stipule son éviction, écrit dom de Lisle, alors que ce qui était prévu dans le traité était « le maintien de la possession des bénéfices ecclésiastiques pourvus par le roi », écrit Guy Cabourdin 186. Nous ne savons pas pourquoi l’abbé de Montmorency-Luxembourg n’est pas resté abbé commendataire de Saint-Mihiel. Il avait aussi été nommé abbé d’Ourscamp 187 en 1693. Il meurt dès le 23 novembre 1700 188. Dom de Lisle écrit de l’abbé de Luxembourg : « Celui-cy par une suite des sentimens ordinaires aux personnes de la première condition, paroissoit bien intentioné pour les Religieux de son Abbaye, & leur en donna des marques dans un procès de conséquence, qu’ils avoient contre le Curé de Bar-le-Duc, qu’il alla solliciter lui-même & que les Religieux gagnerent » 189.

Mais il y eut au moins un autre candidat à la succession de dom Hennezon à l’abbatiat de Saint-Mihiel : Charles-Joseph-Ignace-Félix de Lorraine, deuxième fils de Charles V, duc de Lorraine et de Bar en exil en Autriche, et de l’archiduchesse Eleonor-Marie de Habsbourg, frère cadet du futur duc de Lorraine et de Bar Léopold 1er. Il était né à Vienne (Autriche), le 24 novembre 1680, et, en 1689, était déjà plusieurs fois abbé et chanoine de chapitres cathédraux prestigieux, et aussi ordonné sous-diacre. Cette année-là également, son père, Charles V, le choisit comme grand primat de Lorraine, à Nancy 190, contre un Français, M. de Savary, aumônier du roi, déjà abbé commendataire nommé par le roi de France de la riche abbaye cistercienne de Lisle-en-Barrois 191. Ce n’est qu’en 1698, quand il arrive en Lorraine à la suite de son frère Léopold Ier, que le prince Charles-Joseph peut prendre possession de ce bénéfice. Il demeure grand primat jusqu’à sa mort en 1715. L’historien Christian Pfister est sévère pour lui : « C’était surtout un grand seigneur, aimant à dépenser ; ses aventures galantes furent nombreuses. Elevé à Vienne, il était devenu Allemand de cœur ». Mais reconnait que « du moins, sur l’invitation de son frère, il ne toucha point aux revenus de la

184 L’Intendance de Lorraine et Barrois à la fin du XVIIème siècle, op. cit., p. 208 ; et CABOURDIN (Guy), Encyclopédie illustrée de la Lorraine. Histoire de la Lorraine. Les Temps modernes. 2. De la paix de Westphalie à la fin de l’Ancien Régime, Metz, Editions Serpenoise, Nancy, Presses universitaires de Nancy 1991, 232 p., ici p.129 et 136

185 BEAUVALET-BOUTOUYRIE, op. cit., p. 489

186 LISLE, op. cit., p. 334 ; CABOURDIN, op. cit., p. 70

187 Oise, près de Noyon.

188 Pouillé, op. cit., t. III, p. 313

189 LISLE, op. cit., p. 336 ; METZ-NOBLAT (Mgr Joseph de), « Les querelles dans le clergé barisien au XVIIème siècle », Bulletin des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie de la Meuse, 1997, n° 33, p. 13-60

190 Charles III, duc de Lorraine et de Bar, voulait un évêque à Nancy, dont le diocèse aurait été une partie du très vaste diocèse de Toul. A cause de l’opposition de la France, maitresse de fait des trois évêchés lorrains, Metz, Toul et Verdun, il n’obtint du pape, en 1602, qu’un primat au lieu d’un évêque, une église primatiale à Nancy au lieu d’une cathédrale et un chapitre primatial. Il fallut attendre le rattachement de la Lorraine à la France de 1766, pour qu’un évêché de Nancy soit créé en 1777. Cf. PFISTER, op. cit., t. II, p. 665-707

191 A 15 km au nord-ouest de Bar-le-Duc, Barrois mouvant et diocèse ancien de Toul, aujourd’hui Meuse, diocèse de Verdun.

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primatiale qui servirent à construire l’église » 192. Entre temps, il devînt évêque d’Olmütz (Moravie septentrionale) en 1695 et d’Osnabrück (Basse-Saxe) en 1698, grand prieur de Castille (Espagne), puis enfin archevêque et prince-électeur de Trèves (Sarre, l’un des trois électeurs ecclésiastique avec ceux de Mayence et Cologne parmi les sept électeurs de l’empereur du Saint Empire romain germanique) en 1711. Il est chargé de diverses missions diplomatiques par son frère, le duc Léopold 1er , et protocolaires par l’empereur. Il meurt de la petite vérole, le 4 décembre 1715, à Vienne (Autriche), et repose toujours dans la crypte des Capucins réservée à la famille impériale 193. Sa candidature à l’abbatiat de Saint-Mihiel est connue par un factum conservé à la Bibliothèque nationale de France : Supplique en cour de Rome pour l’abbaye de Saint-Mihiel, en faveur du prince Charles, 2ème fils de S. A. Charles V, duc de Lorraine, que Saint-Mihiel est une abbaye en commende et doit être à la nomination du roi (1690) 194.

Cette candidature de principe rappelle que plusieurs princes de la famille de Lorraine ont été abbés commendataires de Saint-Mihiel : Antoine de Lorraine-Vaudémont, en 1586-1587 ; Charles de Lorraine, fils du duc Charles III et de Claude de France, fille d’Henri II, né à Nancy le 1er juillet 1567, évêque de Metz et de Strasbourg, cardinal et légat du Saint-Siège, nommé le 13 avril 1587. Ce fut lui qui agrégea l’abbaye à la réforme de la congrégation de Saint-Vanne en 1605, après une lutte d’une dizaine d’années avec certains religieux. Il mourut à Nancy le 24 novembre 1607 195. Lui succéda son coadjuteur, Henry de Lorraine-Bainville, fils naturel du duc Henri II, son frère. Henri de Lorraine-Bainville se proposait de devenir religieux quand il mourut à Nancy, le 24 novembre 1626. Il fut enterré dans l’église abbatiale de Saint-Mihiel, mais son tombeau a disparu 196. Après lui, vînt le grand-père de Charles-Joseph lui-même, Nicolas-François de Lorraine, frère cadet du duc Charles IV, cardinal et évêque de Toul. Il fut momentanément duc en 1634 et, comme il n’était pas prêtre, se donna les dispenses nécessaires, puis se démit de toutes ses dignités et bénéfices pour épouser, à Nancy, en cachette des occupants français, sa cousine Claude de Lorraine et sauver ainsi la dynastie, son frère, le duc Charles IV, n’ayant pas d’enfant. Le nouveau couple ducal s’enfuit en Autriche et fut parent du duc en exil Charles V, père du candidat à l’abbaye de Saint-Mihiel de 1690 197!

On ne sait exactement ce qu’il advint de dom Gabriel Maillet de 1689 à 1698. Ni son épitaphe de 1727, sur son tombeau dans l’église abbatiale (la dalle en est actuellement sous le porche d’entrée), ni les historiens de l’abbaye ne l’expliquent clairement.

Son épitaphe déclare que, « […] choisi par le suffrage unanime de ses frères pour gouverner cette église, par suite des événements d’alors, il est forcé de fuir sa patrie et de s’exiler. Dans sa fuite, les habitants de Kempten, en Germanie, l’accueillirent ; dans son exil, les habitants de Rennes, en Bretagne, le reçurent avec joie, le conservèrent avec reconnaissance, et, après l’avoir admiré, le laissèrent partir à regret, heureux d’avoir protégé un homme aussi éminent. […] » 198.

Dom Calmet, qui a rencontré tous les protagonistes de cette affaire, écrit, dans son Histoire de Lorraine, que « son élection ayant été cassée par Arrêt du Conseil d’Etat du Roi, S. M. y nomma l’Abbé de Luxembourg, & D. Maillet se retira en Allemagne, dans l’Abbaye

192 PFISTER, op. cit., t. II, p. 699

193 PETIOT (Alain), Les Lorrains et les Habsbourg. Dictionnaire biographique illustré des familles lorraines au service de la Maison d’Autriche, Aix-en-Provence, Mémoire et documents, 2014, 2 vol., 741 p., ici p. 371-372

194 GODEFROY (J.-E.), Bibliothèque des bénédictins de la Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe, Ligugé-Paris, 1925, 296 p. in-8°

195 LISLE, op.cit., p. 223-269

196 Ibidem, p. 277-284 ; et GERMAIN, op. cit., p. 72-75

197 PFISTER, op. cit. t. III, p. 61-68, 69-70 : « Le poisson d’avril de 1634 », et p. 145

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de Campidone [199]. Alors M. le Marquis de Louvois, envoya des ordres précis aux Supérieurs de la Congrégation de représenter ce Religieux, & comme on etoit pas en état de se faire obéir