• Aucun résultat trouvé

abbé de Saint-Michel de Saint-Mihiel de 1689 à 1719,

portrait du XVIIIème siècle,

76

parvenir pour la fin de l’année au précepteur du dauphin, pour « servir d’instruction à Mgr le duc de Bourgogne », petit-fils de Louis XIV, héritier de la couronne et âgé de 14 ans. C’est ainsi qu’un remarquable document statistique et géographique sur la Lorraine et le Barrois, occupés par la France à cette date, fut élaboré sous la direction de Jean-Baptiste Desmarets de Vaubourg (1646-1740), intendant de Lorraine de 1691 à la fin de 1697. On y constate que les deux établissements les plus riches des duchés sont le chapitre de chanoinesses de Remiremont (Vosges) et l’abbaye bénédictine de Saint-Mihiel, avec 20 000 livres de rentes annuelles, un peu plus que le chapitre de la primatiale de Nancy (créée à Nancy en 1602), la richesse commençant à 10 000 livres ! Cela n’a « rien de comparable avec les riches abbayes de Cluny en Bourgogne, ou de Fécamp en Normandie ; qui toutes deux culminent à 100 000 livres de rente. Après trente ans de guerre et deux occupations françaises, les réalités lorraines sont un peu plus modestes...245 » On y apprend aussi que l’abbaye de Saint-Mihiel est une des plus peuplées de Lorraine et Barrois avec 24 religieux, dont probablement 9 ou 10 jeunes profès des années précédentes poursuivant leurs études 246. Au total, la ville de Saint-Mihiel compte 473 feux (environ 2 000 habitants) et, pour sept couvents, une centaine de religieux et religieuses 247. Cela pourrait bien être sous-estimé. Dix ans plus tard, le Pouillé de Didier Bugnon attribue, à la date de 1708, 43 religieux à l’abbaye de Saint-Mihiel 248. C’est beaucoup, même s’il y a, ces années-là, un noviciat à Saint-Mihiel et huit professions en 1710 249. Et cela sera reproché à dom Maillet par monsieur de Lenoncourt, son compétiteur à l’abbatiat, quelques années plus tard 250 ! Précisons que D. Bugnon compte aussi, dans la ville de Saint-Mihiel, en 1708, 10 carmes, 24 capucins, 9 chanoines réguliers, 5 minimes, 2 jésuites, 6 prêtres habitués, 20 carmélites, 38 annonciades et 41 augustines... La population de la ville étant estimée, en 1706, à 766 feux, soit environ 3 500 habitants 251.

Dom de Lisle explique pourquoi dom Maillet était dans une position difficile : « [...] il n’avoit pas de Bulles. Cela étoit vrai, mais il n’avoit tenu qu’à lui d’en obtenir avec la clause Proprio motu ; c’est-à-dire, qu’il tenoit l’Abbaye du Pape, sans aucun égard pour son élection. Il aimoit sa Patrie & son Ordre ; il ne vouloit pas faire une démarche qui lui portât préjudice ; ce qui seroit arrivé, s’il avoit pris des Bulles, qui autôrisassent le Pape à disposer des Abbayes de Lorraine, qu’on avoit prétenduës éligibles. Il y eut opposition à l’exécution des Bulles de dévolut : l’affaire demeura pendant huit ans comme suspenduë ; mais en 1719, elle fut évoquée au Conseil souverain, qui débouta Dom Maillet par un Arrêt qui le condamna aux dépens & à 40 000. livres tant pour les réparations, que pour la restitution des fruits perçus ; ce dernier article fut modéré. 252 »

C.-E. Dumont est beaucoup plus disert et - en bon juriste et patriote lorrain et gallican - explique longuement les démarches du nouveau duc de Lorraine Léopold 1er à partir de 1699. Celui-ci demande la confirmation de l’élection de dom Maillet au pape. Avant de se rendre compte des dangers courus :

« Ses ministres à sa Cour, ses résidans à Rome, tous ses hommes d’Etat commençaient à s’émouvoir et semblaient craindre que le génie italien ne découvrit quelque droit inconnu pour s’approprier une des libertés de la couronne lorraine. Si jamais, écrivait M. de Mahuet

245 L’Intendance de Lorraine et Barrois à la fin du XVIIème siècle, op. cit., p. 143

246 Ibidem, p. 229, et Matricula, op. cit., n° 1 520 à 1 525 et 1 535 à 1 538

247 L’Intendance de Lorraine et Barrois à la fin du XVIIème siècle, op. cit., tableau 11, p. 149

248 AIMOND (Mgr Charles), « Etat général et dénombrement du duché de Bar», Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc et de Commercy, t. 42, V° série, t. II, 1914-1917, p. 1-100, ici p. 74 ; et JALABERT (Laurent), « Didier Bugnon (1676-1735), un ingénieur géographe français au service du duc Léopold », Le Pays lorrain, vol. 96, mars 2015, p. 7-18

249 Matricula, op. cit., n° 1 520 à 1 525, 1 533 et 1 535 à 1 538

250 Nous allons bientôt en venir à l’abbé de Lenoncourt.

251 BEAUVALET- BOUTOUYRIE, op. cit., p. 657

77

[253], les Abbayes sont à la disposition de Rome, elles seront perpétuellement occupées par des Romains [254] qui y consommeront tous nos revenus », ajoutant que si ce n’était l’affaire de Stavelo [255], à laquelle on craignait de nuire, il serait d’avis de signifier tout net que si l’on ne voulait pas confirmer l’élection, on se passerait de la confirmation.

« Enfin, une première décision de la Rote intervint, puis une seconde arrachée à force de sollicitations, et toutes deux conférant sérieusement au Pape le droit de collation des Abbayes en Lorraine, en se fondant sur les règles de la chancellerie, dont l’article 2 confisquait tout simplement les Abbayes d’un revenu supérieur à 200 ducats, sans admettre diverses distinctions que les canonistes et les juristes reconnaissaient, notamment que cette confiscation ne s’appliquait qu’aux Abbayes en commende, n’ayant ni couvents ni privilèges, comme en avait Saint-Mihiel. A force de bruit, une troisième révision fut accordée, mais pour la forme, et donnant, s’il est possible, un plus amer résultat. Le Duc, fâché, se plaignit vivement au Saint Père, qui lui adressa un bref consolateur où, après une pluie d’eau bénite, il lui fit la grâce de l’autoriser par la formule videant omnes, à tenter une quatrième épreuve à laquelle seraient appelées toutes les sections de son tribunal apostolique, d’où ne pouvait émaner, selon lui, qu’une justice fort éclairée.

« Léopold, irrité d’un mauvais vouloir secret que lui avaient signalé ses agents, était bien tenté de montrer son mécontentement par un éclat. Les canonistes lorrains n’hésitèrent pas à traiter cette entreprise de spoliation, notamment le P. Piart [256] qui, dans ses Animadversiones [257] inspirées à son amitié pour les élus, avait achevé de convaincre les esprits les p[l]us prévenus. Un conseil plus adroit, conservé encore dans les archives, fut donné au prince : ce fut de dissimuler sa juste indignation, de remercier le Pape du bon vouloir qu’il manifestait en son bref, d’ajouter que S. A. ne doutait pas d’un meilleur résultat par un meilleur examen de l’affaire et de ne rien demander. Ce conseil fut suivi ; ordre fut donné d’en rester là, et de ne plus en parler ni à Rome, ni à Saint-Mihiel, et de jouir en paix de l’Abbaye. Le couvent ne se le fit pas répéter, et dom Maillet reprit sa crosse.258 »

A la fin de son histoire de Saint-Mihiel en quatre volumes, C.-E. Dumont ajoute une biographie des « grands hommes » de cette « petite ville ». Parmi ceux-ci, figure François Platel du Plateau, né à Saint-Mihiel le 9 avril 1625, bénédictin 259, docteur en droit civil et

253 Jean-Baptiste-Christophe de Mahuet (Nancy, 1649, Paris, 1721), président du Parlement de Metz en 1691, président de la Cour souveraine de Lorraine et Barrois en 1698, plusieurs fois envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du duc Léopold 1er. « Il a laissé un Commentaire de la Coutume de Lorraine, ouvrage resté manuscrit. », cf. MAHUET (Antoine de), Biographie de la Cour Souveraine de Lorraine et Barrois et du Parlement de Nancy, 1641-1790, Nancy, 1911, réédition Genève, Mégariotis Reprints, 1978, p. 147-148

254 Nous avons déja parlé d’Alexandre Bichi, cardinal, évêque de Carpentras, nonce en France, nommé abbé par le roi de France en 1634 et confirmé par le pape, abbé jusqu’à sa mort à Rome en 1657. Et de son successeur Coelius Piccolomini, cardinal, archevêque de Césarée, nonce en France, qui fut aussi représenté à Saint-Mihiel par un administrateur.

255 Abbaye de Stavelot, près de Verviers (Belgique), où le jeune frère du duc Léopold 1er était en difficulté. Cf. PETIOT (Alain), « François de Lorraine (1689-1715), le « petit frère » du duc Léopold », Le Pays lorrain, vol. 96, mars 2015, p. 65-76

256 Le père Piart (1672-1746), né à Saint-Mihiel, chanoine régulier de la congrégation de Notre-Sauveur créée par le futur saint Pierre Fourier, serait resté vingt ans à Rome pour postuler la béatification de celui-ci. Cela lui permit d’aider les bénédictins de sa ville natale. Cf. LISLE, op. cit., p. 408-409 ; et DUMONT, op. cit., t. IV, p. 397.

257 Animadversiones in binas S. Rotae decisiones coram Reverendissimo P.D.Molines Decano, die 26. Iunii 1699. emanatas contra venerabilia Monasteria S. Michaelis de Sancto Michaele Virdunen. & S. Petri de Senonis Nullius seu Tullen. necnon RR.PP. Gabrielem Maillet, & Petrum Alliot eorumdem Monasteriorum respective electos Abbates, p. 65-130 et p. 143-146, B.M. Saint-Mihiel, M 228

258 DUMONT, op. cit., t. II, p.142

78

canonique, prieur du prieuré de Châtenois 260, dépendant de l’abbaye de Saint-Mihiel, puis, après 1675, préfet de la Daterie 261, au Vatican, jusqu’à sa mort, à Rome, le 28 mars 1703. Il écrit :

« M. Platel demeura fort actif dans ces fonctions sous sept papes, où il eut pu protéger les Lorrains contre les innombrables intrigues que l’expérience avait dû lui apprendre à déjouer. Mais il les protégeait à sa manière... en les sacrifiant, à ce qu’il paraît, aux intérêts de Rome. »

Et il cite dom Calmet lui-même :

« Ce Platel était un homme d’un très-petit génie, qui étant allé à Rome de très-bonne heure, connaissait très-peu les usages et les intérêts de la Lorraine. Il s’était mis dans l’esprit que c’était rendre le plus grand service à sa patrie que de la faire reconnaître comme pays d’obédience, et de la soumettre à toutes les règles de la chancellerie, attribuant au Pape la collation de toutes les Abbayes et principaux Bénéfices. »

C.-E. Dumont ajoute que celui qu’il appelle l’ « abbé Platel » avait adopté son neveu, originaire de Saint-Mihiel, François-Joseph de Nay, « aussi Prieur de Châtenois, qui devint Conseiller d’Etat et Grand-Doyen de la Primatiale, après avoir été Envoyé de Lorraine en Cour de Rome » 262.

La famille Platel compte parmi ses membres trois bénédictins, dont deux nés à Saint-Mihiel au XVIIème siècle et ayant fait profession à Saint-Michel de Saint-Mihiel : Léonard, profès le 30 novembre 1625, mort au prieuré Notre-Dame du Breuil, près de Commercy, le 27 novembre 1635 263 et Philippe, profès le 22 octobre 1627, mort au prieuré de Saint-Cloud de Lay-Saint-Christophe, près de Nancy, le 26 janvier 1671 264. La famille Denay compte aussi un bénédictin, Robert, né à Pont-à-Mousson, profès de Saint-Mihiel le 25 mars 1656, mort à l’abbaye de Saint-Mihiel le 26 mai 1709 265. C.-E. Dumont fait-il une confusion avec l’un de ceux-ci, car il n’ignore pas que l’on peut être abbé d’un monastère bénédictin sans être bénédictin ? Ces deux familles figurent dans le Nobiliaire de Saint-Mihiel de Dumont 266. Et la famille Denay ou de Nay dans la Biographie de la Cour Souveraine de Lorraine et Barrois et du Parlement de Nancy, 1641- 1790 d’Antoine de Mahuet 267.

Dom Gabriel Maillet put jouir en paix de son abbaye pendant une bonne dizaine d’années. Dom de Lisle, qui expédie rapidement les péripéties qui l’amènent à être évincé par Louis-Antoine de Lenoncourt, est peu ému par ses malheurs. Il ose écrire :

« [...] Dom Maillet se donna très peu de mouvement pour conserver son Abbaye ; outre qu’il avoit plus de 80.ans, lorsqu’il fut évincé & que par conséquent il étoit dans un âge, où l’on n’est plus guéres capable d’agir, il avoit toujours eu beaucoup d’éloignement pour les affaires. Ce n’est pas qu’il manquât de talens pour les suivre ; mais c’étoit un effet de son caractère paisible ; ceux qui l’ont connu, disent de lui que tandis qu’on s’empressoit de toute part à le faire valoir & à l’élever, il restoit dans une espéce d’apathie. Il avoit de l’esprit & beaucoup de jugement. Il fut plusieurs fois Visiteur & cinq fois Président de la Congrégation. Quoiqu’il ne perçut plus aucun revenu ni aucune pension ; les Religieux de St. Mihiel eurent soin qu’il fut traité de la même manière qu’avant la perte de son Procés. On lui a fait une

260 A 17 km au sud-ouest de Neufchâteau (alors Lorraine et diocèse ancien de Toul, aujourd’hui Vosges et diocèse de Saint-Dié).

261 Daterie : chancellerie du Vatican qui expédie les affaires réglées par le pape en dehors du consistoire (grâces, dispenses, etc.).

262 DUMONT, op. cit., t. IV, p. 399

263 Matricula, op. cit., n° 292

264 Ibidem, n° 322

265 Ibidem., n° 606

266 DUMONT, Nobiliaire de Saint-Mihiel, op. cit. : Denay, t. I, p. 141-150 ; et Platel, t. II, p. 201-221

79

Epitaphe assez mal conçüe, gravée en ces termes sur sa Tombe. [Suit le texte en latin de celle-ci.] 268 »

Curieusement, C.-E. Dumont écrit, un siècle plus tard, que dom Maillet « essaya de se maintenir par un combat à outrance, mais fut enfin vaincu et exilé » 269 . C.-E. Dumont est-il le dépositaire d’une tradition sammielloise ou est-ce une opinion personnelle basée sur des documents qu’il ne cite pas, suivant sa mauvaise habitude ? Dom de Lisle, qui a connu des protagonistes de ces luttes et pratique beaucoup le mensonge par omission, ne mentionne pas d’exil.

Quant à la tombe de dom Maillet, d’abord placée en haut de la nef de l’église abbatiale, non loin de celle de dom Hennezon, et rejointe plus tard par celle de dom de Lisle, puis déplacée courant XIXème siècle, Léon Germain, en 1886, la décrit en ces termes :

« Cette tombe est très fruste, surtout d’un côté ; de plus, un pilier masque le milieu, de sorte qu’il faut faire soixante-quatre fois le tour de ce pilier pour commencer la lecture de chaque ligne, d’un côté, et, très péniblement, la terminer de l’autre. Heureusement Dom de Lisle a donné cette épitaphe, ce qui nous permettra de compléter le texte en partie effacé. L’inscription est placée dans un encadrement, de genre rocaille, arrondi par le haut. Au-dessus, un cartouche compliqué renfermait un écu ovale, représentant les armoiries de l’abbé, qu’environnaient, sans doute, les emblèmes de ses dignités. Mais nous n’avons plus pu rien y distinguer. 270 »

Contrairement à ce que pense dom de Lisle, cette épitaphe n’est pas si mal conçue. Elle rend hommage au caractère de dom Maillet et ce qu’en dit dom Lisle est très révélateur sur lui-même. Voici la fin de l’épitaphe, traduite par Léon Germain :

« Plus appliqué à servir qu’à commander, il fut pour tous un exemple dans la parole, la foi et la charité. Ce temple, dans sa grandeur, a été par lui fondé et décoré. Il devait, selon ses vœux, produire dans l’avenir de bien plus grandes œuvres, mais, hélas ! la fortune adverse lui porta envie au milieu de ses projets. En effet, devenu octogénaire, il fut contraint d’abdiquer pour la seconde fois sa charge, et, pendant dix ans, dans la prière, dans la lecture, dans le silence et dans la retraite, il vécut pour Dieu, pour son âme et pour les pauvres ; enfin, aspirant à l’éternité et mûr pour le ciel, au milieu des pleurs de ses disciples, il s’endormit en Jésus-Christ, à l’âge de quatre-vingt-dix ans, le 27ème jour de mai 1727. Qu’il repose en paix. 271 »

2.3. L’ABBE LOUIS-ANTOINE DE LENONCOURT (1711 à 1744)

2.3.1. La famille de Lenoncourt.

L’entrée en lice d’Antoine de Lenoncourt n’a rien de surprenant. Jean-Baptiste Desmarets de Vaubourg, en 1697, écrit que : « Les deux maisons du Châtelet et de Lenoncourt sont certainement les plus illustres de l’ancienne chevalerie de Lorraine » 272. Il explique qu’il ne reste plus, par les mâles, que quatre familles de cette ancienne chevalerie, qui est celle dont les « ayeux ont été au voyage de la Terre Sainte avec Godefroy de Bouillon dans [p. 67] les temps des croisades 273 » : Du Châtelet, Haraucourt, Lenoncourt et Ligniville.

268 LISLE, op. cit., p. 336-337

269 DUMONT, Histoire de Saint-Mihiel, op. cit., t. IV, p. 385

270 GERMAIN, op. cit., p. 21-22

271 Ibidem., p. 24

272 L’Intendance de Lorraine et Barrois à la fin du XVIIème siècle, op. cit., p. 258. Au XVIIIème siècle, l’un des membres de la famille Du Châtelet, le marquis Florent-François Du Châtelet-Lomont (1700-1772), est le mari d’Emilie Le Tonnelier de Breteuil (1706-1749), femme de sciences et compagne de Voltaire de 1733 à 1749, ce qui explique que le philosophe se réfugia en Lorraine.

80

Les armes de la famille de Lenoncourt sont : D’argent à la croix engrelée de gueules 274. Desmarets ne passe en revue que les 60 branches de 43 de ces familles réputées remonter au XIème siècle, sur les 276 que dom Calmet dit exister ou avoir existé 275 ! Il note qu’avant 1628 (peu avant l’invasion des duchés par la France pendant la guerre de Trente Ans), l’ancienne chevalerie jugeait les procès en appel, tous les mois à Nancy et tous les trois mois à Saint-Mihiel 276. Il mentionne que la famille de Lenoncourt compte parmi les plus gros propriétaires terriens de Lorraine et Barrois 277. Ses filles sont présentes dans les chapitres séculiers de Remiremont et Epinal (dans les Vosges), et Bouxières (au nord de Nancy), où il faut faire preuve de seize quartiers de noblesse (huit du côté paternel et huit du côté maternel) pour être acceptée 278. L’une des branches de la famille passe en Champagne au début du XVIème siècle, au service du roi Charles VIII, puis revient avec biens et relations en Lorraine, à la fin du siècle 279.

Les histoires et dictionnaires biographiques des duchés de Lorraine et de Bar citent de nombreux membres de la famille de Lenoncourt. Nous ne retiendrons que ceux qui ont rapport avec la ville de Saint-Mihiel :

- Bernardin, grand-maître de l’artillerie de Lorraine de 1496 à 1525, bailli de Saint-Mihiel 280 en 1526, mort en 1533 ;

- Louis, aussi grand-maître de l’artillerie de Lorraine, bailli de Saint-Mihiel en 1543, mort en 1544 ;

- Jean, conseiller et chef des finances du duc Charles III, bailli de Saint-Mihiel de 1571 à 1588, tué au siège de Stenay en 1591 281 ;

- Jean-Louis, bailli de Saint-Mihiel en 1591, mort en 1594 (le cœur de sa veuve, Claude de Fresneau, fille du seigneur de Pierrefort, fut scellé dans le mur de la chapelle de Pierrefort, dans l’église de l’abbaye de Saint-Mihiel, en 1632 282) ;

- Théodore, gouverneur de Marsal (place-forte à l’est de Nancy) en 1590, bailli de Saint-Mihiel de 1594 à 1621 ;

- Charles, capitaine des gardes du duc Charles IV, qui, le 1er avril 1634, organise un « poisson d’avril » pour les occupants français : la fuite du palais ducal de Nancy du frère du duc, le cardinal Nicolas-François, abbé de Saint-Mihiel, et de sa cousine Claude de Lorraine, qui venaient de se marier secrètement pour sauver la dynastie 283. Charles de Lenoncourt est bailli et gouverneur de Saint-Mihiel, en 1635, lors du siège de la ville par le roi Louis XIII, et, comme tel, emprisonné quatre ans à la Bastille après la capitulation 284 ;

274 PETIOT, Les Lorrains et les Habsbourg, op. cit., t. I, p. 352 . Jean BOISSEAU (Promptuaire armorial, Paris, 1659) écrit « danchée ».

275 L’Intendance de Lorraine et Barrois à la fin du XVIIème siècle, op. cit., p. 151

276 Ibidem, p. 201

277 Ibidem, p. 154

278 Ibidem, p. 220

279 BOURQUIN (Laurent), Noblesse seconde et pouvoir en Champagne aux XVIème et XVIIème siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994, 334 p., explique (p. 48-49 et 144-145) qu’à cette époque il y avait osmose entre les cours de France et de Lorraine et que l’on pouvait faire carrière dans l’une et l’autre sans conflit. C’est ainsi qu’Henri de Lenoncourt suit Charles VIII aux guerres d’Italie.

280 Le bailliage de Saint-Mihiel est un des plus vastes de Lorraine et Barrois. Cf. AIMOND, op. cit.

281 Petite ville au bord de la Meuse, à 80 km au nord et en aval de Saint-Mihiel, alors Barrois non-mouvant et diocèse ancien de Trèves, aujourd’hui Meuse et diocèse de Verdun.

282 GERMAIN, op. cit., p. 86-87

283 WILHELM (Père Jean-Baptiste), s.j., Histoire abrégée des ducs de Lorraine, depuis Gérard d’Alsace jusqu’à François III, A l’Usage des Jeunes Gens de Qualité, Nancy, François Midon, 1735, 213 p., ici p.