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L’ABBAYE DE SAINT-MIHIEL DANS LA CONGREGATION DE SAINT-VANNE ET SAINT-HYDULPHE (1606-1689)

L’ABBAYE SAINT-MICHEL DE SAINT-MIHIEL

1.2. L’ABBAYE DE SAINT-MIHIEL DANS LA CONGREGATION DE SAINT-VANNE ET SAINT-HYDULPHE (1606-1689)

1.2.1. La réforme bénédictine de Richard de Saint-Vanne au début du XVIIème siècle. Dom Calmet, le célèbre bénédictin historien de la Lorraine, écrit en 1728 :

« Réforme des Ordres Religieux rentez en Lorraine. 1591. & suiv.

« La plupart des anciens Ordres Religieux étoient tombez dans le relâchement. Les Guerres civiles, & les nouvelles hérésies avoient introduit la corruption des mœurs, & la licence des opinions parmi les Peuples & dans le Clergé. Les Commendes devenües presque générales depuis le Concordat [54], avoient augmenté le mal, en réduisant la plupart des Monasteres à un tres petit nombre de Religieux, par le retranchement de la plus grande partie de leurs revenus. Ces Religieux sans discipline & sans subordination, n’étant plus retenus ni par l’autorité des Abbez, ni par celle des Evêques, se livroient sans ménagement au desordre, & au violement de leurs vœux. La plupart des Monasteres, qui étoient auparavant des azyles de l’innocence, & des sanctuaires de vertu, étoient devenus des cavernes de voleurs, & des lieux de dissolution.

« Le Cardinal Charles de Lorraine, fils du duc Charles III. résolut de réparer ces maux, et d’introduire une bonne Réforme dans les ordres de S. Benoît & de S. Augustin. Il reçut étant à Rome, en 1591, du Pape Grégoire XIV. la qualité de Légat a latere, & un Bref datté de l’onzième de May de cette année, avec pouvoir d’assembler tous les Abbez Réguliers & les Prieurs Claustraux des Abbayes qui étoient en commende dans les trois Evêchez de Metz, Toul & Verdun, & dans la Lorraine & Barrois, pour délibérer avec eux des moyens de rétablir le bon ordre dans les Monasteres. Mais cette Assemblée ne se tint que le 7ème de juin 1595

53 ADAM (Charles), « Etude sur les Grands-Jours de Saint-Mihiel », Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, t. 45, 1924-1925, p. 1-124

54 Le concordat de Bologne, passé en 1516 entre le pape Léon X et le roi de France, autorise celui-ci à nommer des titulaires aux bénéfices ecclésiastiques. Le roi de France occupant les évêchés de Metz, Toul et Verdun à partir de 1552, ce mode de nomination s’y impose peu à peu, aux dépens du concordat germanique qui prévoit l’élection de l’évêque par le chapitre de la cathédrale. Et au XVIIème siècle, pendant les périodes d’occupation de la Lorraine et du Barrois, les rois de France en font autant avec les abbayes. Dès le XVIème

siècle, les ducs de Lorraine et de Bar suivent le mouvement pour les abbayes, aucun siège de diocèse n’étant dans leurs états.

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dans l’Abbaye de Saint-Mihiel, dont le Cardinal étoit Abbé, & où il étoit actuellement. Il ne s’y trouva que quatre Abbez & quatre prieurs […] 55. »

Le cardinal Charles de Lorraine (1567-1607), second fils du duc Charles III et de Claude de France, fille du roi de France Henri II, fut évêque de Metz, Verdun et Strasbourg, cardinal en 1589, primat de Nancy en 1602, et abbé (entr’autres) de Saint-Mihiel de 1687 à sa mort. Ce n’était pas le premier abbé commendataire de Saint-Mihiel : dès le début du XVIème siècle, le pape, puis le duc de Lorraine en nomment, certains appartenant à la famille ducale. Dom de Lisle, l’historien de l’abbaye du XVIIIème siècle, fin connaisseur de la politique des nominations ecclésiastiques, écrit : « L’Abbaye de St. Mihiel attiroit l’attention des Princes de la Maison de Lorraine. Aussitôt que Charles III. surnommé le Grand, eut appris la mort d’Antoine de Vaudémont son Cousin 56, il écrivit aux Prieur & Religieux de St. Mihiel, pour les prier de postuler pour leur Abbé son second Fils nommé Charles, déjà Evêque de Metz. »

Dom de Lisle donne le texte de la lettre du duc Charles III, datée du 8 mars 1587, et conclut : « Quand cette Lettre arriva, les Religieux étoient sur le point de se choisir pour Abbé un d’entr’eux. Mais faisant réfléxion, que les prieres des Princes sont des ordres ausquels il est dangereux de ne pas déférer ; Dom Etienne Maillet Grand-Prieur partit pour Nancy, où le Grand-Duc Charles se trouvoit ; & postula tant en son nom, qu’en celui de la plus saine partie de sa Communauté, le Prince Charles Evêque de Metz & second Fils du Duc. Les Bulles furent expédiées en Cour de Rome avec tant de diligence, qu’il fut en état de prendre possession le 13. Avril 1587 ; il étoit alors dans sa vingt & unième année. 57»

C’est ainsi que le fils cadet du duc de Lorraine et de Bar devint abbé de Saint-Mihiel et convoqua une assemblée à Saint-Mihiel en juin 1595. Un règlement de vie religieuse de trente-six articles, prévoyant aussi la création d’une congrégation, fut rédigé par l’assemblée, qui convint de se revoir trois ans plus tard, mais aucun supérieur ne voulut céder une part de son pouvoir sur son abbaye à une autorité centrale. Quant aux religieux de Saint-Mihiel, il fallut dix ans pour qu’ils acceptent une réforme et ce fut plus long encore pour la plupart des autres monastères concernés 58. Dom Calmet raconte que, vers 1598, « le Cardinal Légat fit une tentative pour introduire la Réforme dans son Abbaye de Saint-Mihiel. Il y envoya des gens de son Conseil, pour en faire la proposition aux Religieux : mais ceux-ci avertis de leur arrivée, se mirent en défense, & menacèrent de faire feu sur eux, s’ils avançoient. 59 »

Le cardinal-légat et les abbés partisans de la réforme décidèrent donc de choisir une abbaye dont les religieux seraient plus faciles à convaincre : « L’Abbaye de Saint-Vanne [de Verdun] fut proposée & agreée, parce que les Religieux y vivoient sans scandale ; qu’ils étoient tous de la Congrégation des Jesuites ; que leur Monastere étoit dans une Ville, & sous les yeux de l’Evêque qui en étoit Abbé Commendataire. 60 » Cet évêque- abbé était le prince

55 CALMET (Dom Augustin), Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, Nancy, J.-B. Cusson, 1728, 4 vol. in-folio, ici t. III, col. 127-128 ; nouvelle édition : Histoire de Lorraine qui comprend ce qui s’est passé de plus mémorable dans l’Archevêché de Trêves et dans les évêchés de Metz, Toul et Verdun, depuis l’entrée de Jules César dans les Gaules, jusqu’à la cession de Lorraine arrivée en 1737 inclusivement, Nancy, A. Leseure, 1745-1757, 7 vol. in-folio.

56 Il obtint les abbayes de Beaulieu et Saint-Mihiel en commende en 1586 et mourut à 14 ans en 1587, sans en avoir pris possession, LISLE, op. cit., p. 222

57 LISLE, op. cit., p. 223-224

58 L’étude de cette « mise en œuvre lente et difficile » est à lire dans : MICHAUX (Gérard), « Une grande réforme monastique du XVIIème siècle : la congrégation bénédictine de Saint-Vanne et de Saint-Hydulphe », Autour de la congrégation de Saint-Vanne et de Saint-Hydulphe, l’idée de réforme religieuse en Lorraine, Actes des XXXII èmes Journées d’études meusiennes, Verdun, Saint-Mihiel, 2-3 octobre 2004, publiés sous la direction de Noëlle Cazin et Philippe Martin, Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, 2006, 176 p., ici p. 81-104

59 CALMET, op. cit., col. 132

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Erric de Lorraine 61, un parent du cardinal. Et il était aussi abbé commendataire de Saint-Hydulphe de Moyenmoutier 62, ce qui permit d’y étendre la réforme en 1601. Cette difficile naissance n’aurait cependant pu avoir lieu sans la persévérance d’un religieux bénédictin de Saint-Vanne de Verdun, dom Didier de La Cour 63, entré à Saint-Vanne de Verdun en 1568 et élu prieur de cette abbaye en 1598. Ce religieux - que dom de Lisle qualifie d’ « homme miraculeux » 64- nourri de la spiritualité des jésuites et des franciscains, soucieux de mener une vie régulière et convaincu que les études étaient indispensables pour faire un bon religieux, fut longtemps incompris de ses confrères et parfois persécuté par eux. C’est l’homme de la réforme des bénédictins en Lorraine. Il finit par obtenir l’accord de Rome et, en 1605, le pape envoya un visiteur apostolique en Lorraine, pour le seconder.

1.2.2. L’introduction de la réforme à l’abbaye de Saint-Mihiel en 1606.

L’abbaye de Mihiel est la troisième abbaye agrégée à la congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe, créée par une bulle pontificale du 7 avril 1604, et cette congrégation ne porte pas son nom, ce qui aurait été le cas si les religieux avaient suivi le mouvement enclenché en 1595 ! A l’automne 1605, le cardinal Charles de Lorraine, autorisé par un bref du pape Paul V en date du 5 septembre 1605, prévoit d’envoyer des délégués à Saint-Mihiel pour préparer l’introduction de la réforme en décembre. D’après dom de Lisle, « le bruit de ce qui se passoit fut un coup de foudre pour les Religieux » 65. Et il ajoute plus loin que « ces Religieux résolurent de se mettre sous la protection de la France, & envoyerent dans ces vües un des leurs vers les Officiers du Roi à Verdun [66]. Le Président [des Grands Jours] Bournon averti de ce qui se passoit par son fils Religieux de St. Mihiel, désaprouva ce dessein, lui fit voir que lui & ses Confréres alloient se plonger dans un déluge de miséres qui les feroient périr, en donna des raisons si convaincantes, qu’il les fit désister. 67 » Plus loin, dom de Lisle explique que « le Duc Charles III. avoit par précaution envoyé un de ses Sécrétaires d’Etat au Président Bournon, pour lui déclarer que telle étoit sa volonté, & et qu’il désiroit n’être pas obligé d’user de toute son autôrité. 68 » C’est ainsi que les religieux se résignèrent à recevoir les envoyés de leur abbé, légat du pape et fils de leur souverain !

Le 21 janvier 1606, un règlement est dressé pour les « anciens religieux » et dom Claude François nommé prieur. Il le reste jusqu’en 1626, puis est renommé en 1631, mais meurt dès 1632 69. Il est aussi douze fois président de la congrégation. Un religieux non identifié de la deuxième moitié du XVIIIème siècle, qui est un des annotateurs de l’exemplaire de la Bibliothèque lorraine de dom Calmet appartenant à l’abbaye et toujours conservé à la bibliothèque municipale de Saint-Mihiel, n’hésite pas à écrire, au bas de la notice de dom

61 Erric de Lorraine (1576-1623), évêque de Verdun de 1593 à 1611

62 Saint-Hydulphe de Moyenmoutier (aujourd’hui Vosges), abbaye « nullius = de nul diocèse », ne relevant que du pape, est située sur un affluent de la rive droite de la Meurthe, à 60 km au sud-est de Nancy et 5 km à l’ouest de l’abbaye Saint-Pierre de Senones, aussi abbaye « nullius » et située dans un territoire où les princes de Salm sont souverains.

63 Didier de La Cour de La Vallée, né à Montzéville (Barrois non-mouvant, baillage de Clermont, diocèse de Verdun, aujourd’hui Meuse) en 1550, profès de Saint-Vanne de Verdun le 21 mars 1575, mort à Saint-Vanne le 10 août 1632, Matricula, op. cit., n° 1 des 2 635 religieux de la congrégation de Saint-Vanne (1604-1789). Cf. LISLE, op. cit., p. 241-252

64 Ibidem, p. 239

65 Ibidem, p. 255

66 Rappelons que la France occupe les évêchés de Metz, Toul et Verdun depuis 1552

67 LISLE, op. cit., p. 256

68 Ibidem.

69 Dom Claude François, né à Paris en 1569 ( ?), profès à Saint-Vanne de Verdun le 21 mars 1589, mort à Saint-Michel de Saint-Mihiel le 10 août 1632, Matricula, op. cit., n° 2 ; et CHEREST (Georges), « Congrégation bénédictine de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe. Catalogue des religieux en charge. Province de Lorraine », Annales de l’Est, 1968, n° 2, p.159-184

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Claude François dans celle-ci : « Dom Claude François a fait sans doute beaucoup de bien dans sa vie, mais son amour pour la perpétuité des supériorités sans même changer de maison, a scandalisé la plus grande partie des religieux de son temps. On peut même dire que ce scandale n’a jamais cessé, et qu’il dure encore dans ceux qui se prévalent de son exemple et de ses écrits pour se dispenser de vacquer […] 70. Quant à C.-E. Dumont, au XIXème siècle, sa notice biographique de dom Claude François est un morceau d’anthologie, qui mériterait d’être cité en entier s’il ne faisait une page ! Retenons seulement qu’il écrit que dom Claude François « porta le plus haut possible le drapeau des cumulards de l’époque » 71 ! Le 10 février 1606, douze religieux réformés 72 sont installés par le visiteur apostolique, dom Laurent Lucalberti 73, dom Didier de La Cour et dom Pierre Rozet 74. Les treize religieux « anciens » qui refusent la réforme reçoivent une pension confortable et sont indemnisés pour les offices - charges temporelles - qui leur sont retirés. Ils sont logés à l’écart des réformés, dans l’hôpital pour le prieur et dans la première cour en dehors du cloître pour les autres 75. 1.2.3. Les constitutions de la congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe.

Le retour à l’observance de la règle de saint Benoît est le but principal de la nouvelle congrégation. Pour que ce retour dure, celle-ci doit être solidement structurée et ses constitutions doivent résoudre quatre principaux problèmes :

- la stabilité des religieux : ils font profession dans la congrégation et non plus dans une abbaye en particulier. Ils peuvent donc être déplacés d’une abbaye à l’autre et il n’y a plus de noviciat dans chaque abbaye mais quelques-uns seulement, qui assurent, grâce à des maîtres choisis par la congrégation, une solide formation religieuse aux novices et de longues études aux jeunes profès ;

- le gouvernement de la congrégation est centralisé et confié au chapitre général qui se réunit une semaine tous les ans, à partir du second dimanche après Pâques (tous les trois ans après 1741). Il est composé des prieurs et d’un religieux élu par maison. Ce chapitre élit un président général, un visiteur et un diétaire par province (Lorraine, Champagne, Franche-Comté), et deux procureurs généraux (un à Paris, un à Nancy). Il nomme les prieurs, affecte et déplace les religieux dans les maisons dépendant de la congrégation ;

- les abbés commendataires, nommés par le pape ou le souverain - et confirmés, dans ce cas, par le pape - sont donc dépouillés de toute autorité juridictionnelle sur les religieux au profit des prieurs conventuels désignés par le chapitre général. Dans les abbayes dont les religieux conservent le droit d’élire l’abbé, ils ne peuvent qu’élire un bénédictin et cet abbé régulier n’a pas d’autorité sur les religieux, sauf s’il est aussi nommé et renommé prieur par le chapitre général. En 1790, il ne reste plus que cinq abbayes dites régulières sur trente-trois abbayes que compte la congrégation : Saint-Airy de Verdun, Saint-Léopold de Nancy, Saint-Hydulphe de Moyenmoutier, Saint-Pierre de Senones et Saint-Grégoire de Münster. Ces abbatiats sont

70 Bibliothèque lorraine, op. cit., B.M. Saint-Mihiel, U 632, en bas des colonnes 385-386, 387-388 et 661-662. Le religieux non identifié qui écrit ceci en profite pour égratigner dom Joseph de Lisle, à propos de son histoire de l’abbaye Saint-Michel de Saint-Mihiel, parue en 1757, et aussi parce qu’il en est prieur de 1747 à 1753 et de 1756 à 1762, en contradiction avec la règle du quinquennat des constitutions, qui a été rappelée par le chapitre général de 1744. Nous parlerons longuement de dom de Lisle, dans notre partie consacrée aux prieurs de l’abbaye de Saint-Mihiel au XVIIIème siècle.

71 DUMONT, op. cit., t. III, p. 360-362

72 Six prêtres, six clercs et un commis, cf. Abbés ROBINET et GILLANT, Pouillé du diocèse de Verdun, Verdun, Imprimerie Laurent, 1888-1910, 4 vol., ici t. III, p. 293

73 Dom Laurent Lucalberti (1551-1621), religieux bénédictin de Sainte-Marie de Florence, doyen de la congrégation réformée de Sainte-Justine de Padoue, cf. MICHAUX, op. cit., p. 88

74 Dom Pierre Rozet, dont le lieu et la date de naissance sont inconnus, fait profession à Saint-Vanne de Verdun le 21 mars 1601et meurt à Rome (au couvent des minimes) le 8 juin 1622, Matricula, op. cit., n° 12

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des dignités très recherchées : l’abbé en est un abbé mitré et celui de Münster (en Alsace) est prince-abbé, comme dans le Saint Empire romain germanique. Les prieurés, qui comptent très peu de religieux, peuvent avoir des prieurs titulaires à vie ;

- la durée des supériorités est limitée, dans les constitutions de 1610, à cinq ans. Ce sera toujours un débat, comme nous venons de le voir 76.

La nouvelle congrégation s’étend rapidement et, à la mort de dom Didier de La Cour, en 1632, à la veille de l’entrée de la Lorraine dans la guerre de Trente Ans, elle compte 20 maisons, dont certaines en Franche-Comté et dans l’évêché de Metz, et rassemble 252 religieux. Certains de ceux-ci sont appelés pour réformer des monastères français et Saint-Vanne donne ainsi naissance à la congrégation française de Saint-Maur (autorisée par le roi en 1618 et instituée canoniquement par le pape en 1621) 77. D’autres religieux vont porter la réforme dans les Pays-Bas espagnols. Ce dynamisme ne se dément pas jusqu’à la Révolution française : à la fin du XVIIème siècle, la congrégation compte environ 550 religieux répartis dans 45 maisons, situées principalement en Lorraine et Champagne et quelques-unes en Franche-Comté ; au XVIIIème siècle, elle compte 50 maisons, le rythme du recrutement ne faiblit pas (14 par an) et la Commission des réguliers, en 1766, ne supprime aucune de ces maisons, car elles ont toutes des effectifs suffisants. Elles réunissent au total 628 religieux. En 1768, un édit royal repousse l’âge des vœux religieux à 21 ans, mais le recrutement ne baisse pas et, à la suppression des ordres religieux en 1790, la congrégation compte 627 religieux (dont 521 profès prêtres et 58 convers). Trente-huit pour cent de ces religieux ont moins de 40 ans 78 en 1789.

1.2.4. Les réorganisations à l’abbaye de Saint-Mihiel.

L’une des grosses difficultés rencontrées par l’abbaye, à partir de l’introduction de la réforme, est celle de la nouvelle répartition des revenus entre les abbés et les religieux, dont fait partie le prieur. La chronique de Saint-Mihiel dite de Nantère 79 écrit que c’est l’abbé « Ermengaud [80] qui décida, en le confirmant par un précepte bullé du susdit Charles [Charlemagne], de ce que devaient avoir l’abbé, le responsable du pain, du sel et de la graisse, le responsable des poissons, le responsable du vin, le responsable du luminaire, le responsable des pauvres, le responsable des hôtes, tous en répondant devant l’abbé et le chapitre » 81. Cette répartition remonterait donc au VIIIème siècle.

Dom de Lisle, qui se range à l’avis de la chronique « pour l’époque du partage des Biens de l’Abbaye de St. Mihiel, & la création des Offices », ajoute que leur « nombre fut augmenté dans la suite ; on y ajouta aussi du changement, en ce que les uns furent possédés en Fief, les autres à vie, & quelques-uns à la volonté des Supérieurs.

« Les Offices fiefez étoient ceux d’Hôtelier & d’Ecuyer, tous deux Officiers de l’Abbé. »

76 Pour toutes ces importantes questions, voir les travaux de R. TAVENEAUX et G. MICHAUX, et les religieux anonymes qui annotent l’exemplaire de la Bibliothèque lorraine de l’abbaye de Saint-Mihiel, B.M. Saint-Mihiel, U 832

77 MICHAUX, op. cit., p. 95-96

78 Ibidem, p. 99-100

79 A.D. Meuse, 4 H 5, copie conservée dans un cartulaire du 3ème quart du XIIème siècle. Cf. GAILLARD (Michèle), GOULLET (Monique), WAGNER (Anne), version préparatoire (29 p.) de leur article « La Chronique de Saint-Mihiel », paru dans Retour aux sources. Textes, études et documents offerts à Michel Parisse, Paris, Picard, 2004. Nanterre, abbé de 1036 à 1051, n’est pas l’auteur de la chronique. Celui-ci reste inconnu.

80 Abbé, aussi qualifié d’évêque, de 754 à 805 environ. Cf. Pouillé, op. cit., t. III, p. 300

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« Les offices Claustraux étoient au nombre de quatre, savoir l’aumônerie, la trésorerie,