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5. L ES DIFFERENTES INTERVENTIONS ET PROGRAMMES D ’ INTERVENTION POST CATASTROPHE POUR LES ENFANTS ET LES ADOLESCENTS

5.8 L A DESENSIBILISATION ET RETRAITEMENT PAR LES MOUVEMENTS

OCULAIRES

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La désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires (EMDR) est une psychothérapie brève comprenant des éléments de thérapie cognitivo-comportementale et psychodynamique (Chemtob, Nakashima et Carlson, 2002). Elle intègre notamment la stratégie de restructuration cognitive (Pfefferbaum et al. 2014 a). Elle est basée sur le modèle de traitement adaptatif de l’information (AIP) (Adúriz, Bluthgen et Knopfler, 2011 ; Jarero, Artigas et Hartung, 2006). Cette thérapie vise le retraitement des informations dysfonctionnelles (images, affect, cognitions et sensations corporelles) au sein du réseau de mémoire pour atteindre une résolution adéquate et adaptative des souvenirs traumatiques fragmentés, déformés et isolés dans le système nerveux qui contribuent à la présence de manifestations de stress post-traumatique (Adúriz, Bluthgen et Knopfler, 2011). C’est un traitement d’exposition selon le rythme du client (Chemtob Nakashima et Carlson, 2002). Il a été conçu pour des interventions individuelles, mais peut aussi être mis en œuvre en petit groupe (Brown et al., 2017 ; Jarero, Artigas et Hartung, 2006) et comprend en général une à cinq séances (Brown et al., 2017). Il s’agit d’une méthode efficace pour fournir un traitement à un grand nombre de personnes après une catastrophe (Jarero, Artigas et Hartung, 2006). Cette intervention est amplement détaillée dans le livre de Shapiro (2017), qui contient des informations sur les protocoles et les techniques de ce type d’intervention.

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L’EMDR permet à l’évènement passé de devenir un simple souvenir sans les émotions et sensations négatives qui caractérisent la mémoire traumatique (Jarero, Artigas et Hartung, 2006). Le traitement standard comprend huit phases : historique, préparation, évaluation, désensibilisation, installation, scan du corps, fermeture et réévaluation (Adúriz, Bluthgen et Knopfler, 2011 ; Jarero, Artigas et Hartung, 2006). La première phase consiste en l’identification des traumatismes et de ses déclencheurs ainsi que les forces et ressources de l’individu (Jarero, Artigas et Hartung, 2006). La deuxième phase prépare la personne à la vitesse et la puissance de l’EMDR (Jarero, Artigas et Hartung, 2006). Ensuite, les phases trois à sept portent sur le traitement des souvenirs traumatiques (Jarero, Artigas et Hartung, 2006). Durant la phase trois, il est demandé à la personne d’identifier un souvenir traumatique ainsi que les pensées, sentiments, images et sensations ressentis à son sujet. Ensuite, la personne évalue la puissance perturbatrice de ce souvenir, soit la détresse subjective sur une échelle de 11 points (SUD, Subjective Units of Distress scale, Shapiro, 1995) (Chemtob Nakashima et Carlson, 2002 ; Jarero, Artigas et Hartung, 2006), tandis que les souvenirs négatifs et positifs sont identifiés et évalués sur une échelle de 7 points (Validity of Cognition Scale, VOC) (Chemtob Nakashima et Carlson, 2002). Puis, la phase quatre correspond à la désensibilisation durant laquelle les personnes assistent simultanément à une forme de stimulation bilatéralement (visuelle, auditive ou tactile). Plus précisément, des mouvements oculaires alternés sont souvent incorporés tout en demandant à la personne de se concentrer sur son souvenir traumatique (Brown et al., 2017 ; Chemtob Nakashima et Carlson, 2002 ; Jarero, Artigas et Hartung, 2006). Généralement, au moins 24 mouvements sont intégrés au traitement. Pour les jeunes enfants, ces mouvements oculaires peuvent être remplacés par des tapotements des mains (Chemtob Nakashima et Carlson, 2002). Les deux phases suivantes consistent à renforcer les façons positives de penser et de ressentir le souvenir et une autre phase de désensibilisation peut être fournie au besoin. La phase sept consiste en la clôture de l’intervention avec une attention portée aux imprévus et aux prévisions répétées une nouvelle fois à la dernière phase. Cette huitième phase est une réévaluation de l’expérience du client (Jarero, Artigas et Hartung, 2006). Ainsi, cela permet aux personnes de réinterpréter correctement les informations et de les emmagasiner de manières appropriées dans des réseaux de mémoires (Adúriz, Bluthgen et Knopfler, 2011). Finalement l’EMDR est empiriquement reconnue pour le traitement des manifestations de stress post-traumatique (Fernandez, Gallinari et Lorenzetti, 2003).

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Plusieurs études recensées (n=8) ont évalué l’efficacité de l’EMDR auprès de jeunes à la suite de catastrophes naturelles ou technologiques (voir le tableau en annexe). Dans le cadre de ces études, ce type d’intervention, offert en séances individuelles au sein d’établissements scolaires par des professionnels de la santé, a démontré son efficacité pour atténuer l’anxiété (Chemtob, Nakashima et Carlson, 2002 ; Tang, Yang, Yen et Liu, 2015), les manifestations de stress post-traumatique (Chemtob, Nakashima et Carlson, 2002 ; De Roos et al., 2011 ; Fernandez, 2007 ; Tang et al., 2015) et les symptômes dépressifs (Chemtob, Nakashima et Carlson, 2002 ; Tang et al., 2015). Cette intervention a également eu des résultats positifs sur la santé psychologique (manifestations de stress post-traumatique et symptômes post-traumatiques) des jeunes victimes d’une explosion d’usine lorsqu’elle celle-ci a été expérimentée dans un centre de santé (De Roos et al., 2011).

Bien que l’EMDR soit généralement offerte sous la forme d’une intervention individuelle, un protocole EMDR Integrative Group Treatment Protocol (IGTP) a été développé par l’Asociación Mexicana para Ayuda Mental en Crisis (AMECRISIS). Il combine les huit phases de traitement EMDR standard avec un modèle de thérapie de groupe. Une intervention EMDR-IGTP est une intervention immédiate après la catastrophe qui peut produire des réductions significatives de détresse chez les enfants (Jarero, Artigas et Hartung, 2006). En effet, plusieurs études (n=3) présentées dans l’annexe ayant utilisé ce protocole d’EMDR en petit groupe, à court terme après une catastrophe naturelle ou technologique, ont signalé non seulement une diminution de la détresse (telle que mesurée par l’échelle SUD), mais aussi des réductions significatives des manifestations de stress post-traumatique chez certains enfants et adolescents (Adúriz, Bluthgen, et Knopfler, 2011 ; Jarero, Artigas et Hartung, 2006 ; Jarero, Artigas, Montero et Lena, 2008).

Finalement, une variante du protocole classique nommé « câlin papillon » (traduction libre) a été créée initialement pour les jeunes enfants ayant été exposés à une catastrophe naturelle. Cette intervention utilisant le dessin est offerte en petit groupe (Fernandez et al., 2003). Ce protocole EMDR « câlin papillon » s’est révélé efficace pour diminuer la détresse psychologique et améliorer les comportements d’enfants âgés de six à 11 ans affectés par une catastrophe aérienne (Fernandez et al., 2003).

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