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1. INTRODUCTION

1.3. L’ŒSOPHAGE EN TANT QUE SECOND CANCER PRIMITIF

1.3.1. Considérations générales

Par définition, un second cancer primitif est une nouvelle tumeur primitive infiltrante diagnostiquée chez un individu déjà atteint par un cancer et qui n’est ni une récidive, ni une métastase, ni un cancer multifocal ou multicentrique [29].

Relativement peu d’études se sont penchées sur l’évaluation du risque moyen de survenue de SCP, toutes localisations de cancers confondues. Les résultats de ces quelques études montrent que le risque global variait via un SIR (ou Standardized Incidence Ratio) allant de 0,77 à 1,36 par rapport à la population générale, mais la majorité d’entre-elles montraient un risque significativement supérieur à 1. Pour la France, une étude menée par le réseau français des registres des cancers (FRANCIM) en 2012 a montré un risque de SCP supérieur de 40% par rapport au risque de cancer de la population générale (SIR = 1,4) [29]. D’après une étude américaine de référence en la matière (Curtis, 2006), l’augmentation du risque de second cancer par rapport au risque de cancer de la population générale était de 14% (SIR = 1,14). Bien que ce risque puisse être considéré comme « faible », ce pourcentage masque en réalité une hétérogénéité au niveau des 40 localisations étudiées. Par exemple, un cancer de la cavité buccale/pharynx ou du larynx en cancer initial révélaient respectivement des SIR de 2,45 et de 1,71 de développer un SCP. Par ailleurs, cette étude a montré que le développement d’un SCP en un site différent du premier était vu dans 80% des cas [9,29]. Il apparait donc que pour certains patients, selon la localisation du premier primitif, le risque de développer un SCP nécessite une attention particulière. Mais la localisation n’est pas le seul facteur de risque.

1.3.2. Les facteurs de risque de seconds cancers primitifs

Il existe divers facteurs de risque de développement de SCP qu’il convient de passer en revue :

l’âge au diagnostic : l’étude menée par Curtis, qui avait analysé le risque de survenue de SCP selon l’âge au diagnostic du premier cancer, a mis en évidence que le risque était d’autant plus élevé que cet âge au 1e cancer était jeune [29]. Il est d’ailleurs bien

31 établi dans la littérature que la population des cancers pédiatriques est à risque de cancers multiples.

la localisation du premier cancer : comme vu précédemment, les risques de SCP pour la cavité buccale et le pharynx ou encore le larynx montraient des SIR élevés (respectivement 2,45 et 1,71). Globalement, les patients les plus à risque de SCP sont ceux qui présentent un cancer des VADS et de l’œsophage (Curtis, 2006) [29].

la susceptibilité génétique : les cancers multiples peuvent entrer dans le cadre de syndromes génétiques (exemple du syndrome de Lynch ou HNPCC). Les cancers héréditaires représentent 5 à 10% de tous les cancers [29].

les thérapeutiques anticancéreuses : radiothérapie et chimiothérapie peuvent induire des tumeurs secondaires tardives, avec une latence inférieure à 8 ans pour les leucémies (surtout en post-chimiothérapie) et supérieure à 10 ans pour les tumeurs solides. Ce risque dépend de l’âge (les plus jeunes sont les plus à risque), des champs irradiés (pour la radiothérapie, certains organes sont dits radiosensibles, comme le sein, la thyroïde, le poumon) et des doses délivrées. Selon une étude américaine de 2011 (relatant la période 1973-2002), 8% des SCP seraient causés par la radiothérapie. Moins de 5% seraient imputables à la chimiothérapie (principalement des hémopathies) [29,31].

l’exposition alcoolo-tabagique : le tabac est le premier facteur de risque de cancer dans la population générale (poumon, haut et bas appareil urinaire, VADS, appareil digestif supérieur et inférieur, appareil génital féminin…) et le risque de SCP est fortement augmenté après apparition d’un cancer lié au tabac (cavité buccale, pharynx, œsophage, larynx, poumon) avec un SIR de 1,64. A noter également que le tabac possède une action indirecte sur l’accentuation du risque de SCP de par son interaction avec la radiothérapie. Concernant la consommation d’alcool, il apparaitrait que les patients buveurs atteints d’un premier cancer des VADS seraient soumis à une augmentation du risque de SCP de manière globale, mais particulièrement aux VADS à nouveau [29].

D’autres facteurs seraient également impliqués, tels que la surcharge pondérale (certains travaux ont conforté l’idée que l’obésité chez les femmes atteintes d’un cancer du sein est associée à une augmentation du risque de cancer du sein controlatéral, de l’endomètre et du

32 cancer colorectal), les traitements hormonaux, les infections et immunodépressions (une infection virale persistante comme l’HPV, le VIH, l’EBV ou le VHB et VHC pourrait contribuer à l’augmentation du risque de développer un SCP) [29].

Ces facteurs de risque doivent être portés à la connaissance de l’équipe de cancérologie, afin de les prendre en considération dans la planification de la prise en charge du patient (dépistage accentué en ayant une meilleure connaissance des cancers liés, orientation optimale vers des consultations d’oncogénétique, identification des sur-traitements, prévention et promotion du sevrage alcoolo-tabagique…) [29].

1.3.3. Particularités des SCP de l’oesophage

Il est bien documenté que l’œsophage, en tant que second cancer primitif, succède fréquemment à un premier primitif localisé aux VADS, du fait des facteurs de risque communs qu’ils partagent - tabac et alcool - spécialement pour le carcinome épidermoïde. Ainsi, lorsqu’un premier cancer concernait la cavité buccale (langue, bouche, amygdales) ou le pharynx (oro- et hypopharynx), le risque de développer un SCP œsophagien affichait un SIR de 16,3 pour l’étude de Curtis (2006) et de 18,6 pour une étude française menée par le registre du Bas-Rhin (Jégu, 2012), alors qu’il était respectivement de 4,2 et 9,8 pour ces deux études lorsque le premier primitif était localisé au larynx [9,13,29]. D’autres études, menées par les registres de cancers de Taiwan, montrent des valeurs élevées de SIR allant dans ce sens [11,32]. Concernant le poumon, une autre localisation à l’étiologie tabagique commune, le SIR était de 2,7 (Curtis, 2006) [9].

Premier site

Cavité buccale et pharynx Nasopharynx Larynx

Curtis (2006) 16,3 4,9 4,2 Lee (2009) 5,6 (cavité buccale) 14,3 (oropharynx) 22,8 (hypopharynx)

Chen (2011) 5,6 (cavité buccale)

Jégu (2012) 18,6 9,8

33 Concernant le pronostic des SCP œsophagiens, certaines études (Chen MC, 2010 et Chen PT, 2011) ont montré que ceux-ci possédaient un impact pronostic négatif significatif sur la survie des patients déjà atteints d’un cancer de la tête et du cou par rapport aux individus atteints d’un cancer tête et cou seul [32,33]. D’autres études (Lee, 2009) ont montré que les SCP de l’oesophage, après un cancer de la cavité buccale ou du pharynx, possédaient également un impact pronostic négatif significatif comparé aux SCP non œsophagiens, quel que soit le site du premier primitif (oropharynx, cavité buccale, hypopharynx) [11].

Quelques rares taux de survie des SCP de l’œsophage ont été retrouvés dans la littérature, notamment dans l’étude de Chen MC (2010) élaborée sur les données des registres de cancer de Taiwan, qui a mis en évidence une survie globale à 5 ans de 10,1%, qui différait selon la stratification par le site du premier primitif étudié : 6,8% pour un cancer buccal ou pharyngé (oro- ou hypopharynx), 10,0% pour un cancer du nasopharynx et 23,8% pour un cancer du larynx [33].

Malgré la paucité des études relatives aux SCP œsophagiens et à leurs pronostics, les résultats sur la survie tendent à montrer que ces derniers possèdent un impact négatif en comparaison des patients n’ayant pas développé de SCP, et plus néfaste encore que les SCP localisés ailleurs, quel que soit la localisation « tête et cou » du premier cancer relaté par ces études. En revanche, nous n’avons retrouvé aucune étude prenant en compte l’aspect histologique de ces seconds cancers primitifs de l’œsophage sur la survie.

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