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Chapitre 2 : Contexte et site d’étude

1. L’île de Mayotte et contexte d’étude

1.1. Caractéristiques et localisation géographique

L’île de Mayotte est un département français situé dans l’archipel des Comores dans l’Océan Indien, au Nord du Canal du Mozambique, entre Madagascar et le continent africain (Figure 14).

Figure 14. Localisation de l’île de Mayotte dans l’Océan Indien.

C’est une petite île volcanique datant de 8 millions d’années, la plus vieille de l’archipel des Comores. Elle est composée de deux îles principales (Grande Terre et Petite Terre) et d’une trentaine d’îlots d’origines volcaniques ou coralliennes. L’ensemble représente 374 km² de terres émergées. Mayotte est ceinturée par une barrière récifale de type « rubané » presque continue de 197 km de circonférence, dont une partie immergée au Nord de l’île de 40 km (Rolland et al., 2005) (Figure 15). La barrière récifale délimite alors un lagon de 1500 km², un des plus vastes lagons de l’Océan Indien, mais aussi un des plus riches en biodiversité. Le littoral et le lagon mahorais abritent plus de 2300 espèces dont 254 espèces de coraux durs, plus

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de 530 espèces de mollusques, 600 espèces de poissons, et 270 espèces d’algues. Cinq des sept espèces mondiales de tortues marines ont été recensées dans le lagon à Mayotte dont deux espèces s’y reproduisent et s’y alimentent toute l’année, la tortue verte et la tortue imbriquée. Le lagon abrite également 22 espèces de mammifères marins (cétacés et dugong) représentant 30 % des espèces de mammifères mondiales (Rolland et al., 2005; DINHUT et al., 2008).

Figure 15. Vue satellite de la barrière récifale bordant le lagon de l’île de Mayotte (source Géoportail).

D’un point de vue climatique, Mayotte est soumise à un climat tropical humide avec deux saisons fortement influencées par l’environnement maritime et la direction des vents. Les températures moyennes journalières varient en fonction des saisons entre 20 et 32°C et les précipitations sont abondantes avec plus de 1500 mm de pluies par an en moyenne. La saison des pluies ou « mousson » s’étend de novembre à avril. C’est l’été austral. Les vents provenant

du Nord de l’Océan Indien (dénommés localement Kaskasi et Miombéni) amènent des masses

d’air chaudes et humides (de 23 à 32°C), des pluies abondantes (70 % de la pluviométrie à l’année) et plus rarement des dépressions tropicales et des cyclones. La saison sèche et tempérée ou « d’alizés » s’étend entre juin et septembre. C’est l’hiver austral. Les vents provenant du Sud (Koussi et Matoulaï) assèchent l’air, diminuent les précipitations, et abaissent les températures (de 20 à 29°C). Ces deux saisons sont séparées par deux intersaisons plus brèves : avril-mai et octobre-novembre (Jeanson, 2009).

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1.2. Les mangroves à Mayotte

Mayotte fait partie de l’aire de répartition des mangroves Indo-Pacifique-Ouest, la plus riche en termes de diversité de palétuviers. Le littoral de Grande Terre est particulièrement découpé, sur une longueur totale de 265 km. Il est composé de falaises et de nombreuses anses sableuses formant des baies sablo-vaseuses au fond desquelles s’établissent des mangroves de fond de baie, en particulier sur les côtes Sud-Ouest de l’île (baie de Bouéni, de Kani-Kéli, de Chiconi) (Figure 16). Les mangroves se répartissent également sur le littoral, dans les zones protégées par les récifs coralliens. Les mangroves littorales ou de front de mer sont fréquentes sur la côte Nord-Est de l’île, comme par exemple à Tsoundzou, Kawéni, Majicavo et Miangani (Figure 16). En revanche la pointe Nord-Ouest de l’île est dépourvue de mangrove car les baies ne sont pas assez profondes et la côte n’est pas suffisamment protégée par la barrière de corail (Jeanson, 2009; Thongo, 2016) (Figure 16). Les mangroves de Mayotte s’étendent sur une surface totale de 735 ha (26 % du linéaire côtier) soit 120 sites de quelques dizaines de mètres carrés à presque 200 ha (Laulan et al., 2006; Thongo, 2016).

Les mangroves mahoraises sont colonisées par 7 espèces de palétuviers caractéristiques des mangroves de Madagascar et de l’Afrique de l’Est. Parmi les espèces présentes à Mayotte

Lumnitzera racemosa et Xylocarpus granatum sont les palétuviers les moins répandus, alors que Sonneratia alba en front de mer et les Rhizophoracées Rhizophora mucronata (dans 80 % des mangroves de l’île), Ceriops tagal et Bruguiera gymnorhiza plutôt en position interne, caractérisent la plupart des mangroves mahoraises. L’espèce Avicennia marina habituellement présente en bord de tanne est une espèce ubiquiste qui peut s’installer des mangroves pionnières aux tannes. Les 7 espèces sont constitutives des mangroves installées sur sol vaseux alors que les mangroves sur fonds rocheux sont dominées par seulement 3 espèces : S. alba, R. mucronata

et B. gymnorhiza (Thongo, 2016). Les mangroves sont bordées par l’arrière mangrove marécageuse et non salée.

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Figure 16. Répartition des mangroves (en vert) sur le littoral de l’île de Mayotte (modifié d’après (Laulan et al., 2006; Jeanson, 2009)). Le carré rouge représente le site d’étude à Malamani dans la Baie de Bouéni.

69 Les mangroves de Mayotte abritent une large diversité d’espèces d’oiseaux (13 espèces endémiques), de crustacés (15 espèces de crabes des mangroves), de mollusques (huitres fixées sur les S. alba et le gastéropode Terebralia palustris), de poissons (juvéniles pour la plupart) et de chiroptères (chauve-souris de petite taille et roussettes) (Abdallah and Eymard, 2012; Thongo, 2016).

1.3. Systèmes d’assainissement à Mayotte

L’île de Mayotte doit faire face à une forte croissance démographique depuis les années 80 (Figure 17).

Figure 17. Evolution de la population de l’île de Mayotte depuis 1958 au dernier recensement en 2017 (INSEE, 2017). La population municipale représente la somme des personnes résidant sur le territoire de Mayotte (2 îles) de nationalité française ou étrangère en situation régulière ou irrégulière.

En effet, la population mahoraise de 67 167 habitants en 1985 a presque été multipliée par quatre en 2017, avec désormais une population de 256 518 habitants (INSEE, 2017). De 2012 à 2017, la population s’est accrue de 3,8 % par an en moyenne, ce qui correspond à une hausse

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plus rapide qu’entre 2007 et 2012 (+ 2,7 % par an) (Figure 17). Mayotte est le département français ayant la plus forte croissance démographique et la plus forte densité des départements hors Ile de France avec 690 habitants au km² (INSEE, 2017). Cette explosion démographique est principalement liée à la natalité élevée (indice de fécondité de 5 enfants par femme (4,1 en 2012) contre 1,7 en métropole) et à une forte immigration illégale provenant des îles voisines (Comores, Madagascar) (INSEE, 2017). En 2016, 9 500 enfants sont nés à Mayotte, le plus haut niveau jamais enregistré, soit une augmentation de 45 % entre 2013 et 2016. Les ¾ de ces enfants ont une mère de nationalité étrangère (INSEE, 2017).

Cette explosion démographique entraîne un développement urbain important essentiellement sur le littoral et une hausse de la consommation totale en eau (170 m3 par habitants) et donc une augmentation de la quantité d’eaux usées domestiques (EUD) produite. Or Mayotte est confrontée à des problèmes fonciers, économiques et environnementaux ne facilitant pas la mise en place de systèmes d’assainissement conventionnels tels que des stations d’épuration des EUD. Le climat humide et tropical de l’île et le brassage par l’air marin corrodent les infrastructures collectives classiques (STEP) et leur entretien est couteux. De plus, les débits à infiltrer dans le sous-sol à l’échelle des STEP sont trop importants et nécessitent des surfaces d’infiltration non disponibles ou saturées en eau en saison des pluies. Enfin, le réseau hydrographique de Mayotte est peu développé, les débits des rivières sont faibles, particulièrement dans le sud de l’île, et interrompu quasi-totalement ou totalement en saison sèche.

L’assainissement à Mayotte est exercé depuis 1998 par les Syndicat Intercommunal d’Eau et d’Assainissement de Mayotte (SIEAM). Seulement deux stations d’épuration classiques ont été mises en place pour collecter et traiter les EUD de l’île, mais cela reste largement insuffisant pour assurer l’assainissement dans toute l’île. Le taux de raccordement des foyers à l’assainissement collectif ou semi-collectif est faible, 85% des habitations ne sont pas raccordées (Thongo, 2016). Les effluents des zones fortement urbanisées rejoignent les eaux souterraines ou de surface après un passage ou non dans une fosse. Seulement 6 % des 120 mini-stations d’épuration mises en places dans des lotissements sont aux normes et fonctionnent correctement (Thongo, 2016). Globalement, la plupart des EUD s’écoulent librement dans les rivières et les mangroves jusqu’au déversement dans le lagon sans réel traitement préalable. Ce qui entraine des conséquences dramatiques pour l’environnement, particulièrement pour la biodiversité du lagon, et pour la santé publique. Il est donc indispensable de traiter les EUD de

71 manière efficace afin de préserver durablement la qualité des eaux du lagon et de l’écosystème dans sa globalité.

Le 31 Mars 2011, l’île de Mayotte est devenue le 101ème département français. Suite à cette décision, Mayotte est rentrée dans l’Union Européenne en 2014 où elle a changé son statut de pays et territoire d’outre-mer contre celui de région ultrapériphérique (décision 2012/419/UE du Conseil européen le 17 Décembre 2013). Suite à son entrée dans l’Union européenne, l’assainissement des EUD à Mayotte est soumis aux mêmes législations et réglementations que la métropole. Mayotte a jusqu’au 31 décembre 2027 pour respecter les mesures exigées par la directive 91/271/CEE du Conseil de l’union européenne (directive européenne n°2013/64/UE) : équipement de toutes les agglomérations de l’île en systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires (EUR) et mise en place d’un traitement secondaire ou d’un traitement plus rigoureux des EUR avant leur rejet dans l’environnement. Pour remédier aux difficultés de traitement des EUD à Mayotte, et aux problèmes sanitaires et environnementaux engendrés, le SIEAM explore des techniques alternatives adaptables au contexte mahorais. Plusieurs communes ont installé des systèmes d’assainissement extensifs : 2 systèmes de lagunages naturels et 5 systèmes de filtres plantés. L’utilisation des mangroves comme exutoire pour les EUD traitées pourraient être une solution alternative efficace et applicable aux régions tropicales.