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Chapitre 2 : Contexte et site d’étude

2. Description du site d’étude

C’est dans ce cadre que depuis 2008, un projet pilote d’assainissement in situ associant le SIEAM et le laboratoire EcoLab (Toulouse) vise à valider le principe de l’utilisation de la mangrove de Malamani comme un exutoire pour le rejet d’EUD prétraitées par décantation-digestion. Le projet « Mangrove et Bioremédiation » a été mis en place afin de répondre à un double objectif dans le cadre de la thèse de Mélanie Herteman (2010) qui était : (i) évaluer les capacités épuratrices de la mangrove de Mayotte vis-à-vis d’EUD, (ii) valoriser et protéger cet écosystème à grande valeur écologique et patrimoniale, soumis à une forte pression anthropique.

Le site d’étude a été implanté dans la plus importante mangrove de Mayotte (182 ha), au Sud-Ouest de l’île dans la baie de Bouéni (Figure 16). Elle se développe en effet sur plus de 7 km de côte, du village de Poroani au nord jusqu’au-delà du village de Tsimkoura au sud, en passant par Malamani et Chirongui (Thongo, 2016). Sa largeur est variable et peut atteindre jusqu’à

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600 m au centre de la baie (Jeanson, 2009). Le village de Malamani est situé au bord de la mangrove, face à l’îlot de Karoni (Figure 18).

Figure 18. Localisation du village de Malamani et du site d’étude par rapport à la mangrove de la Baie de Bouéni (source Géoportail).

Depuis Avril 2008, les EUD d’un lotissement du village de Malamani représentent une charge journalière de 250 EqH sur la base de 45 g de DBO5.j-1 et 100 L.j-1. Elles sont collectées et stockées dans une unité de traitement primaire appelée le décanteur-digesteur (Figure 19) dans le but d’éliminer 50 % des MES correspondant à un abattement de la matière organique carbonée exprimée par l DBO5 de l’ordre de 30 %. Les eaux prétraitées par digestion anaérobie passent ensuite dans un bassin tampon servant de bassin de stockage (Figure 19). Puis les EUD sont acheminées par un réseau aérien de tuyaux vers deux parcelles de mangrove (45 m x 15 m chacune, soit 675 m²) dites « impactées », dominées soit par les arbres Rhizophora mucronata

(faciès R. mucronata) soit par les arbres Ceriops tagal (faciès C. tagal) (Figure 19 et 20a). Un volume de 10 m3 d’EUD (charge hydraulique 14,8 L.m-2.j-1) est alors déversé dans chacune des deux parcelles « impactées » par aspersion lente, au moyen de 3 rampes de tuyaux percés tous les 2 m, pendant une heure avant la marée basse afin de favoriser l’infiltration dans le sédiment et éviter l’écoulement direct dans le lagon. Les rejets sont effectués une fois par jour afin d’éviter un ennoiement trop important des terriers de crabes. Les eaux usées rejetées dans les parcelles de mangroves sont d’origine domestique mais elles peuvent être contaminées par des eaux de ruissellement en saison des pluies donc contaminés par des traces de métaux lourds et

Ilot Karoni Malamani

73 de pesticides. L’excédent d’EUD prétraitées est rejeté dans une troisième parcelle non suivi expérimentalement.

Figure 19. Acheminement des eaux usées du lotissement de Malamani vers la mangrove en passant par l’unité de traitement primaire (décanteur – digesteur) (a), puis le tanne (b), avant le déversement dans chacune des parcelles impactées du faciès C. tagal (c) et R. mucronata (d). Les flèches bleues indiquent le cheminement des eaux usées.

Lotissement de Malamani

Décanteur - Digesteur

Facies C. tagal FaciesR. mucronata

b

c d

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Figure 20. Représentation du dispositif expérimental de distribution des eaux usées domestiques prétraitées dans les faciès de mangrove C. tagal et R. mucronata, par des tuyaux (en noir), (a) d’Avril 2008 à Octobre 2015 (I : parcelle impactée, T : parcelle témoin) et (b) d’Octobre 2015 à aujourd’hui (I – I : parcelle impactée avant et après Octobre 2015, I – T : parcelle impactée avant Octobre 2015, ne recevant plus les rejets à partir de Octobre 2015, T – I : parcelle témoin avant Octobre 2015 et impactée après Octobre 2015, et T – T : parcelle témoin avant et après Octobre 2015).

Rhizophora mucronata Ceriops tagal T T I I Lagon 50 m

a

Rhizophora mucronata Ceriops tagal T - I T - T I - I I - T Lagon 50 m

b

T - T I - T I - I T - I

75 Depuis le lancement des rejets, les deux parcelles impactées sont comparées à deux parcelles témoins ne recevant pas les rejets dans chaque faciès de végétation (Figure 20a). Chaque parcelle impactée est espacée de sa parcelle contrôle de 15 m permettant d’éviter les écoulements des rejets entre les deux parcelles. Les parcelles du faciès R. mucronata sont à environ 400 m du lagon (Figure 20a). Les parcelles du faciès C. tagal sont légèrement plus éloignées du lagon, à environ 500 m, elles sont alors moins soumises au balancement des marées (53 minutes d’immersion par jour pour C. tagal et 4,3 heures par jour pour R. mucronata) (Figure 20a). Ce faciès est plus dense que le faciès R. mucronata, il constitué d’arbres C. tagal rabougris au développement plus lent que les arbres de la même espèce dans les mangroves continentales et caractérisés par un feuillage plus jaune que les arbres R. mucronata (se référer aux photos des deux espèces d’arbres, Figure 19).

Toutes les mesures, les analyses et les expérimentations ont été conduites dans chacune des parcelles impactées et témoins afin d’une part, de comparer les capacités épuratrices des deux faciès de végétation et d’autre part d’évaluer les éventuels impacts des rejets d’eau usées domestiques sur ces faciès. Pour cela, depuis Avril 2008, cinq collecteurs de litière ont été installés dans chaque parcelle pour suivre la production des feuilles, des fleurs et des fruits de palétuviers dans les deux faciès de végétation. La structure de la végétation a été étudiée dans 4 quadras d’analyses de 25 m² chacun par parcelle pour le faciès R. mucronata, et dans 5 quadras de 4 m² chacun par parcelle pour le faciès C. tagal. Huit quadras (de 1 m²) ont également été délimités dans chaque parcelle pour suivre la population de crabes. Enfin, quinze piézomètres (de 2 m de profondeur) ont été répartis dans le site d’étude pour caractériser l’hydrologie.

La thèse de Mélanie Herteman (2010) a permis de mettre en évidence la capacité épuratrices de la mangrove de Malamani exposée à des EUD prétraitées pendant 18 mois. Les EUD sont en partie absorbées par les palétuviers, ce qui s’est traduit par une augmentation de la croissance des arbres. En contact avec les EUD, les processus de nitrification et de dénitrification dans les sédiments ont été montrés actifs dans l’élimination de l’azote mais variables selon le faciès de végétation. La structure des communautés de crabes, essentiels dans la réalisation de ces processus, a été modifiée à court-terme par les EUD. De plus, elles ont induit une accumulation du phosphore en profondeur et une infiltration de nitrate dans les eaux de nappe.

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