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L’évaluation de la mémoire épisodique

II. LA MEMOIRE EPISODIQUE

3. L’évaluation de la mémoire épisodique

3. L’évaluation de la mémoire épisodique

3.1. Les techniques « classiques » d’évaluation

L’évaluation de la mémoire est une tâche essentielle de la neuropsychologie clinique. Celle de la mémoire épisodique doit particulièrement prendre en compte les dires et les ressentis des patients en plus des tests objectifs. En effet, cette mémoire occupe une place prépondérante dans le quotidien. Les tests sont généralement proposés pour confirmer ou infirmer les troubles décrits par le patient. Il s’agit également de définir si les troubles mnésiques sont isolés ou s’ils font partie d’un tableau pathologique plus complexe.

L’évaluation mnésique d’un patient revient à examiner quels sont les processus atteints et ceux préservés. Les tests cherchent donc à évaluer davantage tel ou tel processus mais il est impossible de trouver des tâches mnésiques mobilisant des systèmes « purs ». Il existe trop d’interactions entre les différents processus, qu’ils soient mnésiques, exécutifs ou attentionnels pour prétendre n’en évaluer qu’un seul. Lors de l’examen, le thérapeute propose préférentiellement plusieurs tâches mnésiques faisant appel à différents processus. Il tente alors d’identifier la contribution des mécanismes en jeu pour chaque tâche et peut déterminer, par comparaison, ceux qui sont altérés.

Classiquement, la mémoire épisodique s’évalue grâce à des tâches de rappel libre, rappel indicé et reconnaissance. Elles se composent de 2 temps : une phase d’apprentissage (ou encodage) et une phase de récupération des informations. Le rappel libre consiste à la restitution des informations présentées précédemment sans aucune indication pour guider le rappel. En revanche, dans le rappel indicé, l’examinateur accompagne les réponses du sujet en lui proposant des facilitations qui peuvent être de différentes natures : phonologiques, sémantiques, etc. La phase de reconnaissance peut se présenter sous 2 formes différentes. Dans un premier cas, le sujet doit retrouver les items cibles parmi une liste de distracteurs (sémantiques, phonologiques, etc.). Dans le second cas, l’examinateur présente au sujet un certain nombre d’items et celui-ci doit indiquer s’ils étaient présents lors de la phase d’encodage (oui/non ou vrai/faux).

De nombreuses épreuves ont été créées selon ces conditions, dans lesquelles le patient doit rappeler une liste de mots avec plus ou moins de liens sémantiques. Ces derniers permettent une catégorisation lors de l’encodage et de la restitution. Selon cette même modalité verbale, on retrouve également des tests de rappel de récit, qui permettent d’analyser la richesse des souvenirs lors du rappel libre. La modalité visuo-spatiale est également évaluée mais toujours selon les mêmes conditions : apprentissage puis rappel d’une figure ou d’une liste de signes. Toutes ces épreuves permettent de tester la mémoire

40 épisodique explicite mais elles sont assez restrictives au vu de la définition actuelle de cette mémoire.

Avec les évolutions des recherches dans ce domaine, de nouvelles formes d’épreuves ont vu le jour.

3.2. Les nouvelles techniques d’évaluation

Une des tâches de mémoire épisodique implicite la plus décrite est celle du complètement de mots. L’examinateur présente plusieurs mots en apprentissage incident, le sujet n’est pas prévenu qu’il devra rappeler les mots (par exemple : « moustique »). Plus tard, pendant une phase dite d’amorçage, le sujet est amené à complété des triplets de lettres par des mots qui lui viennent à l’esprit (par exemple : « mou… »). L’effet de priming ou d’amorçage se traduit par le fait que les sujets complètent préférentiellement les triplets avec les mots entendus précédemment. Cela permet donc d’évaluer les processus inconscients de mémorisation. Cependant, il est encore une fois difficile d’affirmer que seuls les processus automatiques sont activés. En effet, lors de la phase d’amorçage, les sujets peuvent se rappeler qu’ils ont entendu une liste de mots, faire le rapprochement entre ces 2 étapes et activer ainsi des processus conscients de récupération.

Pour séparer les processus conscients et automatiques, Jocoby (1991) (cité par Meulemans & al., 2003) a établi la Procédure de Dissociation des Processus (PRP). Cette procédure cherche à « séparer et quantifier la contribution des processus

automatiques et contrôlés impliqués dans une même tâche cognitive ». Pour cela, il s‘appuie

sur la tâche de complètement de mots décrite précédemment à laquelle il apporte quelques modifications :

- Dans un premier temps, le sujet doit compléter le triplet de lettres par le mot vu précédemment ; s’il n’y arrive pas, il doit le compléter par le premier mot qui lui vient à l’esprit. Dans ce cas, les processus automatiques et contrôlés vont dans le même sens.

- Dans un second temps, le sujet doit compléter de nouveaux triplets de lettres mais cette fois par le premier mot qui lui vient à l’esprit excepté celui vu précédemment. Les processus agissent cette fois dans le sens contraire. Le sujet doit utiliser les processus contrôlés pour retrouver le mot entendu en phase d’étude pour l’inhiber et dire un autre mot. S’il n’arrive pas à retrouver le mot en question, il aura tendance à l’énoncer car les processus automatiques seront mis en jeu.

41 Cette technique a donc un intérêt certain pour dissocier les 2 types de processus. Cependant, d’un point de vue théorique, on peut lui reprocher de partir du postulat que les processus automatiques et contrôlés sont totalement indépendants l’un de l’autre. Pour d’autres auteurs, les processus contrôlés seraient un sous-ensemble des processus automatiques de telle sorte que les informations récupérées de manière consciente le seraient d’abord de façon automatique.

Enfin, une approche subjective et de nature introspective a été développée par Gardiner et al. (2001) : le paradigme Remember/Know (R/K). Comme nous l’avons vue précédemment (PARTIE A.I.1.3), cette procédure est basée sur la distinction des états de conscience proposée par Tulving (1985) entre le « remembering » (se souvenir) et le

« knowing » (savoir, sentiment de familiarité). On demande au sujet d’estimer

qualitativement la nature des opérations mentales qu’il met en place au moment de la restitution d’une information. Ce paradigme est rarement utilisé en rappel libre ou indicé. La majorité des études l’ont observé lors des tâches de reconnaissance dans lesquelles les processus automatiques sont davantage sollicités. Ainsi, dans une tâche de reconnaissance de type oui/non, le sujet doit exprimer de quelle façon il se souvient de l’item : « R » pour le souvenir réel de l’item et « K » pour un sentiment de familiarité, sans souvenir du contexte d’acquisition. Les réponses « R » peuvent être assimilées aux processus contrôlés décrits dans le PDP. En revanche, il n’en va pas de même pour les réponses « K » qui ne correspondent pas exactement à l’activation des processus automatiques.

3.3. L’évaluation de la mémoire autobiographique

Il existe 3 grandes catégories de tests évaluant la mémoire épisodique (Piolino, 2003) :

- Les mots-indices : pour chaque mot le sujet doit évoquer, par oral ou par écrit, un souvenir spécifique qui lui vient à l’esprit puis le dater. On parle de rappel libre car aucun exemple de souvenir n’est donné. Si le souvenir n’est pas assez spécifique, l’examinateur peut juste être amené à le recentrer. On cherche à apprécier particulièrement l’épisodicité et la richesse du souvenir.

- Les questionnaires : le sujet doit évoquer 3 événements spécifiques par période demandée par l’examinateur (souvent 3 à 5 périodes différentes selon les tests). A la différence des mots-indices, des indications lui sont proposées pour cibler son champ de

42 recherche. L’examinateur va évaluer la spécificité de l’événement et de son contexte spatio-temporel.

- Les fluences verbales : elles permettent d’évaluer les versants épisodiques et sémantiques de la mémoire autobiographique. Le sujet doit énumérer le plus d’informations possible en un temps donné. Ces informations sont réparties en 2 catégories : des événements précis pour l’aspect épisodique et des noms de personnes de l’entourage pour l’aspect sémantique. Il doit répéter cette opération pour 3 périodes données de sa vie. L’avantage de cette procédure est sa durée qui n’excède pas 30 minutes en moyenne.

En s’appuyant sur l’évolution de la définition de la mémoire autobiographique, les nouveaux tests cherchent à évaluer la spécificité de l’événement rappelé mais également son contexte spatio-temporel d’acquisition. Le sujet est donc amené à faire un « voyage mental dans le temps », comme il est décrit dans la mémoire épisodique. Leur objectif est également de faire la distinction entre les souvenirs épisodiques et sémantiques dans ce qui est rappelé par le sujet. Pour cela, le paradigme Remember/Know (décrit précédemment) a été introduit dans certaines épreuves. Les réponses « R », associées à la conscience autonoétique correspondent à des spécificités épisodiques. En revanche, les réponses « K » sont basés sur un sentiment de familiarité sans possibilité de retrouver le contexte spatio-temporel de l’événement et reflètent les capacités de mémoire sémantique. De plus, l’analyse de la richesse du discours avec la présence ou non de détails perceptivo-sensoriels et émotionnels est indispensable pour déterminer la part de l’épisodicité des souvenirs.

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