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L’évaluation de l’éducation prioritaire

1. Une politique publique volontariste aux résultats incertains

1.2. L’évaluation de la politique d’éducation prioritaire

1.2.2. L’évaluation de l’éducation prioritaire

ƒ Les évaluations internes

La DEP, dans l’indicateur 5 de L’état de l’École28, donne une appréciation prudente :

26 Éducation et Formation n° 61, octobre-décembre 2001, pages 111 à 140, Les collégiens de ZEP à la fin des années quatre-vingt-dix : caractéristiques des élèves et impact de la scolarisation en ZEP sur la réussite.

27 Ibid. page 25.

28 L’état de l’École n° 15 (édition 2005) pages 28-29.

« Les acquis des élèves de l’éducation prioritaire sont sensiblement moindres que ceux de leurs camarades.

Ainsi, à la fin du collège, il apparaît qu’un quart d’entre eux (25,7 %) ne maîtrise pas ou mal les compétences générales correspondant aux objectifs des programmes, 15,2 % les maîtrisant bien ou très bien. Les proportions sont pratiquement inverses dans le reste de l’enseignement public.

De tels écarts tenant pour une large part à des différences de recrutement social, il ne faut pas en déduire une appréciation négative des effets de la politique d’éducation prioritaire. Seule l’évolution de cet écart dans le temps peut permettre de porter un jugement à ce sujet. Les résultats des évaluations effectuées ces dernières années montrent justement qu’entre élèves de ZEP et les autres, les écarts sont restés du même ordre, alors que les établissements de l’éducation prioritaire connaissaient une concentration croissante de difficultés sociales et scolaires. Dans ces zones, il n’y a donc pas de dégradation relative des acquis des élèves, alors que les conditions sociales et scolaires s’y sont, elles, dégradées. »

La DEP a toujours admis la corrélation forte entre les PCS d’une part, le retard scolaire d’autre part et les résultats scolaires. C’est sur cette base qu’est calculée la valeur ajoutée des établissements du second degré.

Plus encore que les résultats scolaires, ce sont les voies d’orientation qui différencient le plus les élèves défavorisés et donc l’éducation prioritaire.

La DEP, dans le n° 66 d’Éducation & Formations, souligne que si les inégalités sociales devant l’école ont diminué, « des disparités sociales importantes persistent, cependant, en particulier devant l’orientation : l’impact des disparités sociales se renforce tout au long de la scolarité, dès l’entrée en primaire les écarts se creusent, les sorties du système éducatif sans qualification concernent principalement les enfants des familles défavorisées, les choix d’options et les ambitions diffèrent selon le milieu social, les orientations en fin de troisième sont marquées socialement, les accès au baccalauréat sont différenciés selon le milieu social d’origine, les choix de filières du supérieur sont très hiérarchisés selon l’origine sociale, même à niveau scolaire équivalent »29.

Le Conseil d’analyse économique du Premier ministre, souligne que « les inégalités de cursus se sont dans une large mesure substituées aux inégalités d’accès, et que les différentes filières du bac jouent le rôle différenciateur exercé antérieurement pour l’accès au bac »30.

Enfin, les inspections générales ont insisté sur l’analyse qualitative qu’il fallait faire de la diminution significative du redoublement, y compris et surtout dans les établissements de l’éducation prioritaire. Faut-il y voir « le désarroi d’une institution qui laisse passer à l’ancienneté » (IGAENR, rapport annuel pour 2002), ou l’amélioration des acquisitions scolaires ? De nombreux chercheurs ont insisté sur le rapport complexe qu’il y avait entre le cheminement des élèves de classe en classe et l’effectivité des acquisitions.

La DESCO a produit en avril 2003 un bilan 1999-2002 des contrats de réussite. En s’appuyant sur les indicateurs ICOTEP de la DEP, elle retient comme indicateurs de l’évolution des résultats des élèves deux types d’indicateurs : « le taux d’accès de troisième en seconde et l’indice relatif aux acquis des élèves, à savoir les différences de scores globaux entre les élèves relevant de l’éducation prioritaire et les autres ». Elle relève par ailleurs que

29 Éducation & Formations, n° 66, 2003, L’École réduit-elle les inégalités sociales, p. 177-185.

30 Rapport n° 45, janvier 2004, p. 189 et suivantes.

les indicateurs qui « soulignent le rapport à l’institution, soit le retard scolaire et l’absentéisme », vont dans le bon sens.

Dans son bilan des contrats de réussite 1999-2002, elle reprend les interrogations des académies et adopte un propos assez ambigu sur les résultats scolaires.

Des résultats scolaires constants en moyenne mais contrastés dans le détail :

« Des résultats en demi-teinte en ce qui concerne les résultats scolaires « stricto sensu », les informations étant trop lacunaires. Il est à signaler que dans quelques cas, des REP enregistrent des progrès significatifs tendant à prouver la force de l’effet établissement. Une analyse au sein de chaque REP serait à mener pour éviter le découragement. Il est à noter que la stagnation des résultats intervient lorsque l’environnement social se dégrade.

La forte mobilité des élèves tout au long du cursus rend souvent difficile aussi bien l’évaluation des dispositifs mis en œuvre, que l’appréciation des résultats individuels ou collectifs. Cependant, le maintien voire l’amélioration des résultats scolaires, dans un contexte où d’évidence tous les indicateurs se sont détériorés, montre de manière empirique, certes, que l’effet éducation prioritaire est opératoire. »

La circulaire du 1er septembre 2003 conseille pour l’évaluation des contrats de réussite l’utilisation des indicateurs ICOTEP bâtis par la DEP (indicateurs communs pour un tableau de bord de l’éducation prioritaire) et une annexe propose quelques indicateurs locaux.

Au plan local, les recteurs interrogés en 2005 distinguent en général trois critères principaux.

Tout d’abord les acquis scolaires et la réussite scolaire tels qu’ils apparaissent à partir des évaluations nationales (évaluation CE2 et 6ème) et de la réussite aux examens. Certains précisent que c’est la réduction des écarts entre l’EP et le hors EP en la matière qui est pertinent. Les critères de réussite les plus fréquemment cités sont les résultats aux épreuves écrites du DNB et les résultats de l’évaluation 6ème.

Ensuite la qualité de la vie scolaire et des conduites sociales mesurée par une diminution constatée des conduites déviantes et des actes d’incivilité, une meilleure capacité à exercer sa citoyenneté et la réduction de l’absentéisme.

Enfin la qualité de l’orientation, la fluidité des parcours, l’insertion socio-professionnelle et la prévention des ruptures.

Mais si l’on examine les travaux des académies qui ont mis en place des tableaux de bord de l’éducation prioritaire on constate qu’ils ne fixent pas d’objectifs de performance en tant que tels mais qu’ils détaillent :

– des indicateurs de publics (CSP, retards scolaires, nationalité) ;

– des indicateurs de réussite ou de niveau scolaire tirés de la collecte et de l’exploitation des résultats détaillés des évaluations 6ème et de l’exploitation des notes aux épreuves écrites du DNB ;

– des indicateurs de poursuite d’étude, d’orientation et de réussite au baccalauréat et au CAP BEP.

Les situations de rupture (décrochage, sorties sans diplôme) et les indicateurs de vie scolaire sont absents.

Il est patent de constater que les académies qui ont été soumises au contrôle de la Cour des Comptes se sont astreintes à un travail d’analyse plus poussé de leurs performances.

ƒ Les évaluations externes

Revue française de pédagogie, n° 140 (2002) et n° 146 (2004)

La Revue française de pédagogie, publiée par l’Institut national de recherche pédagogique, a produit en 2002 et 2004 31, deux articles très substantiels sur La recherche en éducation et les ZEP en France. Il s’agit de deux notes de synthèse, d’un volume global de plus de cent pages, la première intitulée Politique ZEP, objets, postures et orientations de recherche, la seconde Apprentissages et exercice professionnel en ZEP : résultats, analyses, interprétations. Ces textes mettent en évidence les avancées théoriques et méthodologiques des recherches, avancées largement provoquées par la résistance de l’objet ZEP, « objet empirique protéiforme (…) dans lequel se mêlent de façon quasi inextricable différentes dimensions qui sont chacune tout à la fois problème social, question politique et objet de recherche ».

Étude de l’INSEE : Zones d’éducation prioritaire : quels moyens pour quels résultats ? (2004) Les auteurs partent du principe que « pour évaluer l’impact de la politique des ZEP, comparer la réussite des élèves dans les établissements en ZEP et les autres à partir des caractéristiques observées ne suffit pas ».

Les zones prioritaires sont en effet choisies parce qu’elles rassemblent une population plus défavorisée qu’ailleurs et que les résultats scolaires y sont plus faibles : un effet contextuel spécifique, existant avant la mise en œuvre de la politique de zones prioritaires, est probable et n’est peut-être pas appréhendé économétriquement à partir des variables utilisées. Une estimation directe agrègerait alors l’impact recherché et l’effet contextuel.

Cette endogénéité des ZEP doit être traitée. Elle l’est ici par la procédure des « différences des différences », qui permet de neutraliser l’effet contextuel qui précède la mise en place des zones prioritaires, sous l’hypothèse que ce dernier demeure stable au cours du temps. A partir de données constituées de deux panels d’élèves entrés en sixième en 1980 et en 1989, et suivis pendant toute leur scolarité, il apparaît alors difficile de révéler un effet significatif du programme ZEP sur la réussite des élèves sur la période 1982-1992 (Économie et statistique n°

380, 2004, pages 3-34).

La Cour des comptes dans le référé sur le Contrôle de la gestion de l’éducation prioritaire L’enquête menée par la Cour des Comptes a concerné huit académies (Aix-Marseille, Créteil, Lille, Lyon, Orléans-Tours, Versailles, Guadeloupe et Martinique), ainsi que l’administration centrale du ministère et différents partenaires de la politique éducative.

Dans les limites de ces investigations, la Cour a constaté l’hétérogénéité des publics visés, l’imprécision de la détermination des objectifs ainsi que des lacunes dans la connaissance des moyens mis en œuvre, et des résultats obtenus…

Sur l’évaluation des résultats, la Cour reprend les analyses de la DEP, admet que « la mesure de la valeur ajoutée d’une politique telle que l’Éducation prioritaire est nécessairement très complexe, puisqu’il est impossible de raisonner toutes choses égales par ailleurs, comme si

31 Revue française de pédagogie, n° 140, juillet-août-septembre 2002 et n° 146, janvier-février-mars 2004.

les conditions économiques, sociales et culturelles de la zone d’éducation prioritaire n’avaient pas évolué ».

ƒ Un nouveau contexte d’évaluation depuis 2005 : les indicateurs LOLF et la circulaire de relance de l’éducation prioritaire (cf annexe 6)

Les indicateurs LOLF qui viennent d’être retenus pour l’éducation prioritaire sont les suivants. Dans le programme enseignement scolaire public du premier degré (140) figurent les finalités suivantes :

« L’égalité des chances est un principe fondateur du système éducatif français. La politique d’éducation prioritaire en est une des expressions les plus ambitieuses. Elle concerne un élève sur cinq. La politique mise en œuvre en faveur des ZEP (zones d’éducation prioritaire) et des REP (réseaux d’éducation prioritaire) conduit à une différence de traitement pour compenser un déséquilibre reconnu, lié à la concentration de populations qui partagent certaines caractéristiques (essentiellement sociales et souvent culturelles) en relation avec une plus grande vulnérabilité face aux exigences scolaires.

L’objectif central est ici de renforcer la prévention des difficultés et, à terme, d’améliorer les résultats scolaires par des actions éducatives et pédagogiques sur les besoins des élèves ; les objectifs et les programmes sont ceux de toutes les écoles primaires. »

Objectif 2 (du point de vue du citoyen et de l’usager) : accroître la réussite scolaire des élèves en zone difficile et des élèves à besoins éducatifs particuliers.

– Indicateur n° 1 : écarts ZEP-REP et hors ZEP-REP des proportions d’élèves maîtrisant les compétences de base en français et en mathématiques (indicateur à construire, disponible pour le PLF 2008).

– Indicateur n° 2 : rapport entre ZEP-REP et hors ZEP-REP, des proportions d’élèves entrant en 6ème avec au moins un an de retard.

– Indicateur n° 3 : écart des taux d’encadrement (E/C) (nombre d’élèves par classe) en ZEP-REP et hors ZEP-ZEP-REP (indicateur indisponible, première estimation pour le PLF 2007).

Le programme du second degré (141) ne prévoit pas de finalités de l’éducation prioritaire.

En revanche, comme celui du primaire, il comporte un objectif 2 similaire (du point de vue du citoyen et de l’usager) : Accroître la réussite scolaire des élèves en zone difficile et des élèves à besoins éducatifs particuliers.

– Indicateur n° 1 : écarts ZEP-REP et hors ZEP-REP des proportions d’élèves maîtrisant en fin de collège, les compétences de base en français et en mathématiques (indicateur à construire).

– Indicateur n° 2 : écart des taux de réussite au brevet en ZEP-REP et hors ZEP-REP.

– Indicateur n° 3 : écart des taux d’encadrement (E/D) en ZEP-REP et hors ZEP-REP (indicateur indisponible, première estimation pour le PLF 2007).

Programme 230 : vie de l’élève.

Objectif 4 : Contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des élèves.

– Indicateur n° 2 : Pourcentage des fonds sociaux utilisés par les établissements en ZEP-REP rapporté au pourcentage d’élèves en ZEP-ZEP-REP (disponible pour le PLF 2007).

– Indicateur n° 3 : Proportion de personnels d’assistance sociale exerçant en ZEP-REP rapporté au pourcentage d’élèves en ZEP-REP.

Ces programmes sont repris dans le document de politique transversale (DPT) Inclusion sociale (projet de loi de finances pour 2006)32, dont le ministre chef de file est le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, qui rassemble la stratégie globale de la politique d'inclusion sociale, et qui a pour objectif de démontrer la cohérence entre les objectifs des différents programmes et permettre le débat budgétaire.

La circulaire du 30 mars 2006 sur les principes et modalités de la politique d’Éducation prioritaire dispose que le comité exécutif mène l’évaluation « qui se fonde notamment sur un baromètre de la réussite scolaire s’appuyant sur la maîtrise de la lecture, la progression dans l’acquisition du socle commun, l’amélioration des résultats aux évaluations nationales et au diplôme national du brevet, le respect du règlement de l’établissement et la poursuite d’études ».

La plupart des indicateurs de mesure de la performance sont encore à construire, il est probable qu’ils seront modifiés après la mise en œuvre du socle commun, et la relance de l’Éducation prioritaire (EP1 et EP2). La LOLF s’est arrêtée à des indicateurs très simples de réduction des écarts EP/hors EP sur les acquis scolaires de fin d’école primaire et du DNB, et sur des indicateurs d’effort budgétaire, et non pas d’efficience (écart des taux d’encadrement).

Aucun indicateur de poursuite d’études des élèves de ZEP n’a été forgé. Aucun indicateur de développement de la mixité sociale n’a été mis en place.