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Conditions pour une relance pédagogique de l’éducation prioritaire

2. La pédagogie en éducation prioritaire : un équilibre difficile à

2.3. Conditions pour une relance pédagogique de l’éducation prioritaire

2.3.1. À l’école, aider les enseignants à améliorer leurs pratiques, individuellement et collectivement

De manière générale, les ZEP ne manquent pas de moyens et l’amélioration de l’efficacité pédagogique ne peut être attendue d’une augmentation des ressources allouées.

Il faut exploiter les marges de progrès qui sont bien réelles et pour cela, d’abord, parvenir à améliorer, voire à transformer, certaines pratiques pédagogiques. À cette fin, il semble nécessaire de travailler dans trois registres : faire évoluer de manière significative des conceptions fortement ancrées chez les inspecteurs, les conseillers pédagogiques et les enseignants, doter encadrement et enseignants d’une culture didactique plus solide, aider les équipes pédagogiques jusque dans des aménagements pratiques de leur travail (organisation du temps de l’apprentissage, choix d’outils, mise en place de dispositifs de différenciation, travail collectif).

Il faut aussi accorder plus d’attention à la situation des directeurs d’école (recrutement et formation) et favoriser un investissement plus soutenu des inspecteurs et des équipes de circonscription dans les écoles en ZEP, pour que l’aide nécessaire aux équipes pédagogiques soit apportée en temps opportun. Ce soutien doit aller aux enseignants qui, à titre individuel, ont besoin d’être épaulés mais il doit aussi favoriser la construction d’une cohésion d’équipe.

C’est à cette condition que la cohérence didactique et pédagogique des enseignements sera mieux organisée, que la continuité des parcours scolaires individuels, surtout ceux des plus fragiles, sera mieux assurée ; c’est aussi une nécessité pour que la prise en charge éducative des élèves, référée à des repères communs, leur permette d’acquérir des règles de comportement et de parvenir à une prise en charge d’eux-mêmes de plus en plus autonome.

Mais, il faut surtout inlassablement lutter contre la croyance implicite en des déterminismes et faire évoluer les représentations restrictives que l’on se fait trop souvent des possibilités de réussite des élèves des zones d’éducation prioritaire.

Faire évoluer les conceptions qui organisent l’enseignement

– relatives à l’équilibre entre les temps clés de l’apprentissage : les phases de recherche et de manipulation, les moments de construction et de structuration des notions et d’identification des procédures efficaces (conditions du transfert des acquisitions), les activités systématiques visant l’entraînement et l’automatisation des acquis ;

– relatives à la différenciation et à l’évaluation, en évitant un trop grand nombre d’évaluations sous des formes sophistiquées, leur quantité et leur complexité les rendant inexploitables ;

– relatives à la part de transmission dans l’enseignement des disciplines, trop souvent dévalorisée : on peut lutter contre la représentation citée plus haut (les élèves n’ont pas de culture, on ne peut travailler la découverte du monde), en conduisant les maîtres à

« enseigner » davantage.

Renforcer la culture didactique de l’encadrement et des maîtres

– Approfondir la connaissance des processus de lecture et des modalités de construction de ces processus ; éclairer plus précisément ce que « travailler la compréhension » veut dire ; conduire les enseignants à ne pas différer ni délayer le temps de l’apprentissage de la lecture car la lecture acquise permet beaucoup d’autres apprentissages, ce qui signifie les aider à choisir des modalités adaptées de travail en fonction des acquis des élèves.

– Aider à analyser les présupposés didactiques sur lesquels sont construits des manuels afin que l’encadrement puisse utilement conseiller les équipes pédagogiques et que les maîtres puissent choisir des outils en connaissance de cause et ajouter les activités complémentaires indispensables (c’est essentiel en lecture – surtout au cycle 2 – et en mathématiques).

– Travailler la didactique du langage oral à tous les niveaux, et en priorité à l’école maternelle, en accordant une attention particulière aux besoins particuliers des populations pour lesquelles « la langue de l’école » est éloignée de la langue habituellement pratiquée.

– Développer les pratiques d’écriture et convaincre de l’importance des activités de production, y compris par dictée à l’adulte ; dans ces pratiques d’écriture, situer et peut-être revaloriser la place de la copie (et des exigences purement graphiques), la place et les formes de la dictée.

– Aider à concevoir les enseignements disciplinaires en relation avec la maîtrise de la langue, et en faire des supports pour un élargissement de l’univers de référence et de la culture des élèves.

Aider les équipes pédagogiques

– À élaborer un projet d’école qui soit vraiment conçu comme la résolution des problèmes identifiés en priorité par référence aux résultats des élèves, et bien articulé au « contrat Ambition-réussite » ou au « contrat d’objectifs scolaires » ;

– À organiser une solide continuité des enseignements (construire des progressions de cycle et annuelles, situer des évaluations pertinentes) et à gérer les parcours scolaires individuels, en particulier grâce à une bonne utilisation du livret de compétences ; – À concevoir et mettre en place des dispositifs de travail souples qui permettent de

pratiquer une réelle différenciation adaptée aux besoins des élèves, en mobilisant de manière fructueuse les personnels en appui (maîtres spécialisés, enseignants supplémentaires, assistants pédagogiques, etc...) ;

– À restaurer l’unité et renforcer la densité du travail en classe ; veiller à la pertinence des interventions extérieures et à la limitation des sorties qui doivent être mieux insérées dans la trame des apprentissages ;

– À organiser deux moments clés des séquences pédagogiques : présenter aux élèves, y compris à l’école maternelle, les attentes et la finalité des activités et, en fin de séquence, mettre en évidence les acquis, notionnels et procéduraux, pour faciliter leur transfert ;

– À instaurer des rituels qui amènent les élèves à travailler dans la sérénité : au-delà des aspects matériels (entrée en classe, règles de prise de parole, maîtrise des postures, organisation de l’environnement de travail par chacun, etc...), il s’agit de mettre en place des dispositifs – formes de travail régulières, règles de comportement, moments de régulation – qui aident chacun à mieux assumer son rôle d’élève ;

– À établir et renforcer le lien avec les parents, si c’est nécessaire en sollicitant des médiateurs : dès l’école maternelle, expliquer ce que fait l’école et comment les familles peuvent soutenir et renforcer cette action ; rencontrer, par exemple, les parents pour la remise du livret scolaire.

Mobiliser davantage les directeurs et les équipes de circonscription pour un encadrement pédagogique de proximité

– Mettre en place des procédures particulières pour le recrutement des directeurs des écoles relevant des réseaux ambition-réussite : leurs capacités à organiser et animer la réflexion collective sur le projet de l’école et la continuité des parcours scolaires individuels, à gérer les relations avec l’environnement et, surtout, avec les parents sont des facteurs clés de cohérence de l’action et de cohésion de l’équipe pédagogique.

– Préserver la disponibilité des inspecteurs et des conseillers pédagogiques en évitant la surcharge de tâches et de missions annexes. Moduler la répartition départementale des conseillers pédagogiques en privilégiant les réseaux ambition-réussite surtout s’ils accueillent un nombre important de néo-titulaires de première ou deuxième année.

– Favoriser une mutualisation des ressources entre circonscriptions, en particulier pour l’animation pédagogique et la formation continue, au bénéfice des écoles en ZEP.

– Mobiliser l’encadrement sur les liaisons entre école maternelle et école élémentaire, entre école élémentaire et collège pour créer les conditions d’une bonne continuité des parcours scolaires, en particulier pour les élèves en difficultés (travail en commun sur des sujets didactiques, documents-passerelles, personnels travaillant en interface, etc.).

– Organiser des séminaires de travail, des rencontres entre les directeurs d’école, les équipes de circonscription et les personnels du second degré (principaux de collège, IA-IPR), l’échelle territoriale de ces rencontres étant appréciée en fonction du nombre de ZEP. Veiller à ce qu’ils puissent accéder de manière prioritaire à des actions de formation continue.

2.3.2. Au collège, favoriser la cohérence de l’enseignement Huit propositions visant la classe

Pédagogie : Faire évoluer les conceptions relatives à la conduite de cours, au rapport entre les phases de recherche et de manipulation, les moments de construction et de structuration des notions et des procédures et les activités systématiques (phases d’entraînement et d’automatisation des acquis).

Sens de l’enseignement : Faire évoluer les conceptions relatives à la transmission du sens et de la culture dans l’enseignement des disciplines, souvent dévalorisée au profit de manipulations, de transmissions technicistes, de savoir faire ponctuels, de savoir être ; il faudrait sans doute conduire les professeurs à « enseigner davantage ».

Maîtrise de l’écrit : Reprendre dans toutes les disciplines la réflexion et la formation sur la maîtrise de l’écrit, en réception et en production, comme outil premier du parcours scolaire, qui garantit les apprentissages, la mémorisation, et qui est nécessaire dans pratiquement toutes les situations d’évaluation à l’école.

Maîtrise des codes scolaires : Reprendre dans toutes les disciplines la réflexion et la formation sur la maîtrise des codes sociaux et scolaires de l’oral, comme un des principaux facteurs d’échec scolaire et de discrimination sociale.

Maîtrise des comportements scolaires : Dans la classe, élaborer en commun les rituels d’entrée en classe, de mise au travail, le système de punitions et de récompenses, les formes d’évaluation, les modalités et évaluation du travail personnel, afin que l’élève soit confronté à un système cohérent, identifiable, compréhensible. Faire percevoir la continuité entre la classe et le collège : la justice, le respect des règles, le respect des personnes sont des exigences de chaque classe, et de l’ensemble du collège, portées par une communauté cohérente d’adultes, professeurs, CPE, équipe de direction. Les élèves, qui ne sont pas dupes de la médiocrité de leur parcours scolaire, respectent un établissement qu’ils ressentent comme exigeant et ambitieux.

Logique des disciplines : Aider à concevoir des liens constants entre les disciplines, sans recourir nécessairement à des organisations lourdes type PAE, IDD, interdisciplinarité, etc..., mais en mobilisant en permanence les connaissances et les activités des différents cours pour que l’élève saisisse l’unité des enjeux scolaires.

Évaluation : Reprendre la réflexion et la formation sur l’évaluation, en utilisant de façon explicite vis à vis des élèves, de leurs parents, de l’équipe administrative l’évaluation formative, l’évaluation sommative, l’évaluation référée à une norme nationale.

Communication avec les élèves et leurs parents : Expliquer aux élèves, de la sixième à la troisième, les attentes et la finalité des enseignements et des activités conduites. Établir et renforcer le lien avec les parents en présentant pour chaque discipline les enjeux de l’année et le travail personnel attendu, en faisant des temps de bilan (conseils de classe, transmission des bulletins trimestriels) de véritables moments de dialogue.

Quatre propositions visant le travail des corps d’inspection

Au moment où on parle de plus en plus d’inspections d’équipes pédagogiques et de mutualisation des expériences, les inspecteurs ont un rôle de premier plan à jouer dans la mise en cohérence, au sein d’un collège, et dans l’ensemble des collèges EP1 de leur secteur,

– des attitudes (concertations, échanges de pratiques, avis positif sur les possibilités d’apprendre des élèves),

– des modes d’organisation du collège (aide à la réflexion sur l’aménagement d’emplois du temps, sur la constitution des classes ou des groupes),

– des modalités d’enseignement (aide à la réflexion sur les phases individuelles et collectives, orales et écrites, de découverte et de structuration dans une séance, sur le travail en classe et hors temps scolaire, sur l’évaluation).

Leur attention doit en particulier se porter sur les domaines suivants :

Définition des besoins de formation : Les inspecteurs aident à identifier, dans la discipline et pas seulement au niveau de la gestion de la classe et des individus, les aspects du cours sur lesquels une réflexion et une formation doivent être menées. Il leur revient d’interroger sur les résultats obtenus, sur le plan du rapport au travail, mais également sur le plan d’une meilleure compréhension de l’enseignement dispensé.

Accompagnement des enseignants : Les professeurs expriment leurs besoins d’un compagnonnage : l’expérience de l’un peut servir à l’autre, l’échange sur des difficultés similaires permet de dédramatiser une situation pour en professionnaliser l’analyse, le partage des expérimentations et la réflexion commune sur les résultats obtenus garantissent de l’isolement et du découragement. Les inspecteurs ont à jouer leur rôle dans l’impulsion de ces temps de parole et de rencontre.

Adaptation des programmes et des rythmes d’apprentissage : c’est dans la gestion des tensions entre respect des programmes et prise en compte des rythmes d’apprentissage spécifiques que la présence des inspecteurs sur le terrain des ZEP est la plus nécessaire. L’enseignant peut ne pas oser ralentir trop, reprendre des fondamentaux, au prétexte qu’il doit respecter le programme. Il peut aussi, en raison des difficultés de ses élèves, renoncer aux exigences du programme. C’est alors dans le dialogue avec l’inspecteur de discipline qu’il peut trouver l’équilibre recherché.

Vigilance concernant le socle commun et le livret de compétences : Les inspecteurs apportent leur aide, cette fois de façon transdisciplinaire, dans la mise en œuvre du livret de compétences qui garantit, dans le déroulement du parcours scolaire de l’élève, que le socle commun est en voie d’acquisition.