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La connectivité constituant le vecteur de la transmission de la donnée, matière première essentielle au développement de l’IA, cette deuxième partie de l’étude a permis d’observer l’évolution des ventes des différents types de produits de la maison connectée. Outre la mesure quantitative des équipements connectables dans les foyers, il s’est avéré essentiel de compléter l’étude par une analyse plus qualitative afin d’évaluer la réalité de la connectivité. En effet, les appareils commercialisés, dit connectables, ne sont pas obligatoirement connectés et, bien souvent, encore moins utilisés. Ce constat sera nuancé selon les familles de produits.

Sur la base de ces analyses, il a été dressé un bilan des tendances observées en termes de :

• Vitesse de pénétration des produits connectables ;

• Fonctionnalités et usages ;

• Intégration de l’IA.

2.1. L’évolution des marchés des produits connectables

L’abondance de la donnée dépendant du degré de connectivité du produit, il a été défini quatre niveaux taxonomiques1 permettant de distinguer la réalité de ses différents états :

Niveau 1 : Produit standard n’intégrant pas la fonction connectivité ;

Niveau 2 : Produit connectable mais pas nécessairement connecté par le consommateur ;

Niveau 3 : Produit réellement connecté sans utilisation de la connectivité ;

Niveau 4 : Produit connecté et connectivité utilisée.

Ce sont bien sûr les niveaux 3 et 4 qui permettent de générer de la donnée, surtout ce dernier qui permet une exploitation optimisée de l’IA.

2.1.1. Analyses par type de produits

Les analyses ont été réalisées sur la base d’une sélection représentative de produits emblématiques, notamment le lave-linge, le téléviseur, le smartphone et les assistants vocaux. Grâce aux sources statistiques fournies par le cabinet GFK, dont la décomposition des ventes sur chacun des quatre quartiles, il a été possible de mettre en évidence que la fonction connectivité était principalement intégrée dans les produits haut de gamme voire milieu de gamme, notamment en électroménager.

Des points saillants qui se dégagent de cette étude, on retiendra les principaux :

• Le cas du lave-linge : Le marché 2019 représente un volume de 2,76 millions lave-linges vendus dont 16,50

% sont connectables au global (30% sur le 4ème quartile), 7% connectés et moins de 1% utilisés. Ce dernier taux relatif à l’utilisation de la connectivité du lave-linge atteint moins de 3% dans le 4ème quartile. Par comparaison à l’étude de 2017, on observe ici que les prévisions de ventes avaient été largement surestimées. Les projets de généralisation de la connectivité planifiés à l’horizon 2020 ont été majoritairement reportés à l’horizon 2025, voire au-delà. Cette situation reflèterait le déficit d’intérêt des consommateurs qui ne percevraient pas les avantages et bénéfices offerts par la connectivité dans les produits électroménagers. Ceci indique à l’évidence qu’un lourd effort de pédagogie sera nécessaire afin d’atténuer ces perceptions négatives alors que les fonctionnalités de l’IA peuvent représenter un potentiel de progrès sensibles, notamment en termes d’aide à l’utilisation, à l’entretien ainsi que la maintenance ;

• Le cas du téléviseur : Le volume de ventes de téléviseurs connectables a continué de progresser pour atteindre plus de 45% des 4,1 millions d’unités vendues en 2019. Ce taux monte à 90% dans les produits haut de gamme du 4ème quartile. Plus globalement, on observe que 36% du parc des téléviseurs étant directement connectés à internet, il représente une source potentielle de données exploitables par l’IA ;

• Le cas du smartphone : Les ventes de smartphones neufs se situent aux alentours de 20 millions d’unités en 2019, dont plus de 7,3 millions via la distribution (source GFK). Par construction, un smartphone étant connectable et sa connectivité utilisée, il est donc un vecteur de remontées considérables de données utiles dans les calculs de l’IA ;

• Le cas des assistants vocaux : Lancées sur le marché français fin 2017, les enceintes connectées intégrant des assistants vocaux représentent un volume de vente de près de 1,2 millions d’unités en 2019 avec une progression de 7 % par rapport à l’exercice 2018 (source GfK). Malgré un taux de pénétration encore limité

1 Méthode de classification logique et structurée de manière évolutive. Cette approche s’est avérée nécessaire pour analyser la réalité de l’utilisation de la connectivité par le consommateur.

en France (11 % des internautes possèdent une enceinte connectée selon l’étude HADOPI-CSA de 20192), le marché des assistants vocaux, dominé par les GAFAM, constitue un très fort potentiel de génération de données pour l’IA. Cette perspective sera de facto renforcée par l’intégration d’assistants vocaux dans les produits en complément des enceintes connectées.

L’analyse de l’ensemble de ces cas a confirmé l’importance d’observer le poids et la place que vont occuper dans la filière les GAFAM qui seraient prêts, selon les témoignages recueillis, à vendre à marge réduite, voire à perte, ces véritables hubs que sont les assistants vocaux. Cet aspect, avec toutes ses facettes d’analyse, avec toutes ses contradictions, avec toutes ses faiblesses mais aussi avec toute son importance stratégique, est approfondi dans le § 4 de cette synthèse.

2.1.2. Généralités et tendances observées

La vitesse de pénétration de la connectivité

En synthèse des analyses des ventes de produits connectables depuis 2017, le tableau ci-dessous permet d’observer l’évolution du poids économique des produits connectables :

CA Global 2017 Taux Connectable 2017 (en valeur)

CA Global 2019 Taux Connectable 2019 (en valeur)

Téléviseurs 1 990 63,00 % 1 955 71,00 %

Smartphones & &Téléphone mobiles 7 408 100,00 % 7 349 100,00 %

Wearables1 319 74,00 % 481 58,00 %

PC & Tablettes 3 093 100,00 % 2 857 100,00 %

Electroménager 9 101 3,60 % 9 603 4,46 %

Santé 194 7,70 % 208 9,60 %

Domotique 159 58,00 % 178 73,00 %

1La famille « wearable » comprend trois types de produits : Smart watches, Health & fitness trackers et Wrist sport computer.

Tableau 1 : Tableau des chiffres d’affaires en millions € et taux de commercialisation de produits connectables (source GfK)

Ces éléments mettent en lumière ce qui pourrait ressembler à une certaine « inertie » du marché ; hormis le secteur de la domotique qui progresse de 58 % à 73 % de produits connectables, on peut également observer une constante augmentation du taux de pénétration des téléviseurs connectés.

L’évolution des fonctionnalités et usages :

Au-delà de l’analyse quantitative de la connectivité, l’étude a permis de mettre d’en évidence une double finalité d’exploitation des données qui alimentent l’IA pouvant être intégrée au produit :

• D’une part, celle que l’on pourrait qualifier de finalité marketing visant la recherche de valeurs ajoutées d’un produit et de ses services associés centrées sur le consommateur (§ 4.1);

• D’autre part, une finalité technique grâce au monitoring du produit, à distance ou en présentiel, offrant de multiples possibilités d’aide à la maintenance préventive, notamment l’entretien, curative voire prédictive (§ 4.2).

L’étude de l’existant permet déjà de soulever de nombreuses questions comme celles portant sur les impacts énergétiques de la connectivité, la pertinence et la fréquence d’analyse des données, leur sécurisation et l’exploitation qui en est faite. Tous ces points pouvant être amplifié par l’arrivée la 5G et ses capacités d’ultra-connectivité.

L’intégration de l’IA :

En amont de la filière professionnelle, on peut constater l’intensité des activités des laboratoires de R&D et des services marketing des constructeurs qui s’emparent des technologies de l’IA dans le cadre prioritaire de la définition, de la conception et de la fabrication des produits. Au-delà de l’objectif marketing et de la maintenance des équipements évoqués ci-dessus, qui seront développés en § 4, les applications de l’IA visent des objectifs clairs de rationalisation et d’optimisation des processus et de l’outil industriel.

A cet endroit, nombre de nos interlocuteurs ont mis en avant les objectifs relatifs à l’amélioration constante de la qualité de leur produit, gage de fiabilité et, par conséquence, d’un minimum de problèmes SAV à gérer en aval. Ce

2 https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Thema-Toutes-les-etudes-realisees-ou-co-realisees-par-le-CSA-sur-des-themes-specifiques/Les-autres-etudes/Etude-HADOPI-CSA-Assistants-vocaux-et-enceintes-connectees

discours se traduit dans les faits puisque les taux de pannes observés diminuent réellement sur le terrain, notamment depuis cette dernière décennie. Les efforts réalisés par les constructeurs devraient avoir une conséquence directe sur la durabilité des produits (cf. amélioration de la qualité et applications d’assistance au consommateur en termes d’utilisation et d’entretien) mais il n’a pas été possible, à date, de discerner les éventuels impacts en termes de réparabilité. Pour l’heure, il reste des interrogations sur la partie écoconception susceptible de faciliter le diagnostic des dysfonctionnements et l’accès aux composants.

2.2. Les évolutions et impacts sur la réparation 2.2.1. La nature des dysfonctionnements

Les pannes exogènes au produit :

L’étude ADEME de 2017 portant sur « L’impact du développement des produits connectés sur la réparation, les compétences et la formation » avait permis d’identifier l’émergence de nouvelles formes de dysfonctionnements liées à l’environnement d’un produit connecté. Ce constat s’est confirmé au cours de ces dernières années et il apparaît clairement que la maintenance de niveau 1 est devenue un enjeu majeur pour les acteurs du SAV, tant sur le plan économique et environnemental (cf. temps perdu, déplacements inutiles, etc.) que commercial en termes de satisfaction consommateur (qualité de service, rapidité d’intervention, image, notoriété, etc.).

Bien qualifier la réclamation du client, discerner la vraie de la fausse panne et résoudre rapidement un problème, nécessitent pour les acteurs du SAV de renforcer leurs moyens existants et/ou de développer de nouveaux outils exploitant l’IA, notamment les chatbots.

La maintenance de niveau 1 de concentre donc une grande partie des efforts et des investissements mobilisés, notamment dans les services chargés de la relation consommateur (centres d’appels - hotline - services en ligne) qui mettent en œuvre des moyens importants pour fluidifier les processus et automatiser les solutions. Ce point sera développé plus loin dans le § 4.

Les pannes endogènes au produit :

Au cours de la dernière décennie, le nombre de pannes endogènes au produit s’est considérablement réduit dans toutes les grandes familles « brun, blanc et gris ». Pour exemple, le taux de pannes réelles (endogènes) d’un téléviseur est de l’ordre de 1 % à 3 % quand celui constaté dans le domaine de l’électroménager se situe aux alentours de 5,5 %. Quant aux produits gris, ce taux serait de l’ordre de 1 % ou légèrement plus, et une très forte majorité de dysfonctionnements causés par le système d’exploitation ou les logiciels. Quelle que soit la famille de produits, on observe que les taux de pannes peuvent être bien supérieurs dans le segment low cost d’entrée de gamme.

2.2.2. Les outils de maintenance

Les travaux menés au cours de l’étude ont permis d’identifier les défis majeurs à relever afin d’adapter les moyens de diagnostic et de réparation face à la croissance de la connectivité et l’émergence de l’IA dans les équipements de la maison connectée. On retiendra ici les trois principaux :

Le défi de la relation client : Comme évoqué ci-dessus, le maillon sensible de la chaîne du SAV, celui de la prise en charge de l’accueil et de la demande du client, soit physique (magasin, atelier, etc.), soit à distance (centre d’appel), doit faire l’objet de la plus grande attention. Les progrès à réaliser s’avèrent d’autant plus stratégiques dans notre société où la caisse de résonnance des réseaux sociaux peut exercer une influence déterminante sur les comportements des clients.

Dans ce nouveau contexte, on observe un renforcement de la stratégie « consumer centric » qui révèle l’importance des enjeux de la qualité de service dont celui des centres d’appels pour les doter des outils nécessaires (Scripts et algorithmes de diagnostic, notices d’emploi, logiciels de maintenance, assistance technique…). Parmi ces développements, on observe le développement des robots conversationnels (chatbots) dont l’introduction se fait avec plus ou de moins de réussite sur le terrain. Eu égard aux nombreux déboires du consommateur lors de son échange avec le « conseiller virtuel », au téléphone ou en ligne sur internet, il apparaît que les progrès à réaliser restent très importants ;

Le défi de l’accès à l’information technique : L’extrême diversité des types de produits à traiter, sans cesse amplifiée par l’innovation technologique et l’accélération de la commercialisation de nouveaux produits, implique un accès fluide et rapide aux sources d’informations techniques. C’est une condition sine qua none pour réaliser un diagnostic fiable et effectuer une intervention efficace. Cet enjeu étant devenu majeur pour les acteurs du SAV en quête du Graal, les plus puissants d’entre eux ont déjà investi, avec plus ou moins de succès, dans la structuration de bases de données et logiciels « systèmes experts ». Ces efforts se poursuivent avec l’espoir que les solutions IA permettent enfin de déboucher sur une amélioration sensible en termes de fiabilité et d’efficacité ;

Le défi de l’efficacité de la réparation : Au-delà des compétences de base requises pour exercer son métier et de l’accès à l’information technique, dont la documentation technique du produit, le technicien doit disposer de deux autres moyens considérés comme nécessaires et incontournables :

1. La disponibilité d’une « caisse à outils » adaptée, composée notamment des matériels de mesure et diagnostic que sont l’ordinateur et le multimètre numérique ;

2. L’accès à la pièce détachée (matérielle et logicielle).

En complément de ces moyens, on peut observer que l’évolution de l’environnement des produits connectés et l’émergence de l’intégration de l’IA n’affectent pas fondamentalement la composition de sa caisse à outils hormis l’importance croissante de la pièce détachée dite « immatérielle » (logiciels) et de la formation nécessaire pour comprendre et appréhender efficacement les produits et systèmes connectés, point traité ci-après.

2.2.3. L’évolution des besoins de compétences

En appui de l’étude, la réalisation d‘un rapport technique sur la connectivité et la résolution des dysfonctionnements (cf. annexe 3 du rapport d’étude) a permis d’étayer les analyses et alimenter les réflexions sur les besoins de compétences. Objet central de l’étude de 2017, les nouveaux travaux n’ont pas révélés d’évolution particulière si ce n’est la confirmation de renforcer, en particulier, les compétences dans les domaines suivants :

• La relation clientèle, tout particulièrement la qualité de la communication avec le consommateur à chacune des étapes du SAV ;

• Les techniques de connectivité et leur complexité amplifiée par la grande diversité des environnements, des configurations de produits et de la multiplicité existantes des protocoles.

Outre ce défi de développement de compétences transversales, celui de l’acquisition de compétences spécifiques liées à un produit reste très important. C’est ici un point de vigilance dans la mesure où l’accès des personnels de SAV a reculé sur la dernière décennie (Au sein des entreprises de moins de 11 salariés, moins de 6% ont été formés en 2018 contre près de 20% en 2008). Quant aux grandes entreprises, l’absence de statistiques fiables ne permet d’évaluer le niveau d’investissement dans les compétences des personnels techniques.

En termes de ressources humaines, seul le secteur de l’électroménager connaît une forte tension avec un déficit de techniciens de maintenance en électroménager (le besoin s’exprime par centaines de postes à pourvoir). Ce phénomène se trouve amplifié par l’insuffisance chronique d’investissements dans l’accueil et la formation professionnelle de jeunes aux métiers du SAV. A cet endroit, il a été constaté la déception partagée par de nombreux chefs d’entreprises regrettant l’inadaptation du système de formation initiale, notamment du BAC PRO Systèmes Numériques qui ne répondrait pas à leurs besoins malgré un flux considérable de près de 9 000 étudiants/an.

Cependant, on observe le dynamisme du développement de la pépinière de jeunes professionnels, conseillers services et techniciens, formés par la voie de l’apprentissage avec une croissance de plus de 42 % entre les promotions 2015-2016 (169 apprentis) et 2019-2020 (241 apprentis). Ce vivier s’avérant insuffisant, il conviendrait ici de promouvoir les métiers du SAV et de stimuler les chefs d’entreprises pour développer encore l’apprentissage.

3. L’état du secteur de la réparation des équipements de la maison