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L’IA appliquée à la maintenance curative, préventive et déjà prédictive des objets connectés

4. L’impact de l’intelligence artificielle sur la durabilité et la réparabilité des

4.2. L’IA appliquée à la maintenance curative, préventive et déjà prédictive des objets connectés

4.2.1. Les données au fondement d’une meilleure compréhension des usages des consommateurs et du fonctionnement des équipements

Dans les années à venir, le volume de données numériques générées et stockées à travers le monde devrait connaître une croissance exponentielle : presque quadrupler entre 2020 et 2025, et être multiplié par 45 d’ici à 2035. Ainsi, les constructeurs et leurs partenaires ont et auront accès à des volumes de données toujours plus importants, émis par les appareils de plus en plus équipés de capteurs émetteurs et récepteurs de données. Cette collection massive de données permise par l’IoT, combinée à l’utilisation des nouvelles technologies de data science et de l’intelligence artificielle, permettront d’étudier et mieux comprendre les usages des consommateurs, et les comportements des équipements en réponse à ces usages.

Avant de pouvoir les exploiter grâce à l’IA, il s’agit dans un premier temps de les sélectionner, de les capter, de les rendre accessibles et de les qualifier. C’est là l’un des principaux défis actuels pour les fabricants et distributeurs du marché de l’électrodomestique. C’est le croisement de toutes les données issues de l’ensemble du parc d’équipements à travers le monde qui va permettre ensuite l’élaboration d’algorithmes, traduisant : d’une part les usages habituels, et ceux plus sporadiques, des consommateurs ; d’autre part les comportements « normaux » d’un équipement, et « anormaux » lorsque survient une panne.

Ces données locales en provenance des équipements connectés vont ensuite être traitées, selon deux niveaux de temporalité :

• Les données traitées en amont, puis a posteriori : pour générer au départ les algorithmes de l’IA, puis pour les optimiser au fil de l’eau et accroître la connaissance, à la fois du fonctionnement des équipements et des usages des utilisateurs.

• Les données traitées en temps réel : pour optimiser le fonctionnement de l’équipement et réagir automatiquement durant l’utilisation.

Les enseignements tirés de ces analyses permettront à l’avenir de mieux anticiper et caractériser les pannes et dysfonctionnements rencontrés par les produits, et d’accompagner les consommateurs en amont et en aval de la panne. Cependant, les données opérationnelles techniques (données d’utilisation et de fonctionnement émises par l’appareil durant sa vie) ne pourront être comprises et utiles aux réparateurs qu’avec un accès aux données

référentielles techniques associées, détenues par les constructeurs ou exploitants de ces données, et clé de lecture nécessaire à l’exploitation de ces données. Ces informations techniques viendront compléter la traditionnelle documentation technique spécifique à l’équipement déjà utilisée par les acteurs de la réparation.

4.2.2. Anticiper et mieux caractériser les pannes et dysfonctionnements

Après les services aux consommateurs, la maintenance est le domaine dans lequel l’apport potentiel de l’IA est le plus prometteur. Les applications de l’IA dans le domaine de la maintenance pourront être de plus en plus anticipatrices de la survenance des pannes et dysfonctionnements. Par ailleurs, lorsque la panne ne pourra pas être évitée, l’IA permettra à la maintenance d’être beaucoup plus efficace, autant en termes de maintenance préventive que de maintenance curative (résolution des problèmes). L’IA pourrait permettre de répondre à plusieurs difficultés rencontrées par le secteur de la réparation face au développement de la connectivité dans l’électrodomestique, en ayant notamment un apport de valeur pour les sujets suivants : qualification des pannes et dysfonctionnements ; amélioration logistique des tournées de réparateurs ; gestion des pièces détachées ; accès à l’information technique pour les réparateurs.

Applications actuelles et prospectives de l’IA sur la réparation des équipements connectés

La maintenance curative assistée par IA

Dans un premier temps, l’IA trouve des applications pour optimiser la maintenance non-automatisée, dont la donnée d’entrée est la sollicitation d’un utilisateur (type réclamation auprès d’un SAV ou appel à un réparateur).

On observe aujourd’hui des utilisations d’IA de niveau 1, via par exemple les chatbots qui se multiplient, notamment au sein des produits Gris et des centres d’appel SAV. Ils sont principalement utilisés en amont du diagnostic détaillé, pour effectuer un pré-diagnostic en support du SAV afin d’identifier le type de panne concernée, et ainsi faire un premier tri pour les professionnels du SAV. Ceux-ci seront ensuite en mesure de répondre aux demandes et pannes qui nécessitent une intervention ou un accompagnement à la résolution.

Les technologies au cœur du fonctionnement des chatbots rencontrent encore des difficultés au niveau de l’identification et la classification des termes employés par les utilisateurs (NLP/NLU), qui limitent pour le moment leur compréhension et donc leur champ d’application. Si l’on parvient à résoudre ces difficultés, on devrait observer dans les années à venir une tendance forte au développement des chatbots qui permettront de résoudre les pannes simples et exogènes, laissant la résolution des pannes plus complexes et endogènes aux réparateurs.

On observe également l’utilisation de chatbots par certains spécialistes de pièces détachées grand public pour aider les utilisateurs à réaliser un autodiagnostic à distance, puis à réparer eux-mêmes leur produit après leur avoir fourni la démarche à suivre et la bonne référence de pièce à remplacer. Deux types de données sont récoltées pour enrichir les chatbots d’autodiagnostic : les données produit et les données d’utilisation du produit.

Au-delà des chatbots, sur de plus en plus d’équipements connectés, notamment dans l’électroménager, l’IA permet déjà de réaliser des diagnostics à distance. Via notamment des applications téléchargeables sur smartphone, ces appareils connectés se focalisent sur plusieurs aspects :

• Le confort d'utilisation et l'assistance au consommateur ;

• L'assistance technique à distance en cas de dysfonctionnement ;

• La consommation optimisée d'énergie (électricité et eau) ;

• La commande automatisée (consommables type lessive, alimentaire).

La maintenance préventive personnalisée

On connaît aujourd’hui au sein du marché des équipements électrodomestiques des systèmes de maintenance préventive génériques, à l’image des notices d’utilisation pour aider l’utilisateur à entretenir correctement son équipement électroménager. Or, l’IA permet aujourd’hui de franchir un cap supplémentaire en couplant ces conseils et indications génériques d’entretien aux données spécifiques propres à l’utilisation particulière qui peut être faite de l’équipement. L’ère de la maintenance préventive personnalisée s’ouvre. Ce type de maintenance saura ainsi détecter l’empreinte d‘une utilisation et usages spécifiques, et donner des conseils préventifs adaptés à cette utilisation, de manière régulière. Cela doit permettre une utilisation optimale de l’équipement, pour allonger sa durée de vie en évitant autant que possible les pannes. Ce type de fonctionnalité intégrée dans les produits électroménagers peut s’avérer d’autant plus important qu’un mauvais entretien génèrent en moyenne entre 30 % et 50 % des pannes selon les familles de produits. Cependant, la question de l’acceptabilité de la connectivité et de l'accès aux données par le consommateur est fondamentale pour permettre la réussite de ce type de maintenance. Les exemples se multiplient chez les constructeurs, surtout sur l’électroménager.

La maintenance prédictive

Enfin, au-delà de l’entretien correct d’un équipement, l’IA est surtout adaptée pour une toute nouvelle forme de maintenance : la maintenance prédictive. Celle-ci va se concentrer sur les signaux avant-coureurs d’une panne, de façon à en avertir l’utilisateur pour qu’il puisse agir avant que l’équipement ne tombe effectivement en panne.

Cette maintenance prédictive se matérialise par l’édition de relevés réguliers de l’état de fonctionnement et de santé de l’équipement connecté. Si le système doté d’IA capte des signaux anormaux avant-coureurs d’un dysfonctionnement, un diagnostic et des actions correctives sont envoyées à l’utilisateur pour y remédier et empêcher la panne effective. Le fabricant est informé des pannes qui surviennent sur son parc d’équipement, pour une amélioration continue.

Ces dernières années, la maintenance prédictive a déjà fait son apparition pour assurer la continuité de fonctionnement des équipements industriels. A l’avenir, suivant cet exemple les nouvelles générations d’équipements électrodomestique pourraient également intégrer des puces électroniques capables de prédire une panne avant que celle-ci ne survienne effectivement. Cependant, un développement massif de ce type de maintenance dans l’électrodomestique ne semble pas être pour tout de suite. Le marché présente un manque d’appétence par manque de ROI positif pour compenser les investissements importants nécessaires à la mise en place d’un tel système de maintenance assistée par IA, d’autant plus au vu de la tendance de réduction des pannes en raison de produits de plus en plus fiables. Un autre frein à un ROI positif semble être aussi celui de la quantité et de la fréquence très rapide de commercialisation de nouveaux produits.

L’IA pour optimiser le remplacement des pièces détachées

De manière prospective, l’IA aura également un rôle à jouer dans l’optimisation du processus de remplacement des pièces détachées : trouver l’exacte pièce adéquate (correspondant à la version du produit en fonction de son n° de série) et disponible, au bon moment. Cette recherche optimisée et anticipée de la bonne pièce de rechange améliorera par ricochet l’efficience des tournées de réparateurs. L’enjeu sera ici de mutualiser de manière virtuelle les stocks de pièces détachées – notamment celles difficiles à trouver – entre offreurs et demandeurs, en créant un catalogue de pièces détachées commun entre les fabricants et acteurs de la réparation, sur le principe de la coopération entre pairs, pour mettre à disposition une pièce détachée qui serait présente chez l’un et absente chez l’autre. Or, dans ce domaine l’IA peut fournir une aide à la rencontre de l’offre et la demande : par la reconnaissance des équivalences entre les différentes références et séries de fabrication selon les constructeurs, de façon à constituer un catalogue de références « universelles » ; par l’optimisation de l’allocation des pièces détachées entre plusieurs acteurs, en fonction des zones géographiques et des besoins identifiés. Par ailleurs, lorsque la panne nécessite le passage d’un réparateur à domicile, l’IA pourrait également s’appliquer à optimiser la préparation des pièces détachées pour les tournées. Nous sommes ici à l’intersection entre la logistique et la réparation.

Si on rajoute les notions de maintenance préventive – voire prédictives – explicitées précédemment, les algorithmes de l’IA pourraient anticiper au plus juste les besoins en pièces détachées (en identifiant les périodes de l’année et les équipements sur lesquelles telle ou telle pièce a plus de probabilité de devoir être changée).

4.2.3. L’enjeu de la propriété et du partage des données

Dans cette nouvelle ère numérique, la valeur ajoutée des entreprises ne réside plus seulement dans la qualité des produits et des services qu’elles proposent, mais dans la manière dont elles valorisent leurs données. Dans ce contexte, l’accès à la donnée et surtout la capacité (technique et réglementaire) de l’exploiter deviennent les véritables enjeux stratégiques pour l’ensemble des acteurs du marché de l’électrodomestique et de la réparation.

Du fait de leur forte valeur et de l’avantage concurrentiel qu’elles procurent, les données sont aujourd’hui conservées de manière quasi exclusive par les metteurs sur le marché d’objets intelligents qui en ont la propriété.

Avec un accès limité voire inexistant aux données opérationnelles et/ou référentielles techniques des équipements, les acteurs de la réparation et du SAV n’ont donc aujourd’hui pas accès aux ressources nécessaires pour tirer profit des avancées promises par l’IA en matière de maintenance des équipements.

Cet enjeu de l’accès aux données est d’ailleurs central lors des négociations de partenariats. Les fournisseurs de services numériques tels que Google obtiennent déjà le partage de données de la part de certains constructeurs, lorsque ceux-ci permettent l’intégration de leurs services vocaux notamment. Les grands acteurs de la distribution de leur côté cherchent à renforcer leurs liens avec les GAFAM et autres grands acteurs numériques afin de bénéficier d’un accès aux données collectées, apparemment sans succès pour le moment. En effet, dans cette

« guerre » de l’accès aux données, le poids des acteurs est déterminant, les grands de la distribution pouvant tirer leur épingle du jeu tandis que les moyens et petits acteurs s’avèrent plus menacés, sauf à s’unir.

Evidemment, la question de la sécurité des données et de leur protection vis-à-vis des utilisateurs est également centrale, et constitue aujourd’hui un autre frein au partage élargi des données.

4.3. L’IA à double tranchant : comment s’assurer de son impact positif sur la durabilité des