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L’émergence du télétravail

1.2.3. Des évolutions qualitatives modifient les modalités d’exercice de l’activité salariée, y

1.2.3.3. L’émergence du télétravail

57 précédents et notamment au dispositif de modulation/annualisation avec des règles plus souples.

Avec la loi « Aubry II » du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, un système de forfait en jours permettant de décompter la durée du travail en jours et non plus en heures a été mis en place pour les cadres autonomes dans leur organisation du temps de travail, par accord collectif d’entreprise ou de branche. Depuis la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, ce système est également accessible aux salariés non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps. D’après les données de l’enquête ACEMO de la DARES, la part des salariés travaillant à temps complet au forfait jour dans les entreprises de 10 salariés ou plus a plus que doublé, pour passer de 5 % en 2001 à 9,7 % en 2007 et 12 % en 201146.

Enfin, on peut noter que d’autres dispositifs contribuent à la flexibilité de l’organisation du travail, qu’il s’agisse des heures supplémentaires ou encore, en période de creux conjoncturel, de l’activité partielle.

58 d’un avenant à celui-ci »47 ; ce peut être du travail à domicile ou dans un tiers-lieux48 ;

- le télétravail pendulaire désigne un travail effectué à distance 3 jours par semaine maximum ; il s’agit d’une modalité particulière de télétravail.

Du fait des différentes définitions utilisées dans les enquêtes existantes, mais aussi de la prise en compte plus ou moins grande du « télétravail gris49 », les données quantitatives sur le télétravail en France et en Europe indiquent des ordres de grandeur d’amplitudes diverses. Si elles doivent être interprétées avec prudence, les données convergent néanmoins et permettent d’établir les constats suivants :

- le télétravail tient désormais une place non négligeable dans l’organisation du travail (une donnée récente allant jusqu’à une proportion de télétravailleurs de 16,7 % pour l’ensemble des actifs et de 14,2% pour les salariés50) ;

- le télétravail a connu depuis les années 2000 un essor relativement important, tant en nombre d’entreprises au sein desquelles est pratiqué le télétravail qu’en nombre de télétravailleurs. Selon l’Insee, le taux d’entreprises françaises pratiquant le télétravail est passé entre 2007 et 2008 de 16 % à 22 %51. Selon l’étude Greenworking de 2012, menée auprès de 20 grandes entreprises françaises, le taux de télétravailleurs est passé, au sein de ces dernières, de 7 % de la population active en 2007 à 12,4 % en 201252. D’autres sources, non comparables entre elles, donnent néanmoins des ordres de grandeur qui sont toujours plus faibles concernant la situation il y a quelques années (par exemple, 7 % en 200453) et plus importants aujourd’hui (par exemple, 16,7 % en 201254) ;

- le télétravail est moins développé en France que dans les pays anglo-saxons ou scandinaves (avec des taux de télétravailleurs qui variait entre 20 % et 35 % selon des données déjà anciennes55) ;

47 Termes de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005.

48 Les entreprises ont de plus en plus recours à des lieux de travail qui ne leur appartiennent pas et dont l’offre est en plein essor : centres d’affaires, espaces de coworking, télécentres, espaces wifi, etc.

49 Entendu comme le travail à distance informel, sans contractualisation particulière, il représente, selon l’étude Greenworking, 66 % des télétravailleurs (en France). Voir Greenworking (2012), « Le télétravail dans les grandes entreprises françaises : Comment la distance transforme nos modes de travail » Synthèse remise au ministre charge de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, mai.

50 Sondés déclarant travailler au moins une fois par semaine hors du lieu de travail, selon l’enquête « Tour de France du télétravail » menée par LBMG Worklabs, Neo-nomade, Openscop et Zevillage (2013).

51 Jlassi M., Niel X., (2009), « E-administration, télétravail, logiciels libres : quelques usages de l’internet dans les entreprises », INSEE Première, n°1228, mars

52 Il s’agit ici de la proportion de salariés français « déclarant télétravailler au moins huit heures par mois ». Greenworking (2012), op. cit.

53 Morel-A-L’Huissier P. (2006), Du télétravail au travail mobile : un enjeu de modernisation de l’économie française, rapport au Premier ministre, novembre.

54 Greenworking (2012), op. cit.

55 Ferhenbach J., Granel F., Dufort D., Klein T., Loyer J.-L. (2009), Le développement du télétravail dans la société numérique de demain, Centre d’Analyse Stratégique, novembre.

59 - des marges de développement importantes existent. En 2009, le Centre d’analyse stratégique estimait, au regard des métiers pouvant être exercés en télétravail et de leur poids dans l’emploi total, à 50 % de la population active le

« potentiel » de télétravailleurs en 201556. Pour sa part, au regard des pratiques managériales et des mentalités, l’étude de Greenworking avance une proportion

« optimale » de télétravailleurs de 25 %57.

Le développement du télétravail résulte de trois principaux phénomènes :

- la présence accrue des technologies de l’information et de la communication en général, et dans le monde professionnel en particulier ;

- l’aspiration grandissante des actifs, notamment des jeunes, à davantage de flexibilité, d’autonomie au travail et à une meilleure articulation entre vie privée et vie professionnelle ;

- l’intérêt que peuvent y trouver les entreprises en termes d’amélioration de la productivité des salariés concernés.

Par ailleurs, la proportion de télétravailleurs varie fortement selon le secteur d’activitéet la taille de l’entreprise58. C’est dans le secteur tertiaire que le télétravail est le plus développé. Les services liés aux TIC présentent le plus élevé taux de recours au télétravail (55 %), suivi par les services aux entreprises, comme le conseil ou la publicité. Moins développé dans la fonction publique, le télétravail fait néanmoins l’objet de certaines expérimentations, notamment à l’échelle territoriale. La taille de l’entreprise constitue également un paramètre important : le recours au télétravail s’élève à 65 % dans les entreprises de 250 salariés ou plus contre 15 % dans les entreprises de 10 à 19 salariés. De plus, si les PME restent attachées à des méthodes de travail plus traditionnelles, les start-ups, naturellement flexibles et connectées, ont davantage recours au télétravail, sans toutefois l’inscrire systématiquement dans un cadre juridique.

56 Centre d’Analyse Stratégique (2009), op. cit.

57 Greenworking (2012), op. cit. Cette étude avance l’idée d’une proportion « optimale » de télétravailleurs en considérant que, en dépit de ses nombreux avantages, le télétravail n’est pas une solution généralisable à toutes les types d’entreprises ou cultures d’entreprise, toutes les fonctions et tous les profils de personnes. En particulier, les bénéfices du télétravail s’érodent à mesure que la proportion de télétravailleurs et le taux de télétravail augmentent. Un taux « optimal » est donc défini en l’état actuel des schémas organisationnels, des pratiques managériales et des mentalités.

58 Jlassi M., Niel X., (2009), op. cit.

60 Outre les secteurs et types d’entreprises, on observait en 2004 certaines disparités selon les personnes59 :

- le recours au télétravail croît avec la qualification des salariés : 10 % des ingénieurs et cadres estiment être des télétravailleurs à domicile et 20 % des télétravailleurs nomades (Tableau 3). A l’inverse, le télétravail ne concerne pas les ouvriers et peu les employés ;

- les jeunes et les femmes sont moins concernés (seuls 3 % des télétravailleurs ont moins de 30 ans).

Tableau 3 : Part du télétravail selon le sexe, l’âge et la catégorie socioprofessionnelle

Source : enquête PVC 1999-2003 ; Insee, calculs Dares

Le mouvement vers plus de télétravail s’accompagne d’une évolution des pratiques managériales, avec dans certains secteurs une moindre importance accordée à la présence physique sur le lieu de travail et au contrôle des salariés. Ces pratiques doivent notamment s’adapter à un mode d’exercice de l’activité qui s’inscrit moins facilement dans le cadre d’une subordination au sens « classique » et dans celui des notions juridiques existantes de lieu et durée du travail telles qu’elles sont définies dans le Code du travail.

Le cadre juridique du télétravail a été clarifié par la loi « Warsmann » du 22 mars 2012, s’appuyant sur l’Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005 :

- le télétravail est soumis aux principes du volontariat, de réversibilité et de contractualisation (par un accord collectif et/ou avenant au contrat de travail) ; - l’employeur est soumis à certaines obligations vis-à-vis du salarié en télétravail :

il doit prendre en charge les coûts liés à l’exercice, informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques, fixer, en concertation

59 Morel-A-L’Huissier P. (2006), op. cit.

61 avec le salarié, les plages horaires auxquelles il peut être contacté, et organiser un entretien annuel sur ses conditions d’activité en télétravail.

Toutefois, certaines questions juridiques demeurent en suspens, notamment en matière :

- de mesure du temps de travail à distance ;

- d’éligibilité au télétravail : accorder le télétravail à un salarié et le refuser à un autre qui occupe le même poste est-il discriminatoire ?

- d’accident du travail : dans quels cas y a-t-il présomption d’accident du travail en cas de survenue d’un accident au domicile d’un salarié un jour de télétravail ? - de sécurité et santé au travail : comment un employeur peut-il s’assurer qu’il

respecte bien ses obligations de préserver la santé et la sécurité d’un télétravailleur alors qu’il lui est strictement interdit de se rendre à son domicile ?

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2. Des formes d’emploi plus récentes ont émergé, notamment aux