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Cette évidence du malaise existant autour de la peine princeps, la prison, conduit à se demander quel est, dans les mentalités d’aujourd’hui, le ni-veau d’acceptation, de reconnaissance au titre de la juste peine, de certaines de ces sanctions parfois qualifiées d’alternatives, qui émergent dans les lé-gislations pénales contemporaines pour pallier cette situation et tenter d’endiguer le surpeuplement carcéral. On sait que ce surpeuplement, lar-gement répandu en Europe, a de multiples causes au nombre desquelles on peut notamment compter l’augmentation de la petite criminalité et l’allongement de la durée des peines prononcées. Un des moyens d’y

re-du fait de l'enfermement. Certes, il est plus rare que la prison apparaisse comme une réelle école du crime. L'idée que – en raison des caractéristiques des personnes qui y séjournent, des rencontres et des liens qu’elle permet, des « techniques » dont elle montre l'usage – la prison offre des occasions d’apprendre les « métiers » de la délinquance ne regroupe qu'une opinion sur quatre (24%). Mais dans l'ensemble la vision négative de la prison do-mine largement dans les mentalités contemporaines. Elle ne permet pas au condamné de s’améliorer, ne le coupe pas forcément de ses mauvaises fré-quentations et n’anticipe guère la délinquance puisqu’elle ne prévient le crime que dans une minorité des cas, alors qu’elle rend difficile le retour du détenu dans la société dans la majorité des cas.

C'est dire que les mentalités contemporaines doutent fortement de l'at-teinte de trois des finalités de la sanction jugées souvent essentielles : la dis-cipline d’abord, sous ses aspects de mise en conformité sociale du compor-tement individuel du condamné grâce à son amendement et à la réussite de sa future réinsertion ; la neutralisation ensuite par la mise à l’écart du dé-linquant, détaché, coupé ainsi de ses anciennes et nuisibles fréquentations ; la dissuasion (ou prévention générale) enfin, c'est-à-dire le fait de découra-ger les éventuels délinquants d’enfreindre la loi.

Il n’en reste pas moins que la prison est encore globalement et unani-mement requise pour tous les délits graves et les crimes de sang… Est-ce faute d’alternatives ? Force est de constater qu’il existe un évident malaise autour de la peine générique, la prison, laquelle n’est pas à même de rem-plir le rôle attendu de la sanction pénale. Et le malaise ne fait que s’amplifier à l’annonce récurrente du surpeuplement dont l’univers carcéral souffre un peu partout dans le monde.

L’élargissement du spectre des peines

Cette évidence du malaise existant autour de la peine princeps, la prison, conduit à se demander quel est, dans les mentalités d’aujourd’hui, le ni-veau d’acceptation, de reconnaissance au titre de la juste peine, de certaines de ces sanctions parfois qualifiées d’alternatives, qui émergent dans les lé-gislations pénales contemporaines pour pallier cette situation et tenter d’endiguer le surpeuplement carcéral. On sait que ce surpeuplement, lar-gement répandu en Europe, a de multiples causes au nombre desquelles on peut notamment compter l’augmentation de la petite criminalité et l’allongement de la durée des peines prononcées. Un des moyens d’y

re-L’élargissement du spectre des peines

médier pourrait alors être de remplacer les courtes peines privatives de li-berté par d'autres mesures, comme un travail au profit de la communauté ou l'exécution de la peine à domicile sous surveillance électronique ; ou en-core de recourir aux techniques de la médiation.

1. L’introduction d’une nouvelle peine : le travail d’intérêt général

La très grande majorité des répondants (86%) est d’accord pour que les peines de prison de moins de six mois puissent être transformées en travail au profit de la communauté.

D’après la partie générale du Code pénal suisse récemment révisé, les courtes peines privatives de liberté sans sursis (moins de six mois) ne se-ront infligées qu’exceptionnellement ; elles sese-ront remplacées par la peine pécuniaire calculée sur la base des jours-amende et par le travail d’intérêt général, deux peines estimées équivalentes39. Le projet définit le travail d’intérêt général en indiquant que celui-ci doit être accompli au profit d’institutions sociales, d’œuvres d’utilité publique ou de personnes dans le besoin. Il n’est pas rémunéré.

Actuellement, le droit pénal applicable aux adultes n’offre pas cette possibilité. En revanche, les autorités d’exécution des peines des cantons, qui ont demandé et obtenu du Département fédéral de justice et police l’autorisation prévue à cet effet40, peuvent ordonner l’exécution de courtes peines privatives de liberté sous la forme d’un travail d’intérêt général.

Cette option, introduite en 1990, est largement exploitée par les cantons puisque aujourd’hui vingt-cinq d’entre eux ont introduit le travail d’intérêt général et fait jusqu’à maintenant de très bonnes expériences en la matière.

Cela ressort également des résultats de la procédure de consultation. La grande majorité des milieux consultés, dont plus de vingt cantons, s’est dé-clarée favorable à l’introduction du travail d’intérêt général en tant que peine principale autonome, susceptible de remplacer les courtes peines pri-vatives de liberté. Le travail d’intérêt général est considéré comme une sanction socialement constructive, qui présente un potentiel important de resocialisation et d’intégration. En accomplissant un travail d’intérêt

39 D’après la nouvelle partie générale du Code pénal suisse (art. 37), le tribunal sera habilité à ordon-ner, comme unique sanction, un travail d’intérêt général à la place d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, lorsque cela lui paraîtra plus judicieux.

40 Cette autorisation est prévue par l’art. 3a de l’ordonnance 3 relative au Code pénal (OCP3). Le tra-vail d’intérêt général fait partie des nouvelle sanctions introduites par la partie générale révisée mais non encore entrée en vigueur du Code pénal suisse.

L’élargissement du spectre des peines

médier pourrait alors être de remplacer les courtes peines privatives de li-berté par d'autres mesures, comme un travail au profit de la communauté ou l'exécution de la peine à domicile sous surveillance électronique ; ou en-core de recourir aux techniques de la médiation.

1. L’introduction d’une nouvelle peine : le travail d’intérêt général

La très grande majorité des répondants (86%) est d’accord pour que les peines de prison de moins de six mois puissent être transformées en travail au profit de la communauté.

D’après la partie générale du Code pénal suisse récemment révisé, les courtes peines privatives de liberté sans sursis (moins de six mois) ne se-ront infligées qu’exceptionnellement ; elles sese-ront remplacées par la peine pécuniaire calculée sur la base des jours-amende et par le travail d’intérêt général, deux peines estimées équivalentes39. Le projet définit le travail d’intérêt général en indiquant que celui-ci doit être accompli au profit d’institutions sociales, d’œuvres d’utilité publique ou de personnes dans le besoin. Il n’est pas rémunéré.

Actuellement, le droit pénal applicable aux adultes n’offre pas cette possibilité. En revanche, les autorités d’exécution des peines des cantons, qui ont demandé et obtenu du Département fédéral de justice et police l’autorisation prévue à cet effet40, peuvent ordonner l’exécution de courtes peines privatives de liberté sous la forme d’un travail d’intérêt général.

Cette option, introduite en 1990, est largement exploitée par les cantons puisque aujourd’hui vingt-cinq d’entre eux ont introduit le travail d’intérêt général et fait jusqu’à maintenant de très bonnes expériences en la matière.

Cela ressort également des résultats de la procédure de consultation. La grande majorité des milieux consultés, dont plus de vingt cantons, s’est dé-clarée favorable à l’introduction du travail d’intérêt général en tant que peine principale autonome, susceptible de remplacer les courtes peines pri-vatives de liberté. Le travail d’intérêt général est considéré comme une sanction socialement constructive, qui présente un potentiel important de resocialisation et d’intégration. En accomplissant un travail d’intérêt

39 D’après la nouvelle partie générale du Code pénal suisse (art. 37), le tribunal sera habilité à ordon-ner, comme unique sanction, un travail d’intérêt général à la place d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, lorsque cela lui paraîtra plus judicieux.

40 Cette autorisation est prévue par l’art. 3a de l’ordonnance 3 relative au Code pénal (OCP3). Le tra-vail d’intérêt général fait partie des nouvelle sanctions introduites par la partie générale révisée mais non encore entrée en vigueur du Code pénal suisse.

ral, le condamné fournit une contribution positive à la société, alors qu’il occasionne surtout des coûts lorsqu’il est en détention.

L’accord des répondants à propos de l’introduction du travail d’intérêt général correspond à la pratique dans ce domaine. Cette alternative puni-tive a en effet connu une véritable explosion : elle est passée de 933 en 1996 à 4’346 en 200241.

On disposerait ainsi, pour les délits de faible gravité, d'une alternative légitime.

2. Les arrêts domiciliaires sous surveillance électronique Une autre manière de réduire la population carcérale et d'en limiter les ef-fets négatifs tient dans les arrêts domiciliaires. La partie générale révisée, mais non encore entrée en vigueur, du Code pénal suisse ne contient pas de référence explicite au placement sous surveillance électronique comme substitut à l'incarcération. Cependant, depuis le 1er janvier 1999, six can-tons suisses ont reçu du Conseil fédéral l’autorisation à titre expérimental de pratiquer ce que l’on appelle les arrêts domiciliaires42. Il s’agit des can-tons de Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Berne, Genève, Tessin, Vaud et, depuis 2002, Soleure. La personne poursuit son activité professionnelle la journée et reste chez elle le week-end. Un bracelet électronique porté à la cheville et lié à une centrale fait office de gardien. La décision de retenir ou non une candidature est très étroitement liée aux conditions imposées par la procé-dure, en tenant compte de la durée de la peine prononcée, de la justification d’un domicile fixe comportant les raccordements électrique et téléphonique techniquement conformes et en état de fonctionnement, de la justification d’une activité professionnelle agréée, de l’accord du condamné et des per-sonnes faisant ménage commun et enfin, de l’engagement de s’acquitter d’une participation aux coûts techniques. Le système s’applique aux cour-tes peines seulement, d’une durée de 20 jours à 6 mois. Il est apparu rapi-dement que cette procédure était surtout adaptée à des situations particu-lières43, ce qui explique le nombre réduit de cas où elle peut être appliquée.

Les arrêts domiciliaires ont été introduits dans de nombreux pays

41 La statistique prend en compte le nombre de travaux d’intérêt général effectué et non le nombre de personnes.

42 L’expérience, prévue à l’origine pour une durée de trois ans, a été reconduite par le Conseil fédéral jusqu’au 31 août 2005. Elle a été autorisée sur la base de l’art. 397bis, alinéa 4 CP qui autorise l’essai, pendant un temps déterminé, de mesures non prévues par le code.

43 A Genève, le premier cas était une mère au foyer d’origine étrangère, vivant seule avec ses deux enfants en bas âge.

ral, le condamné fournit une contribution positive à la société, alors qu’il occasionne surtout des coûts lorsqu’il est en détention.

L’accord des répondants à propos de l’introduction du travail d’intérêt général correspond à la pratique dans ce domaine. Cette alternative puni-tive a en effet connu une véritable explosion : elle est passée de 933 en 1996 à 4’346 en 200241.

On disposerait ainsi, pour les délits de faible gravité, d'une alternative légitime.

2. Les arrêts domiciliaires sous surveillance électronique Une autre manière de réduire la population carcérale et d'en limiter les ef-fets négatifs tient dans les arrêts domiciliaires. La partie générale révisée, mais non encore entrée en vigueur, du Code pénal suisse ne contient pas de référence explicite au placement sous surveillance électronique comme substitut à l'incarcération. Cependant, depuis le 1er janvier 1999, six can-tons suisses ont reçu du Conseil fédéral l’autorisation à titre expérimental de pratiquer ce que l’on appelle les arrêts domiciliaires42. Il s’agit des can-tons de Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Berne, Genève, Tessin, Vaud et, depuis 2002, Soleure. La personne poursuit son activité professionnelle la journée et reste chez elle le week-end. Un bracelet électronique porté à la cheville et lié à une centrale fait office de gardien. La décision de retenir ou non une candidature est très étroitement liée aux conditions imposées par la procé-dure, en tenant compte de la durée de la peine prononcée, de la justification d’un domicile fixe comportant les raccordements électrique et téléphonique techniquement conformes et en état de fonctionnement, de la justification d’une activité professionnelle agréée, de l’accord du condamné et des per-sonnes faisant ménage commun et enfin, de l’engagement de s’acquitter d’une participation aux coûts techniques. Le système s’applique aux cour-tes peines seulement, d’une durée de 20 jours à 6 mois. Il est apparu rapi-dement que cette procédure était surtout adaptée à des situations particu-lières43, ce qui explique le nombre réduit de cas où elle peut être appliquée.

Les arrêts domiciliaires ont été introduits dans de nombreux pays

41 La statistique prend en compte le nombre de travaux d’intérêt général effectué et non le nombre de personnes.

42 L’expérience, prévue à l’origine pour une durée de trois ans, a été reconduite par le Conseil fédéral jusqu’au 31 août 2005. Elle a été autorisée sur la base de l’art. 397bis, alinéa 4 CP qui autorise l’essai, pendant un temps déterminé, de mesures non prévues par le code.

43 A Genève, le premier cas était une mère au foyer d’origine étrangère, vivant seule avec ses deux enfants en bas âge.

L’élargissement du spectre des peines

péens et, en mars 2003, 9’200 personnes étaient soumises, chaque jour, à la surveillance électronique en Europe. En Suisse, à la fin de l’année 2002, 711 personnes avaient exécuté leur peine sous surveillance électronique, ce qui est largement supérieur aux chiffres prévus par les cantons concernés. Les expériences faites permettent de conclure que cette nouvelle forme d’exécution des peines fonctionne de manière tout à fait satisfaisante (Ville-taz, Killias, 2003). Mais on ne dispose cependant pas, à ce jour, de données fiables permettant de mesurer l'incidence des arrêts domiciliaires sur les effectifs des détenus des prisons (Lehner, 2002).

S'agissant de l'état des mentalités, on ne retrouve pas, pour cette alterna-tive à une peine de prison de courte durée, l'approbation massive évoquée à propos du travail d'intérêt général : seuls 46% des répondants sont d'accord, alors que 48% ne le sont pas. Cette peine est beaucoup moins répandue44, moins connue et plus novatrice que le travail d’intérêt général. Peut-être le public ne perçoit-il pas suffisamment la sanction qui lui est véritablement associée. Après tout, aller travailler le jour et se retrouver chez soi le soir ne diffère pas grandement de la situation de tout un chacun !

La médiation

La médiation, que l’on peut définir comme une négociation entre l’auteur d’un acte délictueux et sa victime, négociation menée par un tiers neutre accepté par les parties et ayant pour but le règlement du conflit en dehors de la présence du juge, semble être en passe d’entrer dans les mœurs judi-ciaires. Le débat sur la médiation est ancien, il se poursuit sous de multiples formes et dans de multiples champs tant et si bien que si la médiation est plus ou moins bien acceptée – tantôt légitimée, tantôt reléguée – elle est néanmoins très vivace et populaire. De la population interrogée en Suisse romande se dégage en effet un fort consensus (84%) pour qu’un médiateur puisse intervenir dans certains cas (petits délits, querelles de voisinage, conflits conjugaux) afin de trouver un arrangement entre auteur de l’infraction et victime.

Rien n’en est expressément dit dans la nouvelle partie générale du Code pénal suisse. Mais les procédures alternatives qui découlent du concept sont introduites progressivement dans les différents codes de procédure

44 Sur les six cantons romands de notre échantillon, seuls deux – Genève et Vaud – font partie du pro-jet pilote en ce qui concerne les arrêts domiciliaires.

La médiation L’élargissement du spectre des peines

péens et, en mars 2003, 9’200 personnes étaient soumises, chaque jour, à la surveillance électronique en Europe. En Suisse, à la fin de l’année 2002, 711 personnes avaient exécuté leur peine sous surveillance électronique, ce qui est largement supérieur aux chiffres prévus par les cantons concernés. Les expériences faites permettent de conclure que cette nouvelle forme d’exécution des peines fonctionne de manière tout à fait satisfaisante (Ville-taz, Killias, 2003). Mais on ne dispose cependant pas, à ce jour, de données fiables permettant de mesurer l'incidence des arrêts domiciliaires sur les effectifs des détenus des prisons (Lehner, 2002).

S'agissant de l'état des mentalités, on ne retrouve pas, pour cette alterna-tive à une peine de prison de courte durée, l'approbation massive évoquée à propos du travail d'intérêt général : seuls 46% des répondants sont d'accord, alors que 48% ne le sont pas. Cette peine est beaucoup moins répandue44, moins connue et plus novatrice que le travail d’intérêt général. Peut-être le public ne perçoit-il pas suffisamment la sanction qui lui est véritablement associée. Après tout, aller travailler le jour et se retrouver chez soi le soir ne diffère pas grandement de la situation de tout un chacun !

La médiation

La médiation, que l’on peut définir comme une négociation entre l’auteur d’un acte délictueux et sa victime, négociation menée par un tiers neutre accepté par les parties et ayant pour but le règlement du conflit en dehors de la présence du juge, semble être en passe d’entrer dans les mœurs judi-ciaires. Le débat sur la médiation est ancien, il se poursuit sous de multiples formes et dans de multiples champs tant et si bien que si la médiation est plus ou moins bien acceptée – tantôt légitimée, tantôt reléguée – elle est néanmoins très vivace et populaire. De la population interrogée en Suisse romande se dégage en effet un fort consensus (84%) pour qu’un médiateur puisse intervenir dans certains cas (petits délits, querelles de voisinage, conflits conjugaux) afin de trouver un arrangement entre auteur de l’infraction et victime.

Rien n’en est expressément dit dans la nouvelle partie générale du Code pénal suisse. Mais les procédures alternatives qui découlent du concept sont introduites progressivement dans les différents codes de procédure

44 Sur les six cantons romands de notre échantillon, seuls deux – Genève et Vaud – font partie du pro-jet pilote en ce qui concerne les arrêts domiciliaires.

La médiation

cantonaux et gagnent du terrain par la pratique45. C’est certainement dans le domaine de la famille que la visibilité de la médiation est la plus évi-dente ; c’est là aussi qu’elle s’est le plus largement développée en rempor-tant un succès certain. Il n’est dès lors pas étonnant que l’opinion publique souhaite voir se propager cette pratique au règlement des petits délits. Le score obtenu constitue indéniablement un encouragement aux efforts en-trepris pour promouvoir la médiation pénale par plusieurs mouvements associatifs et professionnels46 (Robert C.-N., 2002b).