L’élaboration de tableaux d’analyse intermédiaires

3.3.1 Les tableaux récapitulatifs des séquences

Comme nous l’avons relevé, les tableaux synoptiques élaborés à partir des films nous ont permis d’opérer une première sélection des séquences pertinentes pour notre objet d’étude, à savoir les séquences concernant les cinq apprentis retenus. Au vu du grand nombre de séquences que cela représentait, nous avons commencé par les organiser sous forme de tableaux récapitulatifs, pour chacun des apprentis et chacune des périodes durant lesquelles elles ont été enregistrées (première année d’apprentissage, deuxième année d’apprentissage, etc.)⁷³. En nous référant aux notes de terrain, nous avons aussi répertorié certaines situations non enregistrées qu’il nous semblait important de prendre en compte. Nous proposons de l’expliciter à l’aide du court extrait suivant. Celui-ci est tiré du tableau récapitulatif des séquences relatives à Michel en première année.

73 Ces tableaux récapitulatifs sont répertoriés dans la troisième section des annexes.

Figure 5. Extrait du tableau récapitulatif des séquences relatives à Michel en première année

Pour chacune des séquences (ou situations) retenues, nous avons précisé le numéro du film (ou la section des notes de terrain) auquel elle est rattachée et son découpage temporel (première colonne). Nous avons ensuite relevé la tâche en cours d’accomplissement (deuxième colonne) (ex : limage, réparation d’une portière de camion). A ces deux premières colonnes, nous en avons ajouté une troisième, dans laquelle nous avons noté des éléments caractéristiques de la séquence et sur lesquels pourrait porter notre analyse. Ces éléments concernent par exemple des caractéristiques de l’activité en cours, l’encadrement de l’apprenti (ex : privilégier l’explication au faire), la distribution des rôles dans l’activité collective (ex : c’est Michel qui démonte la portière, LAR le guide et lui donne des combines), l’engagement de l’apprenti (ex : la méthode de limage alternative), etc.

3.3.2 Les parcours de formation des apprentis

C’est ensuite à partir de ces premiers tableaux que nous avons pu reconstituer les

parcours de formation de chacun des apprentis⁷⁴. Notre objectif était de pouvoir resituer les séquences de films disponibles pour chacun d’entre eux au sein de leur parcours de formation respectif. Nous avons aussi eu recours aux tableaux synoptiques des entretiens et aux notes de terrain pour ce faire. Par ailleurs, nous avons porté notre attention sur les informations apportées par les autres acteurs rencontrés (enseignants, moniteurs, etc.) au sujet des parcours de formation des différents apprentis, que ce soit au cours d’entretiens ou de discussions informelles. Le recours à ces différents types de données nous a ainsi permis de reconstituer les parcours de formation des apprentis, et particulièrement trois d’entre eux, Michel, Rodrigo et Thibault. Nous reproduisons ci-dessous le parcours de formation de Michel en guise d’illustration.

74 Les tableaux relatifs aux parcours de formation des apprentis sont répertoriés dans la quatrième section des annexes.

Avant son entrée en

19’27), pose du

Concernant Michel et Thibault, nous avons pu documenter quatre étapes centrales de leur parcours : la période précédant l’entrée en formation professionnelle (première colonne), la première année de formation (deuxième colonne), la période entre la première et la quatrième année de formation que nous n’avons pas observée (troisième colonne) ainsi que la quatrième année de formation (quatrième colonne). En ce qui concerne Rodrigo, les données à disposition nous ont permis de distinguer deux périodes supplémentaires, la deuxième et la troisième année de formation. Nous avons documenté chacune de ces périodes au moyen des situations observées, des séquences de films à notre disposition ainsi que des extraits d’entretiens et discussions informelles avec les différents acteurs rencontrés. En ce qui concerne les deux autres apprentis observés, Edouard et Flavien, les données construites à leur sujet ne nous ont pas permis de reconstituer leur parcours de formation en dehors des périodes observées, à savoir leur première et leur quatrième année de formation.

3.3.3 Les étapes de parcours et les expériences saillantes

La reconstitution des parcours de formation des différents apprentis nous a finalement permis de distinguer quatre étapes de parcours. Il s’agit de quatre étapes chronologiquement ordonnées que nous pouvons documenter à l’aide de données filmiques et/ou de données d’entretiens. En nous référant aux premiers éléments d’analyse relevés, que ce soit à travers les tableaux synoptiques des films et des entretiens ou des tableaux récapitulatifs des séquences, nous les avons désignées comme suit : la première étape correspond au centre de formation comme sas de transition⁷⁵ ; la deuxième à l’entrée dans le monde du travail ; la troisième aux expériences intermédiaires ; et la quatrième au rapport au travail en fin de formation.

Pour chacune de ces étapes et à partir des éléments d’analyse préalables, nous avons d’une part fait ressortir différentes expériences saillantes qui nous semblaient caractéristiques de l’expérience des apprentis à ces étapes. Ces expériences se rapportent à la dualité des phénomènes de participation et prennent en compte la part jouée par l’environnement de formation ainsi que par le jeune en transition. Elles se rapportent aussi à la dimension identitaire de ces phénomènes. Ces expériences peuvent être transversales aux différentes

75 En effet, nous faisons l’hypothèse que la période passée dans un centre de formation interentreprise en amont de l’entrée sur la place de travail représente un temps de préparation aux premiers pas sur la place de travail.

étapes : la question de l’accès à la tâche ; les modalités d’encadrement et les ressources à disposition ; le rapport aux outils ; l’apprentissage et la mobilisation du parler technique ; les logiques d’identification à l’œuvre ; l’horizon des examens et l’anticipation du monde du travail. Ces expériences saillantes peuvent aussi être liées à des étapes particulières : la remobilisation des savoirs scolaires dans des pratiques professionnelles nouvelles (étape 1) ; l’insertion dans un collectif d’apprentis (étape 1) ; l’acquisition de gestes de base du métier et la familiarisation aux outils et au langage technique (étapes 1 et 2) ; la remobilisation des savoir-faire construits dans les centres de formation (étape 2) ; les conditions d’accès à des tâches productives (étapes 2 et 4) ; l’insertion dans un collectif de travail (étapes 2 et 4) ; la socialisation aux bonnes pratiques d’un collectif (étapes 2 et 4) ; le développement de manières propres de faire (étapes 2, 3 et 4).

Nous avons d’autre part relié chacune de ces expériences saillantes avec des séquences de films, des situations observées ou des éléments d’entretiens relatifs aux différents apprentis, dans lesquels ces aspects de l’expérience des apprentis sont prégnants. Il en découle des tableaux d’analyse intermédiaires pour les quatre étapes de parcours et les différentes expériences saillantes qui leur sont rattachées⁷⁶. Nous proposons de l’illustrer à l’aide de l’extrait suivant. Celui-ci est tiré du tableau relatif à l’étape de parcours 1, le centre de formation comme sas de transition, et porte plus précisément sur l’expérience des modalités d’encadrement et des ressources à disposition.

76 Les tableaux relatifs à ces quatre étapes de parcours sont répertoriés dans la cinquième section des annexes.

Apprenti et ce que je veux montrer Séquence film/entretien Points à développer

Le limage, le taraudage - les différentes manières d’intervenir de MON Explication collective pour le

taraudage (4, 6)

Exercices en maçonnerie - les autres apprentis comme ressources

Figure 7. Extrait du tableau relatif à l’étape de parcours 1

Ce type de tableau est constitué de différents ingrédients. La première colonne spécifie l’apprenti sur lequel nous portons notre attention et synthétise les points fort de l’expérience de cet apprenti relativement à l’étape de parcours et à l’expérience saillante en question (ex.

suivi individuel, accompagnement rapproché, interventions d’autres apprentis). La deuxième colonne renvoie aux séquences de films, aux situations observées ou aux éléments d’entretiens, pertinents pour l’analyse de ces aspects de l’expérience de l’apprenti. La troisième colonne insiste sur les points à développer à ce propos (ex : dialogue d’étayage, l’utilisation des ressources à disposition, les interventions de MON et les sollicitations de ROD).

L’élaboration de ces tableaux d’analyse intermédiaires nous ont ainsi permis de poursuivre notre travail de réduction et d’analyse préalable de nos données dans plusieurs directions. Tout d’abord, ils nous ont permis de mettre en évidence quatre étapes de parcours ainsi que certains aspects centraux de celles-ci. C’est sur ces étapes et les expériences qui leur sont rattachées que nous focaliserons nos analyses. C’est aussi par rapport à ces étapes que nous sélectionnerons nos données, pour les différents apprentis. Ces tableaux d’analyse intermédiaires nous ont ensuite permis de faire ressortir de premiers éléments de contrastes intéressants dans la façon dont les différents apprentis font l’expérience de ces étapes.

Finalement, ces tableaux nous ont décidée à retenir deux apprentis pour nos analyses, à savoir Michel et Rodrigo. En effet, les différents tableaux d’analyse intermédiaires que nous avons élaborés mettent en évidence la richesse des données construites pour ces deux apprentis, en comparaison aux données relatives à Flavien et Edouard, avec qui nous n’avons pas mené d’entretiens. De plus, les parcours de formation de Michel et de Rodrigo présentent des aspects non linéaires, au contraire de celui de Thibault, qui sont caractéristiques, comme nous l’avons vu auparavant (partie II), des trajectoires d’apprentissage des apprentis dans la formation professionnelle initiale duale. Il nous semble intéressant d’analyser ces aspects, tout comme les contrastes que présentent les parcours de formation de ces deux apprentis, dans la perspective interactionnelle et contrastive que nous adoptons.