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PARTIE I : AUX PROLEGOMENES DE L’IMAGERIE MACABRE

C- L’édition trilingue de Christian-Friedrich Beck

A l’instar de Jacques-Antony Chovin, Christian-Friedrich Beck200 édite une

version trilingue de la danse des morts de Bâle. Il s’agit d’une traduction anglaise, française et allemande des poèmes versifiés. En ce qui concerne les textes en français et en allemand, Christian-Friedrich Beck se fonde sur l’édition bilingue de Jacques-Antony Chovin : il conserve la mise en forme et le contenu des quatrains allemands. Mais, si les versets allemands sont identiques à la version publiée par Matthäus Merian en 1649, les répliques en français sont réduites à des quatrains. En effet, et de manière à incorporer les vers en anglais et en français sur la même page, Christian-Friedrich Beck révise les textes en français traduits par Jacques- Antony Chovin. Dans sa version imprimée, l’ultima verba de la Jeune Fille prend la forme d’une strophe de quatre vers :

« Monstre horrible, la main glacée,

Fait passer le frisson jusqu’au fond de mon cœur ! Quoi ! Mon bonheur a fui ? Quoi ! Ma vie est passée ? O souvenirs amers ! O regrets ! O douleur !201 »

Dans l’édition bilingue de Jacques-Antony Chovin, la réplique de la Jeune Fille ne correspondait ni à un quatrain comme dans les danses macabres germanophones, ni à un huitain comme dans les danses des morts francophones :

« Je me meurs : je suis pamée ! A la fleur de mes beau jours,

Une Mort inopinée vient en arrêter le cours, Et terminer la durée.

Adieu la vie enchantée ; adieu folâtres amours, Plaisirs, ornemens, atours,

Dont mon âme fut charmée. Justes Cieux ! Serez-vous sourds, Aux cris d’une infortunée,

Sans espoir & sans secours, Que le monde a tant aimée, Et qui se voit condamnée, A le quitter pour toujours202 »

200 CERL Thésaurus, Christian Friedrich Beck. [En ligne]. [Consulté le 13 mai 2018]. Disponible sur :

https://thesaurus.cerl.org/cgi-bin/record.pl?rid=cnp01265934

201 BECK Christian-Friedrich, LIPS Jakob, MERIAN Matthäus, SPALINGER Johannes, La danse des morts à

Bâle, Bâle : Christian-Friedrich Beck, 1852, p.55. [En ligne]. [Consulté le 13 mai 2018]. Disponible sur : https://archive.org/stream/b24857920

En sus, et en ce qui concerne la mise en page, Christian-Friedrich Beck s’insinue dans la continuité des travaux de Matthäus Merian. En effet, contrairement à la version divulguée par Samuel Girardet, il consacre un espace individuel à chaque figure : à sénestre, les vers en anglais et en français sont imprimés ; à dextre, les vers en allemand sont disposés de part et d’autre de la gravure203.

Figure LII : Christian-Friedrich Beck, « La Mort au Grand-Prévôt », 1852

202 CHOVIN Jacques-Antony, Op. Cit., p.118. [En ligne]. [Consulté le 13 mai 2018]. Disponible sur :

http://digital.slub-dresden.de/fileadmin/data/328208574/328208574_tif/jpegs/328208574.pdf

En outre, si les textes en allemand proviennent de l’édition bilingue de Jacques - Antony Chovin, les bois ont été gravés d’après l’édition ante-mortem de Matthäus Merian. En effet, et de manière à disséminer une version fiable de la danse macabre du Grand-Bâle, Jakob Lips (1825-1885) et Johannes Spalinger (1819- 1857) copient les plaques de cuivre du graveur germano-suisse204. Une représentation de la fresque médiévale est présente sur le contreplat inférieur du volume :

Figure LIII : Jakob Lips, Johannes Spalinger, « La danse macabre du Grand-Bâle », 1852

Dans cette lithographie, l’ensemble des personnages présents sur la danse macabre du Grand-Bâle sont représentés. Mais, les sosies post-mortem, comme nous l’avons déjà évoqué dans ce mémoire de recherche, n’ont pas pu être copiés d’après l’original. En effet, au vu de la précision des corps décharnés, on peut affirmer, avec une grande certitude, que ces bois ont été gravés d’après l’édition de 1649. En définitive, si Jakob Lips et Johannes Spalinger perpétuent l’erreur présente dans l’édition de 1744, à savoir l’inversion des figures du Peintre et de la Femme du Peintre, les personnages du Cuisinier et du Paysan sont dans le bon ordre. De plus, et à l’instar de la version bilingue de Jacques-Antony Chovin, Christian-Friedrich Beck incorpore trois pages de titre : une page de titre bilingue franco-anglaise, une page de titre unilingue en allemand et une page de titre trilingue en français, en anglais et en allemand205.

204 DODEDANS, Beck (Lips & Spalinger). [En ligne]. [Consulté le 13 mai 2018]. Disponible sur :

http://www.dodedans.com/Ebasel-beck.htm

Figure LIV : Christian-Friedrich Beck, « Pages de titre de la danse des morts à Bâle », 1852

En définitive, si Christian-Friedrich Beck se réfère à l’édition bilingue de Jacques-Antony Chovin pour la retranscription des textes originaux en allemand, les vers en français et en anglais ont été traduits par un tiers. De surcroît, et au regard de l’édition de 1649, Beck ne conserve ni l’introduction du graveur germano-suisse, ni l’historique de la fresque médiévale ni le Memento Mori. Par conséquent, si les bois proviennent des éditions de Matthäus Merian, il est fort probable que Christian-Friedrich Beck n’ait pas consulté les versions germanophones et francophones de la danse des morts du Grand-Bâle : les vers en français ne proviennent pas de l’édition française de 1698. Somme toute, et dans le sillon de Christian-Friedrich Beck, Félix Schneider réédite la version de la danse des morts d’Otto Stuckert206 : il colore les plaques de cuivre d’un épigone de

Jacques-Antony Chovin et dissémine son édition couleur en 1875.

206 STUCKERT Otto, La danse des morts: gravé des fresques sur le mur du cimetière de l'église Saint -Jean à

Bâle, Bâle : Otto Stuckert, 1858. [En ligne]. [ Consulté le 13 mai 2018]. Disponible sur : https://archive.org/details/b22650568