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Partie II : CADRAGE THÉORIQUE

2.11 L’écriture réflexive

L’écriture joue un "rôle central" dans le processus de professionnalisation (Cros, Lafortune et Morisse, 2011, p.3). Selon ces auteurs, elle amène les personnes apprenantes à "s’interroger sur le sens de ce qu’elles font, de ce qu’elles apprennent, à articuler leur réflexion sur des expériences personnelles ou professionnelles, à se

4 Ce chapitre reprend certains de mes propos écrits dans le travail final de mon projet indépendant pour le cours de Mme Vanhulle et Mme Tominska : Processus du développement professionnel dans les formations en alternance.

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situer ou se positionner dans les discours théoriques de façon argumentée et à exercer une réflexion critique" (Cros, Lafortune et Morisse, 2011, p. 7).

L’écriture réflexive développée dans l’ePortfolio permet la distanciation métacognitive et l’appropriation des savoirs. Le discours produit, comme "médiation de la compréhension de soi" (Ricoeur, 1986, p.102), autorise le sujet à faire un retour sur ses propres processus de pensée et sur les régulations opérées. Par l’écriture, une boucle de formation opère: les savoirs sont actualisés, confirmés ou construits, réinvestis dans l’action et testés, ils réinterrogent les théories (Deum et Vanhulle, 2008

; Joyce, 2005 ; McCready, 2006, cités par Green et al., 2014, p.5). L’ePortfolio permet ainsi la création de modèles efficients. "L’enjeu d’une énonciation propre devient crucial dans le processus de subjectivation" (Vanhulle, 2009, p.25).L’élaboration des savoirs se fait par un double mouvement: Un mouvement intersubjectif d’objectivation : phase sociale de l’apprentissage (Vygotski, 1997) : Les théories et les expériences personnelles sont sujettes à réflexion et à analyse critique, distancée et collective. Et un mouvement d’appropriation des idées construites collectivement en fonction de sa propre architecture mentale, définie comme processus de subjectivation des savoirs professionnels, c’est-à-dire d’intériorisation: il correspond à la phase personnelle et à la transformation interne de l’étudiant (Deum et Vanhulle, 2008, p.12).

 Potentialités de cette forme d’apprentissage :

Dans une perspective socioconstructiviste, le dispositif pédagogique de type interactionniste permet de stimuler les étudiants dans leur zone proximale de développement (Vygotski, 1934/1978). La transmission de savoirs explicites combinée à la pratique réflexive augmente la capacité réflexive des étudiants. Théories, concepts, informations, observations et expériences sont largement mobilisées dans l’élaboration d’un ePortfolio (Green et al., 2014). Selon Vanhulle et Schillings (2004, cité par Deum et Vanhulle, 2008, p.34), quatre démarches réflexives représentées ci-dessous peuvent être initiées par l’écriture d’un ePortfolio :

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"Le praticien réflexif élabore des savoirs professionnels en prenant appui sur ses représentations du métier, toujours susceptibles de se transformer, sur ses observations, sur son vécu, sur ces interactions avec ses pairs (condisciples en formation, collègues...) et sur une réflexion critique et créative à propos des théories pédagogiques et didactiques qui lui sont proposées" (Vanhulle, 2003-2004 cité par Deum et Vanhulle, 2008, p.17).

Les savoirs professionnels, résultat de cette réflexivité sont définis par Bromme et Tillema (1995), non comme une accumulation de savoirs théoriques mais une intégration et une restructuration de ces savoirs en fonction des besoins et contraintes des situations pratiques. Ces savoirs sont caractérisés par des contenus repérables et faisant références à des théories, notions-clés, mode d’explication, validation.

L’écriture, comme la parole dans les ateliers de pratique, autorise la formalisation de ces différents savoirs. L’environnement de l’ePortfolio est propice à "l’activité métacognitive et évaluative puisqu’il offre un espace d’action dédié aux écrits périphériques, autrement dit, à des écrits qui s’expriment sur l’écrit, à un faire qui s’exprime sur le faire dans un cadre dialogique" (Cros, Lafortune et Morisse, 2011, p.124). La réflexion sur ses propres processus mentaux, permet au sujet de s’interroger sur ses connaissances ou croyances de base et rend possible la transférabilité des apprentissages.

L’analyse est déductive, lorsqu’elle s’opère depuis des contenus théoriques scientifiques vers la pratique. Elle est inductive, lorsque l’analyse est faite depuis l’activité, par la pratique professionnelle à l’intérieur d’une communauté de pratique.

 Limite de cette forme d’apprentissage :

Manipulation critique et créative de connaissances

Textes conceptuels, débats, analyses de pratiques

Autobiographie

par des textes sur sa trajectoire intellectuelle, sur ses valeurs, sur le récit de sa formation

Autoguidage professionnel Analyse de ses représentations, de ses

méthodologies

Autoévaluation des compétences en voie d'acquisition

Texte faisant le point sur ses acquis, rétroactions et bilan de stage

EPortfolio

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Selon Dewey (1910, 1933), le sujet ne peut réfléchir que sur sa propre action, l’expérience n’étant pas transmissible. Pour Schön (1994) et Kolb (1984) l’analyse de l’action d’autrui est également source d’apprentissage.

Beaucoup d’apprentissages ne passent pas par la réflexivité (mimésis, transmission verbale, culturelle…).

Certaines activités imposent une réflexion avant l’action et de solides connaissances antérieures car il n’y a pas de droit à l’erreur. Ce constat remet en question l’apprentissage selon la boucle de Kolb et en particulier la notion de conceptualisation abstraite à partir d’une expérience concrète dans la pratique des soins infirmiers.

Un dispositif pédagogique basé sur la réflexivité doit être signifiant pour le sujet car il demande un esprit ouvert et l’engagement entier et authentique de l’apprenant. Dans le cas contraire, il peut être un obstacle à l’apprentissage.

La description et l’explicitation de l’activité sollicite une part importante de l’activité langagière. Les personnes allophones peuvent être défavorisées. De plus, un étudiant peut savoir décrire mais ne pas savoir analyser, ou savoir analyser mais ne pas savoir élaborer de plan d’action ou ne pas savoir évaluer celle-ci.

Le formateur a peu de contrôle sur l’accommodation réelle effectuée à moins qu’il ne soit présent lors de la mise en œuvre finale.

 Conditions pour la mise en œuvre :

Les enseignants doivent prendre en compte le niveau d’habileté technique et les besoins des étudiants (Wassef et al., 2002, p. 247).

Cros, Lafortune et Morisse, nous rendent attentifs au besoin de consignes plus précises, de retours sur les avants textes (plan, trame, analyses partielles, etc.), et de feedbacks visant la prise de conscience, par l’écrivant, des actes d’écriture (2011, p.33). Cet accompagnement par un formateur est considéré comme indispensable pour aider l’étudiant à progresser dans son analyse de pratique et ainsi envisager des pistes d’amélioration. Ce principe est défendu par de nombreux auteurs (Perrenoud, 2010 ; Coudray, Gay, 2009 ; Le Boterf, 2010 ; Naccache, Samson, Jouquan, 2006 ; Tardif, 2006 ; Bail, Le Reste & Boiteux, 2008, cités par Garnier & Marchand, 2012, p.109). L’autonomie de l’étudiant ne doit pas être un postulat de départ mais un résultat visé.L’étudiant a besoin d’être assisté dans sa démarche évaluation et d’auto-direction de ses apprentissages, la réflexivité n’allant pas de soi.

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Les expériences et le matériau colligés dans l’ePortfolio doivent être suffisamment pertinents et riches. Le contexte de travail doit être adapté aux compétences visées et permettre une élaboration ancrée de manière authentique et régulière dans la pratique de l’étudiant pour éviter une rédaction hâtive et superficielle, réduite à un pur exercice de style (Naccache et al., 2006 ; Buckley et al., 2012).

L’engagement dans le temps est nécessaire à la tenue d’un ePortfolio pour permettre la progression et le développement des capacités réflexives. L’ePortfolio devrait être utilisé aussi longtemps que possible. Le travail demandé doit être raisonnable. Les enseignants doivent limiter les contenus demandés et encourager les étudiants à fournir des données plus pertinentes que nombreuses concordants aux objectifs fixés.

L’ePortfolio faisant partie intégrante du cursus, les crédits ECTS accordés doivent correspondre au travail fourni (Buckley et al., 2012).

L’ePortfolio doit avoir des critères d’évaluation formative et certificative donnés à l’avance pour une meilleure appropriation (Deum et Vanhulle, 2008). Un principe de collégialité entre formateurs est indispensable avec des attentes communes sur les objectifs visés.

Après avoir posé mon cadre théorique, je vais maintenant décrire la méthodologie employée pour éprouver mes hypothèses et répondre aux différentes questions de recherche posées.