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5. Résultats

5.2. Analyse des entretiens

5.2.7. L’écoute

Durant les entretiens, plusieurs médecins ont insisté sur l’importance de l’écoute pour la bientraitance des patients.

a) Le besoin d’écoute des patients

La plupart des médecins interrogés ont rappelé le besoin d’être écouté, d’être entendu des patients :

66 M1 : « Ouais voilà ! C’est des personnes âgées qui voient pas souvent grand monde, souvent ils aimeraient bien pouvoir discuter un petit peu… et c’est vrai qu’on a pas toujours le temps… » ; « Alors que là, tu t’installes un petit peu, tu t’assoies, tu discutes avec eux ou… Ça fait partie pour moi de l’abord euh bienveillant si tu veux… »

M4 : « J’y passe 20 min, on discute... de son état de santé du reste… Voilà, donc j’y vais plutôt comme un soutien donc je pense que là, je m’inscris dans la… voilà enfin je pense que sans le savoir, je fais de la bientraitance… »

M5 : « C’est-à-dire qu’ils sont vraiment dans l’attente, ils ont des choses à te dire, si t’es pas… si t’es pas là pour les écouter, si tu peux pas entendre tout ce qu’ils ont à te dire en une demi-heure, parce que grosso modo une visite c’est à peu près une demi-heure, voilà ! Donc si tu peux pas les entendre, je pense qu’en ressortant… Bon eux, ils ont leurs médicaments, ils sont contents mais en fait, ils ont pas dit, ils ont pas dit donc je crois que… Ils ont pas dit tout ce qu’ils avaient à dire quoi... Je crois que moi, moi je pense que mes visites c’est ça, c’est de les écouter ».

M8 : « Oh ben, je papoterais un peu plus quoi c’est…. (rires) ça peut être intéressant parce que vous apprenez toujours des choses que vous ignoriez hein... euh même si vous les connaissez depuis 10 15 ans. Bon parfois c’est utile… et puis bon, si c’est, je dirais, amener du bien-être, bon… les gens ils aiment bien… »

M11 : « Y a un dialogue ».

M13 : « Pour discuter encore plus avec eux quoi… ils ont besoin de… enfin beaucoup souffrent de solitude et leur plainte c’est ça quoi… »

M14 :« Je m’assoie, je les écoute…C’est vraiment, je pourrais prendre le café avec eux, ce serait pareil et donc je vais les écouter, donc ils me racontent ce qu’il se passe, c’est des personnes âgées la plupart du temps, donc ils ont besoin, voilà… » ; « je pense que c’est, le temps d’écoute qui est important… Les gens, c’est ce qu’ils attendent de nous avant tout… Enfin, c’est… ils ont envie d’être entendu quand ils nous parlent… »

Pour certains médecins, c’est important de discuter d’autre chose que la santé du patient : M4 : « On discute... de son état de santé du reste… »

M13 : « Prendre le temps, d’écouter, de m’assoir, d’échanger sur… sur leur quotidien en fait ! C’est ça qui… et après la pathologie vient dessus… Mais sur leur quotidien, comment, comment ils vivent, ce qu’ils attendent… souvent c’est des personnes âgées ou grabataires donc je… plus leur ressenti sur leur vie, sur leur vie quotidienne… et puis ben la prise en charge de la santé, enfin mon domaine particulier d’expertise vient se surajouter en plus…»

67 M14 : « Et puis on dit des choses, « Et le mari ? Et les enfants ? Les p’tits machins ? Les trucs ? » etc. Je connais bien leur histoire maintenant […] et puis un moment donné on va arriver sur le côté médical à proprement parler, mais finalement ils y viennent tranquillement quoi… »

b) L’écoute permet une meilleure prise en charge

Quelques médecins ont souligné le fait que l’écoute permet parfois de faire gagner du temps en ayant une meilleure compréhension de ce que souhaitent les patients.

M6 : « Alors où j’ai eu effectivement l’impression de me cantonner à un rôle, je dirai strictement médical pour que les choses se passent bien et en me disant j’aurai pu éventuellement, soit prendre un peu plus de temps ou être un peu plus à l’écoute, voilà, pour élargir un peu le concept de… enfin j’allais dire de santé ou de prise en charge de la personne mais pas que au côté physique »

M8 : « Ça peut être intéressant parce que vous apprenez toujours des choses que vous ignoriez hein... »

M4 : « Je pense qu’il faut laisser parler déjà... Comme ça tu arrives un petit peu à savoir ce qu’ils veulent... enfin où ils veulent en venir… »

Cela permet parfois de limiter la prescription médicamenteuse.

M14 : « Quand on les écoute on sait exactement ce qu’ils veulent finalement donc on perd pas de temps à leur donner un truc qu’ils, de toute façon, ne prendront pas… donc c’est finalement on gagne du temps… »

c) Les limites de l’écoute

Etre à l’écoute des patients demande du temps, que le médecin soit disponible physiquement mais aussi psychologiquement :

M2 : « On est pas très bien quoi ! Mais bon, on essaye de pas le montrer non plus quoi ! » M6 : « Ça effectivement ça arrive dans, plus dans certaines périodes où on est… soit parce que soit on est soi-même, on est pas psychologiquement disponible à ce moment-là pour des raisons qui peuvent être personnelles… Ou alors pour des raisons de, d’emploi du temps, quand c’est un peu la course effectivement, du coup, on est un peu plus l’œil sur la montre et on est, du coup, peut-être un peu moins, un peu moins ouvert, un peu moins disponible… » M6 : « Donc quelques fois, la rançon c’est qu’on est un peu en retard et ça déborde parce que il y a quelques fois des imprévus »

68 M5 : « Si t’es pas là pour les écouter, si tu peux pas entendre tout ce qu’ils ont à te dire en une demie heure »

Pour M13, le fait de prendre plus de temps pour discuter avec le patient n’est pas forcément le rôle du médecin : « Donc, mais c’est pas forcément mon rôle de médecin de… faire la causette (rires) plus longtemps avec les patients, mais euh… »

M8 rappelle par ailleurs que tous les patients n’ont pas ce besoin de discuter : « bon… les gens ils aiment bien, certains, pas tous ! »

L’une des principales limites de l’écoute, pour M14, est que les médecins ne sont pas formés à écouter leurs patients : « On nous apprendrait en tout début de cursus à écouter les gens, à nous assoir à côté d’eux, à les écouter euh ben ça serait évident quoi… ». Pour lui, c’est sur ce point qu’il y a des progrès à faire pour la bientraitance des patients : « Je pense que là où les médecins aujourd’hui ont le plus d’effort à faire, c’est sur l’écoute des patients ».

L’écoute est un point fort dans la relation de confiance médecin-malade et dans la bientraitance du patient. Plusieurs médecins ont rappelé le besoin qu’ont les patients vus à domicile d’être écoutés et surtout entendus. Pour certains praticiens, il faut être capable de prendre le temps de discuter avec eux d’autre chose que de leur santé (leur quotidien, leur famille…). L’un des médecins souligne que ce n’est pas non plus le rôle du médecin traitant de « faire la causette » aux patients. Un autre rappelle que tous les patients n’expriment pas ce besoin de discuter. L’écoute peut, par ailleurs, permettre de gagner du temps en ayant une meilleure compréhension des attentes des patients, ainsi elle permet parfois de limiter les prescriptions médicamenteuses. Cependant, cette attitude d’écoute demande au médecin d’être disponible physiquement mais aussi psychologiquement. L’une des principales limites de l’écoute reste, pour M14, que les médecins ne sont pas formés à écouter leurs patients mais bien à les interroger. C’est donc sur ce point que les médecins ont le plus d’effort à fournir.